D'une langue à l'autre...
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Archives : D'une langue à L'autre

 

Printemps 2024

 

 

Trois poètes italiens contemporains

Présentés et traduits par Giuliano Ladolfi :

 

Roberto Mosi

Federica Saini Fasanotti

Emilio Paolo Taormina

 

*** 

Roberto Mosi

 

Roberto Mosi vit à Florence et a été directeur de la culture à la région de Toscane. Sa production la plus récente est rassemblée dans l’anthologie Amo le parole. Poesie 2017-2023 (Ladolfi, 2023).

Erta dei Catinai

Un mazzo di fiori

sulla mensola del tabernacolo

della Madonna dei Ricci

ai piedi dell’Erta dei Catinai.

 

Un mondo di sensi ritorna.

La folla sale e scende

carri, barrocci carichi

di terrecotte, catini, orci.

Cavalli, coppie di muli

asini incespicano per la salita.

 

Tra la folla, le lavandaie

portano cesti di biancheria

lavata nelle acque dell’Ema

profumata dai fiori dell’iris.

 

Iride, una madonna fiorentina

promise amore al giovane

che dipinse un fiore così perfetto

da ingannare una farfalla.

Da lei ebbe nome Iris

il simbolo di Firenze.

 

Dopo l’Erta dei Catinai

si apre la vista su Firenze

città di bellezza elegante

preziosa come il profumo

dell’iris, dal tono austero

riservato. Si concede solo

a chi la ama, la sa apprezzare.

 

Erta dei Catinai

Un bouquet de fleurs

sur l’étagère du tabernacle

de la Vierge dei Ricci

au pied de l’Erta dei Catinai.

 

Un monde de sens revient.

La foule monte et descend:

charrettes, barrots chargés

de poteries, de bassins, de jarres.

Chevaux, paires de mulets,

ânes trébuchent à cause de la montée.

 

Parmi la foule, les blanchisseuses

portent des paniers de linge

lavé dans les eaux de l’Ema

parfumé par les fleurs d’iris.

 

Iride, une madone florentine,

promit l’amour au jeune

qui peint une fleur si parfaite

qu’elle trompa un papillon.

D’elle prit le nom Iris

le symbole de Florence.

 

Après l’Erta dei Catinai

la vue s’ouvre sur Florence

ville de beauté élégante,

précieuse comme le parfum

de l’iris, au ton austère,

confidentiel. Elle ne se livre qu'à ceux

qui l’aiment et qui savent l’apprécier.

 

Fiesole

Sul muro a secco

mi crogiolo al sole

immobile lucertola

segnata dai lunghi

brividi invernali

 

in basso la Cupola

incardina Firenze

respiro le molte

armonie, le parole

di Michelucci*

un suono vicino.

 

Sul muro a secco

passano le stagioni

rinnovo la pelle

sul tiepido muro

della villa, a Fiesole.

 

* Giovanni Michelucci, architetto (Pistoia 1891 – Firenze 1990).

 

Fiesole

Sur les cloisons sèches

je me prélasse au soleil

lézard immobile

marqué par les longs

frissons hivernaux

 

en bas le dôme

fonde Florence

je respire les nombreuses

harmonies, les mots

de Michelucci*

un son proche.

 

Sur les cloisons sèches

passent les saisons

je renouvelle ma peau

sur le mur tiède

de la villa, à Fiesole.

 

 

* Giovanni Michelucci, architecte (Pistoia 1891 – Florence 1990).

 

L’ arrivo dei Francesi

 

Elisa Baciocchi* entra

dalla porta del Rivellino

raggiante nel riflesso

del diadema di brillanti.

La carrozza a sei cavalli

scortata dai cavalieri

della guardia imperiale.

 

Si ferma sotto l’arco.

Sparano i cannoni

alla fortezza, ai porti

tremano le case 

si sciolgono le campane.

Il frastuono è rimasto

ancora nell’aria.

