Le Salon de lecture

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HAÏKUS DE JI GUEN

Le bond d'un poisson

se répercutant sur l'eau

bouscule la lune.

 

        

Des nuages roulent

jusqu'au fond de la vallée

Nul lieu où aller.

 

Grimper vers les cimes

où le chemin des chamois

longe des abîmes.



Ah! Matsushima!

À travers les pins nocturnes

point un soleil rouge.

 

Dans le bois humide

un frémissement de feuilles

prolonge l'ondée.

 

Pourquoi désirer

ce qu'aucun désir n'étreint?

Un vide parfait.

 

Un poisson au bec

le héron blanc disparaît

parmi les roseaux.

 

Parlant avec l'herbe

le ciel les rocs et le vent

tout en se taisant



ô le lotus blanc

du visage de l'enfant

tourné vers le ciel



Les flocons de neige

quand ils fondent sur les lèvres

ont un goût d'enfance.



Dans le petit train

à droite le jour encore,

à gauche la nuit.

 

Sur l'eau de l'étang

où se débattait la mouche

un cercle s'étend.

 

Le secret coucou

dans le sous-bois silencieux

Un écho peut-être.

 

Les dix doigts de pieds

à l'autre bout de ce corps

si lointains si proches.

 

Le vieil homme assis

au bord de l'eau lui-aussi

il sait s'écouler...



Extraits du recueil: "Les haïkus du coucou"


Ji Guen, moine zen de nationalité française, n'a pas tenu à me détailler sa biographie. Je n'en ai plus depuis longtemps, m a-t-il simplement répondu lorsque je la lui ai demandée ... Que dire de lui?

Je l'ai rencontré en Italie à la fin des années 90, dans un monastère catholique sous la neige. Il y séjournait pour passer l'hiver. Ses pérégrinations le conduisaient dans des endroits les plus improbables (Angleterre, Turquie, USA, Tunisie, Égypte, Inde, Vietnam, Corée, Japon...). A cette époque j'écrivais des haïkus que je publiais dans de petites revues. Il publiait de temps à autres dans une petite revue aujourd'hui disparue dont le fondateur était un maître zen. C'est lui qui vint à ma rencontre alors que j'étais assis sur un banc de pierre et contemplais les tonnantes avalanches de neige sur la montagne d'en face. Je lui fis lire mon "Petit traité de l'art du haïku" que j'avais alors commencé à écrire. D'emblée, en considérant le titre, il s'écria: "Le haïku n'est pas un art! C'est une conception typiquement occidentale de mettre de l'art partout, de faire de son existence un "art de vivre". Et après un long silence, il m'expliqua méticuleusement ce qu'il voulait dire et dont je me suis inspiré abondamment dans mon essai intitulé "Zen et haïku".

Durant mon séjour je ne le revis qu'une fois, brièvement, il me demanda alors mon adresse et mon numéro de téléphone en m'assurant que nous nous retrouverions. Effectivement, l'été suivant il m'invita à le rejoindre, à Nice, dans un jardin où il donnait des enseignements à une poignée de disciples. Nous échangeâmes, tard dans la nuit, des haïkus en buvant un thé vert aux arômes subtils. Il ne faisait guère de commentaires mais je savais immédiatement à son expression ou à un geste de lui à quoi m'en tenir. Il levait attentivement un sourcil ? J'étais au paradis. Il soupirait ? Je me retrouvais en enfer. Il m'offrit, comme un bon vin, quelques recueils des anciens maîtres. Il "m'arrive" toujours à l'improviste en s'annonçant soit par un bref message, soit par un appel téléphonique. Les haïkus de lui  que je détiens, j'ai du presque tous les mémoriser (rarement il ne m'en confie par écrit): "Un bon haïku n'est jamais terminé" m'a-t-il ri au nez une fois. Qui est-il? Je n'en sais fichtrement rien. Il est drôle, silencieux même lorsqu'il s'exprime, ardent et patient, inspiré et déroutant. Il doit avoir entre 45 ans et 65 ans. Difficile de donner un âge à ce lumineux visage chauve de Bouddha aux yeux pétillants de vie. J'avais oublié: il est né avec une bosse dans le dos, comme les chameaux.

 

 

Salon de lecture
Francopolis octobre 2010
recherche André Chenet

 

Créé le 1 mars 2002

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