Automne 2025
Trois poètes italiens
contemporains
Présentés et traduits par
Giuliano Ladolfi :
Nico Priano
Fabio Innocenti
Grazia Greco
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Nico Priano
Nico Priano
(1996) vit actuellement à Ovada, dans l'Alto Monferrato, et a publié le
recueil Il segno del costume chez Giuliano Ladolfi (2025).
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Stazione marittima
Il mare è tutto un livido, adesso.
Ne ha presi di colpi stanotte,
di botte, di maledizioni.
Sa bene quel che conviene, il da farsi,
che a ogni onda è bene ritrarsi,
senza rischiare,
che la burrasca non dura,
che la paura poi passa,
e cessa il rumore, il parapiglia.
E invece ruggisce, e grida,
e dice il tuo nome.
Nell’incavo
di una
conchiglia.
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Gare maritime
La mer est
toute violacée, maintenant.
Elle a
essuyé bien des coups ce soir,
des
raclées, des malédictions.
Elle sait
bien ce qu'il faut faire,
qu'à chaque
vague il vaut mieux reculer
sans
risquer,
que la
tempête ne dure pas,
que la peur
passe,
et que le
bruit, le tumulte cessent.
Et au
contraire, elle rugit et crie,
et prononce
ton nom.
Dans le
creux
d'une
coquille.
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Il segno del costume
Collezioniamo minerali,
denti da latte,
foto sbiadite,
fedi nuziali,
le stelle alpine,
e le pagelle
delle elementari.
Abbiamo bisogno di conferme,
di un segno che asserisca
che viviamo per davvero,
che sono vere le carezze,
e pure le manchevolezze,
e i denari.
Come un gabbiano che vola
guardandosi le ali.
Eppure siamo così bravi
nel lasciare:
le penne, la ghirba, le piume.
E andiamo via
quando finisce la stagione,
come va via
il segno del costume.
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Le signe du costume
Nous
collectionnons des minéraux,
des dents de
lait,
des photos
fanées,
des alliances
nuptiales,
les edelweiss,
et les notes
de l’école
primaire.
Nous avons
besoin de confirmation,
d’un signe qui
affirme
que nous
vivons vraiment,
que les
caresses sont réelles,
et même les
défauts,
et l’argent.
Comme une
mouette qui vole
en regardant
ses ailes.
Pourtant nous
sommes si doués
en quittant:
nos stylos,
notre vie, nos plumes.
Et l’on s’en
va
quand la
saison est finie,
comme s’en va
le signe du
costume.
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Il grappolo reciso
Un acino scuro,
i suoi trenta fratelli:
un grappolo d’uva tra i polpastrelli
mentre immobile corre il filare.
E tramonta la frase
che hai in mente, che sprona
le cose
da fare.
E il giorno che indugia e si scusa:
“lo sai devo andare”,
ti spiega che è tardi,
che siamo in settembre.
Lo sa che vorresti restare
al cospetto del cielo, del campo,
e campare.
Per sempre.
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La grappe coupée
Un grain de
raisin noir,
ses trente
frères :
une grappe de
raisin au bout des doigts
tandis
qu’immobile court la rangée.
Et s'étiole la
phrase
que tu as en
tête, qui pousse
les choses
à faire.
Et le jour qui
s'attarde s’excuse :
« Tu sais
que je dois aller »
il t’explique
qu’il est tard,
qu’on est en
septembre.
Il sait que tu
aimerais rester
devant le
ciel, devant le champ,
et vivre.
Pour toujours.
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Fabio
Innocenti est né en 1966 à Florence, où il vit. Nudi (Giuliano
Ladolfi, 2025) est la première de ses œuvres.
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stanotte mi
mancherai, ancora
(silenzio
senz’oasi il sonno)
e nel chiuso,
giacché lontano,
mi spaccherò
lo sguardo
(di non
attecchire)
come su ceppi
di alberi perduti.
Senza una
possibilità (un’isola)
e
nell’invadenza dei veti
(più qualche
gesto vuoto,
perno amorfo
temporaneo)
l’ora del non
trovare dirà naufrago
per quello che
non ho di te.
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Tu me manqueras encore cette nuit
(silence sans oasis le
sommeil)
et à l’intérieur, car loin,
je casserais mon regard
(de ne pas m’enraciner)
comme sur des souches d’arbres
perdus.
Sans une chance (une île)
et dans l’invasion des vetos
(plus quelques gestes vides,
pivot amorphe temporaire)
l’heure de ne pas trouver dira
naufragé
pour ce que je n’ai pas de toi.
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non c’è
sole
né calore da
bocca a bocca, se il freddo
è per ciò che
non è sotto controllo;
non c’è parola
compiuta
unanime
o in cielo una
coda di aquilone;
solo una notte
pura (né affine)
dove fumano,
in abbandono,
nuvole di
sonnolenza.
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Il n’y a pas de soleil
ni de chaleur de bouche à bouche,
si le froid
est pour ce qui n’est pas sous
contrôle ;
Il n’y a pas de mot achevé
unanime
ou dans le ciel une queue de
cerf-volant ;
seulement une nuit pure (ni
semblable)
où fument, dans l'abandon,
des nuages de somnolence.
