![]() <chaton> Ph, Anghjula/Angèle Paoli CHATON ROUX De ta haute fenêtre chaton roux baroque et doux tu médites hiératique sur la précarité du monde une tarente égarée file s’absorber dans les mouches du soleil une libellule endeuillée taquine une corolle de bougainvillée une demoiselle crispée s’agrippe aux griffures transies du temps une lézarde court à sa perte une larme de crépi éclate et roule sur le sol et toi chaton roux baroque et doux rien ne te distrait de toi-même nulle agitation nul souci ne vient troubler ton regard gris
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![]() ENTRELACS Vivre vivre le labyrinthe de ta vie te glisser docile dans les entrelacs de tes fibres murs à briser silences à enclore te couler dans le moule rassurant des mots tu tisses ta toile t’enveloppes t’enroules volutes spirales la fumée fond autour de toi tu en éprouves les formes fugitives effeuiller les membranes de l’opacité cellule après cellule de tes ongles meurtris tu grattes tu écales paroi après paroi les dures écorces de la réalité surfaces lisses murs glabres tu procèdes par ordre tes mains nues caressent palpent roulent et raclent les rideaux volatils s’effacent te cèdent le passage tu cueilles au hasard de ta marche hésitante les coquillages nacrés des arbres les algues des branches plient ploient et t’enserrent de leurs membres le silence est tien comblé de volupté le lacis du sentier se déroule sous toi aux frontières absentes confins inaccessibles limites repoussées frontières élargies hors du temps de l’espace la confiance t’emplit plénitude rondeur anémone légère tu ondules sur les tracés à venir démarche éclatée mais sûre alentie tu t’élèves fluide par-dessus le damier des jours inextricabilité vaincue enchevêtrements élagués tu te faufiles t’enhardis au-delà des mystères les lianes se défont de leurs nœuds sous tes doigts invisibles écheveaux de cheveux déliés sous tes pas tu t’enfonces pénètres glisses ondoiements silencieux rien ne craque ne brise verre désagrégé aussitôt que perçu portes dégondées seuils franchis tu déambules bulle d’air et d’eau ivre de solitude conquise tu affrontes sans ciller le cliquetis des couleurs les canaux en quinconce duo de noir et blanc losanges d’Arlequin aux multiples facettes les pistes se chevauchent se brouillent s’enchevêtrent s’accélèrent les lignes en fuite fuseaux de fibres durs dédales de cristal métallique glacé treillis de vitres reflets infinis des miroirs biseautés tu te cherches là-bas aux confins du réel éclaté *** ![]() <si la vie brûle - la vie est un art> Ph, G.AdC INFIDÉLITÉS toi qui brûles d’être fidèle à l’art pourquoi es-tu infidèle à la vie - et les bons sentiments alors l’art n’a rien à voir avec les bons sentiments à quoi bon les bons sentiments sinon à édulcorer la vie et donc à édulcorer l’art pourquoi être fidèle à la vie elle qui se conduit en mégère avec toi toi qui brûles d’être fidèle à l’art pourquoi es-tu infidèle à la vie si la vie brûle la vie est un art *** ![]() <l'océan du ciel> Ph, G.AdC LAISSES DE MER À toi Il faudra alors se satisfaire de l’extrême lenteur des jours du parfum affadi des journées sans lumière des coquillages vides sur les laisses de mer du craquèlement des pas dans les pas de l’absent du ricanement persistant des mouettes rieuses des plumes abandonnées dans les recreux de dunes des filins emmêlés dans les lagons d'oyats Il faudra alors oublier la lueur du regard et laisser au sourire le temps de s’estomper de n’être plus qu’une ombre au coin de ta paupière à peine un battement imperceptible des cils la soie d’un cheveu pâle glissé entre deux pages juste un mot évadé de tes courriers froissés juste un nom éclipsé dans l’océan du ciel une larme égarée dans l’infini silence *** ![]() <des songes du passé des éclats de promesses> Ph, G.AdC SUR LES AILES DE L'ÎLE Sur les ailes de l’île ta présence discrète Au sortir de l’hiver les rivages de l’île dérivent dans tes rêves tu lis et tu délies les brumes à mi-voix tu dessines et l’écume et les monts enneigés tu délivres les airs des songes du passé et t’enivres aux précieux et délicieux délires des éclats de promesses de lumière et de rire. ***
![]() <de silence sans retour> Ph, G.AdC
SOMMEIL somnolence sur sable nu
boucles roulées court sur la nuque épaules rondeurs sans paroles corps d’abondance dans la lumière la plage luit ailleurs hier aujourd’hui encore les morts entrent dans le sommeil sourires du jour d’avant figés dans l’absence
silence sans retour faut-il s’ancrer dans la vie pour mieux s’inscrire dans la mort ? *** ![]() <la terre s'évade> Ph, Anghjula/Angèle Paoli LA TERRE S'ÉVADE Traversées de pensées le torrent roule ses eaux lourdes les fusils claquent dans le soleil j’invente sous la treille la fraîcheur de l'aube et le chant blême de la lune la tour là-bas la tour de la mère protectrice me tient serrée dans ses entrailles ― depuis quand et toujours ― un chien jappe qui jamais ne cesse emplit le vallon de sa gouaille les châtaignes boguent dans la mousse l'hiver est en suspens à la lisière l'avant-naître et l'après- même solitude même silence lent je cherche l'instant pérenne qui me détache du passé du futur équilibre d'absence sur le fil dans la tiédeur du jour le vrillement incessant des insectes je guette les signes avant-coureurs de l'autre saison [ les coupes sourdes dans le maquis les rondins abandonnés à la clairière neuve l’odeur de bûche fraîche le grelot qui rythme les heures les trouées de trilles dans les chênes les froissements d'ailes qui brouillonnent les feuilles ] la terre remuée s'évade odeurs d’urine et de moisi la mer plus proche mer montgolfière dure et sereine monte à l'assaut du ciel Immobilité du matin.
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Créé le 1 mars 2002
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