Ou les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage. |
|
|
|
|
|
GUEULE DE MOTS
Cette
rubrique a repris un second souffle en 2014 pour laisser LIBRE PAROLE À
UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de
ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire,
d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa
vie parallèle à l'écriture, ou tout simplement de gueuler en paroles...
etc. Hiver
2024 Libre
parole à Patrice Perron Deux
petites histoires (bretonnes) contemporaines : & Extraites
de : |
||
Un monde inconnu— Je vous le dis, mais ne le répétez à personne... — D'accord, promis, juré, craché, croix de bois, croix de fer, si nous mentons, nous irons en enfer ! — Hé bien voilà : j'ai fait un voyage extraordinaire il y a quelque temps. — C'est tout ? — Non, écoutez plutôt la suite. — Nous sommes tout ouïs. Je vais vous raconter la merveille à vivre qu'a constitué, pour moi, le voyage initiatique dans un monde inconnu. Je n'avais jamais entendu parler de lui. Une nouvelle amie, comme on dit sur les réseaux sociaux, m'avait chaleureusement invité à m'y rendre, sans me donner de renseignements sur les équipements nécessaires : chaussures, vêtements chauds ou pas, lampe frontale, papiers d'identité, clé USB, tablette, appareils photos ou autres outils. Mais ne possédant ni smart phone ou iPod, je devais me contenter, et mes interlocuteurs aussi, de mon simple téléphone à grosses touches ! Le jour J, j'étais paré à partir à l'aventure. À l'accueil, de l'autre côté d'une cloison en plexiglas type hygiaphone des années 1970, une jeune femme, aux yeux bleus éclatants de sirène, m'accueillit et me demanda de présenter mon pass sanitaire et de décliner mon identifiant : — Quel identifiant ? Mon numéro INSEE ? — Non. Vous allez devoir en créer un, pour nous, maintenant. Vous le' présenterez à chaque salle de la visite. Cela nous permet de dresser des statistiques de fréquentation de façon anonyme. Information pratique : vous n'avez pas besoin de porter un masque à l'intérieur des salles. — Parfait ! Je constatai aussitôt, que dans cet identifiant, il fallait inclure le code postal de ma commune de naissance. Évidemment, je ne le connaissais pas, puisque je n'ai mis les pieds dans cette ville lointaine, que le jour de ma naissance. Je suis donc retourné chez moi, en grognant, pour trouver le code postal exigé. Personne ne m'avait prévenu. Pas même ma nouvelle amie, spécialiste de ce genre de lieux et de sites. Code récupéré, je revins la mine conquérante, sûr de pouvoir enfin exaucer le vœu de ma sirène du jour, et de passer cette première porte. Elle m'ouvrit les bras. J'en fondis d'émotion. Aussitôt après, je me retrouvai dans une salle à la lumière tamisée. Je ne savais pas où me diriger. Les murs étaient chargés d'inscriptions alphabétiques de type latin, auxquelles je ne comprenais rien. Il ne s'agissait ni de hiéroglyphes, ni de lettres de l'alphabet cyrillique, mais je n'y captais rien. Heureusement, à droite, apparut une lumière blanche, faible et clignotante, puis une voix de synthèse m'interpella : — Avez-vous besoin d'aide ? — Oh, oui alors, je suis perdu. Je voudrais rentrer dans la salle 2. — Je n'ai pas compris votre requête, veuillez reformuler votre demande. — Puis-je, s'il vous plaît, madame, rentrer dans la salle numéro 2 ? — Je vais vous guider. Il vous suffira de suivre les instructions. Avec le recul de quelques jours après cette aventure, je suis incapable de citer la liste des instructions à suivre pour entrer dans cette fameuse salle numéro 2. Mais j'ai réussi. L'aventure se poursuivit. Je dus emprunter un long couloir, comme dans le métro, mais sans panneaux publicitaires. Partout étaient placardées des consignes de sécurité, des mots étranges ou inconnus. J'arrivai enfin à la salle numéro 3. Changement de couleur : un beau vert d'eau, couleur de sanitaires des années cinquante, donnait sa teinte aux murs. Le Pop Art dans toute sa splendeur un peu désuète. Je m'étais détendu. De son hygiaphone près de la porte, l'hôtesse me demanda