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ANNONCES DE PARUTION :

 

SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2025

 

Recueils / Revues

 

Recueils & ouvrages

Signalés par Éric Chassefière / Dana Shishmanian / François Minod 

(E.C.)

Encres Vives, Anthologie – 60 années d’édition, Rafael de Surtis éditions, décembre 2025 (401 pages, 25 €).

C’est au cours d’un échange avec les actuels responsables des éditions Encres Vives, que nous, éditions Rafael de Surtis, avons réalisé toute l’importance de produire une Anthologie des recueils édités depuis les origines par le fondateur d’Encres Vives, Michel Cosem, disparu en 2023. Inlassable découvreur, il a permis durant plus de six décennies à un nombre considérable de poètes d’être édités, parfois et assez souvent pour la première fois.

Proches de Michel Cosem, par l’engagement éditorial, et suite à plusieurs rencontres à l’occasion d’ateliers d’écriture, ou, notamment, à Cordes-sur-Ciel, dans la Barbacane historique des surréalistes, les éditions Rafael de Surtis réalisent donc cette anthologie, résultant des choix du comité de rédaction d’Encres Vives.

Cette anthologie constitue une somme notable de poésie contemporaine du XXe siècle et début du XXIe, rassemblée dans un écrin de qualité dont nous attendons qu’il porte la mémoire de l’œuvre de Michel Cosem et, au-delà, la philosophie qui était la sienne, de découvrir, porter et diffuser l’écriture poétique, toujours et encore lieu d’échange, d’écoute et d’amitié. 

 

Les éditions Encres Vives ont publié au 4ème trimestre 2025 :

Sabine Alicic, La poésie bat, nécrosée (n° 555)

C'est du chêne

de longue vie

abattu pour un escalier

intérieur

 

que naît  

sur les cernes

cette nuit-là

une ombre de ramier

Commencée dans sa jeunesse, l'écriture poétique de Sabine Alicic est le chemin foré au gré des entailles rapatriées dans la langue qu'elle naturalise pour un passage. La poésie, devenue passeport, est visée depuis, chez Diérèse, Traversées, Poésie / première, Traction-Brabant, Ecrit (s) du Nord, aux Editions Henry dirigée par Jean Le Boël, sa première rencontre éditoriale. Le cours du poème est son premier recueil paru en octobre 2024 aux éditions Encres Vives.

 

Jean-Paul Gavard-Perret, L’edam d’abord (n° 556)

Que chacun se taise devant l’inconnu. Il n’y a rien à dire. La poésie en prose s’y ose – si elle s’incline et n’abuse plus des apparences sans que la possible nudité soit une mauvaise monnaie. Tout auteur tente de voir l’invisible pour interpréter librement l’ignoré. Il chasse les médiateurs du temple.  Certes, il vaque entre extases et douleur mais n’y découvre que l’eau et le feu – ou les femmes et du fromage. Mystiques, disposez !

Jean-Paul Gavard-Perret, né à Chambéry en 1947, est auteur d’une cinquantaine de livres (textes brefs et prose et essai). Il est aussi critique et maître spécialiste de Samuel Beckett et de l’Image.

 

Annie Wallois, L’eau des brumes errantes (n° 557)

Il nous vient un visage, une allure, une scène, des paroles, des réveils d'enfance, autant de minutes d'elle, soustraites aux brumes de la mémoire.

On les recueille comme une eau rare.

Et on poursuit sa route à franches enjambées.

Parfois il sera bon de 'Marcher pour

                         Se laisser loin derrière'

Anne Wallois vit à Lille. Elle est originaire de la région des Sept Vallées dans le Pas-de-Calais, attachée aux chemins qui tissent ce pays 'de grands bois et de pâturages' cher à Bernanos, un terroir inspirant dont sa poésie porte l'empreinte.

A publié en revues : Écrits du Nord, Triages, Littérales, Gros Textes...

