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Janvier - Février 2018


Dominique Zinenberg - D'amour la fulgurance.

 

Extraits d’un recueil inédit

 

I

 

Je me risque à balbutier

Dans les ténèbres de la langue

Des mots d’usage et d’abstraction

Je lance au vent mon babil

Qui se dévide, vole et se perd

Dans les ouragans, les abysses

Je deviens gouffre et caverne

Et l’écho des mots dans ma chair

Arrache des cris outre-mer.

Langue de vulve volcanique

D’arbrisseaux frôlés par le vent

D’éboulis et lapidation

Lave d’étreintes et de secrets

Lovant des airs à peine éclos

Oui, des palpitations

D’amour

S’échappent de mon souffle court

La langue est arête du nez caressé par des doigts de fée

Et volupté de baisers qui s’égarent dans nos nuages

S’évaporent dans les pensées

Et fondent au soleil du soir

Quand on se risque

À balbutier.                                                                        

 

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Roselyne Fritel, Typhon (monotype, 2017)

 

 

II

 

Faire silence

Respirer

Douleur de l’oubli

L’arrière du monde est houle

 

S’appuyer à l’arbre

Soupirer

Douleur du manque

L’arrière du temps est poids

 

Écouter

Sourire

Bruissements des sphères

Ce qui avance est tremblement

 

Se détendre

Pleurer

Regard tendu vers la joie

Ce qui avance est frondaisons

                         

Ma main tendue vers toi

Ma main tremblant sur toi

Est rencontre de l’avenir

Couleur pistache.

 

 

III

 

Dans les recoins

Le temps-poussière

Sang séché

Cris étranglés

Regards oubliés

Luttes sculptées dans le ciel

Strophes et stances atrophiées

Et rien qu’un signe

Pour qu’à l’encoignure

D’un rêve

Soudain

Gicle l’amour

Plus fort qu’une prière ou qu’un vœu

Se lève en nous l’amour

En nous,

Avant le temps-poussière

En nous il se soulève

L’amour dans l’os même

Après, bien après

Notre dispersion

Notre temps-horizon

Notre non temps

 

Jusque dans les recoins.

 

 

IV

 

S’il fallait s’échapper

Par quelle porte partir ?

 

Le soir est un étau

La mélancolie un tombeau

Les baisers sont de poudre et poussière.

 

Et deviner l’ajour, le risque, la fêlure

Châtier d’avance ce qui devra finir

Est-ce être sage ou fou ?

 

Ne pas connaître pour ne pas pâtir

S’enfuir, errer, renoncer à jamais

À nos regards et nos baisers si doux

Est-ce échapper ou bien plutôt

Mourir ?

 

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Roselyne Fritel, Voyage en Antarctique (monotype, 2017)

 

 

V

 

Nocturne aux syllabes de chair

Aux notes telluriques

Magma magnétique des ondes

Voix étreignant

Ceignant les prairies de lumière

L’horizon fauve des accords

(même perdus)

Renverse la vie

Bouleverse l’ouïe

Est coudrier pour nos pores magiques

Fluide de sève à nos bouches assoiffées

 

Les désirs saignent et nous scellent dans l’ombre

 

Et nous goûtons nos corps à corps perdus.

 

 

VI

 

Sans toucher terre

Odeurs de ton corps

Goût de ta voix

Je me souviens des baisers

De la fixation de l’île

Territoire de l’intime

Nos yeux

A la

Verticale.

 

 

VII

 

Avec toi, oui, avec toi

Je me multiplie.

 

Des cœurs, ô beaucoup

Kyrielle de cœurs pour t’aimer

Des pensées, ô beaucoup

Essaim de penser pour t’aimer

Des visages, ô beaucoup

Amas de visages pour t’aimer

Des corps, ô beaucoup

Escadre de corps pour t’aimer.

 

Ô renaître

Et beaucoup

Puiser la vie,

Le feu

Tous les rivages

Ô beaucoup

Pour t’aimer.