 

* Maria Anna Bonaparte, detta Elisa, sorella dell’imperatore Napoleone Bonaparte (Ajaccio 1777 – Villa Vicentina 1820).

 

L'arrivée des Français

Elisa Baciocchi* entre

par la porte du Rivellino

rayonnante dans le reflet

du diadème de brillants.

Le carrosse à six chevaux

escorté par les chevaliers

de la garde impériale.

 

Elle s'arrête sous l'arc.

Les canons tirent

sur la forteresse, sur les ports

les maisons tremblent 

les cloches fondent.

Le vacarme reste

encore dans l'air.

 

* Maria Anna Bonaparte, dite Elisa, sœur de l'empereur Napoléon Bonaparte (Ajaccio 1777 – Villa Vicentina 1820).

Federica Saini Fasanotti

Federica Saini Fasanotti travaille avec les Services Historiques de l'Armée italienne et de la Défense. Le recueil "Della guerra" (Ladolfi, 2023) est sa première publication en vers.

 

A Enrico, 23 agosto 2017,

XI Battaglia dell’IsonzoCarso

 

Ti sarai chiesto

Nello spasmo

Prima di morire

Qual è il senso

Della guerra

 

Quando l’irragionevole

Si fa norma

Di fronte

All’abisso dell’orrore

 

In quale campo

Senza gloria

Sei crollato

Polpa senza ormai

Più ossa

Alla terra sei tornato

 

Soli nasciamo

Ma non è vero

Soli, invece, moriremo

Questa dura legge

La guerra

T’ha insegnato

 

 

À Enrico, le 23 août 2017,

XI Bataille de l’Isonzo – Karst

 

Tu te seras demandé

Dans le spasme

Avant de mourir

Quel est le sens

De la guerre

 

Quand le déraisonnable

Se fait norme

En face

À l’abîme de l’horreur

 

Dans quel domaine

Sans gloire

Tu t’es effondré

Chair sans désormais

Plus d’os

Tu es retourné à la terre

 

Seuls nous naissons

Mais ce n’est pas vrai

Seuls, par contre, nous mourrons

Cette dure loi

La guerre

Te l’a apprise

 

A Enrico, gennaio 1943

Battaglia di Warwarowka, Fronte russo

 

Della carne

Che si straccia

Nell’affondo della lancia

Nulla più rimane

 

Il fronte s’è dissolto

Come ghiaccio al sole

Ma non per chi è tornato

Né per la donna

Che t’ha partorito

 

Di guerra

La loro vita

È impregnata

Come il fango

Che della tua carne

Si nutriva

 

Così tu vivi, ora

Sei un sorriso reciso

Un volto nell’ombra

Un abbraccio mancato

 

 Lo strazio della tua assenza

 

À Henri, janvier 1943

Bataille de Warwarowka, Front russe

 

De la chair

Qui se déchire

Dans le coup de la lance

Plus rien ne reste

 

Le front s’est dissous

Comme de la glace au soleil

Mais pas pour ceux qui sont revenus

Ni pour la femme

Qui t’a donné naissance

 

De guerre

Leur vie

Est imprégnée

Comme la boue

Qui de ta chair

Se nourrissait

 

Ainsi tu vives, maintenant

Tu es un sourire brisé

Un visage dans l’ombre

Un câlin manqué

 

 Le chagrin de ton absence

 

Voce di guerra

Guai a chi dice

Che il dolore s’è arrestato

Con il tuo ultimo

Battito di petto

 

Il rivolo di sangue perso

S’è fatto strada nella terra

S’è insinuato tra la roccia

Ha raggiunto l’acqua

Con cui sono stata allevata

 

L’eterno silenzio

Della tua memoria

È germogliato nella mia carne

S’è fatto bianco cipresso

Che spicca su tutte le ombre

Della mia infanzia

Fra arbusti di ricordi sopiti

E sogni dall’alba recisi

 