Aux éditions Henry  : Nuit rebroussée, Versets de la marche (prix Simone de Carfort 2018), Sous le non-lieu du ciel, Comme on s'assure du sol.

Aux éditions Douro : Sur la pierre bleue du seuil.

Aux éditions Alcyone : Ombres et ailes battantes.

 

Bernard Fournier, Vigiles des villages (n° 558)

Vigiles des villages est un poème inspiré par les statues-menhirs du musée Fenaille de Rodez (Aveyron). L’auteur cherche à percer le mystère de ces pierres gravées et tente un dialogue avec ces formes anthropomorphiques. Comment ont-elles traversé les siècles ? Qui les a gravées ? D’où viennent-elles ? Pourquoi sont-elles à cet endroit précis ? Se pourrait-il qu’elles aient un rapport avec ses aïeules ?

Bernard Fournier vit en poésie, tant dans ses activités (Audiberti, Cercle Aliénor, Académie Mallarmé, Encres vives), dans des essais sur Guillevic, Marc Alyn ou Audiberti, que dans sa propre écriture ;  romans : Privé du sonnet, Un Amour De Bussy ; poèmes : Hémon, suivi d’Antigone, Silences, Loin la langue ; Vigiles des villages, Prix Troubadours 2020 ; Dits de la pierre, Prix Louise-Labé 2023.

 

Patrick Aveline, TER pour Vilnius (collection Lieu, n° 422)

« TER pour Vilnius » n’est pas un récit de voyage, c’est un voyage. J’entends là qu’on trace moins un itinéraire qu’on y plonge. Vous pourriez certes flâner en Lituanie, au long des boucles de la rivière noire ou découvrir la Jérusalem du Nord à l’ombre de ses paulownias, mais c’est plus certainement en poésie que vous allez vagabonder. Ce voyage, imaginaire, c’est pourtant une histoire. Celle qui, avec fantaisie, humour parfois, tendresse souvent, narre la rencontre entre une vieille Vilnoise dévoilant avec pudeur sa solitude et un homme qui semble la chercher. Dans une amitié naissante, c’est ce goût qu’ils ont en commun pour les vers de Ronsart qui les invitera à se confier l’un l’autre…

 

Né à Tanger en 1961, Patrick Aveline vit à Marseille depuis l’enfance. Diplômé de l’enseignement supérieur, c’est à l’ingénierie aéronautique qu’il consacre la plus grande partie de sa carrière professionnelle. C’est pourtant une sensibilité toute littéraire et un riche imaginaire qui l’amènent à écrire poésies et récits. Il a ainsi publié, depuis une vingtaine d’années, près de deux cents textes dans une trentaine de revues de littérature et de poésie, telles que Les hommes sans épaules, La revue des Archers, Poésie/Première, Francopolis, Cairns, Art le Sabord, Borborygmes, Décharge, Traversées, etc.

 

Daniel Malbranque, Poèmes à la cire fondue (collection Lieu, n° 423)

Ce recueil est une gageure : comment traduire l'intraduisible, comment faire correspondre, par les mots, couleurs, formes et rêves ? Jean-Pierre Otte, l'attentionné poète des mythes premiers, relatés dans des ouvrages de belle inspiration et de grand savoir, est aussi peintre. Le jour où il me confia quelques-unes de ses enluminures à la cire fondue je fus ébloui. Ces œuvres, suffisamment fortes m'incitèrent à y faire mon chemin, à développer mon imagination non pour traduire en décalque la fantasmagorie proposée mais pour me plonger résolument dans la pratique de l'hallucination simple, selon la célèbre formule. Puissent à leur tour ces lâchers de pensées magiques susciter auprès de quelque artiste inspiré le revers de ces vers !

