Disons
d'emblée qu'il ne s'agit ici ni d'une exégèse canonique, ni d'une
approche scientifique : elles sont légions en la matière. Claude
Luezior, avec la franchise ouverte et sincère d'un Candide, n'a pas
trouvé de vecteur plus adapté que l'humour pour nous présenter sa
lecture parfois effarée de l'Ancien Testament. On est loin de toute
herméneutique, loin des règles mystiques traditionnelles, loin des
Pères de l'Église, de Saint Augustin, Saint Isidore ou Eusèbe de
Césarée, mais plus proche d'un François Laplanche qui cite Karl
Barth : « Ce que je dis de Dieu, c'est un homme qui le dit. »
Luezior
l'amoureux des arts, le poète, le romancier, avance ici en terrain miné
avec beaucoup d'entrain, de bienveillance et un certain panache. Il ne
serait pas étonnant qu'il rallie à sa courageuse campagne, tout un
peuple de lecteurs. Comment résister à sa réaction de potache, celle
d'un enfant devant Spielberg et Charlot réunis ? Claude Luezior
est léger mais ne raconte pas à la légère. Il rit mais s'indigne, tout
en citant les versets bibliques concernés. Voyons un exemple
''frappant'' (ici tout est ''frappant''!) : celui-ci, intitulé Il faut savoir et qui précède Le Déluge...
« Reprenons
depuis le début : Dieu créa l'homme à son image, à l'image de
Dieu, il le créa. Et Dieu vit tout ce qu'il avait fait, et voici
que cela était très bon (Genèse,
1,27 et 1,32). Et pourtant, Yahvé dit en son cœur : ce
qui forme le cœur de l'homme est mauvais dès sa jeunesse (Genèse, 8,21). Diagnostic
final : l'œuvre du Tout-Puissant est-elle à ses propres
yeux bonne ou mauvaise ? »
Comment
résister à l'aventure de Noé dans le chapitre Soyons indulgents ! « Noé
était âgé de six cents ans quand eut lieu le déluge. » (Genèse,7,6). Luezior
s'exclamera d'ailleurs plus tard : « belle gériatrie ! » Il rajoute : « On excusera
bien ses erreurs. Ce d'autant qu'il n'était pas très fort en
mathématiques. Un peu pressé, il n'avait fait monter à bord qu'un seul
escargot. Tantôt mâle, tantôt femelle et avec une patience infinie, le
(la) bougre(sse) se débrouilla tout seul. »
Et
de préciser : « Prévoyant, le patriarche demanda à Yahvé quelques
somnifères pour des crocodiles au sale caractère et pour un couple de
singes qui commençaient à semer la pagaille : des êtres déraisonnables
qui prétendaient, à l'époque déjà, avoir un lien de parenté avec Noé !
En ces temps pré-diluviens et carrément écologiques, on lui fournit
plutôt un couple de tsé-tsé, des mouches spécialistes ès sommeil. Ce
qui fut tout à fait indiqué, notamment pour la paire de renards qui
jetaient un regard lubrique en direction d'un coq et de sa doulce moitié. »
Évidemment,
les choses s'enveniment avec « Caïn et Abel : le premier tue
l'autre. Dramatique engeance ! On a si peu disserté quant à la douleur
des parents... » Elles se multiplient et s'amplifient par la suite
avec Moïse, David, Salomon... Alors, devant la lecture de tant de
miasmes et de plaies soi-disant envoyées par Dieu, ajoutées à tant de
turpitudes et d'exterminations dans nos sociétés humaines passées,
présentes et à venir, que faire sinon rire parfois, pleurer, souvent ?
Il nous y invite avec sa plume parfois cocasse, souvent indignée,
parfois insolente, souvent humaniste, tout en frémissant devant ces déluges de violence détaillés
dans un Ancien Testament d'il y a bientôt trois millénaires.
Cela
dit, Claude Luezior précise en quatrième de couverture : « Ce qui
est rassurant, c'est l'avènement, beaucoup plus tard, d'un rebelle,
incarnation du pardon et de la tendresse : le Nazaréen
Jésus-Christ.
©Jeanne Champel Grenier
|