|
Je
vous appelle !
1
Dans la tranchée
je courais sans me retourner
trimbalant mon corps au milieu d’un déluge de rats
à la lisière tranchante de la nuit
et d’une route sans issue
au bord de la langue
dans la chute interminable du poème
où gît ma blessure
2
La paix ne s’impose pas
comme on décréterait un couvre-feu
et la mort d’autrui ne se décide pas
Qui me prêtera un salut pour espérer ?
Le rêve me quitte...
Parce que la mémoire des calamités de l’humanité ne mérite
pas
le sacrifice d’aucune vie en Palestine
3
Les faiseurs de guerre s’entasseront
toujours dans des cercueils
quant à moi
je resterai seul dans les ténèbres à écrire sur l’exil
à nommer les assassins
à faire l’inventaire des victimes
et à couvrir les blessures des orphelins
avec mon corps d’ancien rescapé de la dictature
Malgré la douceur des nuages de l’été
le monde gronde en moi
et mon âme parfume les défunts et les soldats inconnus
Dans ma chambre au plus profond de la nuit
je ramasse les étoiles ébouriffées et tristes
ainsi que les péchés de ma jeunesse commis dans
l’obscurité
Je suis le sacrifié des croyances malfaisantes
et de la fraternité mensongère
4
Aujourd’hui je suis comme un vieux carrosse
tiré par des mules aveugles
méfiant envers ceux qui menacent l’unité de l’horizon
Je rame entre nuages, mirages et averses
comme un bateau chargé de migrants sous un ciel clandestin
où Sisyphe de Camus ne vient que rarement
Plus loin encore
la tempête et le sable me reconnaissent
alors que je dessine discrètement une steppe
afin de me sentir moins seul dans la résurrection de
l’aube
Du haut de mon exil
je suis devenu le témoin oculaire
de ceux qui cambriolent le reflet de la lune
dans les paupières des petites filles
et arrachent le cœur des orphelins
5
Ceux qui saccagent le printemps
et profanent les sanctuaires où se recueille toute
l’humanité
qui ravagent aussi les champs de mots
la douce voix des mères et le cri du poète
j’aimerais tant qu’ils périssent !
6
Ceux qui ruinent la lumière matinale des tourterelles
Répandent le néant
Et brisent les bras de l’horizon
Pour les gamins
Et ces mêmes individus qui répandent le sang
rompant le pacte tacite de l’humanité de préserver les
siens
non par pauvreté d’esprit
non par erreur ni accident
juste pour se venger de cette humanité
dont ils n’ont jamais voulu faire partie
Qu’ils périssent !
7
Cela fait longtemps que je peins des colombes
sur les murs de mon exil
Que j’arrose ces lys qui poussent dans la peste
et que je pleure seul la mort de mes frères exécutés
Les ailes des papillons suffiront-elles
à contenir la haine des sanguinaires ?
Qui peut m’expliquer
comment faire la paix avec des génocidaires ?
Avec ceux dont nous ne partageons plus rien
ni langue, ni mémoire, ni deuil
Pas de sacré ni de croyance en commun
et même pas de discorde
Et l’éphémère, et l’anecdote ?
Tout ce qui se passe là-bas en Palestine
m’habite
Ceux qui ont bavé sur le sacré
car ils assassinent l’humanité
Qu’ils périssent !
©Salah Al
Hamdani
Savigny/Orge, 14 juillet 2025

©Yousif Naser (encre)
|