Né en 1953, Daniel Malbranque, breton par son père, alsacien par sa mère, ch'ti par ses aïeux, longtemps, s'est dit « anachorète onirique ». Au temps de ses tribulations erratiques (Europe, Turquie, Iran, Afghanistan) l'itinérance voulait dire poésie. Longue participation dans les années 80 et 90 à Radio-Liberté, radio associative du Ribéracois en Dordogne. Depuis, vivant le voyage immobile, il se consacre à l'écriture sauvagement et dirige la revue de poésie La Vie Multiple. La revue Texture les amis de Michel Baglin l'accueille régulièrement. Nominé au prix Troubadours 2020, il est présent dans la revue Friches n°131. Le récit de son itinérance (1973-1983) fait l'objet à ce jour de 3 tomes. Le Pèlerin du Rien, dernière saga de ses mémoires paraîtra en 2026.

 

Joël Mansa, À contre-ciel (collection Lieu, n° 824)

La vie d’un poète n’est faite que de naissances.  Ses jours sont une ruche, ses mots des mains tendues qui font une passerelle où passe ce qui survit à toutes les douleurs.

Être à contre-ciel est une façon de vivre qui est une volonté, une manière de ne pas accepter l’inacceptable, de chercher l’ineffable, d’exprimer l’inexprimable. Un poète est un témoin. Il rompt le silence, déchire son sac de mensonges, ouvre les écluses de son âme et ainsi il rompt, déchire et ouvre tout ce qui s’obstine dans le monde à rester fermé et dans le non-dit.

Joël Mansa vit à Bordeaux où, agrégé de Lettres, il a enseigné toutes ces dernières années au Lycée Gustave Eiffel. Il a été longtemps formateur de professeurs, notamment aux Antilles. Il est poète, romancier et auteur de théâtre.

 

Vincent Motard-Avargues, Airs solides (collection Lieu, n° 425)

Air solide, tout vivant l’est, partout, nulle part, entre les murs, les portes, les fenêtres – jamais à demeure.

Ici un temps ; là pour toujours.

Vincent Motard-Avargues, né à Bordeaux en 1975, musicien, photographe, revuiste (Recours au Poème, Ce Qui Reste) ; auteur d’une quinzaine de recueils dont Peinture de l’absence (Le Chat Polaire, 2022), Là Où Ici (Aux cailloux des chemins, 2021).

 

Danielle Helme, Maguelone (collection Lieu, n° 426)

Depuis ce même étonnement de retrouver Maguelone, Danielle Helme regarde irrésistiblement : l’îlot immuable, sa cathédrale romane, quand ruisselle de clarté immense l’étang du Prévot, ses colonies de flamants roses. On pense brusquement aux processions d’évêques, de chanoines, du groupe épiscopal médiéval, et des suites de compagnons pêcheurs ou de vignerons de notre époque. Observer la mer avec ses attitudes humaines de colère, de vague à l’âme, de calme, au rythme de l’action des flots qui résonnent et raisonnent dans l’âme humaine. Un vignoble ancestral, la steppe saline, véritable miracle d’humilité.

Danielle Helme a étudié les écritures dramatiques contemporaines. Elle a publié neuf recueils de poésie. Parmi ses ouvrages les plus récents : Le Radin, roman, Ed. Amandier, (2015) ; Glossaire du ça, (2016), livre Oulipien, Ed. Du Jais ; Temps Modifié, poésie, Editions de l’Aigrette, (2021) ; C’est curieux j’ai le trac, Ed. Via Domitia, (2024).

 

Dominique Marbeau, Frisbee ou le retour des petits malheurs (collection Encres Blanches, n° 855)

Les femmes sont des êtres extraordinaires. Chaque jour elles le prouvent. Elles jalonnent leur vie par des prises de risque jusque dans leur refuge le plus intime. Quand elles sont injustement privées de leur liberté d’action, leur meilleur moyen de défense reste la parole, encore quand on veut bien les écouter. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de regrouper des poèmes où je fais parler une femme dans ses désillusions. Mais dans ma peau d’homme, je sens bien que je reste au-dessous de la réalité et ce, malgré tous mes efforts d’empathie. J’ai pensé que l’expression d’un chagrin d’amour serait plus sincère ainsi. Alors qu’il reste parfois douteux dans la bouche d’un homme qui se dit victime oubliant qu’il est souvent coupable.

