D'une langue à l'autre...
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Archives : D'une langue à L'autre

 

Été 2025

 

 

Trois poètes italiens contemporains

Présentés et traduits par Giuliano Ladolfi :

 

Paola Bolla

Giselda Pontesilli

Giacomo Gusmeroli

 

Paola Bolla

 

Paola Bolla est née en avril 1985 et vit à Villanova Solaro dans la province de Cuneo.

Avec Ladolfi editore elle a publié en 2025 la collection de poèmes Di terra e fango.

 

Conosci quei giorni dove

occhi non vedono

mani non sentono

voce tace?

Neppure le ombre,

solo il nulla che avanza.

Un essere umano che veste la morte:

questo, il male di vivere.

 

Connais-tu ces jours quand

les yeux ne voient pas

les mains ne sentent pas

la voix est silencieuse?

Même pas les ombres,

seulement le rien qui avance.

Un être humain qui habille la mort :

voilà le mal de vivre.

 

Ho visto gabbiani alla deriva

esalare l’ultimo respiro.

Ho visto altri gabbiani

incastrati nelle reti

trascinarsi sulle ali

poi librarsi in volo.

E ho impugnato la speranza,

mi sono spogliata della sabbia,

ho sciolto i capelli al vento,

mi sono tuffata nel mondo.

 

J’ai vu des mouettes à la dérive

exhaler leur dernier souffle.

J’ai vu d’autres mouettes

coincées dans les filets

se traîner sur les ailes

puis planer en l’air.

Et j’ai saisi l’espoir,

je me suis dépouillée du sable,

j’ai déployé mes cheveux au vent,

j’ai plongé dans le monde.

 

Sono di terra e fango

di prati e piante.

Vengo innaffiata da cascate,

levigata come pietra viva.

Sono acqua che gorgoglia,

vento che increspa il mare.

Lascia che sia corrente, fiato,

lo scambio di un respiro.

 

Je suis de terre et de boue

de prés et de plantes.

Je suis arrosée par des cascades,

polie comme une pierre vive.

Je suis l’eau qui bouillonne,

le vent qui fait onduler la mer.

Laisse-moi être le courant, le souffle,

l’échange d’une haleine.

 

Giselda Pontesilli

 

Giselda Pontesilli (Rome, 1955) a étudié à l’université avec Rosario Assunto et Fedele d’Amico et dans le milieu romain de la revue «Braci».

Dialogo sotto il castagno (Ladolfi editore, 2025) est son dernier recueil de poèmes.

 

Con la isolata Natura

 

I

 

Ci siamo dovuti arrendere

globalmente

a un muto isolamento

in quanto come ovunque

non ci sono intorno persone

con cui chiamarci per nome

 

o con cui nominare, ricordare

altre persone, usualmente,

in modo naturale: nominando

anche luoghi! di loro, o fatti!

o frasi “memorabili”, tramandate

a noi tutti, e dunque da tutti

rievocate, ritramandate: fin da adulti,

da piccoli, da neonati e rinati:

 

quelle “nevi d’un tempo”

[ad esempio]

quelle “cime note inuguali”.

 

Avec la nature isolée

 

I

 

Nous avons dû céder

globalement

à une muette isolation

autant que partout

il n’y a pas de gens autour

avec qui nous appeler par notre nom

 

ou avec qui nommer, rappeler

d’autres personnes, habituellement,

d’une manière naturelle : nommant

aussi certains lieux ! à eux, ou certains faits !

ou des phrases « mémorables », transmises

à nous tous, et donc par tous

rappelées, retransmises : dès qu’on est adulte,

petit, nouveau-né et né à nouveau :

 

ces « neiges d’antan »

[par exemple]

ces « sommets connus inégaux ».

 

II

 

Eppure, in questo nostro comune

muto isolamento

 

il nome che portiamo

e non sentiamo quasi più pronunciare

è un caro nome

– per chi ce l’ha insegnato –

e se, molto di rado,

ne risentiamo il suono,

il benevolo riconoscimento

soavemente a un tratto

ce ne riappare il monito

la mite altezza, il decreto

che portiamo con noi

inconsciamente,

 

dimenticato, o in segreto.

 

II

 

Pourtant, dans notre commune

muette isolation

 

le nom que nous portons

et que nous n’entendons presque plus prononcer

est un nom cher

– pour ceux qui nous l’ont appris –

et si, très rarement,

nous en entendons le son,

la reconnaissance bienveillante

tout d’un coup doucement

nous réapparaît son avertissement

son agréable hauteur, son décret

que nous apportons avec nous

inconsciemment,

 

oublié, ou en secret.

 

III

 

E ci riappare anche

dal suono del ricordo

in modo consolidato

e non astratto

che non è vero che “questo” isolamento

l’estrema povertà umana

in cui viviamo

sia “sempre uguale”

conformemente – dicono –

all’umana condizione.

 

No, non è vero affatto:

è apparso a un tratto

invece, in un “progresso”

tutto moderno, di alienazione,

di peggioramento.

