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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

Sabine Peglion - Marie-Claude Rousseau - Sylvie Grégoire... et plus





Jeanne Gerval ARouffLa porteuse
(6ème station)


« Au bord de la route une pierre / MASSE SOMBRE SUR LUMIÈRE / devient / sculpture »…
Est-ce là un sentiment différent de celui du grand Michel-Ange qui disait dégager la sculpture, du bloc de pierre dans lequel elle se trouvait enfermée – et où son œil seul la découvrait, gisant dans l’attente de son regard ?

Jeanne Gerval ARouff prend sa forme là où elle la devine, dans un tronc d’arbre (voir Un arbre pour eux, dans la 3ème station), dans un bloc de pierre (comme ci-dessous, La Porteuse), ou dans d’autres objets et matières aléatoires, comme nous allons le découvrir lors des prochaines stations de ce parcours. Mais là n’est peut-être pas toute la signification de ces vers révélateurs. Plus profondément, il s’agit du recoupement permanent de la nature et de l’art, de l’œuvre et de la vie, de l’esprit et de la matière : chacun de ces vocables devrait, dans ce contexte, être mis en guillemets, tant leur sens commun, usé, qui les sépare voire les oppose, est loin de leur essentielle osmose, celle que perçoivent les sens éveillés de l’artiste. L’art est vie, la vie est art : cette double identité est une clé, aussi simple que fondamentale, de l’œuvre et de la personnalité de Jeanne Gerval ARouff. Les œuvres et les poèmes regroupés dans cette 6ème station le font comprendre.

Et alors on commence aussi à percevoir comme un soupçon de cette quête incessante comme pour se caler entre soi et soi, entre la forme que vous voyez et la forme qui vous voit, entre le toucher et le touché, le regardé et le regard. Une jumellité faite de réversibilité féconde car enfantant d’une « arche », d’une « nef » chargée des œuvres portant l’artiste comme fondu dedans, lui qui, créature créatrice, les a toutes portées potentiellement et essentiellement.

Dana Shishmanian

 
Recherches
Exodus




Exodus. Bois (camphrier), 1977. Atelier de l'artiste, Floréal, Maurice.
Reproduit d’après Signes-Souffle ou Logo d’l’âme – Espace Multipliants, 1995 (p. 33)

Oui      ce rêve étrange
qui avait même un titre
- LE PEUPLE DU DERNIER COCHE –
rêve rythmé par la voix d’un sage :

« Ils débordent d’activités
mais curieusement dans un
sommeil
où meurt leur conscience des choses
immense usine de conserves
HIERS accumulés
innombrables
indéchiffrables
inépuisables
provocants
fermés à la lumière
lentilles embrumées de la crasse
d’AVANT-HIER
(…)
ils débordent d’activités
mais ils dorment
ILS DORMENT
ET SE PLAIGNENT DE LA MONOTONIE DES HEURES
ALORS QUE L’UNIVERS CÉLÈBRE SES OFFICES
LES VARIE LES MULTIPLIE (…) »

Éveillé en sursaut surpris d’être vie-évolution
mon rêve s’éclaire
Ce peuple je le connais
CE PEUPLE L’ÂME EMPRISONNÉE
j’en faisais partie


Extrait de Soucis,
dans Je t’offre ma terre,
Éditions de l’Océan Indien,  (pp. 6, 12, 18)


 

Extasis


Extasis. Fini pierre, 1977. L'Institut Français de Maurice, Rose-Hill.
Reproduit d’après Signes-Souffle ou Logo d’l’âme – Espace Multipliants, 1995 (p. 33)

Les yeux ouverts je contemplais
l’aube qui depuis trois heures s’offrait

Le nouvel aujourd’hui s’étire de tous ses rayons
œil renouvelé dans l’instant nouveau

Il le cligne l’ouvre le ferme
cligne encore     ouvre     referme
s’amuse avec les arbres au jeu d’ombre-lumière
se passionne pour ses premiers hochets
leur offre une gamme de verts
du tendre au velouté profond

Il valorise à l’infini la moindre particule de rosée
s’approche d’elle s’en éloigne la transperce
la caresse lui fait l’amour
s’enivre et jouit de sa palette de couleurs
sans fausse pudeur ni contrainte
écrit tous les livres du monde
pare les choses de son seul regard

Au bord de la route une pierre
MASSE SOMBRE SUR LUMIÈRE
devient
sculpture

Extrait de Je t’offre ma terre,
Éditions de l’Océan Indien, 1990 (pp. 14-15)



Maternité

Maternité. Albâtre, 1977. Atelier de l'artiste, Floréal, Maurice.
Reproduit d’après Signes-Souffle ou Logo d’l’âme – Espace Multipliants, 1995 (p. 33)


Inutile d’énumérer tes manières de croire à la vie
l’obélisque taillé dans le basalte de tes jours éclaire nos nuits
en chacun de nous grandit l’arbre
unique projet de ta vie
l’AMOUR.

Du Pôle Nord, de l’Équateur, des Tropiques, de l’autre côté du ciel, viens.
Les Amis de la Poésie s’impatientent.
La Maison du poète sera ta chapelle
nous serons tes chandelles
Les pierres et les planches accordent leurs claviers
pour faire taire le tintamarre de la Terre.