 

Sandrine Davin, Le silence des oubliées (collection Encres Blanches, n° 856)

Dans ce recueil poignant, parcourez les vers de la mémoire, là où les échos de l’horreur se mêlent aux voix résonnantes du passé.

Chaque poème comme un cri de résistance, un hommage aux vies brisées et aux espoirs éteints.

Un voyage émotionnel à la croisée de l’histoire et de la réminiscence qui nous rappelle l’importance de porter la mémoire.

Sandrine DAVIN est née le 15/12/1975 à Grenoble où elle réside toujours.

Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des tankas, elle a édité 19 recueils de poésie dont le dernier s’intitule « A nos ouvriers » chez TheBookedition.

Ses ouvrages sont étudiés par des classes de l’enseignement primaire et au collège où Sandrine intervient auprès de ces élèves. Elle a ce goût de faire partager la poésie au jeune public et de donner l’envie d’écrire …

Elle est également diplômée par la Société des Poètes Français pour son poème « Lettre d'un soldat ».

 

Michèle Goëmon, L’être en ciel (collection Encres Blanches, n° 857)

Michèle Goëmon parcourt le monde de l’intérieur depuis plus de quarante ans, habitée par la création artistique et poétique. Elle publie son premier recueil en juillet 2025, « De l’océan au fleuve, l’être altitude ».

Elle cherche à éclairer nos parts d’ombre et à mettre en lumière qui nous sommes. Elle ouvre un chemin à la joie de la présence, à Soi.

Amoureuse de la vie et des mots, elle témoigne du lien essentiel entre la Terre et le Ciel et du lien privilégié, quoique difficile, de la relation intime à deux. Dans cet espace être deux, être plusieurs, être ensemble, avec tendresse pour notre humanité.

 

Denis Lemaître, Enfant devant la fée (collection Encres Blanches, n° 858)

La Fée recueille l’enfant et ses blessures. Leur voyage sur une île antique est le cadre d’un dialogue sur leurs existences singulières, leurs ressources d’âme, leurs dons réciproques. Les paroles prennent forme dans le paysage enchanté de la mer et des légendes de l’île.

Denis Lemaître mène une carrière d’enseignant-chercheur en sciences sociales en écoles d’ingénieurs. Il vit dans la région de Brest, dont les paysages et les imaginaires lui offrent une partie de son inspiration. Il s’investit pour la poésie au sein de l’association An Amzer Poésies. Il a publié, chez L’Harmattan, en 2013, « D’errance en Arrée » et « La Cité restituée », et chez An Amzer Poésies, « Fortune à Brest » (2014), « Le Pas de Guénolé » (2017), « Cœurs de pierre » (2018, dessins de Gérard Jaffredou), « Lunes de Paris » (2021, dessins de Bénédicte Palisses-Save) et « La mer parabolique » (2022).

 

Sébastien Robert-Derey, L’envers du jour (collection Encres Blanches, n° 859)

« Nous ramassons en nos lieux oubliés

Les dons diaphanes des longues saisons,

Ces paraclets du jour et de la nuit,

Appels secrets, en héritage. »

Né à Châteauroux en 1983, très attaché à l'Indre, Sébastien Robert-Derey a suivi des études de lettres et de philosophie et enseigne au lycée Duhamel du Monceau (Pithiviers). Attentif aux écrivains comme aux philosophes, il est notamment l’auteur de La philosophie de Louis Lavelle : liberté et participation (2007), Montherlant (2016), Sartre (2020) et dirige la revue de poésie Haies Vives depuis 2013. Ses recueils de poèmes comme Épiphanies (2014) et Le Monde diaphane (2018) sont marqués par les paysages du Boischaut et de la vallée de la Creuse. Il a reçu le prix Maurice Rollinat en 2016.

