Le Salon de lecture

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CONTES ET NOUVELLES
de
MOHA SOUAG


illustration Moha Souag

Les taureaux et les mouches

 Deux taureaux blancs vivaient tranquillement dans une grande forêt. Les autres animaux croyaient que ces deux taureaux étaient tout pleins de graisse car ils étaient tout blancs. Tant que ces taureaux vivaient ensemble, se déplaçaient ensemble et se défendaient ensemble personne n’osait les approchait. Un jour, l’un d’eux s’isola pour une raison ou une autre. Le temps qu’il revienne, deux chacals attaquèrent son compagnon et le tuèrent. Les lions ayant assisté à la mise à mort du taureau, chassèrent les chacals et mangèrent à leur faim. Ils abandonnèrent le cadavre aux tigres, puis vint enfin le tour des chacals et des hyènes, les vautours et les corbeaux terminèrent la tâche. Les fourmis nettoyèrent les os et les miettes tombées par terre. Quand les mouches arrivèrent, elles ne trouvèrent rien à manger et se fâchèrent. Elles allèrent  attaquer le taureau blanc survivant. Elles se posèrent sur ses naseaux, il les chassa  d’un jet d’air ; elles se posèrent sur sa croupe, il les chassa de sa queue mais en vain. Elles le dérangèrent énormément à tel point qu’il ne savait que faire pour s’en débarrasser. Les mouches étaient insignifiantes pour se battre contre elles et venger son ami mais si nombreuses que leur vue le rendait malade. Il passa une nuit blanche à réfléchir pour trouver une solution qui le libérerait des mouches. Au matin il trouva : il posa deux grosses bouses bien liquides et les mouches y plongèrent immédiatement.

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La faim

 Un jour un enfant avait faim. Il se mit à pleurer. De sa première larme naquit un grain de blé, de sa seconde larme une goutte d’eau et de sa troisième larme un rayon de soleil qui le mûrit. Un grand épi de blé  poussa. Le vent souffla très fort et toutes les graines de l’épi se répandirent partout dans le ciel .la pluie les arrosa et le soleil les mûrit. La mère du petit enfant les prit, les broya et en fit une grosse boule qu’elle fit cuire au soleil .C’est ainsi que la terre devint une boule de pain. Tous ceux qui avaient faim en coupaient un morceau et le mangeaient. C’est ainsi que la nuit, quand on lève les yeux vers le ciel, on voit des milliers d’étoiles qui, brillent, ce sont la larme des petits enfants qui ont faim et qui ne trouvent rien à manger.

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La mouche et le général

 Il y a longtemps, quand les insecticides n’existaient pas, il y avait un général tout plein de médailles qui habitait un très beau palais de marbre. Il vivait heureux jusqu’au jour où une mouche vint lui rendre la vie difficile. C’était la même mouche-il en était sûr -qui, le matin, le jetait furieux, hors de son lit ; qui le faisait abandonné son petit déjeuner en se posant sur son pain ou sur son bol de café ; qui le faisait chuter de son cheval ou mordre par son chien…C’était une mouche terrible.

 Le général se fit fabriquer une tapette et se mit à pourchasser la petite mouche partout où elle volait : il la poursuivit avec des échelles, des chaises ou bien en sautillant pieds joints pour la tuer mais elle se cachait bien. Parfois elle allait derrière les meubles, parfois elle se suspendait au plafond et souvent elle se prélassait sur la table de la cuisine.

 Certains pensaient déjà que le pauvre général était devenu complètement fou.

 Un jour, il fit appel à mille soldats ; chacun eut sa tapette et ils investirent le palais du général ; ils pourchassèrent la mouche partout où elle se posait ; ils frappaient avec leur tapette sur les murs, sur les meubles, sur la nourriture mais en vain .Seuls les meubles furent écornés, la nourriture écrabouillée, les rideaux lacérés et les verres brisés.