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vedi come il
tempo
non è solo
continua modificazione
(perdersi)
né afasie
dell’abitudine
(da rapire
ogni cosa di noi);
come c’è
sempre il momento per dire
(sentire) «Io
sono il passeggero»
e provare ad
assaporare
trattenere
(senza sporgenze
tra i confini).
No?
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tu vois comment le temps
n’est qu’une modification continue
(se perdre)
ni des aphasies de l’habitude
(d’enlever toute chose de nous) ;
comme il y a toujours un moment
pour dire
(entendre) « Je suis le
passager »
et essayer de goûter
retenir
(sans saillies entre les
frontières).
Non ?
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Grazia Greco
Grazia Greco
est née à Rossano, dans la province de Cosenza. En
2025, elle a publié La fragranza della terra (Le parfum de la
terre) chez Giuliano Ladolfi Editore.
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Il muretto
Erano giovani
donne
sedute in
fila, al muretto,
una accanto
all’altra,
i bimbi
stretti al seno
il viso
rivolto al sole.
Calava la sera
al frantoio
sotto le
presse, goccia a goccia,
il liquido scendeva
splendente.
Il sole,
dietro la collina,
baciava gli
ulivi centenari,
i rami folti,
i nascondigli furtivi,
i cinguettii
di merli canterini.
Intorno
all’aia si fermavano
le corse dei
ragazzi,
si chiudevano
gli usci.
La luna
rifletteva la terra calpestata
e gli ultimi
saluti,
l’aratro e il
carro vuoto.
La notte
illuminava i desideri
d’improbabili
preludi.
Si odono
ancora le voci al tramonto
lì, a quel
muretto,
intonare nel
silenzio
le note di un
canto antico.
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Le petit mur
C’étaient de jeunes femmes
assises en rang, au petit mur,
l’une à côté de l’autre,
les bébés serrés entre leurs seins,
leurs visages tournés vers le
soleil.
Le soir tombait sur le moulin à
huile
sous les presses, goutte à goutte,
le liquide descendait brillant.
Le soleil, derrière la colline,
embrassait les oliviers
centenaires,
les branches épaisses, les
cachettes furtives,
les trilles des merles chanteurs.
Autour de la basse-cour
s’arrêtaient
les courses des garçons,
les portes étaient fermées.
La lune reflétait la terre
piétinée.
et les derniers adieux,
la charrue et le chariot vide.
La nuit éclairait les désirs
de préludes improbables.
On entend encore les voix au
coucher du soleil
là, sur ce petit mur,
entonner dans le silence
les notes d'une chanson ancienne.
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La notte di San Lorenzo
Le voci
giovani si levano in coro
sull’aia
all’imbrunire.
Parlano di
sogni,
vagheggiano
speranze
fra rivoli di
spine e dolci pensieri,
desideri
nascosti al primo albore.
Vanno oltre il
muretto, oltre il giardino
alla strada,
alle stelle lucenti.
Infiammano la
notte magica
di petali
incandescenti.
Scendono
frammenti preziosi
piccole
schegge di luce,
si posano
davanti agli usci.
Nel buio
risplende di fuoco
la notte della
campagna.
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La
nuit de San Lorenzo
Les voix des jeunes s’élèvent en
chœur
sur la basse-cour au crépuscule.
Elles parlent de rêves,
désirent ardemment des espoirs
parmi des flots d’épines et de
douces pensées,
des souhaits cachés à l’aube.
Elles vont au-delà du petit mur,
au-delà du jardin
à la rue, aux étoiles brillantes.
Elles enflamment la nuit magique
de pétales incandescentes.
Descendent des fragments précieux
petits éclats de lumière,
se posent devant les portes.
Dans l’obscurité, brille de feu
la nuit de la campagne.
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Sull’aia
Tutti insieme
sull’aia
tra canti,
danze,
i corpetti
colorati, le gonne lunghe,
gli sguardi
degli uomini, furtivi,
i ragazzi e i
consueti giochi.
Tutti insieme
lì, dopo la fatica,
i sacchi di
olive attendono,
domani la
nuova molitura,
e intorno si
consuma
l’odore
dell’olio appena franto.
La brocca di
vino rosso
il pane
lievitato all’alba
sulla grande
tavola
baciata
dall’ultima luce.
Compare una
scia rossa
dietro la
collina
misteriosa
esce la luna
a illuminare
le prime coppie sull’aia.
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Sur
la basse-cour
Tous ensemble sur la basse-cour
entre chants, danses,
les corsages colorés, les jupes
longues,
les regards des hommes, furtifs,
les garçons et les jeux habituels.
Tous ensemble là, après la fatigue,
les sacs d’olives attendent,
demain la nouvelle mouture,
et tout autour se consume
l’odeur de l’huile fraîchement
pressée.
Le pichet de vin rouge
le pain levé à l’aube
sur la grande table
embrassée par la dernière
lumière.
Une traînée rouge apparaît
derrière la colline,
mystérieuse la lune se lève
pour éclairer les premiers couples
sur la basse-cour.
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***
Giuliano Ladolfi,
poète, essayiste et éditeur, est bien connu de nos lecteurs, par ses poèmes en version
bilingue et par ses traductions
(voir à cette rubrique même) ; il a publié un essai sur la poésie contemporaine
au numéro de novembre-décembre 2022.
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Giuliano
Ladolfi - Traductions
Francopolis - Automne 2025
Recherche
Dana Shishmanian
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