Solo questo potevo essere:

Voce di guerra

Legno tra due sponde

Intriso di gioie mancate

 

Io sono ciò che tu non sei stato

Il tempo che ti è stato rubato

Il figlio che non hai cresciuto

L’aria che non hai respirato

 

Voix de guerre

Malheur à ceux qui disent

Que la douleur s'est arrêtée

Avec ton dernier

battement de poitrine

 

Le filet de sang perdu

S'est frayé un chemin dans la terre

S'est faufilé dans la roche

A atteint l'eau

Avec laquelle j'ai été élevée

 

Le silence éternel

De ta mémoire

A germé dans ma chair

Il est devenu cyprès blanc

Qui brille sur toutes les ombres

De mon enfance

Parmi les arbustes des souvenirs endormis

Et les rêves coupés par l'aube

 

C’est tout ce que je pouvais être:

Voix de guerre

Bois entre deux rives

Imprégné de joies manquées

 

Je suis ce que tu n’as pas été

Le temps qui t'a été volé

Le fils que tu n'as pas élevé

L'air que tu n'as pas respiré

 

 

 

Emilio Paolo Taormina

 

Les œuvres d'Emilio Paolo Taormina (Palerme, 1938) ont été traduites en albanais, arménien, croate, français, anglais, portugais, russe, grec, allemand, espagnol et hébreu. Il a publié de nombreux recueils de poèmes, notamment avec Giuliano Ladolfi Il sorriso del tulipano (2020), Ore piccole (2021) et Poesie scritte all’aria aperta (2023).

 

la lanterna annerita

che il contadino

molto tempo fa

ha lasciata

agganciata a un ramo

talvolta di notte

s’illumina

vaga per l’aranceto

come un fantasma

conduce

l’acqua della luna

 

la lanterne noircie

que le paysan

il y a longtemps

a laissée

accrochée à une branche

parfois la nuit

s’illumine

se promène dans l’orangeraie

comme un fantôme

conduit

l’eau de la lune

 

la canzone del vagabondo

va per la campagna

su una nota sola

si bagna nell’acquerugiola

della sera

nessuno capisce le parole

un cipresso che svanisce

accompagna il motivo

il faro di una moto lo rovina

sull’orizzonte

cinque gru una dietro l’altra

vanno verso il sud

il giardino degli aranci

scompare nel nulla

resta come un’eco nell’aria

una traccia di zagare

 

la chanson du vagabond

va à la campagne

sur une note seulement

elle se mouille dans la bruine

du soir

personne ne comprend les mots

un cyprès qui disparaît

accompagne l’air musical

le phare d’une moto le gâche

à l’horizon

cinq grues l’une derrière l’autre

vont vers le sud

le jardin des orangers

disparaît dans le néant

reste comme un écho dans l’air

une trace de zagaras

 

il treno delle sei

sotto la pioggia

avanza zoppicando

come un carro di zingari

gli ulivi saraceni come buoi

si sollevano sulle zampe

l’erba trema di freddo

ho le orecchie e il naso

indolenziti

ti penso

vedo le scaglie d’oro

dei tuoi occhi

mi scaldo le mani

nelle tasche del giubbotto

impaziente di stringere le tue

 

le train de six heures

sous la pluie

avance en boitant

comme une charrette de gitans

les oliviers sarrasins comme des bœufs

se dressent sur leurs pattes

l'herbe tremble de froid

j'ai les oreilles et le nez

douloureux

je pense à toi

je vois les écailles dorées

de tes yeux

je réchauffe mes mains

dans les poches de ma veste

impatient de serrer les tiennes

 

***

Giuliano Ladolfi, poète, essayiste et éditeur, est bien connu de nos lecteurs, par ses poèmes en version bilingue et par ses traductions (voir à cette rubrique même) ; il a publié un essai sur la poésie contemporaine au numéro de novembre-décembre 2022.

 


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