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« D’une langue à l’autre »
le 31 mars à la Lucarne des écrivains (Paris)



La librairie La Lucarne des écrivains1, bien connue pour ses denses rencontres littéraires, ainsi que pour sa revue, a accueilli samedi 31 mars une soirée exceptionnelle. Les témoignages de huit poètes francophones de différentes origines (mauricienne, marocaine, algérienne, roumaine, italienne) ont mis en évidence le rôle de la langue dans l’écriture poétique : un outil d’expression, certes, mais aussi le moyen incontournable d’une recherche identitaire, d’une quête de soi, autant de ses origines que de son but dans l’existence, une matière poétique, une chair de l’esprit…

Et surtout, la situation d’incertitude dans laquelle on se retrouve quand on vit, quand on circule entre-deux-rives (de la Méditerranée… ou des océans), entre-deux-versants (des Alpes, ou d’autres montagnes…), entre-deux-langues – celle, maternelle ou communautaire, de ses origines, et celle d’adoption culturelle, voire parfois, entre celle-ci, et le retour tardif à sa langue d’origine, ré-adoptée comme langue d’écriture –, laisse à ces poètes un champ privilégié pour la recherche de ce qu’est l’écriture elle-même : une déstructuration et une restructuration du vécu, un exil structurel, métaphysique, autant que politique ou culturel, un éloignement, une réflexion menée sur les fissures, les fentes, les interstices du langage, les doutes du sens, les écarts de compréhension, les ricochets de mots, les palimpsestes, les non-dits, les inter-dits, les vides sémantiques qui, sortis des abîmes d’au-delà de toute expression linguistique, nourrissent efficacement  l’imagination, et rendent féconde la plume. Pour inventer une langue autre que toutes les autres, vis-à-vis desquelles, en les mélangeant même, elle prend des libertés nouvelles, peu connues aux écrivains enfermés, linguistiquement parlant, dans un seul et unique territoire d’expression.

Un échange extrêmement vivace et fertile a donc eu lieu entre les poètes présents, et entre eux et le public, nombreux (l’espace de la librairie étant rempli à craquer), qui a participé corps et âme à cette expérience faite de témoignages et de lectures.
La soirée s’est déroulée sous la houlette habile et complice du libraire-écrivain Armel Louis 2, meneur des débats, dont il a su faire ressortir les brillants éclats, avec autant de spontanéité que de maîtrise, en remplaçant ainsi, efficacement et opportunément, l’écrivain Denis Emorine3, qui, souffrant, n’a pu faire le déplacement pour animer cette rencontre comme il en était prévu initialement. 



 

Présentation des participants :


Dana Shishmanian,

née en Roumanie, diplômée de l'Université de Bucarest avec une thèse de maîtrise en littérature comparée, Dana Shishmanian vit et travaille en France depuis 29 ans.
Membre de l'association de poésie Hélices, elle a débuté dans la revue sur le net, Le Capital des Mots d’Éric Dubois et publié aussi dans Comme en poésie, Arpa, Décharge, Esprits poétiques (Hélices), Textes et prétextes (Le chasseur abstrait), Les cahiers du sens 2010, des anthologies comme Francopolis 2008-2009, Flammes vives 2010-2011, L’Athanor des poètes 1991-2011), et enfin, sur des sites de poésie dont Francopolis.

Un premier recueil, représentant une sélection, due au poète Emmanuel Berland, d’un volume plus ample intitulé Exercices de résurrection, est paru en octobre 2008 dans la collection « Poètes Ensemble » d’Hélices.

Elle a animé en 2010, avec l’écrivain mauricien Khal Torabully, la collecte de poèmes Poètes pour Haïti ( L’Harmattan, collection Témoignage poésie
, janvier 2011).

En décembre 2011, chez L’Harmattan son deuxième recueil de poèmes intitulé Mercredi entre deux peurs (117 p., collection Accent tonique)






Abder Zegout,

né en Kabylie (Algérie) dans le village d'Ifigha, Abder Zegout a commencé par écouter la poésie des autres, selon la tradition orale, puis il s’est mit à déclamer des poèmes issus de cette tradition, jusqu'à une époque où l'Algérie était en guerre. Alors, il s'est mis à écrire...

Khaled Aouimeur, un ami d'enfance, dit de lui : « Abder a d'abord été un réceptacle silencieux pour frustrations avant de devenir un arroseur de mots: la souffrance crée la poésie. Du noir et blanc de la région natale, il est passé au dessin en plusieurs couleurs qu'est Paris. ».

