D'une langue à l'autre...
et textes
incidemment, sciemment
ou comme prétexte. Traduction.

 

ACCUEIL

Archives : D'une langue à L'autre

 

Septembre-octobre 2023

 

 

Trois poètes italiens contemporains

Présentés et traduits par Giuliano Ladolfi :

 

Andrea Temporelli

Eleonora Rimolo

Giovanna Rosadini

 

*** 

Andrea Temporelli

 

Andrea Temporelli a récemment publié le recueil de poèmes L’amore e tutto il resto (Interlinea, 2023).

 

Etica dell’armadio

Ogni cosa al suo posto. Per trovare

ciò che serve, per scegliere

il giusto abbinamento e favorire il caso

che accosta stili e crea le mode alternative

occorre regolare spazi, piegare bene

ogni stoffa, aumentare gli scomparti

per cravatte e cinture, per calze e fantasmini.

La libertà si regge

su grucce resistenti.

 

Dietro a un’anta i vestiti della festa,

dall’altra parte gli abiti

più comodi, magari logori, ma che sanno

lo sguardo affezionato delle stanze.

 

Qualche felpa per anni

è rimasta nel fondo del cassetto,

protetta da pastiglie

di canfora o profumi di lavanda

e adesso è come nuova. Ma nonostante tutto

le forme cambiano nel tempo, passa

di moda qualche giacca, si scolora

la camicia più bella.

 

Finché qualcuno spolvera,

aria e luce, rimuove il superfluo,

controlla le misure.

 

Ha ragione la mano

che ha provveduto al cambio di stagione.

 

Éthique de la garde-robe

Chaque chose à sa place. Pour trouver

ce dont vous avez besoin, choisir

le bon accord et privilégier le cas

qui juxtapose les styles et crée des modes alternatives

il faut ajuster les espaces, bien plier

chaque tissu, multiplier les compartiments

pour les cravates et les ceintures, pour les chaussettes et les petits fantômes.

La liberté repose

sur des cintres solides.

 

Derrière une porte, les vêtements de fête,

de l'autre côté, les vêtements

plus confortables, peut-être usés, mais qui connaissent

le regard affectueux des chambres.

 

Quelques sweat-shirts depuis des années

sont restés au fond du tiroir,

protégés par des pastilles

de camphre ou de lavande

et maintenant, ils sont comme neufs. Mais malgré tout

les formes changent avec le temps, certaines

vestes se démodent, se décolore

la plus belle chemise.

 

Jusqu'à ce que quelqu'une époussette

donne de l'air et de la lumière, enlève le superflu,

vérifie les mesures.

 

La main est juste

qui a prévu le changement de saison.

 

Le scarpe

Depongo la parola scarpa accanto

alla scarpa reale

e vedo che le due scarpe si guardano

con diffidenza.

La cosa-scarpa vorrebbe ritrarsi

nell’ombra del noumeno

e riemergere vaso,

trastullo per il cane,

tana per il topolino, martello

all’occorrenza.

Tornare a essere in definitiva

solo una cosa ed una cosa sola,

indefinita, libera

dai lacci della significazione.

Ma la parola-scarpa

accanto la sorveglia,

la tiene nella luce.

 

(Procede questa poesia

col ritmo malsicuro di uno zoppo)

 

Les Chaussures

Je dépose le mot chaussure à côté

de la chaussure réelle

et je vois que les deux chaussures se regardent

avec méfiance.

La chose-chaussure voudrait se rétracter

dans l’ombre du noumène

et se refaire vase,

amusement pour le chien,

terrier pour la souris, marteau,

le cas échéant.

Redevenir en définitive

juste une chose et une chose seulement,

indéfinie, libre

des liens de la signification.

Mais le mot-chaussure

la garde à côté,

la maintient dans la lumière.

 

(Ce poème avance

au rythme d’un boiteux)

 

Nel Giurassico

L’anchilosauro poteva spezzare

con la coda mazzata

la zampa di un T. rex,

il più feroce, ma non il più forte.

La sua palpebra ossea non avrebbe

versato lacrime di fronte al re

dalle piccole braccia, lunghe quanto

quelle di un padre mentre ti solleva.

 

Così il bambino imparava a distinguere

tra stupore e paura

specie diverse, confuse soltanto

per ignoranza. Eppure a catechismo

non avevano detto

se Cristo era venuto anche per loro,

se un giorno avrebbe visto

i Sauri in paradiso

giocare col suo cane avvelenato

per sbaglio come un topo.

il più caro, ma non il più protetto.

 

Nei suoi appunti a matita

metteva in scala gli anni,

miliardi e poi milioni, e poi migliaia,

e non capiva il tempo, non trovava

nella Pangea la forma di stivale,

non conosceva il nome

Laurasia, ma ogni volta

pensava alla compagna in fondo all’aula,

la sola coi pastelli Caran d’Ache.