ma date de naissance. Je fis une telle tête, qu'elle me dit sèchement : — C'est un moyen de vérifier l'exactitude de vos déclarations initiales. Moi, je croyais qu'elle voulait me draguer. Que nenni. Mais elle me laissa entrer. La pièce était claire, immense, avec plein de grands panneaux successifs. La visite consistait à résoudre chacun des rébus dans l'ordre d'apparition sur les murs. Dès le premier de ces jeux, je coinçai, comme un cycliste débutant met pied à terre dès les premiers lacets du Tourmalet. Planté. Je revins à la porte, mais la voix de synthèse était désormais inactive. Je décidai d'appeler un ami. À gauche de la porte, un bouton permettait de solliciter un agent : — Que puis-je pour vous ? — Je suis nul en résolution de rébus. Je voudrais bien faire l'impasse sur cette salle numéro 3. — Ce n'est pas possible. Mais je peux orienter vos réponses. En fait, je commençais à avoir chaud et un peu mal à la tête. Les rébus ont toujours un peu dégradé mon humeur. Et je sentais clairement à ce moment-là, que j'allais m'énerver. De plus, l'agent chargé de m'aider se plaçait systématiquement devant le panneau du rébus à résoudre, comme les journalistes télé de la météo se placent devant la Bretagne, pile poil là où je veux regarder la carte. Et je ne pouvais rien écrire. Pris de rage, je le bousculai. Il tomba, se releva prestement et disparut. Je me retrouvai tout seul : — Au secours ! hurlai-je. Des agents de sécurité débarquèrent, me saisirent sans ménagement et me jetèrent à la rue. Mais j'avais payé mon droit d'entrée et conservé mon ticket. Je décidai donc de retourner finir la visite touristique de ce lieu intrigant. À l'accueil, cette fois-ci, ce ne fut qu'une formalité, car je disposais de tous les éléments requis pour entrer, même du code postal de ma ville de naissance. Et pan dans la vue de ma sirène qui cligna des yeux en signe d'acquiescement. Je lui adressai un baiser en retour, d'un large geste du bras et de la main. Elle me répondit par un superbe sourire. Sacrée sirène... La salle numéro 2, à nouveau franchie, je me retrouvai ipso facto en salle numéro 3. D'emblée, je sollicitai un agent pour me guider. Après s'être présentée, Marie comprit rapidement la faiblesse évidente de mes compétences en résolution de rébus. De plus, elle remarqua que mon visage était rouge vif, que je paraissais avoir de la fièvre et que je me tenais la nuque de façon un peu raide : — Avez-vous déjà eu une méningite ? me lança-t-elle. — Presque. Quand je ne comprends rien à des questionnaires administratifs ou quand j'essaie de résoudre des rébus, il m'arrive d'en être à deux doigts, de la frôler. — Bon. Nous allons avancer doucement. Calmez-vous. Prenez votre temps. Elle semblait tellement inquiète à propos de mon état de santé mentale, qu'elle me mâcha le travail avec tant de compassion, de patience, d'indulgence et d'efficacité, que je parvins à m'échapper de cette salle. Et comme je ne l'avais pas bousculée, mais au contraire gentiment remerciée et complimentée, elle m'accompagna dans les deux dernières salles, dont les jeux, moins compliqués, ne furent qu'une formalité pour le petit génie que j'étais devenu grâce à elle. En fait, le qualificatif de génie, est largement surestimé. Si Marie n'avait pas été là, je serais toujours à chercher la sortie du chemin des rébus en salle numéro 3. Je ne crâne pas sur ce coup-là 1 Je préfère me faire tout petit. L'humilité peut ouvrir des portes. De toutes sortes. Je n'étais pas encore au bout de mon aventure touristique et de mes peines. Il restait une salle. Je frappai à sa porte de verre dépoli. Un gorille m'ouvrit et me fit reculer de dix mètres, tant il me surprit par son attitude : — Je ramasse les copies, annonça-t-il d'un ton sec, parfaitement en harmonie avec son physique inquiétant. Vous n'avez, ni signé en bas des pages, ni validé vos réponses en fin de document. Je ne me fis pas prier pour exécuter ces dernières taches. Il me tardait de sortir de là. Quelle ne fut pas ma surprise, une fois la liasse de feuilles de