Alors le général eut finalement une idée lumineuse : il fit appel à ses meilleurs artilleurs, fit venir ses grands canons et des milliers de boulets tout neufs. Il installa ses unités chacune dans une chambre du palais avec l’ordre de tirer sur tout ce qui volait même les libellules. Ce n’était qu’à ce moment là que le général crut pouvoir vivre enfin en paix dans son beau palais .Il s’installa dans son fauteuil favori, demanda son café et se mit à le déguster à petite gorgée .La mouche quant à elle ne fut pas autrement dérangée par tout ce branle bas de combat déclenché par le général ; elle alla même jusqu’à inviter sa famille à venir s’amuser avec elle dans le grand palais de l’officier.

 Le matin, quand le général ouvrit ses fenêtres pou respirer un bol d’air frais, tout un essaim de mouches pénétra en force et s’installa sur tous les murs du palais, sur les plafonds, dans les bouches des canons et sur le nez des artilleurs…Ces derniers, en bons soldats, exécutèrent les ordres du général et se mirent à tirer sur les mouches pendant toutes la journée. Les artilleurs ne cessèrent leur titre qu’après la disparition du dernier mur sur lequel pouvait se poser encore une mouche.


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Le costume

 En plus de son costume, il s’est taillé une personnalité sur mesure. Il a donné un grand coup de ciseaux dans l’amour, un grand coup d’épingle dans l’honnêteté ; puis il a doublé la vérité, boutonné la franchise, cousue le courage et ravaudé sa vanité. C’est un ainsi qu’il s’est confondu avec son costume.

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Les melons.

Un roi coupait les langues de ceux qui parlaient, crevait les yeux de ceux qui regardaient et coupait les oreilles de ceux qui entendaient. Quand tous les hommes et toutes les femmes de son royaume furent ainsi ablatis, il ne naquit que  des enfants sans langue, sans yeux et sans oreilles.

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L’homme d’affaire

         C’est au moment où il eut besoin de sa tête qu’il l’a perdue. Il se mit alors à sa recherche toute affaire cessante. Quand il l’a enfin retrouvée, il avait perdu toutes ses affaires. Il se demande encore à quoi peut bien servir une tête sans affaire.

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Le rêve de la plume

La plume vole, plane, se dandine, se lustre ou se déplume avec l’oiseau qui la porte.
Elle est duvet, penne ou plumule, aigrette, panache ou plumeau..

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Tislit

 Un matin Tislit se réveille et voit l’arc-en-ciel : une grande arche multicolores élevée pour fêter le retour glorieux des rayons du soleil de leur guerre inlassable cotre les ténèbres de la nuit. Elle dit à son père :

- Papa, je veux une robe comme l’arc-en-ciel.

  Son père se met à rire et lui répond comme répondent toujours les grandes personnes à leurs enfants :

- C’est impossible ma fille… et il continue à lui expliquer comme le font les adultes que l’arc-en-ciel n’est que le reflet de la lumière sur les petites gouttelettes d’eau suspendues dans l’air et qu’on ne peut donc point en faire une robe. Quand il demande à sa fille si elle a compris, elle répond :

- Oui, mais je veux une robe de ce tissu qui couvre le ciel et des mêmes couleurs.

Tislit n’a d’yeux que pour ce tissu splendide qu’une main invisible a tendu d’une montagne à l’autre et qui peut faire des robes à toutes les filles du monde ainsi qu’à leurs poupées.

Bien sûr, l’histoire dit aussi que devant le refus du père, Tislist est tombée malade et qu’à bout d’arguments, le père décide enfin d’aller chercher le tissu de l’arc-en-ciel pour sauver sa fille.