 

III

 

Et de nouveau nous apparaît aussi

par le son du souvenir

de manière consolidée

et non abstraite

qu’il n’est pas vrai que « cet » isolement

l’extrême pauvreté humaine

nous vivons

soit « toujours la même »

en conséquence – disent-ils –

de la condition humaine.

 

Non, ce n’est pas vrai du tout :

cela est apparu tout à coup

au contraire dans un « progrès »

tout moderne, d’aliénation,

de détérioration.

 

 

Giacomo Gusmeroli

 

Giacomo Gusmeroli est né le 17 octobre 1955 à Tartano. Originaire du quartier Doss di Fugnìi, Val Corta, il vit entre Sondrio et l’ermitage saint Élie.

Colle Moncucco est son dernier recueil de poèmes (Ladolfi, 2025).

 

Colle Moncucco

È come una cattedrale gotica per me.

Ci entro in punta di piedi,

respiro trattenuto come un groppo in gola.

C’è grande calma.

Tutto il dolore che esiste si fa sentire,

 

che fa bagnare gli occhi,

al movimento del vento sui rami.

Nessuna preghiera è detta. Ma il silenzio

“della mente che scende nel cuore”

è un inno sufficiente per chiedere il suo aiuto. E salgo,

immerso e intento mentre l’aria si rarefà

e si sbriciola su di me, disseccante come arsura.

 

La colline Moncucco

Pour moi cela est comme une cathédrale gothique.

J’entre sur la pointe des pieds,

la respiration retenue comme une bosse dans la gorge.

Il y a beaucoup de calme.

Toute la douleur qui existe se fait sentir

 

et fait mouiller les yeux,

au mouvement du vent sur les branches.

Aucune prière n’est dite. Mais le silence

« de l’esprit qui descend dans le cœur »

est un hymne suffisant pour demander son aide. Et je monte,

plongé et concentré tandis que l’air se raréfie

et s’émiette au-dessus de moi, desséchant comme la chaleur.

 

Questo cocuzzolo è denso come il silenzio,

avvita nelle viscere i suoi padiglioni adombrati,

avvita all’ombra i suoi trascurati pini e le sue betulle,

e avvita le mascelle. Non c’è sollievo, solo oscurità.

La vita si consuma nella oscurità e l’ombra del terrazzo è ruggine.

Sono impietrate le piante e fontane e voci nel contorno del cielo

Urta nel muro l’edera. Vinchi impolverati.

L’erba, il ratto. Un ansimare. Non c’è sollievo.

Tutti sono sofferenti. Da troppo ormai. Inghiottono tutti

sopra l’aspro una boccata di cielo.

Gli zigomi sono affossati dal logoramento,

tra gli occhi la riga fonda d’una crepa

come un albero tra due gole nel crepuscolo.

 

Ce sommet est aussi dense que le silence,

visse dans ses entrailles ses pavillons ombragés,

visse à l’ombre ses pins négligés et ses bouleaux,

et visse les mâchoires. Il n’y a pas de soulagement, seulement des ténèbres.

La vie se consume dans l’obscurité et l’ombre de la terrasse est rouille.

Les plantes, les fontaines et les voix sont devenues pierres dans le ciel

Le lierre heurte le mur. Des branches de saule poussiéreuses.

L’herbe, le rat. Un halètement. Il n’y a pas de soulagement.

Tout est en souffrance. Depuis trop longtemps désormais. Tout avale tout

au-dessus de l’âpre une lampée de ciel.

Les pommettes sont affaissées par l’usure,

entre les yeux la ligne profonde d’une fissure

comme un arbre entre deux gorges au crépuscule. 

 

Salgono, scendono, tornano indietro, osservano,

poi avanzano. Sembra non sappiano dove si trovano,

dove vanno. Aprono una bottiglia, frugano una tasca,

frugano in borsa. Guardano l’aria.

“Come si vive qui?” uno chiede. Lei non reagisce.

Si scarta un’altra caramella. Ogni momento di più

gli affonda gli occhi l’eterea fisionomia

– non più eterea, ma spenta ormai – che avanza

verso il cavo nulla, nel buio assoluto

lasciando agli altri i suoi panorami lucenti

con larici, con rosmarini e piccoli arbusti. 

 

Les gens montent, descendent, reviennent, observent,

puis avancent. On dirait qu’ils ne savent pas où ils se trouvent,

ils vont. Ils ouvrent une bouteille, fouillent une poche,

fouillent dans leur sac. Ils regardent l’air.

« Comment vit-on ici? » demande l’un. Elle ne réagit pas.

Elle déballe un autre bonbon. À chaque instant davantage

lui enfonce les yeux la physionomie éthérée

– pas plus éthérée, mais éteinte désormais – qui avance

vers le creux rien, dans l’obscurité absolue

laissant aux autres ses paysages brillants

avec des mélèzes, des romarins et de petits arbustes. 

 

***

Giuliano Ladolfi, poète, essayiste et éditeur, est bien connu de nos lecteurs, par ses poèmes en version bilingue et par ses traductions (voir à cette rubrique même) ; il a publié un essai sur la poésie contemporaine au numéro de novembre-décembre 2022.


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