 

Avec toi, oui

La clarté

Ô beaucoup

Le ravage

Ô beaucoup

 

Dans l’énigme

Du miracle

Qui me multiplie.

 

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Roselyne Fritel, La fournaise (monotype, 2017)

 

 

VIII

 

Le temps a suspendu son muscle de puissance.

 

Ascension dans la futaie du risque,

Je respire.

Parenthèse qui bouscule,

L’infini se répand

Dans ma gorge

                                     En mots d’amour.

 

L’horizon s’étire, élastique :

Un ventre, un monde

Force fœtale

De la mer amniotique.

 

Le corps-monde est devenu totem

Ou

Banian possible

                                 Rêvant oiseaux

Chevelure ou autel pour rite de paille.

 

Et nous, rondeur parfaite,

 

                  Saveur

 

                                 Par-delà le bleu du ciel

 

Cil de l’âme traversant l’écart,

 

Nous nous aimons.

 

 

IX

 

Noyau d’ambre et de jais

 

                                              Noyau-geste

           

                      Atome-passion

 

Genêt peut-être

 

                                  Gîte de gemme

 

Draperies

Jusqu’à l’aube                  j’ai.

 

 

Noyau … juste l’épure

De toi

De moi

 

Jet d’absolu dans tes prunelles

 

Outre mesure des gerbes

De lumière

Liane inclinée

 

Humble est la terre

 

Et

 

Ô merveille

Voilà qu’il a chanté

Le geai !

 

 

X

 

À l’aube le bonheur

Est invisible et pur

Il est comme une aura

Qui frôlerait le monde

Il est suspens du souffle

Et vague qui se meurt.

 

(C’était à l’aube

Et le bonheur régnait,

Si pâle dans son voile de tulle

Et d’abandon.

 

Tu me tenais serrée

Dans tes bras endormis

Tu rêvais et ma vie

Avait l’étoffe de ton rêve

Elle devenait légère,

Si haute et si parfaite

Entre tes bras

Abandonnée.

 

C’était à l’aube

Chair à peine éclose

Paupières encore scellées

Et toute chose

Contre toi

Prenait sens et douceur.)

 

A l’aube le bonheur

Est un roseau si frêle

Qu’il plie avec

Une grâce infinie

Il joue avec l’ombre

Et s’empare de l’air

Si limpide et si pâle

Son aura qui frémit

Dans la gloire d’amour

Est plus claire qu’un regard,

Plus vaste que la terre.

 

©Dominique Zinenberg

 

 

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Roselyne Fritel, Tagrera (monotype, 2017)

 

***

dOMINIQUEzINENBERG

Poète, essayiste, critique littéraire, membre active du comité de lecture Francopolis, ainsi que du Buffet littéraire animé par François Minod, Dominique Zinenberg a publié des poèmes et des textes en prose poétique dans les revues Friches, Arpa, L’arbre à paroles, Paysages écrits, Levure littéraire, VOIX. Elle publie régulièrement des études et des poèmes dans Francopolis (précédente présence au salon de mars 2014). Elle est l’auteure de 2 recueils parus aux éditions du Cygne : Fissures d’été, 2014 (chronique par France Burghelle Rey dans Recours au poème), Les feuillets d'obsidienne, 2015.

Roselyne Fritel est poète, chroniqueuse, artiste plasticienne. Elle a collaboré au site La pierre et le sel et a créé ensuite son blog de poésie Le temps bleu. Présence à Francopolis : salon de lecture, créaphonie. Les photos des monotypes reproduits ici ont été prises lors de l’exposition collective « L’estampe : l’impression révèle l’image » aux Ateliers d’Art de Saint-Maur les Fossés (26 janvier - 4 février 2018).

 

 

 

 

Salon de lecture
Dominique Zinenberg

janvier-février 2018

 

Créé le 1 mars 2002

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