Et Aomar Mohellebi, journaliste, écrit dans le quotidien L'Expression du 9 mai 2010 : « Malgré la douleur et les déceptions, Abder Zegout continue à croire à l'amour. »   Le même journaliste publie également sur le Net une riche interview avec le poète (Portail des hommes libres, 10 Janvier 2012).

Recueils aux éditions L'Harmattan: Errance (2008), Fulgurance (2009), Le vagabond céleste (2010), Réminiscence (2011).




Louise Nadour,

poète d’expression arabe, née en France. Elle est aussi traductrice et journaliste. Depuis sa tendre jeunesse passée en Algérie, son univers est forgé par les mots et inspiré des auteurs arabes et algériens d’expression française comme  El-Moutanabi, Nizar el Qabani, Mahmoud Darwich, Mohammed Dib, Kateb Yacine, Mouloud Féraoun. Elle vit et travaille en France et demeure un pont entre les deux rivages.

 

En octobre 2010 elle publie aux éditions l'Harmattan un recueil de poèmes en arabe qu’elle traduit elle-même en français. L’ouvrage, bilingue, est intitulé Le pinceau et les par-chemins, et est accompagné des œuvres du peintre algérien Kamel Yahiaoui. Un texte du célèbre Marcel Khalifé – chantant merveilleusement le poète Mahmoud Darwich – introduit le recueil, par des notes invitant le lecteur au voyage : « à chaque jaillissement du poème, la vie rayonne sur le sublime des péchés ».




Sebastian Reichmann,

né en Roumanie en 1947, il publie son premier recueil de poèmes, Geraldine, en 1969, suivi de Acceptarea Initială (L'Acceptation initiale) en 1971. Harcelé par la censure, considéré comme « surréaliste » par les gardiens de l'idéologie au pouvoir, mais soutenu en même temps par des poètes importants comme Gellu Naum et Miron Radu Paraschivescu, il quitte la Roumanie et s'installe à Paris en 1973. Après un nouveau début, en français, dans la revue des Editions de Minuit en 1977, il publie six livres de poésie ainsi que des traductions de poètes roumains (Gellu Naum, Mariana Marin, Dan Stanciu), et, après une année d'études postdoctorales à l'Université de Berkeley, il traduit des poètes américains contemporains, comme Jerome Rothenberg, Philip Lamantia et James Brook

Recueils publiés en France : Pour un complot mystique (1982), Audience captive (1988), Balayeur devant sa porte (2000),
Le pont Charles de l'apocalypse (2003), Cage centrifuge (2003), L'unité a déménagé dans le monde d'en face (2010).

Après avoir arrêté d'écrire en roumain pendant presque trente ans, il publie en 2008 à Bucarest Mocheta lui Klimt (La moquette de Klimt) aux éditions Cartea Romanească, et en 2009 un livre de poèmes écrits avec Dan Stanciu, Dimensiunea "umbrella" (La dimension "Umbrella"), aux éditions ART. Voyage actuellement poétiquement et amoureusement entre Paris et Bucarest.




Patricia Laranco,

née en 1955 en Afrique Noire, Patricia Laranco est moitié mauricienne, moitié française. Après des études d’Histoire-Géographie, elle a exercé les emplois d’animatrice, d’employée de bureau et de bibliothécaire. Mère de deux enfants, elle vit à Paris depuis une trentaine d’années.

Elle a publié 7 recueils de poèmes (Les mondes filigranés, 1976, Failles dans le divers, 1994, Sous les yeux des miroirs obscurs, 1996, Maison de pages, 1996, Circonvolutions, 2002, La chaleur mammifère, 2006, Lointitude, 2009).

Elle a collaboré à de nombreuses revues (Phréatique, Diérèse, Les Cahiers de Poésie, Décharge, Verso, LittéRéalité, Jointure, Inédit nouveau, Les Cahiers du Sens, Le Cerf-Volant, Point-barre…) et anthologies (dont Anthologie permanente – Livret 5 – Les Poètes Français, 2001, L’Europe, anthologie des associations Rencontres européennes/Europoésie et Terpsichore, 2005, Europoésie, 2006, Les très riches heures du livre pauvre, 2011, Poètes pour Haïti, L’Harmattan 2011,  L’Athanor des poètes 1991-2011), et publie couramment sur des  sites internet francophones (dont Patrimages, son blog, et Francopolis) ; elle est également membre du comité de lecture de la revue Jointure, critique littéraire et, à ses heures, photographe. Assumant pleinement sa double identité (française, mauricienne), elle se sent, avant tout, « sangs-mêlés », citoyenne du monde, et le revendique haut et fort.



