Été 2024
Trois poètes italiens contemporains
Présentés et traduits par Giuliano Ladolfi :
Carlo Ragliani
Maria Pina
Ciancio
Simona Cerri
Spinelli
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Carlo
Ragliani
Carlo Ragliani (Monselice, 1992)
est rédacteur d'«Atelier» et rédacteur en chef d'«Atelier online». Il a
publié Lo stigma (italic, 2019)
et La carne (Ladolfi, 2024).
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La carne
non
saremo mai
muti
quanto basta
per
scendere
nel
gorgo
per
spingere
la
carne
nel
sepolcro
non
moriremo
abbastanza
da
smettere
di
sperare
infine
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La chair
nous
ne serons jamais
silencieux
autant qu'il faut
pour
descendre
dans
le tourbillon
pour
pousser
la
chair
dans
le tombeau
nous
ne mourrons pas
assez
pour
nous arrêter
d’espérer
enfin
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il
desiderio scarnifica
l’offerta
vanifica
l’empietà
irredenta
termina
nella colpa
senza
peccato
l’impurità
senza
nome
senza
corpo
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le
désir écharne
l'offrande
rend
vaine l’impiété
non
rachetée
se
termine dans la culpabilité
sans
péché
l’impureté
sans
nom
sans
corps
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la
pietà
sarà
umiliata
e
l’attesa
nullificata
quando
i morti
tracceranno
la via
sarà
santo
il
silenzio
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la
piété
sera
humiliée
et
l'attente
réduite
à néant
lorsque
les morts
traceront
le chemin
sera
sacré
le
silence
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Maria Pina Ciancio
Maria Pina Ciancio a publié
plusieurs recueils de poésie, dont D’argilla
e neve (Ladolfi, 2023).
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Nel disordine dell’aria
talvolta tornano i ricordi
a prendersi lo spazio
della luce
Avevo
sette anni e un sogno:
quello
della terra rossa dentro al petto
Arrivammo
con la Calabro-Lucana ch’era maggio
c’era
il tutto dei bambini in quel ritorno
una
parola detta con le corse, gli occhi
i
piedi che volevano innestarsi e farsi tronco
foglie
e rami in ogni dove
crescere
e morire
La
Svizzera lontana
Terra
madre, amara, cruda senza braccia
ovunque
andassi ovunque ti cercassi
al
ciglio della strada o sopra i tetti rossi
ovunque
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Dans le désordre de l'air
parfois reviennent les souvenirs
pour occuper l'espace
de la lumière
J'avais
sept ans et un rêve
celui
de la terre rouge dans ma poitrine
Nous
sommes arrivés avec la Calabro-Lucana au mois de mai.
Il
y avait tous les enfants du monde dans ce retour
un
mot dit avec les courses, les yeux
les
pieds qui voulaient se greffer et devenir un tronc
des
feuilles et des branches partout
grandir
et mourir
La
Suisse lointaine
Terre
mère, amère, crue sans bras
partout
où j’allais partout où je te cherchais
au
bord de la route ou au-dessus des toits rouges
partout
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Ciò che resta
Ciò
che resta sono solo
queste antenne
arrugginite
dentro
un taglio di luce settembrina
Siamo ciò che non avremmo potuto
essere
La
vita inaridisce senza grazia
e
dimentica impietosa
la lotta e
il sacrificio
l’uomo
che si sveglia acciambellato
sopra i tetti
e
sogna ancora la terra dov’è nato
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Ce qui reste
Il
ne reste que
ces antennes rouillées
à
l'intérieur d'une coupe de lumière de septembre
Nous sommes ce que nous n'aurions
pas pu être
La
vie se fane sans grâce
et
oublie sans pitié
la lutte et
le sacrifice
l'homme
qui se réveille recroquevillé
au-dessus des toits
et
qui rêve encore du pays où il est né
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Il riparo della neve
Ritorno
dove il corpo ebbe inizio
e
la parola si incendiò
nel
respiro della neve
per
dare forma e nome a un vagito
primordiale
Ritorno
alla luce dello sguardo
per
un’ostinazione d’innocenza
per abitudine
per
ritrovare il tutto
nel
riparo atteso della neve
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L'abri de la neige
Je
reviens là où le corps a commencé
et
le mot s'est enflammé
dans
le souffle de la neige
pour
donner forme et nom à une plainte
primordiale
Je
reviens à la lumière du regard
pour
une obstination d'innocence
par habitude
pour
tout retrouver
dans
l'abri attendu de la neige
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Simona Cerri Spinelli
Simona Cerri
Spinelli (Pise, 1984) a publié plusieurs recueils de poésie, dont Campi notturni (Ladolfi, 2023).