 

Manuela Parra, Lettres aux Absentes, Correspondances imaginaires de femmes en résistance, éditions Chèvre-feuille étoilée,  octobre 2025 (115 pages, 19 €).

Et si les absentes pouvaient encore parler ?

Elles s'appellent Inès, Juliette, Louise, Matilde, Antonia ... Certaines ont existé, d'autres s'inspirent de témoignages. Espagnoles ou Françaises, engagées dans la résistance contre le fascisme et la barbarie nazie, elles furent emprisonnées, torturées, parfois exécutées, souvent oubliées.

Cette correspondance imaginaire profondément documentée, offre un dialogue entre ces femmes de l'ombre et l'autrice, et crée du lien entre elles. Porté par la plume inspirée de Manuela Parra, témoin de notre temps, ce roman polyphonique redonne chair et âme à ces résistantes dont les luttes résonnent encore aujourd'hui.

Entre fiction et mémoire, ce livre est un fervent hommage à celles qui ont osé dire non, à celles qui ont aimé, douté, résisté. À celles dont la parole, trop souvent étouffée, devient ici un cri de vie.

Manuela Parra écrivaine, poète, graveuse et présidente de l'association Voix de l'extrême Poésie et Culture est engagée dans l'écriture de mémoire et la transmission. Elle explore dans ses récits les zones d'ombre de l'histoire des femmes. Lettres aux Absentes est son second ouvrage après Des frontières et des femmes, prix du livre Pyrénéen-Binaros 2024, publié aux éditions Chèvre-feuille étoilée.

 

Luc-André Sagne, Mes incendies, éditions Unicité, 3e trimestre 2025 (81 pages, 13 €)

Avec ce nouveau recueil, Luc-André Sagne nous donne à lire des poèmes avec souvent des trouvailles de sens et de sonorité. L'homme qu'il tutoie tout au long du livre s'adresse à cet autre comme s'il était dans une non-attente. Le poète écrit à la fois sur l'intime et avec une force de lyrisme, ce qui provoque une saine stupeur, un élan du cœur. Luc André-Sagne nous interroge sur le réel qu'il ne saurait définir. Pourtant chaque poème agit en nous comme une déflagration muette qui dépasse le sens des mots.

Au blanc ambulant des corps de rencontre

 

aux froissements de lumière

qui traversent la nuit les silences endormis

 

aux affamés de paroles

 

tu ne veux plus faire confiance

toi qui as vu aux portes des maisons

briller la flamme de la colère

et dans la faculté de faire éclore ou de détruire

 

le grand incendie de l'humain

 

(Éric Chassefière)

*

(D.S.)

Les éditions du Menhir / Poésie contemporaine : parutions novembre et décembre 2025

La maison dirigée par Xavier Dubois nous communique ses dernières parutions de poésie :

- Fabienne Lejart, La Bretagne en poésie(s), novembre 2025 (68 p., 11,90 €). 

Bien davantage qu'un simple recueil, l'oeuvre de Fabienne Lejart constitue un genre à part entière : le guide poétique.
Souvenirs de famille et balades en campagne ou en bord de mer ont inspiré un hommage aux villages et aux villes les plus emblématiques de Bretagne. A travers cette évocation poétique, l'auteure nous invite à découvrir, dans un style assez contemporain, les marqueurs qui façonnent l'identité et l'intérêt de nos territoires.

- Florent Ploquin, Pour que la poésie demeure, fin décembre 2025 (92 p., 11,90 €). 

Qu'est-ce qu'une poésie spirituelle, et comment peut-elle contribuer au monde d'aujourd'hui ? À l'heure où la plupart des gens se débattent quotidiennement avec toutes sortes de problèmes, il peut sembler pertinent d'y réfléchir. Ainsi, la douceur caractéristique du climat océanique génère souvent des atmosphères d'un grand potentiel esthétique. Et si le poète a un regard de peintre, il y trouve indiscutablement une inspiration spontanée, fugace et suggérée, qu'il convient de capter avec des mots.