 

Nel dubbio abbandonava il libro e usciva

a esplorare il cortile, meditando

su questioni teologiche

mentre cercava indizi

della grande estinzione

(milleretta o lucertola?),

distratto dal pensiero

che un nuovo meteorite

cadesse sulla Terra,

o un’altra bomba atomica

mutasse il clima irrimediabilmente.

 

Sopraffatto da tante apocalissi

a sera confrontava

quetzalcoatli e draghi,

istrici e longisquama.

In quale forma l’uomo

si sarebbe evoluto?

Ma era presto per sciogliere i quesiti,

era solo l’infanzia, la preistoria

di un bambino qualunque

nell’Olocene, salvo in Cristo, incerto

sull’escatologia dei dinosauri.

 

Dans le jurassique

L’ankylosaure pouvait briser

avec la queue défoncée

la patte d’un T. rex,

le plus féroce, mais pas le plus fort.

Sa paupière osseuse n’aurait pas

versé des larmes devant le roi

avec des petits bras, aussi longs que

celles d’un père qui te soulève.

 

Ainsi l’enfant a appris à distinguer

entre étonnement et peur

espèces différentes, confondues seulement

par ignorance. Et pourtant au catéchisme

personne n’avait dit

si le Christ était venu pour eux,

si un jour il verrait

les Sauriens au paradis

jouer avec son chien empoisonné

par erreur comme une souris.

la plus chère, mais pas la plus protégée.

 

Dans ses notes au crayon

il échelonnait les années,

des milliards, puis des millions, puis des milliers,

et il ne comprenait pas le temps, ne trouvait pas

dans la Pangée la forme de la botte,

ne connaissait pas le nom

Laurasie, mais à chaque fois

pensait à la camarade au fond de la classe,

la seule aux pastels Caran d’Ache.

 

Dans le doute il quittait le livre et sortait

à explorer la cour, en méditant

sur des questions théologiques

tout en cherchant des indices

de la grande extinction

(millerette ou lézard ?),

distrait de la pensée

qu’une nouvelle météorite

tombe sur Terre,

ou qu’une autre bombe atomique

change irrémédiablement le climat.

 

Submergé par tant d’apocalypses

le soir il comparaît

des quetzalcoatli et des dragons,

des hérisson et des longisquama.

Sous quelle forme l’homme

allait-il évoluer ?

Mais il était trop tôt pour répondre aux questions,

c’était juste l’enfance, la préhistoire

d’un enfant quelconque

dans l’Holocène, sauf dans le Christ, incertain

sur l’eschatologie des dinosaures.

 

Eleonora Rimolo

 

Eleonora Rimolo, diplômée en Lettres Classiques et en Philologie Moderne, est chargée de Recherche en Littérature Italienne à l’Université de Salerne. Elle dirige le site Atelierpoesia.it.

Les textes sont extraits du recueil Temeraria gioia (2017).

 

 

Sono io, mi riconosci,

ho un sopracciglio che supplica

il conto, alla fine di un misero

pasto: hanno appena

asfaltato, mi dici, ora

è quasi pronto, il cortile

che ci accoglie ha perso pure

l'ultimo coriandolo di verde,

un gorgoglio ci ricorda che

esistono ancora le fogne,

scrigni oscuri, custodi ultimi

delle lenzuola che solamente

sognammo di annusare.

 

 

C'est moi, tu me reconnais,

j’ai un sourcil qui demande

l’addition, à la fin d’un repas

misérable : on vient de

paver, tu me dis, maintenant

tout est presque prêt, la cour

qui nous accueille a aussi perdu

la dernière coriandre verte,

un gargouillis nous rappelle que

qu’existent encore les égouts,

sombres écrins, derniers gardiens

des draps que nous seulement

avons rêvés de sentir.

 

 

Davanti la piccola chiesa

da ridipingere i cortei funebri

degli zingari a frotte scure

strisciano in cerca

di briciole e stoffe.

 

Poco dietro di loro,

luttuose e straniere, le donne

del quartiere annerite

dalle doglie non sanno

dove nascondere il latte

pur di non lasciarlo

in elemosina ai carri.

 

E tu, che da quel seno

piangesti ogni frammento

del breve piacere, tu dove

tieni celato quel santo

liquido odoroso e franto?

Chi si è sfamato al posto

mio, dove l’hai svuotato

l’eccesso di quello spreco,

il mio nettare,

mentre sotto le gonne nere

e dentro le preghiere

la santa vita precipitava?

 

 

Devant la petite église

pour repeindre les cortèges funèbres

des gitans en masse sombre

rampent à la recherche

de miettes et de tissus.

 

Juste derrière eux,

endeuillées et étrangères, les femmes

du quartier noircies par les douleurs

de l’accouchement ne savent pas

où cacher le lait

pour ne pas le laisser

en aumône aux charrettes.

