Le
Salon de lecture
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Janvier - Février 2018
Extraits d’un recueil inédit I Je
me risque à balbutier Dans
les ténèbres de la langue Des
mots d’usage et d’abstraction Je
lance au vent mon babil Qui
se dévide, vole et se perd Dans
les ouragans, les abysses Je
deviens gouffre et caverne Et
l’écho des mots dans ma chair Arrache
des cris outre-mer. Langue
de vulve volcanique D’arbrisseaux
frôlés par le vent D’éboulis
et lapidation Lave
d’étreintes et de secrets Lovant
des airs à peine éclos Oui,
des palpitations D’amour S’échappent
de mon souffle court La
langue est arête du nez caressé par des doigts de fée Et
volupté de baisers qui s’égarent dans nos nuages S’évaporent
dans les pensées Et
fondent au soleil du soir Quand
on se risque À balbutier. Roselyne Fritel, Typhon
(monotype, 2017) II Faire
silence Respirer Douleur
de l’oubli L’arrière
du monde est houle S’appuyer
à l’arbre Soupirer Douleur
du manque L’arrière
du temps est poids Écouter Sourire Bruissements
des sphères Ce
qui avance est tremblement Se
détendre Pleurer Regard
tendu vers la joie Ce
qui avance est frondaisons Ma
main tendue vers toi Ma
main tremblant sur toi Est
rencontre de l’avenir Couleur
pistache. III Dans
les recoins Le
temps-poussière Sang
séché Cris
étranglés Regards
oubliés Luttes
sculptées dans le ciel Strophes
et stances atrophiées Et
rien qu’un signe Pour
qu’à l’encoignure D’un
rêve Soudain Gicle
l’amour Plus
fort qu’une prière ou qu’un vœu Se
lève en nous l’amour En
nous, Avant
le temps-poussière En
nous il se soulève L’amour
dans l’os même Après,
bien après Notre
dispersion Notre
temps-horizon Notre
non temps Jusque
dans les recoins. IV S’il
fallait s’échapper Par
quelle porte partir ? Le
soir est un étau La
mélancolie un tombeau Les
baisers sont de poudre et poussière. Et
deviner l’ajour, le risque, la fêlure Châtier
d’avance ce qui devra finir Est-ce
être sage ou fou ? Ne
pas connaître pour ne pas pâtir S’enfuir,
errer, renoncer à jamais À nos regards et nos baisers si doux Est-ce
échapper ou bien plutôt Mourir ?
Roselyne Fritel, Voyage
en Antarctique (monotype, 2017) V Nocturne
aux syllabes de chair Aux
notes telluriques Magma
magnétique des ondes Voix
étreignant Ceignant
les prairies de lumière L’horizon
fauve des accords (même
perdus) Renverse
la vie Bouleverse
l’ouïe Est
coudrier pour nos pores magiques Fluide
de sève à nos bouches assoiffées Les
désirs saignent et nous scellent dans l’ombre Et
nous goûtons nos corps à corps perdus. VI Sans
toucher terre Odeurs
de ton corps Goût
de ta voix Je
me souviens des baisers De
la fixation de l’île Territoire
de l’intime Nos
yeux A
la Verticale.
VII Avec
toi, oui, avec toi Je
me multiplie. Des
cœurs, ô beaucoup Kyrielle
de cœurs pour t’aimer Des
pensées, ô beaucoup Essaim
de penser pour t’aimer Des
visages, ô beaucoup Amas
de visages pour t’aimer Des
corps, ô beaucoup Escadre
de corps pour t’aimer. Ô
renaître Et
beaucoup Puiser
la vie, Le
feu Tous
les rivages Ô
beaucoup Pour
t’aimer. Avec
toi, oui La
clarté Ô
beaucoup Le
ravage Ô
beaucoup Dans
l’énigme Du
miracle Qui
me multiplie. Roselyne Fritel, La
fournaise (monotype, 2017) VIII Le
temps a suspendu son muscle de puissance. Ascension
dans la futaie du risque, Je
respire. Parenthèse
qui bouscule, L’infini
se répand Dans
ma gorge En mots
d’amour. L’horizon
s’étire, élastique : Un
ventre, un monde Force
fœtale De
la mer amniotique. Le
corps-monde est devenu totem Ou
Banian
possible Rêvant
oiseaux Chevelure
ou autel pour rite de paille. Et
nous, rondeur parfaite, Saveur Par-delà le bleu du ciel Cil
de l’âme traversant l’écart, Nous
nous aimons. IX Noyau
d’ambre et de jais
Noyau-geste Atome-passion Genêt
peut-être Gîte de
gemme Draperies Jusqu’à
l’aube j’ai. Noyau
… juste l’épure De
toi Jet
d’absolu dans tes prunelles Outre
mesure des gerbes De
lumière Liane
inclinée Humble
est la terre Et
Ô
merveille Voilà
qu’il a chanté Le
geai ! X À l’aube le bonheur Est
invisible et pur Il
est comme une aura Qui
frôlerait le monde Il
est suspens du souffle Et
vague qui se meurt. (C’était
à l’aube Et
le bonheur régnait, Si
pâle dans son voile de tulle Et
d’abandon. Tu
me tenais serrée Dans
tes bras endormis Tu
rêvais et ma vie Avait
l’étoffe de ton rêve Elle
devenait légère, Si
haute et si parfaite Entre
tes bras Abandonnée.
C’était
à l’aube Chair
à peine éclose Paupières
encore scellées Et
toute chose Contre
toi Prenait
sens et douceur.) A
l’aube le bonheur Est
un roseau si frêle Qu’il
plie avec Une
grâce infinie Il
joue avec l’ombre Et
s’empare de l’air Si
limpide et si pâle Son
aura qui frémit Dans
la gloire d’amour Est
plus claire qu’un regard, Plus
vaste que la terre. ©Dominique Zinenberg Roselyne Fritel, Tagrera (monotype, 2017) ***
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de lecture Créé le 1 mars 2002 A visionner avec Internet Explorer |