papier remise au gorille, de recevoir de ses mains, un document pour me récompenser d'être venu passer énormément de temps en ce site prestigieux : une attestation de visite. J'en informai illico presto ma nouvelle amie, celle qui m'avait poussé à accomplir cette performance. Histoire de la remercier de son initiative à mon égard. Après moult tracas, difficultés, disputes, incompréhensions, ruptures, allers et retours, coups de colère, lassitude, abandons, hargne puis enfin réussite (grâce à Marie), je venais d'achever ma visite d'inscription et de dépôt d'une première facture, à un site fiscal et administratif hexagonal, dédié à une partie du monde culturel. Une espèce de labyrinthe informatique auquel, en tant qu'auteur amateur, je suis obligé de m'inscrire si je veux vendre des livres à un établissement public, comme une médiathèque où un établissement scolaire. Je dois accomplir les mêmes démarches qu'un constructeur de bâtiments genre médiathèque, musée ou autres. Les initiés à ces pratiques administratives délirantes en connaissent le nom, y compris de code ! Mais par grande délicatesse diplomatique, je garde son nom secret... Pour l'instant ! L'éternité devant soi
Cela fait aujourd'hui seize jours que je séjourne à Cambo-les-Bains, la bien nommée, puisqu'il y pleut quasiment tous les jours depuis mon arrivée. Certains jours, cette pluie se transforme en déluge biblique, dans lequel même Noé aurait eu peur de se lancer et de se noyer. Profitant du repos dominical, je suis parti hier de la station thermale, pour me rendre à Lourdes, dire bonjour à Bernadette. Mais voilà qu'aujourd'hui, les saintes piscines et la grotte sont fermées pour cause d'inondation en cours. Il pleut tellement en ce moment, que les gaves convergeant vers Lourdes, (dont le gave de Gavarnie devenant gave de Pau), commencent à déborder, et viennent chatouiller les pieds des dits saints. Et tous les autres petits torrents et ruisseaux, affluents du gave de Pau, descendant des vallées, sont de la partie. L'hôtesse d'accueil de la grotte me prie, avec un large sourire aux lèvres, de bien vouloir acheter un cierge à mettre en offrande à Bernadette, afin d'apaiser la colère des dieux de la pluie. Mais comme je refuse, elle se met à me hurler dessus. — Va au diable, sacré mécréant. — Waouh ! Sacrebleu, ma sœur en humanité, comme vous y allez ! — Va-t’en ou je te jette un sort. Je m'apprête donc à fuir, quand la gente dame me rattrape par le col de ma chemise et me dit d'un ton réprobateur. — Dites donc, mon bon monsieur, ne devriez-vous pas être à Cambo pour y suivre sérieusement votre cure ? — C'est vrai, mais aujourd'hui c'est repos. Et comment savez-vous cela ? — Vous sentez le soufre ! — Dès que j'aurai fini ma visite, je retourne à Cambo et je reprendrai ma cure dès demain, — Menteur ! — Je vous jure ma sœur… — Ne blasphème pas, pauvre diable. — Mais je ne suis pas le Diable ma sœur… — Tais-toi, te dis-je, tais-toi. — Ma sœur, pour vous être agréable et calmer votre courroux, je vous j… heu pardon, je vous promets, d'aller brûler un cierge à la grotte, dès que le niveau des eaux aura baissé. — C'est bien, mon fils, c'est bien, mais en attendant cette béate attitude, je t'envoie faire un stage en enfer. — En enfer ? — Oui. Là-bas, très loin au-delà du vivant, chez Satan ! C'est ainsi qu'au lieu d'être tout de suite de retour aux thermes de Cambo afin d'y bénéficier, dès demain, de la suite des soins respiratoires pour lesquels j'ai obtenu une prise en charge de la part de la Sécu (mais pas du transport, ni de l'hébergement, ni du lamentable complément de facturation, économies obligent), me voilà aux portes de l'enfer, quelque part dans l'univers. Enfin, presque. Car il y a d'importants travaux de réaménagement sur le site. Je vous explique les choses telles que je les vois. Des panneaux géants, et flambants neufs, d'information annoncent que le domaine de Dieu cumule des dettes budgétaires abyssales. Pour les réduire, de radicales mesures d'économies ont été prises. En conséquence, Dieu a décidé de