 

Jean Biès, Des poètes et des dieux. De la littérature à la philosophie pérenne. L’Harmattan (collection Théôria), novembre 2025 (274 p., 27 €)

À la critique souvent réductrice du XXe siècle, Jean Biès (1933-2014) oppose une approche inédite de la littérature considérée dans ses relations avec les enseignements des sagesses traditionnelles de l’Orient et de l’Occident.

L’auteur nous montre comment le chamanisme, à l’origine de toute création poétique, l’orphisme, l’hermétisme et le néo-platonisme, l’illuminisme et les mythes fondateurs ont déterminé un grand nombre d’œuvres mémorables. Ainsi voit-on La Fontaine s’inspirer pour certaines de ses fables de modèles indo-bouddhistes. Daumal se veut l’explorateur de la poétique hindoue. Segalen puise au taoïsme. Rimbaud reçoit des teintures d’islam.

D’étonnants rapprochements entre la France et l’Asie – l’Inde en particulier – permettent de renouveler l’interprétation des œuvres reliée aux symboles et aux archétypes. En étroite corrélation avec la Philosophia perennis existe une véritable Litteratura perennis, dont le romantisme est l’une des meilleures illustrations. (Préface de Nabil Sini)

 

Monique W. Labidoire, L’Horloge du monde. Poèmes. Éditinter, novembre 2025 (95 p., 20 €)

C’est toujours de mémoire qu’il s’agit dans ce nouveau recueil de Monique W. LABIDOIRE c’est-à-dire d’un intense vécu poétique. On retrouvera dans ces poèmes cette confrontation aux mots qui ouvre au dialogue et creuse une espérance qui pourrait révéler la beauté du monde. Gardienne de lumière, veilleuse persévérante de la flamme de la chandelle, l’Horloge du monde égrène ces poèmes avec force et ferveur. Dans le bourbier du monde les Justes habitent des lieux improbables. Têtus de liberté façonnés de compassion tenant citadelle devant l’ignominie et la cruauté. Traversant les murs, ils déposent l’une après l’autre les briques de la honte pour rebâtir le château des merveilles. Fréquenter l’espérance est une vérité secourable. Rongée, écartelée, dépecée il n’en reste aujourd’hui qu’un souffle de miracle éparpillé sur les plaies de la Terre et tandis que l’épidémie gagne tous les territoires elle persiste à chanter gloria au plus haut du ciel.

 

Martin Zeugma, Seulement seul. Association poétique @Luna Rossa, 4 novembre 2025.

Présentation et extraits du recueil : voir à notre rubrique Francosemailles, dans ce même numéro.

 

Joan Baez, Quand tu verras ma mère, invite-la à danser. Édition bilingue (Traduit par : Anne-Laure Tissut). Éditions Points. Poésie, novembre 2025 (312 p., 14,90 €).

Il est temps que la plus belle musique commence.

Le cœur en attente, chaque nerf en écoute.

Joan Baez écrit de la poésie depuis des décennies ; avec tendresse et légèreté, elle évoque son enfance, partage ses moments d’émerveillement au quotidien et rend hommage à certains de ses contemporains, tels Bob Dylan, Jimi Hendrix ou Judy Collins. Comme une conversation qui naît tard dans la nuit avec une amie, ce recueil dessine, poème après poème, un autoportrait en vers et en prose de cette grande artiste et nous fait voir, le temps d’une soirée, le monde à travers ses yeux de rêveuse.

Joan Baez est une icône incontournable, une force de la nature. Reine du folk, son énergie et ses chansons ont marqué l’histoire de la musique, la conduisant au Rock & Roll Hall of Fame en 2017. Son engagement de tous les instants lui a valu en 2015 le prix d’Ambassadrice de la Conscience, la plus haute distinction décernée par Amnesty International.