 

Et toi, qui de ce sein

as pleuré chaque fragment

d’un bref plaisir, toi où

gardes-tu caché ce saint

liquide odorant et concassé ?

Qui s’est nourri à ma place

où tu as vidé

l’excès de ce déchet,

mon nectar,

alors que sous les jupes noires

et à l’intérieur des prières

la sainte vie chutait ?

 

 

Amarti è di nuovo covare

la nausea del non capire,

è l’aver smarrito

il sentiero scavato

dall’aratro, è chiederti

quanti sono i superstiti,

spegnere la luce, abbandonarsi

nel sonno alla strage.

 

 

T’aimer, c’est encore couver

la nausée de ne pas comprendre,

c’est avoir perdu

le chemin tracé

par la charrue, c’est se demander

combien sont les survivants,

éteindre la lumière, s’abandonner

dans le sommeil au massacre.

 

 

Giovanna Rosadini

 

Giovanna Rosadini, née à Gênes, est diplômée de Venise en langues et littératures orientales et vit à Milan. Elle a travaillé comme rédactrice et éditrice pour Einaudi jusqu’en 2004. Elle est rédactrice éditoriale de la revue de poésie, critique et littérature “Atelier”.

 

Within me latitude widens, longitude lengthens

Nel flusso strisciato delle luci

la strada mi scorre attraverso

morsicature veloci

scheggiano il crepuscolo

— di nuovo nella corsa, finalmente

riaccesa alle forze, tesa

 

e sorpresa, sono qui

affacciata sui punti cardinali

che mi hanno orientato il deserto

annodato pensieri e assorbito

una volontà feroce, inconsapevole

catalizzato ogni proposito

 

ma fuori, fuori ormai

nella sciolta energia del tempo

che ritorna e reclama,

nell’orbita allentata dove

si può affondare, ci si può

lasciare alla corrente

 

mentre la vita scioglie i grumi

un calore lievita il corpo

il ventre irradia acciaio

a saldare la consistenza del respiro

di ogni singolo

osso muscolo organo membro

 

— qui, in risonanza col mondo

 

riconciliata e immobile, ascolto

il risveglio dei sensi — il loro

dilatarsi, aprirsi in ogni poro,

protendersi oltre.

 

Within me latitude widens, longitude lengthens

Dans le flot rampant des lumières

la route me traverse,

des morsures rapides

ébrèchent le crépuscule

– à nouveau dans la course, enfin

remise aux forces, tendue

 

et surprise, je suis ici

face aux points cardinaux

qui ont orienté mon désert,

noué des pensées et absorbé

une volonté féroce, inconsciente

   – catalysé chaque intention

 

mais à l’extérieur, à l’extérieur désormais

dans la dissoute énergie du temps

qui revient et réclame,

dans l’orbite lâche où

on peut couler, on peut

se laisser au courant

 

pendant que la vie dissout les grumeaux

une chaleur fait lever le corps

le ventre rayonne d’acier

à souder la consistance du souffle

de chaque

os musculaire organe membre

 

– ici, en résonance avec le monde

 

réconciliée et immobile, j’écoute

l’éveil des sens – leur

se dilater, leur s’ouvrir dans chaque pore,

s’étendre au-delà.

 

Settembre, luce regale

un palpito rossoarancio

spicca nel verde lucido

addensa voci, incendia

 

l’alto bagliore compatto,

lastra di sole sul tetto

potenza riflessa e immobile

nel cielo indaco intatto.

 

Septembre, lumière royale

une palpitation rouge-orange

se détache sur le vert brillant

épaissit des voix, enflamme

 

la haute lueur compacte,

dalle de soleil sur le toit –

puissance réfléchie et immobile

dans le ciel indigo intact.

 

Stelle, lampare

Durasse questa fissità

incisa nelle ombre, tramata

da punti di luce lontani.

A pesca di totani

dal terrazzo di casa,

risalendo l’oscurità

fino all’amo delle stelle.

 

Étoiles, lamparos

Que dure cette fixité

gravée dans les ombres, tissée

par de lointains points lumineux.

À la pêche aux calmars

de la terrasse de la maison

montant dans l'obscurité

jusqu’au crochet des étoiles.

 

***

Giuliano Ladolfi, poète, essayiste et éditeur, est bien connu de nos lecteurs, par ses poèmes en version bilingue et par ses traductions (voir à cette rubrique même) ; il a publié un essai sur la poésie contemporaine au numéro de novembre-décembre 2022. Les poètes qu’il traduit ici ont été publiés chez Giuliano Ladolfi Editore dont nous recommandons vivement le catalogue de poésie !

 


Giuliano Ladolfi - Traductions

      Francopolis septembre-octobre 2023 
Recherche Dana Shishmanian 



Accueil  ~  Comité Francopolis  ~  Sites Partenaires  ~  La charte  ~  Contacts

Créé le 1 mars 2002