regrouper tous les accès à l'au-delà, en un seul lieu : ici. Et j'y suis, expédié par l'hôtesse d'accueil de la grotte de Lourdes. L'endroit ressemble un peu à certains coins touristiques de la Terre. Je me suis garé sur un immense parking, où il n'y a pas de zone bleue, puisqu’ici, on parle en termes d'éternité. Par contre, il faut donner ses clés de voiture au bureau d'accueil, à la secrétaire de saint Pierre qui me dit d'une voix douce, voire un peu mielleuse : — Vous n'en aurez plus besoin. — Comment ça ? — Il me semble que vous venez là pour choisir entre enfer et paradis. Si nous prenons vos clés, c'est pour être sûr que votre voiture soit bien prise en compte, avec le reste de vos biens, dans votre succession, au bénéfice de vos ayants droits. — Mais je ne viens pas pour mourir, Dieu m'envoie juste pour un stage. — Je vais vérifier vos affirmations. Un instant s'il vous plaît. — Merci, ma sœur. — Non non, je ne suis pas religieuse, j'ai un BTS de Tourisme. — Ah bon. À la grotte de Lourdes, d'où j'arrive, l'accueil est assuré par une sœur. Donc je pensais que vous aussi vous seriez une sœur. — Non, je viens de vous dire que j'ai un BTS de tourisme. — Tant mieux et bravo. Je vois que Dieu forme son personnel. La secrétaire diplômée revient quelques minutes plus tard et m'annonce la bonne nouvelle, elle aussi, le sourire enchanteur aux coins des lèvres : — C'est bon, vous pouvez passer. Je franchis ce sas et me voilà dans le no man's land de l'existence, entre la vie et la mort, dans un grand hall moderne. À droite, se dresse une belle arcade vitrée sur laquelle est inscrite en lettres dorées la mention PARADIS. À gauche, je découvre un magnifique portail d'un rouge de feu sur lequel est écrit le mot ENFER. Au milieu, se tient une porte blanche plus large que les deux autres ouvertures, sur laquelle est collé un petit panneau gris portant en lettres bleues le mot TOILETTES. Et, juste en dessous de ce dernier, un autre panneau d'information, fixé à la va vite, faute de moyens sans doute, ajoute l'information « accessible aux personnes handicapées ». Je me précipite aux toilettes, tant j'ai le trac et peur pour mon avenir. Mais ce n'est pas une option durable. En plus, il y a une forte demande en la matière. Je me résous à sortir et à retourner dans le grand hall. J'observe les gens présents et je constate qu'il y a vraiment beaucoup de monde. C'est normal, puisque nous sommes en hiver terrestre et qu'une variante sévère de la grippe sévissant depuis de longues semaines, semble avoir provoqué pas mal de dégâts. Puis je remarque un individu suspect, cartable à la main et lunettes sur le nez, en train, visiblement, d'inspecter l'exécution des travaux. Je le reconnais, c'est l'un des caïds de Bercy, un certain Saint Taxe, l'un de ces hauts fonctionnaires qui font la pluie et le beau temps sur la Terre. Il est connu pour pouvoir créer un nouvel impôt par jour, quel que soit le régime politique en place. D'après lui, les gens qui arrivent là, de ce côté des portes, sont encore vivants à cet instant-là. Donc, grâce aux pouvoirs qui lui sont conférés, grâce à la puissance de son statut, il nous indique froidement que nous devons accepter, de mauvais gré, de payer une part des travaux. Mais ce caïd exige, en plus,' une contrepartie draconienne : — Pas de retour des partants ! Les comptes des caisses de retraite terriennes doivent retrouver l'équilibre et même dégager à nouveau des bénéfices qui seront réaffectés à l'épuration de la Dette. Les vieux et les individus mal en point doivent mourir. L'avenir des caisses de retraite est en jeu. Dont acte. Du coup, je me sens mal avec le maudit stage que m'a infligé l'hôtesse d'accueil de la grotte de Lourdes. Je me mets à trembler, à m'agiter, à transpirer, rien qu'à imaginer les choses suivantes toutes aussi terribles les unes que les autres : — Suis-je condamné à mort ? Vais-je redescendre à Lourdes pour respecter la parole donnée à l'hôtesse d'accueil de la grotte de Lourdes. Pourrai-je terminer ma cure à Cambo-les-Bains ? En plus, si