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CeeJay – Chronique marocaine

Extraits d’un cycle de poèmes écrits en mars 2014
à l’occasion du festival international de poésie de Safi (Maroc)
(Jamila Abitar)





1.    Massa

D’une beauté d’éclair fracassant et de faste
S’étend le vert de gris de l’oliveraie vaste.

Les longs plumeaux des palmes époussettent le duvet nuageux.
Au dessous l’horizon étend les collines vieux rose
Parsemées de cases orange comme de petits cubes éparses.

Au sol le sombre vert des eucalyptus 
Dont les pieds aspirent l’ombre comme une forêt profonde
Et où calmement serpente l’oued au bleu de cieux.

Le vent léger joue dans les cannes
Au détour du chemin un âne au bât débordant de luzerne
Suivi de son berbère dans sa robe de calme.

Solitaire un cytise d’or majestueux règne sur les champs
Essaimés de moutons et de chèvres mâchouillant la moiteur.
Le parfum de Massa enivre les narines
De sa nature noble et son musc animal.

L’incantation du muezzin rappelle qu’ici
Dieu s’est montré généreux. 

2.    Côte à côte

Les pensers clandestins
Beaux comme à damner les faunes.
A la bouche les dents qui crissent
Sur un accent du sud.
Je me dégingande
A l’ombre des charmilles
Sous les tilleuls qui font des cieux.
Les pieds sur le blé tendre des prés
Le sable silencieux qu’affleure la rosée.
Côte à côte avec moi
Le bonheur fait sa marche.
Réveillé dans le rêve
Humant la nuit aux langueurs charmeuses
La moue boudeuse j’aspire son parfum
Et m’enivre d’espace.
Le vent se lève un frisson passe
C’est l’instant où l’on songe, où le présent trépasse.
Un pied dans le futur je clos les yeux du souvenir
Fugace je laisse l’oubli ténébreux
Perdre tous mes passés derrière au large
Et m’engouffre confiant dans tous les inconnus.
J’écorce une orange et en bois le soleil
À ce flanc le bonheur de l’autre la joie et ses plaisirs lascifs.

3.    Marrakech

Galette plate ceinturée de monts bleutés
Qui se perdent dans la brume
Sur lesquels se détachent les hauts troncs des palmiers et les oliveraies
Tout est d’ocre de grège et de vert 
Parsemé d’oasis rutilants de palmeraies serrées 
Comparé à chez nous en occident peu de femmes voilées dans la rue
Quelque rares hommes d’âge en djellaba
Parfois un groupe de moutons beige tacheté de chèvres noires
Au lointain les sommets aux pentes argentées sous le froid  

4.    Le Mot

Dans l’œil le rêve inachevé des dieux.
La solitude sied à ta démarche lente
L’idéal est ta loi.
Palpable poésie persane et contes d’orient somptueux
L’or précieux des mots eunuques te régale
Fins comme la femme, et tel l’homme puissants.
Va le cœur en aile de papillon
Et le souffle obsesseur de ta passion féline.
Va faire les serments que tu nieras plus loin
Dans les ors boréaux où tu erres furieux
De la folie jaloux
Lançant brutal l’éclair de tes yeux d’ombre et d’ivoire
Hagard et soupçonneux pour renaître à l’envie
En grand soleil défiant les songes de brumes
Et d’océan de sable recouvrant les déserts
En oriflamme de nuages qui déchirent le firmament vermeil.
Va noyer ton âme tes sens et ta raison à ces phrases de rocaille
Qui heurtent l’entendement de leur savoir profond.
Paroles de prophètes de sages philosophes
Fantômes de l’histoire du peuple des déserts
Qui flottent sur l’oued comme pétales d’oranger
Au soir de l’épopée titanesque des poètes qui t’y ont précédé.
Va darde tes rayons suprêmes d’égal à égal avec les dieux d’ici
Comme un enfant le ferait ignorant son génie.
Achève leurs rêves avec ce mot secret
Qu’on ne prononce pas dont nul ne trace les signes.
Ce mot divin caché aux hommes du commun
Qui sublime la vie lui donne le sens et la mesure.
Ce mot perdu au fond des poésies soufies
Enterré aux pieds d’oasis inconnus. 
Qui marque de ses pas les sables tourmentés
Où s’efface sa trace au passage des souffles du Chari
Et ne laisse aux abords qu’un parfum fleurant le goût d’éternité.
Va de ta marche lente, poète d’orient !

5.    Glyphes

Les nouvelles frontières sont faites de murs et de prisons.
Déplacer les montagnes ne suffit plus à la liberté
Elle est devenue un mot perdu elle n’est plus un rêve ni souvenir
A perdu sa place dans ce monde de consommation suprême.
Le poumon de la terre est pris de crise d’asthme chronique
Et les médecines impayables pour le soigner ne sont que placébo.
La rumeur a la gueule et en commentaires numériques
Le chaos s’installe et balaye les journées des anciennes cultures
Pour faire place nette aux tragédies modernes.
Laissons vibrer les pages noircies au sang de nos pensées
Elles seules peuvent respirer les rêves qui nous restent et nourrir le présent.
Il faut écrire sur les murs en bleu en jaune
Pour effacer le noir qu’ils nous enseignent
Y peindre et dessiner ce qui a disparu et qui va disparaitre
Ce que nous espérons contre toute vraisemblance.
C’est tout ce que nous laisserons, des glyphes indéchiffrables
Sur les blocs astéroïdes que la terre donnera à l’espace.
Là sera l’exil, l’émigration ultime, un sens à ne pas être vain.
Notre avenir au delà du ciel dans les espaces infinis
Où flottent les particules de nos âmes éternellement.