 

Didier Meny, Il faudra bien un jour célébrer ce qui n’a pas eu lieu. Éditions du cygne, novembre 2025 (54 p., 12 €)

Il faut de la colère sans doute, de la tristesse sûrement et le besoin de transformer en mots les cris, de bâtir sur le sable, face à la violence des vents et des eaux, la forteresse éphémère d’un poème.
Il faut chercher les mots perdus, ceux qui font dans la roche une faille, dans le corps un silence. Attendre sans crainte mais en tremblant un peu que la bouche tiède d’un souvenir traverse la chair. Écouter battre son cœur quand le sang qui en dégoutte raconte une histoire qu’on voulait taire et qu’il faudra écrire. Espérer pourtant que des lèvres glissent sur la peau, douces et chaudes et racontent une tendresse oubliée. 

Poète ! Arrache au sang, au feu et à la fiente la lame des mots ; crève l’œil et le tympan, fouille le ventre. Jette sur les verbes des copeaux d’acier, passe ta langue sur les plaies. Crains d’être fou et écris sur ta peau la carte muette des chemins disparus. Éteins le feu des crépuscules, tranche la nuque des songes, jette au loin les perles de l’aurore. Mets la beauté des mièvres au garrot de l’histoire. Tu écris sous les brasiers, demain le monde sera nu.

 

Nicole Randon, Paysages fragmentés. Éditions Unicité, novembre 2025 (76 p., 13 €)

À travers Paysages fragmentés, Nicole Randon oscille entre cônes de soupirs et fond du temps. Comment dériver doucement dans ce recueil ? Tout corps m’onde et féconde sa cartographie. « Nous sommes seuls au monde / Nous saignons / Cela commence ainsi / Enfance crédule… » scande l’auteure jamais sevrée d’interrogations. Levée du récit où nous frôle le bruit invisible de l’horizon, comme l’écrit le poète Davide Napoli. « Les traits de nos visages / Sont-ils mirages / Essayer incertitudes / Je reste, » répond Nicole Randon avec foi. « Fumées noires, fumées blanches / alors méditeront. Pendant que l’à et rien…, Sur quelle lune étions-nous ? » Traversons ces lyrythmes et éprouvons cette lente heure à l’œuvre du talisman. « La craie dessine / L’enfant suit le trait / Matrice de la marelle » là où s’exerce ce sang qui sait. « Incertitudes / Après immersion / Essai sur page blanche », nous chuchote l’auteure car « Tu n’as pas tout lu… » (Anne de Commines)

 

Parme Ceriset, La liberté sur les lèvres (Bohème). Éditions Unicité, novembre 2025 (102 p., 15 €)

Persuadée qu’il est possible de se réinventer et de se libérer de ses chaînes après avoir traversé des épreuves, Parme Ceriset nous invite à la suivre sur les sentiers de la liberté, de la combativité, de la joie. « Un mot accueillant ton silence / entre mes lèvres carminées, / un mot fou et sensuel / tissé de rêves et de bohème… »

Chez Parme… aucune demi-mesure. L’extase ne le permet pas : « Que je crois en toi ! Que tu sois nous ! » dit-elle. Chacun de ses mots est fusion brûlante : « Tu me vis. Je te vois. Je te vis ». Douce guerrière humaniste porteuse de flambeaux, « elle règle ses comptes avec la mort », nous transmet Patrick Devaux en sa préface.

 

Parme Ceriset, Amazone d’outre-monde. Tarmac éditions, octobre 2025 (70 p., 16 €)

« Dans la saga de sa plume, épique, rugissante, parfois hallucinée, il y a autant d'outre-tombe pour renaître à la vie que d'outre-monde pour panser les blessures de l'existence. Se frayant un passage dans la jungle agitée des dieux et des diables terrestres, l'Amazone élague peu à peu les ténèbres pour mieux les traverser et jouir de ce qu'il reste de bienfaisance dans un monde où jusque dans ses colères la nature se révèle une amie sûre.

