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DÉCEMBRE 2016

 

JUNON OU UNE IMPROBABLE RELATION

 

Par Éliette Vialle

 

 

PARTIE 2 suite et fin

 

Il annonça, le soir à table, son projet brutalement. Sa mère suffoqua, son père interrompit ses songeries.

- Tu veux te marier ? Si jeune ? Quelle idée ? N’es-tu pas bien ainsi sans responsabilité ?

François-René parla d’Alexia.

Le père et la mère s’interrogèrent du coin de l’œil, et s’envoyèrent un message.

- Présente- nous cette jeune fille, ajouta sa mère affable.

- Bien sûr, dit François-René, tout en se demandant si réunir deux mondes si opposés allait être possible sans porter préjudice à l’un ou à l’autre.

Le soir les parents s’entretinrent brièvement « Il va faire une folie, disait le père, et il le regrettera toute sa vie… » « Mais laissons le faire, dit la mère, les choses se dénoueront d’elles-mêmes si nous ne nous y opposons pas trop violemment ».

Prudent, François-René amena Alexia un soir à l’heure du thé. La jeune fille plut au père, moins à la mère qui la trouva trop réservée, peu spontanée « manquant de l’exubérance et de l’insouciance de la jeunesse ». François-René sourit car c’était la gravité d’Alexia, « sa Junon », qui lui apportait une stabilité et une sérénité qui lui convenait. . Il envisageait la vie avec sérieux, il éprouvait la nécessité de se fixer dans le temps et dans l’espace, d’appartenir à un corps social et à un espace privé, intime qui serait sa source immuable.

La vie sans Alexia et sans la famille d’Alexia n’était pas concevable dans l’avenir.

 

*****

 

Les deux jeunes gens décidèrent de se marier en toute simplicité dès que la parution des admissibilités au concours serait affichée. Les familles n’en furent informées que de loin, car il fallait compter avec l’opposition farouche des deux mères, celle de François-René et celle d’Alexia qui portaient le même jugement sur cette union hautement "improbable".

Alexia ne disait rien mais farouchement s’acharnait à vaincre les vents contraires soufflés par les deux marâtres. Les pères ne disaient mot, dépassés par l’ampleur et l’aspect insolite des évènements. Sans s’entendre, sans se rencontrer, ni se connaitre les femmes ourdirent de concert un lamentable complot.

Alors que les deux jeunes gens préparaient leur avenir paisible et modeste, les tensions familiales s’exacerbaient. Isolés dans leurs bulles estudiantines, aucun d’eux ne prit conscience de la ténuité de leurs perspectives d’avenir. Ils s’épanouissaient dans leurs études respectives et n’appréhendaient pas une quelconque remise en question de leurs efforts conjoints.

Comme le père de François- René, connaissaient les membres du jury, son épouse lui fit comprendre qu'une intervention de sa part pourrait mettre fin à cette folie …

François-René, pourtant satisfait de ses concours, ne trouva pas son nom sur les listes des reçus. Incrédule, il relut avec attention… ce n’était pas possible, il n’était pas admis !!! Lui qui avait tant travaillé, lui qui était un des meilleurs de sa promotion !!!

Assommé, anéanti, il regagna l’appartement familial. Il n’avait pas prévu un coup aussi rude et le premier échec de sa vie le rendait plus vulnérable qu’un nourrisson. C’est en homme défait qu’il alla parler à son père. Celui-ci le reçut en père dévoué.

- J’avais envisagé pour toi, l’Ecole de magistrature.

François-René s’inclina. Comment porter cette nouvelle à Alexia et sa famille. Le mariage prévu à l’automne, n’était plus possible. Tout son univers basculait dans un indicible néant. Le jeune homme se figeait dans un dangereux déni, le beau château de cartes qu’il avait construit en esprit s’effondrait, entrainant dans sa chute sa force conquérante.

Et c’est en vaincu qu’il annonça à Alexia la nouvelle ; le mariage n’aurait plus lieu. Alexia ne comprenait pas. Leur engagement était pour elle une certitude… l’attitude de chacun la révolta, le fatalisme de sa mère, l’humilité de son père, le manque d’envergure de son fiancé.

Ainsi tout fut rompu, un faux pas et les rêves s’effilochaient. Penaud, François-René essuya la tempête, obéit à son père, entra à l’école de magistrature et il n’y eut plus de mariage.

Alexia, orgueilleuse et blessée, réagit vigoureusement. Elle espaça ses rencontres avec un jeune homme déjà mis à distance par une situation déplorable, puis, accepta les invitations de Michel, un camarade de fac, fils d’ouvriers lui aussi…

Les deux mères se félicitaient de la tournure que prenaient les évènements. Les pères, un peu déçus tout de même car sensibles à l’aventure sentimentale de leurs enfants se résignèrent…

Alexia épousa Michel et tous deux furent nommés dans un poste à l’étranger où la vie était différente, bien loin dans le temps et l’espace de leur nid familial.

François-René devint un magistrat, se maria sans trouver la plénitude qu’il avait entraperçue lors de ses vingt ans. Sa carrière honorable lui laissait le goût amer d’un fruit vert.

Alexia mit à profit les loisirs que sa vie de coopérante lui offrait. Elle écrivit un roman, fut saluée unanimement par la critique. Son second roman obtint un prix, elle dut revenir en métropole pour le recevoir et en subir les honneurs.

La municipalité de sa ville organisa en son honneur une séance de dédicaces, à l’Hôtel de Ville où le maire rappela la conduite de son père.

Que de souvenirs pour Alexia !!!

Son amour jamais oublié pour François-René, l’humiliation qui avait été la sienne, mais elle ne pouvait déroger – Son mari était resté à l’étranger, elle reprit place dans sa famille, dans sa chambre-cellule de jeune fille…

Le soir venu, entourée de sa famille endimanchée, des notables de la ville, elle s’installa dans la salle d’apparats.

Les gens défilaient, curieux de voir une fille du pays sortie de son milieu social… Elle signait, après s’être enquis des prénoms, tout était machinal, pesant et triste.

- François-René, articula une voix bien connue.

Alexia sursauta, leva la tête. Il était là avec un vague sourire d’appréhension, des cheveux gris éclairaient déjà ses tempes…

- François-René, s’exclama-t-elle dans un souffle…

Elle le dévisageait incrédule mais bouleversée.

- Ma Junon, ajouta-t-il…

Les larmes vinrent aux yeux d’Alexia…

François-René lui tendit un livre ouvert à la 1ère page, et elle lut : « Veux-tu que nous recommencions tous les deux, je ne t’ai pas oubliée, ma Junon ».

Elle prit le livre et écrivit en le regardant dans les yeux : « oui, je le veux »

et elle signa.                             

 

 FIN

Partie1  1
www.francopolis.net/librairie/VialleEliette-Junon-octobre2016

 

Francopolis décembre 2016
Éliette Vialle

 

 

 

Créé le 1 mars 2002

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