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Archives : Vue de Francophonie

Septembre-octobre 2023

 

 

Claude Luezior : Au démêloir des heures.

Éditions Librairie-Galerie Racine (avril 2023, 94 p., 15 €).

Postface Alain Breton

 

Lecture par Michel Bénard

(*)

 

 

Couverture par Diana Rachmuth, architecte et artiste-peintre

 

 

Bousculer l’ordre établi – préserver l’innocence

Après son remarquable ouvrage – Sur les franges de l’essentiel, suivi d’Écritures – Claude Luezior nous revient avec une œuvre clé de haute et forte densité – Au démêloir des heures – un temps de questionnement qu’il dépose devant nous entre la vie, la survie et la pertinence de la folie. « C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fou » – nous rappelle Érasme, lorsque « L’esprit de l’homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité. »  

Le rêve nous transporte toujours au-delà de nous-même, il surpasse le commun et nous place devant le miroir aux illusions. Le poète nous le confirme, nous vivons dans un monde masqué de doute, la permanence d’une pantomime, juste est de constater que le carnaval est permanent au pays des bouffons.

Claude Luezior donne la cadence à ses vers ainsi qu’il ressent le rythme de la vie, dont les rituels barbares ne sont jamais très éloignés. Notre poète déploie ce don d’user de subtiles métaphores, son langage se déroulant dans un rythme fractionné, se veut parfois quelque peu hermétique et pourtant il se fait révélation.

Dans les rêves mystérieux de la nuit scintille toujours une petite lueur « scories » repoussant les impossibles, les interdits où le poète va toujours au-delà des silences.

Le temps, éternel dilemme, si long et pourtant si fuyant, ne cesse de nous surprendre. Le poète le confirme, ça le rassure, il serait bon d’écarter l’heure qui bat au rythme du cœur. L’existence ne laisse parfois même plus le temps du rêve, il passe silencieux et déjà il s’efface. « Le temps de se perdre de suspendre son vol.../... »

Claude Luezior a son mode d’expression, son code d’écriture, il nous surprend, nous atteint en revers par la bande, il faut savoir et pouvoir mériter sa poésie, elle ne se donne pas, comme une jolie femme elle se livre au jeu des désirs «.../... paradis des sirènes ? » 

La poésie ne porterait-elle pas ses accents de folie d’orgueil et de vanité, dansant avec les bouffons et les farfadets. Cependant ne nous méprenons pas, elle nous oriente toujours vers la vérité, qui transmute dans l’athanor de l’alchimiste-poète, avec en perspective ce vieil espoir de voir la parole se transformer en or.   

Parfois Claude Luezior s’abandonne, il se libère, il conjure le sort et défie les outrances, les démesures, il joue de la dérision et provoque les marabouts de toutes obédiences, jusqu’à la délivrance.

Amoureux inconditionnel de l’art et de la peinture, notre ami nous brosse d’étranges scènes en variations multiples, il compose des requiem, des aubes neuves, des horizons nouveaux : « la lueur déchire les tulles de l’horizon c’est l’outrage ». Il ose parfois le sacrifice jusqu’à la décapitation du soleil sur un horizon sanglant.

  Par la poésie il est possible de créer un monde étrange et singulier, de renverser les codes, d’ouvrir les portes du fantastique et de l’imaginaire : « Le fou des cartes en mon royaume aurait-il les clefs ? »

Claude Luezior joue avec la transgression, outrepasse les règles, déambule comme un somnambule ébloui qui bouscule l’ordre établi.

Le temps du grand questionnement s’impose, tout est vulnérable, par la parole cryptée le poète serait-il le gardien inconscient d’un langage rescapé, serait-il le conservateur des anciennes connaissances, des anciens savoirs – alors que tout va sombrer dans le despotisme de l’intelligence artificielle et de la numérisation qui s’effacera probablement dans vingt ou trente ans ! Jamais la mémoire ne fut autant en péril. « Tant que nos osmoses partagent leur destin nous recréerons l’éphémère. » Nous sommes dans un monde en perte de mémoire.

Restons sur le degré de la dérision et si les tatouages étaient les garants d’une certaine mémoire des signes et des sentiments : « devant moi cette présence tatouée d’encre mutante »

Le poète a ce besoin de préserver sa part d’innocence, d’étonnement, tel un enfant il boit au sein de la vie, symbole de pureté parfumé d’encens comme une chevelure de femme.

Puisse encore Claude Luezior nous conduire sur les voies détournées allant jusqu’ « Au démêloir des heures » où nous boirons aux sources de la lumière et de l’éloquence.

Nous pourrons croire alors que « Ce fut le jour d’après le grand silence : un jour d’apothéose, peut-être. »

 

©Michel Bénard

 

 

(*)

 

Voir le choix de textes du recueil et sa présentation dans nos rubriques Gueule de mots (sous le titre Hagards, prisonniers de nos rêves), au numéro de mai-juin, et les Annonces de la même période.

 

 

Claude Luezior lu par Michel Bénard

Vue de Francophonie, septembre-octobre 2023

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