Extrait de Lettre aux mamans du monde,
dans Signes-Souffle ou Logo d’l’âme,
Espace Multipliants, 1995 (p. 31)

                                                           

Enfances


Ensemble plus loin Camphrier, 1977. Collection privée (Dr et Mme André Gerval, Bagnolet, France). Photo Anne Gerval et Jean-Louis Nehlich

Maintes fois mon âme
a largué les amarres
troqué ailes de phaéton
de Cirné à Sydney

Je viens enfin visiter les rêves ancrés
dans la sève ancestrale
Je viens moissonner
la senteur des enfances
transhumances ensemencées
par vols d’alizés

Des camphriers
nous décoderons l’odyssée
ouvrirons nos portiques
au chœur des piérides
à l’appel des conques
nous dresserons le festin
des mémoires polychromes



Extrait de Métisses mémoires,
dans Signes-Souffle ou Logo d’l’âme,
Espace Multipliants, 1995 (p. 21)



La Porteuse


La porteuse (1). Pierre, 1982. Collection privée
(Dr et Mme André Gerval, Bagnolet, France).

« J'ai transporté cette pierre, achetée à Gif-sur-Yvette (où je suivais un atelier de travail) sous mon bras, dans le métro, jusqu'au jardin familial de Bagnolet, où je résidais quand j'étais à Paris, et absente alors de l'École d'art et d'architecture de Marseille-Luminy. Parallèlement donc aux assemblages de métal de Marseille, je créais, à Paris, la série de 'pierres'. »

Qui, de la pierre ou de l’artiste, porte l’autre?
Te souviens-tu de notre pèlerinage?
Toi, de Gif-sur-Yvette,
Moi, venue de Paris, à ta rencontre.
Te souviens-tu du labyrinthe?
du passage?
Toi, serrée contre moi,
Moi, accrochée à la colonne
Nous deux,
secouées au rythme de la rame.
Seul
notre accord résiste à l’ébranlement.

Nous descendons à Gambetta.
Direction: le jardin de Bagnolet.

Là, aube après aube,
Toi, te livrant à mes ciseaux,
Moi, donnant forme à l’osmose.
TOI-MOI.

Ile Maurice, 10 août 2003.
Ce poème accompagne la photo de la statue,
prise par Yves Gerval, dans Pile/face,
Les Éditions du Totem, 2005 (p. 64).
 



La porteuse (2), vue de face. Pierre, 1982.        La porteuse (2), vue de dos. Pierre, 1982.
Collection privée (Dr et Mme André Gerval, Bagnolet, France

« J’ai souvenance d’une sœur jumelle. C’était sur une plage des méridiennes australes, où s‘emmêlent passé-présent-futur : Riambel. Serait-ce l’archétype de l’Arche, de cette Nef dont j’ai mission d’enfanter? Tabernacle-habitacle du Poète de la Mer Indienne, à l’extrême Sud de la falaise, Gris-Gris ? Un profil hante ma mémoire. Taillé dans un temple de granit, il surplombe le gouffre, là où pleure La Roche. Serait-ce si fort ce désir d’épouser l’île, d’être l’île, de se donner pour la recréer, au point d’y sculpter ses propres traits ? Où est-ce le ciseau de la déferlante, l’amante-mère-matrice, son porte-flambeau, « afin que le génie des lumières méridiennes » reconnaisse en lui « la voix de la Mer Indienne »?

Extrait de Pile/face, Les Éditions du Totem, 2005 (p. 18)


L’urne



Installation - Contreplaqué et carreaux de céramique; vase en porcelaine. Stèle abîmée lors du déménagement de 2008 - donc détruite. Seul le vase - l'urne – demeure (atelier de l’artiste, Floréal, Maurice)
Reproduit, avec le poème accompagnateur, de Pile/face,
Les Éditions du Totem, 2005 (p. 57).

Sous le seau du symbole
je signe dans le temps
la TRACE
intemporelle du temps

Sur le fleuve du temps
je lance ma senne
pour repêcher de ses mailles
l’âme de mon ÎLE
dans sa course
à CONTRETEMPS

Sous les ailes du temps
d’un atome
hors du temps
je rêve d’épouser
l’espace
du
NON-TEMPS

Extrait de Tempo,
dans Signes-Souffle ou Logo d’l’âme,
Espace Multipliants, 1995 (p. 12)




Biographie


Jeanne Gerval ARouff naît le 4 juillet 1936 à Mahébourg (Île Maurice), entre rivière et mer, là où la Rivière La Chaux se donne à l'océan.
Après une petite enfance mahébourgeoise, sa famille s'installe à Vacoas.

La benjamine (six frères et trois sœurs) se dépense autant dans des activités sportives – tennis, bicyclette, chorégraphie – que dans ses études, particulièrement la philosophie. La pratique des arts martiaux (karaté, judo) comme du yoga lui donne à jamais une discipline et une part de méditation et de contemplation dans sa quête spirituelle.

       
   Jeanne Gerval ARouff - Stations  parus
   Dire l'Île (1ième station) publié en novembre 2013

   L'arbre-Totem Partie I et Partie II (2ième et 3ième station) publié en décembre 2013 - 

   L’Essentielle androgynie (4ième station) publié en janvier 2014

   Initiation ou l’essentielle nudité Partie I et Partie II (5ième station) publié en février 2014
Jeanne Gerval ARouff
 
station 6- La Porteuse
Revue Francopolis mars 2014
recherche  Dana Shishmanian

 
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Créé le 1 mars 2002


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