Marie-Louise Diouf-Sall,

docteur en philosophie, elle a été maître assistante à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), puis chargée de mission au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et consultante internationale en sociologie au siège du  PNUD à New-York.  Elle est actuellement chercheuse en égyptologie, poète et écrivain.


Auteurs de plusieurs articles sur Kant et Hegel dans la Revue sénégalaise de philosophie, de plusieurs articles de recherche linguistique en égyptologie ayant fait l’objet de conférences pour les journées Ch. Anta Diop, de publication dans les Cahiers caribéens d’égyptologie, dans les Cahiers de la diaspora africaine, ou dans les cahiers de l’AFARD, ainsi que de nombreuses conférences et articles de sociologie et d’histoire sur la traite des Nègres, la renaissance africaine, la culture de la négritude, la femme africaine comme agent de développement, enfin, la question d’une philosophie féministe.

En tant que poète, elle a collaboré à l’anthologie du Manoir des poètes Le chant des villes (printemps des poètes, 2006), et a publié le recueil L’autre genre chez l’Harmattan en 2010. Elle publie actuellement aux éditions Phoenix un recueil intitulé Asphalte (2012).
Membre de la Société des poètes français, elle a donné des conférences et prépare un essai philosophico-poétique sur la poétique d’Aimé Césaire. Par ailleurs elle travaille à un roman dont la parution est prévue prochainement. Enfin, son projet en cours consiste dans la création d’un magazine,
Courrier de la Diaspora, ayant pour but la mise en relation et la diffusion des ouvrages et pensées des créateurs artistiques et scientifiques de la diaspora africaine (avec l’association des éditions l’Harmattan).



Mattia Scarpulla,

chercheur en danse et écrivain, docteur en Arts, spécialité Danse, il s’est formé en France, en Italie et en Belgique. Il vit au Havre.

Recueils de poèmes : Col fiato, San Cesario di Lecce, Manni, 2005 (en italien) ; Journal des traces, Paris, L’Harmattan, 2011 (en français et italien).

Nombreuses parutions dans des revues et anthologies de poésie, en Belgique et Italie (La parola sensuale, Marche, Ivana Federici, 2006 ; diVersi nel vento, Marche, Ivana Federici, 2007 ; Prix National Bugie ad Arte, Trieste, Fruska, 2005 ; Facciamo Poesia 2002, 2004, 2005, Pavia, I fiori di campo ;  Prix Giorgio 2003, Sasso Marconi, Le Voci della luna n. 25, 2003 ; Un breve movimento, Torino, Studio Laboratorio, 2002 ; Prix Poesia Vagabonda, Associazione Culturale Due Fiumi, Taurus Editori, 2001 ; Latina, Ediclub, 2000 ; Penna d’Autore (plusieurs n°s), Torino, 2000. 

Articles universitaires sur la danse dans de nombreuses publications de spécialité et actes de colloques, depuis 2006, en particulier sur le thème de l’étranger et sur les identifications étrangères dans les représentations de la danse et au théâtre.



Kamal Zerdoumi,

Casablancais de naissance et de cœur, le poète marocain d’expression française Kamal Zerdoumi vit actuellement à Paris. Après des études de droit, ensuite de lettres (licence, maîtrise, DEA à l’Université de Lille), il a partagé sa carrière d’enseignant entre le Maroc et la France. Il publie un premier recueil en 2005 (Au gré de la lumière). Son nouveau recueil, L’exil et la mémoire (L’Harmattan, 2011), est un système poétique où chaque texte gravite autour du soleil noir de l’exil. Conscient de la difficulté de l’enjeu, le poète a fait alliance avec la simplicité en veillant à maintenir constamment une parole originale afin d’alléger son dessein du poids immémorial des ancêtres.

Les morts, chers au poète, quittent leur néant, le temps d’un tutoiement, témoignage de leur présence et de leur éternité terrestres. L’enfance, sous l’effet du travail mémoriel, renoue avec sa magie – en particulier dans les évocations de l’amitié, du premier émoi amoureux ou du rapport au père – en suturant le temps.


***



1. La lucarne des écrivains :
 
Visiter son site  pour en apprendre plus sur ses évènements et sa Revue
(115, rue de l'Ourcq 75019 PARIS, Métro Crimée, tél. 01 40 05 91 29)

2. Armel Louis
3.
Denis Emorine




D'une langue à l'autre
par Dana Shishmanian

pour Francopolis avril 2012

Créé le 1 mars 2002