6.    Murmures des vents

Tombant de la montagne les vents viennent bas murmurer
A mon oreille calme les chants secrets d’en haut parlant de droite liberté
Et doucement ricanent en rejoignant la pleine
Du peu de foi qu’en elle ils nous voient pénétrés.
Sous la plainte des arbres qui grincent lentement
Les vents font des soupirs que seul mon cœur entend
Et je suis pris d’un ris brutal qui lance sa cascade
Du profond de la pleine féale jusqu’aux sommets divins aux couleurs de cristal.
M’en surent gré les vents  qui pour me répondre
Firent tintinnabuler toutes les feuilles des arbres
M’invitant à gravir les roches alentour
Pour m’approcher des cieux et les entendre mieux.
Depuis je reste là à quêter leurs messages qui ne sont révélés
Qu’au plus humbles simplets tendant l’oreille à leurs silences quiets
Pour entendre ce que les compliqués n’entendront jamais avec leurs bavardages.

7.   
La Bohème

Au tomber du jour par les champs vers l’oued
Fouetté par les hautes herbes
Hors des chemins je songe aux nuits bleues d’orient.

L’air calme me baigne les cheveux
Le fond des herbes folles me rafraîchit les pieds
Je murmure une chanson comme on psalme la prière.

Mes pas me mènent loin ils sont pas de gitan
Mon cœur en sourdine bat un bonheur simple
Et il est de bohème.

Au rythme de l’univers la nature croît imperceptiblement
Et à l’unisson d’elle mon âme fait de même
Je reste chaste et doux dans mes pensées sereines
Comme un enfant petit innocent de la vie dans un monde apaisé.

Puisque je suis terrien je suis donc du ciel
L’immensité est mienne ce soir dans le chemin.

8.   
La neuve amitié

le  rire pétillant comme champagne
les vents voleurs furtivement nous bisent.

nous parlions la langue franche
d'un pas commun nous en allant.

les arbres tors de la route
nous saluent au passage
imprégnant nous bouches
de leurs parfums suaves
mélés aux muscs des fumiers chauds.

nos nuques dorées aux rayons
d'un soleil plongeant dans l'horizon
nous poussent en avant
de leurs chaleurs douces.

la main dans la main
ne sachant qui mène l'autre
d'un allant rare cheminons
sans où aller savoir
dans l'aventure fraiche
de la neuve amitié
prêts à tourner le monde
pour y cacher nos cœurs volés.

dans la nuit où s'illune lentement la nature
les merles lancent leurs trilles
qui siffle la fin d'un jour
et de concert sans s'être concertés
nous leur lançons les nôtres.

bientôt sur la mousse tendre
nous allons nous étendre
et souffler nos bonsoirs de bouches contre oreilles
avant de s'enfoncer dans un rêve de gloire
en parcourant ensemble les routes
du sommeil aux étoiles vermeille.






9.   
Les Cannes de la mansarde

Balancent les cannes
Agitées par les vents
Les palmes royalement frémissent.

Par dessous le ciel noir
La moite immensité s’est donnée au silence feutré
Porté par l’air épais.

Nos silhouettes calmes de clandestins passeurs
S’enfoncent dans l’ombre grasse
Sans bruit dans la touffeur
Et glissent sur la caillasse.

Lointain un oiseau passe.
Personne ne le sait.
Dans la nuit inondée de parfums alourdis
Le temps s’est allongé pour un repos d’oubli.

Nous traversons à gué les rivières de sable.
Là-bas l’oued calme nous lance ses reflets
Comme si les étoiles y avaient toutes chu.

Nos regards habités n’ont plus besoin de voir
Pour pouvoir avancer.

Tout se devine par la caresse noire
Des effluves de nuit mues comme des vagues
Par la respiration du néant endormi.

Messagers de silence venus de nulle part
Nous allons sans repère
Pour traverser le temps
Et disparaître aux premières lumières.

Créatures ignorées du commun des vivants
Nous sommes les passeurs du passé au présent
Et n’avons à offrir que ce fil d’argent
En guise d’espérance à chaque firmament.

Après notre passage, pour le faire oublier
Se balancent les cannes agitées par les vents.


©CeeJay
Photos par l’auteur

©CEEJAY



Né à Bruxelles le 10/09/1946 ; des études à l’Académie Royale des Beaux Arts de Bruxelles, de nombreux voyages, des succès et des silences recueillis. Jean-Claude Crommelynck alias CeeJay à toujours été poète mais n’avait rien écrit après ses 17 ans ; il peint et expose dés l’âge de 14 ans, grave, sculpte, touche à tout.

Slameur par hasard en 2011, deuxième prix de la Maison de la Francité, auteur à ce jour de 350 textes, devenu poète au dire de ses amis poètes, il est invité à plusieurs festivals de poésie et à de nombreuses lectures en Belgique, France, Pays-bas et Maroc, à Bruxelles, Mons, Anvers, Reims, Paris, Nice, Marrakech, Safi, Guelmime, Massa, Nador...

Publié dans plusieurs revues de poésie dont un dictionnaire de mots nouveaux de la Maison de la Francité.

En attente de la sortie très prochaine d’un recueil de poésie aux éditions Maelström Reevolution.


Salon de lecture
Francopolis septembre 2014
présenté par Dana Shishmanian




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Créé le 1 mars 2002