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Poèmes de Nadine Lefebure

Nadine Lefebure, grande figure de la poésie contemporaine, a publié ses premiers textes dans des revues d’avant-garde
(Les Réverbères, La Main à plume, revues surréalistes sous l’Occupation).
Elle est une personnalité aussi forte que discrète.

« L’envers de cette chambre éblouie »

 
Poèmes inédits, du cycle Chambre
(dont une partie est parue dans " De l’hier au demain, "
éd. du Petit Véhicule, 2011)


Illustration de Christian Deudon

A celui qui en approchera le seuil
je dévoile l'envers de cette chambre éblouie.

I

Dans cette cité, des jets d'eau sortaient parfois du sol sans raison apparente. On avait cerclé de rouge chaque pied de jeyser, et sur les places ensoleillées, flaques et reflets se donnaient à voir.

Au détour des campagnes, les routes logiques et diaprées abattaient les curieux qui atteignaient ces lieux interdits.

II

Des gens que personne ne connait ont frappé hier soir à la porte de sortie d'une maison où s'enterrent ceux que rien ne limite.

Ni dans la vie ni dans le train, on ne rencontre jamais ce qu'on voudrait mettre à la place des silences, et ces gens ont eu leur chance un jour de grand soleil: les volets étaient tirés, une seule raie de lumière acclimatait le monde.

Ils ont trouvé ensemble un chemin de sable qui montait au grenier. Dans une salle, ils ont découvert des galets, et comme personne ne les connaissait, ils ont trouvé bon d'écrire leurs noms en alignant et disposant avec soin ces cailloux polis par les flots.
Dans un pays que personne ne connaissait, des gens sont venus frapper à la porte de  sortie d’une maison aux volets fermés.

III

Ici chaque matin la géographie de la lumière viole les fenêtres ouvertes. Dès l'aube, des cocons de métal glissent à l’envers des nuages.

À mi-chemin entre ciel et ciel, entre louve et bergerie, la volupté se referme et dévore les soudures de l'être. Alors, animal tari par la gestion des sources, l'être germinal décante ses ombres.

Dans les près, des fleurs appelées ombelles tapissent la venaison printanière. Sujet à confusion: j'ai vécu un temps sur un instant d'absence totale.


IV

En ce temps là, au lieu d'ouvrir leur porte à leurs gerbes de fougère, je clouais mes yeux sur les murs comme une collection de papillons.

Les femmes qui passaient ouvraient de grandes ailes noires et la mienne couchait au pied de mon lit comme chien ou chat fidèle, filtrant le jour jusqu’aux plaies de soie ou de papier. Sur le mur de ma chambre, couraient des milliers de fleurs banales à en mourir, dont j’arrachais les pétales avec les dents.

Puis j'entrais dans une vaste guirlande et prenais place au bal des crucifiées.


« Pour un lever de terre. » Extraits de Plains-Chants
(Éditions du Petit Véhicule, 2012. Illustrations : Jean Neuberth)



XI

Voici les chœurs
et l’heure de la vérité
et l’annonce faite à toutes les Marie.
Voici avec les chœurs la mise en demeure d’amour
                               les prémices d’une ferveur guerrière.
Suivront les fruits et les fugues de la tendresse
la genèse de la caresse
la généreuse géhenne, la guérisseuse
glisseuse fileuse à la demande, herbeuse à la réserve
                                                          à la douleur
                                                                             à la clameur

Écoute
Le dialogue s’élabore
Et tu crois me parler et c’est ta voix qui me pénètre sœur de ton corps, ta voix...
Le cycle du corps à corps, tempe contre tempe, la voix, la lenteur qui se livrent combat la fougue, la fibre qui se retourne et triomphe la volonté bouchère de la raison le délire qui bat sa cadence
                                                          et met bas les armes
                                                                                     face à la danse du sacre
 

XV

Fauve sera la danse
Fauve roulant ses hanches en bordure de brousse Fauve la morsure et toutes griffes dehors la chaleur du sang
                                                                     qui bat au flanc des falaises
Fauves les arrachés de la chair, les muscles comme un arc et les grottes, les plis, l’aisselle, les niches
où s’abritent, se dressent ad aeternam les vierges, les saints d’albâtre et d’airain
                                                                     de glaise et de métal
que l’on taille au ciseau ou pétrit à la hache
                                                                     que l’on moule du doigt
Fauves seront les routes poudreuses de la chevauchée brûlantes et rares les fontaines vives,
fluctuantes les steppes, la lande et le désert
                                 qui chavirent aux horizons et les lourdes forêts qui délivrent leurs clairières
                                                                      et leur bois mort.