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Aprivi
il cassetto e tiravi fuori piccoli
sacchetti
di lavanda.
–
Tutto deve profumare –
Anche
la cartolina spedita da Zenica
nel
1988,
diceva
in un italiano scorretto:
“Salutatemi
mia nipote, sarà sicuro
una
bella bambina”.
Dieci
anni dopo, quando la trovai,
profumava
ancora.
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Tu
ouvrais le tiroir et tu sortais de petits
sachets
de lavande.
–
Tout doit sentir bon –
Même
la carte postale envoyée de Zenica
en
1988,
elle
disait dans un italien incorrect :
“Saluez
ma nièce, elle sera sûrement
une
belle petite fille”.
Dix
ans plus tard, quand je l'ai retrouvée,
elle
parfumait encore.
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Sarajevo mon amour
I
sogni perduti, gli ideali infranti,
la
guerra inutile e furiosa
come
il rintocco di campane
a
morto,
infinito,
tutti i giorni e tutte le
notti,
che
rompe in alto il cielo.
Le
fogne putride, il sangue fraterno
sparso
nelle strade,
le
promesse disilluse degli amanti,
la
cantilena delle donne dietro
ai
vetri lacrimosi, infinita,
come
un trasporto eterno
di
piccole bare,
tutti
i giorni e tutte le notti.
Cos’hai,
Sarajevo – mio
unico
amore – di perdutamente bello
in
questa tua terra?
Nelle
campane, nelle bare,
hai
la vita e hai la morte.
La
morte che miete,
la
vita che splende.
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Sarajevo mon amour
Les
rêves perdus, les idéaux brisés,
la
guerre inutile et furieuse
comme
le son des cloches
à
mort,
sans
fin, tous les jours et toutes les
nuits,
qui
casse le ciel.
Les
égouts putrides, le sang fraternel
éparpillé
dans les rues,
les
promesses déçues des amants,
la
cantilène des femmes derrière
les
vitres larmoyantes, infinie,
comme
un éternel transport
de
petits cercueils,
tous
les jours et toutes les nuits.
Qu'as-tu,
Sarajevo – mon
seul
amour – d’une beauté effrénée
dans
cette terre qui est la tienne ?
Dans
les cloches, dans les cercueils,
tu
as la vie et tu as la mort.
La
mort qui moissonne,
la
vie qui brille.
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La
strada sotto casa
si
fa d’acqua
eppure
corriamo all’inverno
con
le braccia aperte.
E
tu, così solo, così mio,
i
tuoi capelli umidi,
la
fronte calda,
le
mani nelle mani – Sei sudato? –
Tu
invadi
come
notte
la
mia stanza.
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La
route dessous de la maison
se
fait d’eau
mais
nous courons vers l'hiver
les
bras ouverts.
Et
toi, si seul, si mien,
tes
cheveux humides,
ton
front chaud,
les
mains dans les mains – es-tu en sueur ? –
Tu
envahis
comme
la nuit
ma
chambre.
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Giuliano Ladolfi,
poète, essayiste et éditeur, est bien connu de nos lecteurs, par ses poèmes
en version bilingue et par ses traductions (voir à
cette rubrique même) ; il a publié un essai sur
la poésie contemporaine au numéro de novembre-décembre 2022.
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