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Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton, nous vous présenterons un épisode d'une Nouvelle: FIN DE SAISON  par Eliette Vialle



octobre 2010

Tableau I : L’embarquement pour Cythère (Watteau)

Tableau II : La Mer (Emile Nolde)


Tableau I   :    L’embarquement pour Cythère  (Watteau)

 Kévin caracolait  le long de la file d’embarquement du terminal F2. Le bonheur et l’impatience mettaient ses nerfs à rude épreuve : pour la première fois, il partait en voyage avec l’homme de sa vie, une sorte de lune de miel à la fin de l’été : ce serait à la fois une épreuve pour leur relation toute neuve, et, pour lui, la preuve qu’il pouvait construire un couple durable. Son compagnon, sensiblement plus âgé, le considérait avec indulgence, tout en poussant, patiemment,  le caddie sur lequel étaient entassés les bagages.  Près de lui, son  jeune ami, allait et venait, entre les groupes de voyageurs, tantôt, vérifiant les horaires, tantôt, relisant les annonces , il s’ébrouait comme un jeune cabri, venait souvent donner une ébauche de caresse muée en coup d’épaule léger, ou frottait son corps juvénile à celui plus massif de Cédric. En sautillant ainsi, il bouscula les bagages d’un de  ses voisins de file, juste à l’arrière : un grognement sourd ponctua le glissement d’une valise que l’on remettait dans l’alignement. Kevin se retourna et fit face au mauvais coucheur : un homme d’un certain âge, enfin du troisième, auquel il fit une grimace d’excuse que l’autre interpréta  sans doute mal  car il lui lança un regard furieux.

Roger et son beau-frère Joseph, partaient, eux aussi, pour la même destination. Ils avaient étaient réunis dans la vie par l’alliance avec deux sœurs et cela avait scellé leurs destins.  Devenus veufs, ils avaient décidé de vendre leurs biens individuels afin d’acheter, ensemble, une maison moderne ; puis, avaient pris l’habitude, étant à l’aise financièrement, de partir en vacances, en fin de saison, pour couper la monotonie de leur retraite. Les départs, les retours, les attentes interminables les aigrissaient et ils  supportaient mal tout ce qui  créait des remous supplémentaires. Roger et Joseph se  consultèrent du regard : en voilà un qu’il faudrait supporter !

Et cela commença bien vite : après l’enregistrement, la file des passagers se remit en ordre sagement pour monter dans le bus qui les conduirait au pied de l’appareil. Kévin que cette lenteur exaspérait, quitta brusquement son compagnon, et se faufila parmi les premiers ; il fut vertement remis en place par un agent de contrôle auquel il répondit avec insolence. Roger et Joseph se lancèrent un clin d’œil jubilatoire ! Mouché, le sale « petit con de pédé « (car les manières des jeunes gens ne leur avaient pas échappé) ! Mouché !   Et ils s’enfoncèrent dans leur fauteuils avec une satisfaction accrue,  commandèrent sandwiches et bières, les dégustant, le cœur débordant de reconnaissance devant une justice pleinement exécutée. Mais, ils ignoraient, alors, que cette antipathie envers la « petite tapette », comme ils l’appelaient déjà dans leur for intérieur, allait croître sournoisement,  se muer en hostilité ouverte, et, bêtement transformer les vacances en cauchemar.

 

                           Tableau II : La Mer   (Emile Nolde)

Les premiers jours s’écoulèrent dans le ravissement de la découverte des lieux, de leur beauté, de leur confort. Les jeunes gens vivaient en dehors  du cercle habituel des touristes, se nichaient dans une extrémité de la plage dès le matin, s’huilaient soigneusement l’un l’autre, avec tendresse et sensualité, partaient après  tout le monde, arrivaient quand la salle à manger était presque vide, de plus en plus semblables : pareillement  bronzés, savamment décoiffés et délicatement mal rasés ! Il fallait bien observer pour les distinguer.

Le couple de vieux messieurs, aussi, s’installait un peu à l’écart, sur une terrasse à mi- chemin de la plage et de la piscine, apparaissait  au tout début des repas, de plus en plus semblables, eux aussi, avec leur shorts longs, leurs chemisettes bariolées, les mêmes casquettes sur des cheveux  mêmement blancs; il n’y avait aucune raison que les deux  extrêmes  se rencontrassent un jour ; mais les Parques en avaient décidé autrement !

Kévin servit de révélateur au drame : la solitude à deux commençait à lui peser, et il y avait tant de groupes de jeunes gens de son âge qui riaient et s’interpellaient autour de la piscine centrale,  mais ils n’y venaient tous deux qu’une fois les autres  partis ,or, le besoin de ses pairs se faisait de plus en plus prégnant, leurs cris joyeux l’appelaient, et il serrait plus fort la main de Cédric dans la sienne pour se raccrocher à une certitude très forte : celle du couple sérieux et solide qu’ils voulaient former. Malgré tout, n’en pouvant plus, il prétexta des boissons à ramener du bar et quitta la plage.

 


Créé le 1 mars 2002

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