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Archives : Vue de Francophonie

 


Janvier-Février 2021

 

« Vendanges de verbes »

 

Poèmes inédits de Claude Luezior

 

Suivis d’une note de lecture de Michel Bénard

au recueil Golgotha

 

Photo de Dana Shishmanian

 

 

 

Langues étrangères

 

terres promises

 

ici chavirent

les géographies

 

 

Vendanges

 

la libraire

polyglotte

se faufile

parmi les auteurs

qu’elle a épousés

une fois pour toutes

en noces

païennes

 

éclaboussures

et accents décoiffés

mots forts

tels des colchiques

mots

qui éternuent parfois

fées vertes

et alambics

 

traductions

pour potaches heureux

lunettes verbales

qui éclaircissent la vue

sève magique

d’une pensée

qui ruisselle

à travers les siècles

 

faire vendanges

de verbes

en étincelance

humus poétique

pour peuple de poètes

de musiciens

de guérisseurs

peut-être ?

 

 

Médina

  

conciliabule oriental

où l’on suçote

les voyelles

pour le plaisir

de la langue

 

trop brûlantes lèvres

au partage du thé

songes d'épices

irrigant les mélopées

d’arrière-boutique

 

l’agneau du sacrifice

vrille sur son axe

spasmes

des chairs verticales

et graisses brûlées

 

des poivres

aux sabres

acérés

assouvissent

leurs arrogances

 

une main délie

des cithares 

dans le harem

d’un grand vizir

sur sa couche affalé

 

les hoquets

somnambules

de la transe

se font ivresse

sans alcool

 

au loin se nouent

les arabesques

de ventres que déclinent

d’insaisissables

danseuses

 

©Claude Luezior

 

 

 

Claude Luezior, Golgotha.

Editions Librairie-Galerie Racine, Paris, 2020

(*)

Dessin de l’auteur

 

 « Alors, ils le crucifièrent au lieu nommé Calvaire, en hébreu, Golgotha.»

 

« On n’est pas sérieux quant en a dix-sept ans...» disait un certain Arthur Rimbaud.

Écrit précisément à l'âge de dix-sept ans, « Golgotha », tout au contraire, semble être une sorte de passerelle confirmant l'éblouissement de l’adolescence face à la Croix. Les ressentis de Claude Luezior vont à l’essentiel. Ils sont les fruits d’une sorte d’épuration au-delà de la connaissance.

Ce recueil composé à l’aube de sa jeunesse porte l’empreinte d'une maturité déjà profonde. Et d'une foi qui se veut libre, provocante, déroutante, bousculant les canons habituels.  Celle qui va justement aux sources initiales, à l’écart de la dogmatique, le mystère de ce souffle ne pouvant exister qu’en portant les ailes de la liberté.

« Les lances des gardes se firent plumes d’archanges. »

Nourri des textes sacrés du Nouveau Testament,  « Golgotha » est le fruit d’une suite d’observations, d’interrogations, de réflexions dont l’extrême brièveté ne fait que confirmer la limpidité clairvoyante. Claude Luezior se révèle être ici un authentique poète mystique.

« Confusément / Nous eûmes / Faim / D’éternité »

Le chemin de la Passion est une source majeure d’interrogations où les clés et interprétations sont multiples. Le jeune Luezior est certes un homme de foi mais il est avant tout un poète délicat, un orfèvre jouant sur l’épure ciselée des textes fondamentaux, lesquels sont puissamment métamorphosés par son calame. 

« Trop humaines, nos boues se dressèrent et s’ouvrirent comme fleur. »

Avec « Golgotha » nous sommes au cœur d’une très belle analyse du comportement humain sous ses facettes les plus variées. Textes justes, denses, incisifs mais explicites. tout en demeurant lucides. Nous percevons entre ces lignes un petit côté incrédule à la Saint Thomas, avec ce besoin de voir pour croire et de vouloir poser un doigt sur les stigmates. Sans doute une belle manière de se libérer en soignant ses propres blessures.  

D’ailleurs est-ce un hasard si l’auteur de la préface est un jésuite ?

Claude Luezior développe des images nouvelles autour du « Golgotha ». L’ouvrage engendre une sorte de mirage, une vision surréelle où se mêlent écritures et prophéties.

 « La blessure s’ouvrit comme une lèvre / à la recherche d’une autre lèvre. »

Avant de vous laisser face à vos propres impressions de ce « Golgotha », je soulignerai que les sobres illustrations graphiques, qui sont de l’auteur, sont appropriées à la forme des poèmes, lesquels sont souvent semblables à des haïkus et dont nous apprécions le dépouillement.

 

Et l'auteur de conclure :

« Sa chair redevint chair

Son sang

Fut le nôtre

Et notre chant éclata

 

Beau comme le chant de l’Homme. »

 

 

©Michel Bénard

 

 

(*) Pour commander ce recueil allez ici.

Les dessins qui illustrent ce recueil sont de l’auteur lui-même. Il se confesse :

« Le dessin, intimement lié aux mots du poète, est  également tiré de gangues inconscientes. Mine de plomb et encre de plume ne font qu’un. Humblement, mais dans une même lumière ». (4ème de couverture)

 

Voir aussi la note de lecture à ce recueil par Sonia Elvireanu à cette même rubrique

(septembre-octobre 2020).

 

 

Claude Luezior

Neurologue chef de clinique et professeur à l’Université de Fribourg, Claude Luezior est un écrivain accompli et prolifique, dont l’œuvre compte une bonne cinquantaine de titres (romans, nouvelles et récits, recueils de poèmes, livres d’art). Pour une biobibliographie complète, des extraits de ses écrits présentés par genre, des chroniques littéraires, des articles qui lui sont dédiés, et des actualités, voir son site, ainsi que sa page de présentation sur le site de l’éditeur Librairie-Galerie Racine. Commander ses livres sur le site hall des livres. L’écouter lire de ses poèmes (du recueil Clames) sur dailymotion.

Présence à Francopolis : notes de lectures à ses recueils les plus récents (Nicole Hardouin pour Un Ancien Testament, déluge de violence, nov.-déc. 2020, Sonia Elvireanu pour Jusqu’à la cendre, mars-avril 2019, et pour Golgotha, sept.-oct. 2020).

La photographie est extraite de son site.

 

 

Vue de francophonie: Claude Luezior

recherche Dana Shishmanian

pour Francopolis, janvier-février 2021

 

 

Créé le 1 mars 2002