Casablanca
"by night"

le minaret de la grande mosquée dans
la brume
dix neuf heures trente, une soirée d'automne. La lumière
écrasante à fait place à cette tendre vibration
de l'air, lorsque le tremblement d'une feuille raconte l'éternelle
histoire du vent. La nuit se pare du parfum bon marché
des premières filles de joie que les taxis carminés
et toussotants d'avoir couru toute la journée déversent
par flots réguliers sur le boulevard de la corniche. Sous
les halos de lumière blafarde, les embruns de la mer accourent
pour les renifler et exsuder le ressac des vagues en un râle
de plaisir chargé d'une haleine d'algues, grisant les premiers
promeneurs en quête d'une suspension du temps loin du cœur
battant de la cité blanche et de ses tracas. De temps à
autre un rire ou une voix résonnent à ma hauteur
puis s'éloignent à petits pas, me livrant au silence
feutré de ma promenade nocturne. Toute chose qui m'entoure
devient plus intimement présente dans la douce chaleur
qui s'étire paresseusement avant les premiers frimas. La
mer, engourdie et immense s'assoupit un instant avant d'être
réveillée brusquement par le vol criard d'une poule
d'eau audacieuse qu'elle fustige d'un crachat d'écume blanchâtre.
Mes pensées vagabondent au dessus des vagues, rasant l'onde
au rythme de ses ailes qui dissolvent en un battement les nuages
, les lumières et les maisons de Sidi Abderahmane bizarrement
réduits à un vague gribouillis aqueux.
Une voix douce résonne d'un "bonsoir"…et
la mer se retire, farouche, dans la brume, rétractant mes
pensées qui rampaient au gré des vagues, décrassant
d'une brise légère les formes vacillantes qui se
dissolvaient dans l'eau. Je réponds d'un sourire à
l'onde qui s'engouffre dans la volupté de ton regard et
l'on s'éloigne sans mot dire laissant la nuit, réveillée
par les battements de nos cœurs sincères, recouvrir
la ville de son manteau de brume. Seul , le minaret de la grande
mosquée demeure.
Khalid Benslimane

la grande mosquée Hassan II vue du port

Sidi Abderhamane - Marabout sur une petite île au bord
de la corniche |