je ne la termine pas, je ne serai pas remboursé par la Sécu. — Je ne suis pas encore sorti de la brume de mes pensées, que la titulaire du BTS de tourisme vient me voir : — Je vous rends vos clés de voiture. — ?! — Oui. Vous avez beaucoup de chance. — Pourquoi ?! — Le centre de tri est débordé. Il y a plein de candidats à l'éternité, beaucoup trop, et nous n'avons plus assez de places et pas le matériel nécessaire à leur prise en charge, avant leur orientation définitive. — Comment ça ? Dieu ne s'est pas ravitaillé, réapprovisionné ? Il n'a pas anticipé les événements ? C'est incroyable de sa part ! — Chut ! Promettez-moi de ne pas répéter ce que je vais vous dire. — Promis, juré, craché. Que celui qui ment aille en enfer. — Vous ne voulez pas y aller ? — Ben non. — C'est bon, je vous explique : il n'y a plus de masques pour les nouveaux arrivants. — De masques ? Ce n'est pas mardi-gras aujourd'hui ! — Mais non, je vous parle de masques sanitaires. — C'est si grave que cela pour nous, puisque nous sommes presque morts et en partance pour l'éternité ? — Hé bien, justement. Le programme de construction de nouveaux logements au paradis s'avère insuffisant. Dieu et ses ministres ont sous-estimé les besoins. Par contre le Diable a depuis plusieurs années, investi dans le logement social d'un côté et la résidence de luxe de l'autre, pour offrir des conditions d'accueil satisfaisantes pour les pauvres et idéales pour les riches. — Je préfère attendre, moi. — Vous avez raison. Et c'est pour ça que Dieu préfère vous renvoyer sur Terre. Donc, je suis habilitée à vous rendre votre clé de voiture. — Waouh ! Remerciez Dieu de ma part. — Oh ! Il ne se fait pas de souci, vous reviendrez un jour ou l'autre !... Et me voilà de retour sur le grand parking. Je décide de ne pas traîner dans le coin, des fois que Dieu change d'avis, au cas où il recevrait dans l'instant un chargement de masques, de tenues sanitaires et de certificats de décès régulièrement tamponnés. Mon stage est terminé. Il ne reste plus qu'à me rendre à la grotte de Lourdes, passer voir la mégère qui m'a expédié là-haut et respecter la parole donnée. — Vous devez venir déposer un cierge pour sainte Bernadette, cher monsieur, me dit d'un ton sec, l'hôtesse d'accueil de la grotte. — C'est précisément ce que je viens faire. — Ben voyons. Me prenez-vous pour une idiote ? — Non ma sœur. — Je ne suis pas sœur. J'ai un BTS de tourisme. — Mais quand vous m'avez expédié en enfer, vous ne m'avez pas dit que vous n'étiez pas sœur_ — Me faire passer pour une sœur me donnait du pouvoir sur vous. Et cela ne vous a pas surpris d'avoir à faire avec une sœur, n'est-ce pas ? — C'est vrai. — Il vous suffit désormais de ne plus vous méprendre. (…) ©Patrice Perron
|
||
(*)
Auteur ou co-auteur de 36
livres depuis 1977 à ce jour – poésie, récits, nouvelles, réflexions… –
Patrice Perron a été accueilli à Francopolis aux rubriques Francosemailles et Créaphonie (notes
de lecture), Gueule des mots (poèmes)
et… Éditions
spéciale Boules de Noël (poèmes). Dans ce
même numéro il présente Émilienne Kerhoas (Une vie – un poète). Les histoires de Une
journée au Pouldu – qui nous dévoilent un coin de Bretagne telle une
contrée exotique, sortie de l’univers de Tolkien mais rendue familière par les
peintres – se partagent entre récit nostalgique, voire comique par endroits et
toujours d’une grande fraîcheur, et fable aigre-douce voire satire
pseudo-fantastique, d’un humour noir mais tonifiant. Ces deux textes, parmi
de nombreux autres tout aussi succulents (dont le dernier, Aux portes du
paradis, en toute apothéose carnavalesque), en témoignent. NB. L’éternité devant soi
a non seulement un dénouement heureux pour notre héro puisqu’il échappe à
l’Enfer mais aussi un juste retour de bâton pour l’enquiquineuse BTS-iste de
tourisme… mais pour apprécier la fin de l’histoire il faut la lire en entier
dans le livre ! (allez donc le commander auprès de l’auteur). (D.S.) |
||
Patrice Perron Francopolis – Hiver 2024 Recherche : Dana
Shishmanian
|
Créé le 1er mars 2002