Ce livre de Claude Luezior
est une manière de retour aux sources de la littérature et de la poésie
car l’écrivain fribourgeois nous rappelle dans son Avant-dire (et non pas Avant-lire !) que la poésie est avant tout orale.
Oralité au bord du feu, héritage des bardes et chamans.
Ainsi, a-t-il intitulé
fort judicieusement Clames ce
livre qui se lit à voix haute et dont les mots sont destinés à être mis
en espace, petits lutins syntaxiques s’affranchissant du douillet
couffin blanc de leurs feuillets. C’est aussi une manière originale
d’aller à la rencontre d’un auteur atypique dont l’imaginaire poétique
magistral nous invite à une farandole d’images et de paysages somptueux.
Ici, les mots virevoltent et savourent cette liberté aérienne, faite de
sonorités et de vibrations de partage : « …les clamer, dans leur nudité
naturelle, leurs assonances, leur boléro ». On se délecte à
les entendre croustiller, pâte craquante dans notre bouche pour leur
offrir le précieux réceptacle de conques d’oreilles en quête de
luminosité acoustique et d’une écoute habitée.
Comme pour ses précédents ouvrages,
l’orpailleur du verbe nous entraîne dans une gourmandise syntaxique en
jouant sur les touches du clavier. Il en ressort une musicalité
harmonieuse et ludique car l’écriture est aussi un jeu…
d’orfèvre : « Quand le
oui/ n’est plus non/ et que le oui a un nom… » Baladin et
saltimbanque de l’oralité retrouvée, le poète titille sa muse qui
s’amuse et s’acoquine de son coquin de troubadour maniant l’humour, tel
un jeu tout en finesse et sensualité : « N’en déplaise/ à tes aréoles/qui m’affolent… » Ritournelle
chaleureuse de vers qui pourraient très bien prendre la forme de
chansons ? Écriture parfois à la Maurice Carême avec une poésie
qui peut se dire dans tous les
sens. Je vous l’avais confié, Luezior slame et surtout clame bien
haut : la poésie est de retour et ne mâche… pas ses mots !
Derrière sa moustache épicurienne et sa pipe de sage bienheureux, Luezior
fulmine devant les tabloïdes de la barbarie qui parsèment son jardin de
ronces et de chardons en chevaux de frise : « Et poignardent/ et décapitent/
l’autre/ le frère/ même/ le leur/ le vôtre. »
Les mots dits ont souvent
la force du brûlot lorsqu’ils n’hésitent pas à sortir du nid calfeutré
de leurs pages blanches pour étreindre nos âmes et parler à nos cœurs.
Clamer son innocence coupable de mots si élégamment dits… Le poète
avoue mais ne se dédit pas. Voilà qui est bien dit !
©Laurent Bayart
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