Le père va vers les pieds de montagne et demande aux oiseaux de l’aider à rouler le tissu de l’arc-en-ciel : 

- Ma fille Tislit veut une robe avec toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

Le père commence à rouler les couleurs. Il pousse un gros rouleau bleu vers le sommet de la montagne et de là chaque oiseau prend avec son bec un petit pan de la longue traîne qu’ils déposent à la maison de Tislit .Le père de Tislit et les oiseaux retournent encore vers le pied de la montagne pour ramasser le jaune, puis le rouge, puis le mauve, puis…Aussitôt toutes les couleurs ramassées,  le père appelle les tailleurs pour couper une robe à Tislit. Ils se mettent donc au travail et commencent à couper l’arc-en-ciel avec leurs ciseaux. Mais ces ciseaux ne coupent rien que du vide .Un vieux tailleur leur dit  d’aller chercher les ciseaux du vent, les rayons de la lune et les aiguilles du soleil pour pouvoir enfin couper, façonner et coudre une robe à Tislit.

- Mais où trouver tout cela ? demande le père.

- Va les demander à Anzar, fils de la pluie et de l’orage .lui dit le vieux tailleur.

Le père de Tislit demande alors aux oiseaux de le conduire vers le pays d’Anzar. Ceux-ci le prennent et le mènent le palais liquide de la pluie et de l’orage d’où leurs gardiens lancent des éclairs aveuglants et des tonnerres assourdissants pour éloigner les indésirables.

Le lendemain matin quand les villageois se réveillent ils découvrent que tout est noir et qu’il continue à faire nuit sur leur village .Lepère de Tislit a ramassé le bleu du ciel, le vert des arbres et des plantes, le jaune des blés et l’or du soleil ,le rouge des coquelicot et le rose des fleurs…La terre est devenue bien triste .Ils se mettent alors à se plaindre :

 -Oh ! Qu’allons-nous devenir ? La nature a perdu ses couleurs…Qu’allons-nous faire ?

Un vieux teinturier leur dit d’aller chez Anzar; il leur rendra toutes les couleurs de l’arc-en –ciel .Les gens du village demandent aux oiseaux de les transporter d’urgence vers le palais du fils de la Pluie et de l’Orage .Quand ils y arrivent, ils trouvent devant eux le père de Tislit. Anzar sort de son palais et dit :

Que voulez-vous ? Pourquoi êtes-vous venus nous déranger dans notre quiétude ?

Le père de Tislit parle et dit :

- Ma fille est malade elle risque de mourir si je ne lui fais pas une robe avec le tissu de l’arc-en-ciel ; je viens te demander les ciseaux du vent, les fils de la lune et les aiguilles du soleil pour lui coudre sa robe.

Les villageois se mettent alors à crier très fort :

- Non, ne les lui donne pas ! Notre village est plongé dans le noir. La nature est triste, elle a perdu ses couleurs !

Anzar entre demander conseil à ses parents. La pluie et l’orage sortent de leur palais et disent aux gens :

- Personne ne peut utiliser les ciseaux du vent, les fils de la lune et les aiguilles du soleil sauf celui qui épousera Tislit.

Les villageois demandent au père la main de sa fille pour qu’elle épouse Anzar. Le père répond :

- Ce n’est pas à moi de décider c’est Tislit qui doit dire son mot !

- Allons demander à Tislit.

Les oiseaux emmènent tout le monde au village. Anzar entre chez Tislit et lui offre la robe arc-en-ciel. Elle ouvre les yeux et accepte d’épouser son sauveur. Tislit continue de porter sa robe jusqu’à aujourd’hui et égaye le ciel avec toutes ses belles couleurs.





Moha Souag est originaire à la région d’Er-Rachidia plus précisément à Boudnib.
Professeur de français et auteur de plusieurs romans et recueils de poèmes et de nouvelles.
 Un auteur phare parmi ceux qui nous invitent à regarder, et découvrir les choses,
un écrivains des plus prolifiques qui ne cesse d’imposer sa voix dans la littérature moderne.


L'écriture et la Vie:
entretien avec l'auteur sur Libération

Salon de lecture
Francopolis novembre 2010
recherche Ali Iken

Créé le 1 mars 2002

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