Oui, fauve sera notre campement autour du bûcher
Et la tente ronde que nous planterons demain nous trouvera lovés enlacés autour du mât central

***
Mais veuve je suis déjà, d’avance, de ces lendemains.
Veuve de ces feux d’enfer et d’artifice
                                                                       qui font aujourd’hui l’amour


XXV

Je volerai sur les ailes de la soif :
ainsi ai-je encore parlé sans savoir pourquoi.
Boire avec les bêtes sauvages ou dans un dé d’argent à la rivière à la Volga
à la mare, au marigot, à la fontaine qui changera ce dé en or soif
d’orange amère et de fruits aux yeux d’amande.
Je porterai la corbeille - nous plongerons à pleines dents
et quand j’en serai à remonter le lit des cascades
                                     le lit des alizés et quand tu m’auras
fait prendre le vent
                                     et le perdre aux quatre ciels
quand tu auras lancé, forgé ta flèche et quand le soleil serait ta cible
Toi, diras-tu,
l’assoiffée, la désaltère, la rassasiée les bras en croix
                                             tu t’abattras dans le chœur
                                             la tête battant aux quatre coins du temple
                                             toi délivrée, exhaussée
Moi, dit-elle, ton lys et ta jument, ton carpeau
et ta colombe moi, ton cygne blanc, toi la vigne où je bois
                                             mon arbre à pain - roseau, taureau ou serpent toi le séquoia
                                             et sa pénombre
Le verre sera notre emblème
                                   il sera lisse et nu et dur
                                   il sera pur et sans nervure sans contour et sans fin
A la taille de l’Univers où nous serons pris empalés enlacés à genoux
jusqu’à l’Éternité.


XXXIII

Tu me fais
             je deviens
                        le moulin à prière
                                             la voile
                                                       l’orgue
qui moud le grain - la semence qui prend la brise
à ton souffle qui musique les sphères.
Tu fais de moi une prière austère
                         je mouds l’espace / les bras en ailes qui battent    / les plaines de l’air
Ascensionnelle je pénètre ton rêve méridien des abîmes aux sommets
réduits à fleur de terre il ne reste qu’un drap une couche de feuillage,
de rivière les bras en croix en ailes, je tournoie droite dressée paupières fermées

                                               tournée vers toi
                                               météore et luminaire.


LX

J’ai retrouvé l’Océan et son innocence plénière la fuite
sans ride des eaux encalminées £t le sourire des lames
qui renvoient leur mystère à l’immensité
                                      aux rochers
                                           aux sables enlacés
Contre les pardons en pierre
                     les genoux sur la terre
j’ai retrouvé l’océan qui avait déserté

                     les campagnes de mon imaginaire
                                   Et j’oublie jusqu’au nom de celui • dont je fus la proie
                                   la douce
                                             et la panthère.
Grâce soit au souffle, aux vents, aux alizés qui tour à tour reviennent,
                                             et tombent
                                                 et se déchaînent
                                    CAR PLUS GRANDE QUE NATURE EST LA MER



« Ce chant est un chant prophétique qui pourrait trouver sa source onirique dans les runes celtes. (…) Le poète est une femme arbre, une femme source de l’éternité.  (…) Il me semble que ce Plains-Chants imagine notre univers avant que la mélancolie ne laisse sur le monde sa part de chagrin car l’oubliance est le lit muet des entrailles, qu’il est un poème païen ouvrant ses portes à la mystique du ciel. Nadine est une femme sauvage qui parle dans ce livre et qui cherche la paix dans l’amour et le sens des mots dans les veines du langage. »

Ces notes extraites de la préface de Luc Vidal saisissent parfaitement la nature de la poésie de Nadine Lefebure. C’est un souffle ample, primordial, orphique qui traverse les poèmes de cette amoureuse de la mer et gonfle leurs voiles comme le vent du large, ouvrant tous les horizons vers l’éternité du verbe.



Contes de l’Air et de l’Eau
,Éd. Main à plume, 1942.


Partances, poèmes en prose
,
Éd. Caractères, 1952 (illustrations de Saint Maur) – réédition 2014.


Les Portes de Rome
, Gallimard, 1956 (prix de la Guilde du livre, 1955).


Les Sources de la mer
, Gallimard, 1957.


Visages des grands marins
, Éditions du Sud, 1964.


Le Chemin de Lato
, roman poétique, Jean-Jacques Pauvert, 1975.


Marins célèbres
, Éditions du Pen-Duick, 1982.


Femmes océanes
, Éd. Glénat, 1996.


De l’hier au demain
,Éd. du Petit Véhicule, février 2011 (illustration de Christian Deudon- commande via internet).


Plains-Chants
, Éditions du Petit Véhicule, 2012 (illustrations de Jean Neuberth)


COLLABORATIONS
Mon village sur la banquise, éd. Robert Laffont.
L’Énergie et ses secrets, éd. Fernand Nathan.
Mémoire du Titanic, éd. Les Sept Vents.

THÉÂTRE
Mise en scène d’une pièce de Guelderode.
Mise en scène du Chemin de Damas de Strinberg. au théâtre du Vieux-Colombier.
Adaptation de La Nouvelle Héloïse. pour le bicentenaire de la mort de Jean-Jacques Rousseau.

CARRIÈRE RADIOPHONIQUE FRANCE CULTURE
Auteur d’une cinquantaine de dramatiques et de centaines d’émissions sur des sujets divers : littérature, poésie, histoire des sciences, grands anniversaires (Kipling, Gandhi, Bougainville, Cook, Jacques Cartier, Romain Roland, Alexandra David-Neel...).

LIENS
Présentation sur le site des Les Amis de Jean Neuberth.
Présentée à Francopolis par André Chenet en juin 2012.
Anime avec Christian Deudon le Territoire du poème depuis plusieurs années.
Salon de lecture 
Nadine Lefebure 
recherche Dana Shishmanian
décembre 2014



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Créé le 1 mars 2002

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