(…) Parme Ceriset convoque sans afféteries les cavaliers d'une apocalypse batailleuse provoquée et subie par l'homme, et exacerbée par le déchaînement d'éléments devenus incontrôlables.  Elle nous enjoint à distiller raison dans la lymphe de démesure dont se nourrit l'engendrement artistique : nulle liberté sans combat perpétuel, plus encore pour la femme, avec le charroi de la poésie pour s'élever au-delà des turpitudes de la nature humaine. » (extraits de la préface de Jean Azarel)

 

Catherine Andrieu, John Forbes Nash, le chant des équations blessées. Z4 éditions, octobre 2025 (44 p., 12 €)

Il y a des esprits qu’on ne cerne pas. Ils ne s’inscrivent pas dans les marges, ils sont la marge.

Ce livre ne dit pas qui était John Forbes Nash. Il écoute ce que cela fait d’être traversé par une pensée trop vaste, trop vibrante pour le monde.

Un homme marche à côté de lui-même. Il parle aux chiffres comme on parle à des oiseaux.

Le réel se plie, la logique vacille, et quelque chose – entre absence et lumière – cherche encore à tenir. Ici, la poésie ne commente pas, elle épouse. Elle prend la forme flottante d’un raisonnement sans preuve, d’un amour sans réponse, d’un murmure qui cherche à devenir forme.

 

Pierre Kobel, Maison(s). Le Capital des mots (collection Melting Poètes Nevermore), octobre 2025 (12 €)

Voir dans ce même numéro, le coup de cœur de Dana Shishmanian.

 

Mireille Diaz-Florian, Des femmes. Toutes. Éditions du Palio, octobre 2025 (145 p., 18€).

Voir dans ce même numéro : la chronique de Dominique Zinenberg (à la rubrique Lectures-chroniques), et les extraits du roman (sélection par Dana Shishmanian, à la rubrique Suivre un auteur).

 

E. Chassefière (poèmes) / L. Grison (images), Peindre de son corps. Éditions Pourquoi viens-tu si tard ? (Collection Poésie), octobre 2025 (78 p., 13 €).

L’AMOUR / LA MÉMOIRE / LE CORPS, un triptyque de Laurent Grison et Éric Chassefière, sous la forme d’un dialogue entre images et poèmes, pour dire le triomphe de la vie et de la beauté. (Sur la page Facebook des éditions PVTST).

 

Eric Chassefière, L’amour sans fin, sur des photographies de Laurent Grison. Semaph(o)re éditions (Collection Cahier Nomade), octobre 2025 (72 p., 14 €).

Mes photographies en noir et blanc (toutes inédites) dialoguent avec les poèmes d’Éric Chassefière. Je remercie Bruno Geneste, l’éditeur de ce beau livre. (Laurent Grison).

 

Éric Chassefière (poèmes) / Laurent Grison (images), Dans la nuit du jour. Rafael de Surtis, septembre 2025 (119 p., 25 €)

26 images en dialogue avec les poèmes.

Écrire dans la lumière, dans la fenêtre de la lumière.

La lumière éclaire un paysage, un champ, des lignes d’arbres, une montagne lointaine.

C’est de la nuit d’enfance, du chant du vent dans les arbres, de la rose noire sous les volets clos, que naît ce paysage qui au matin saisit l’enfant dans sa lumière.

Cet instant de lumière, il est aujourd’hui, magnifié par la mémoire, celui du poème, de l’éveil à la vie et à la beauté.

La fenêtre du paysage se double ici de celle de l’image fournie par l’artiste, ouvrant des chemins neufs en de nouveaux étés.

Dans la Nuit du Jour dit l’éblouissement d’être, le temps perdu et retrouvé, la joie sans limite d’embrasser, prendre visage, s’ouvrir au monde.

(Présentation du recueil en avant-première, par Éric Chassefière, sur lespoetes.site)

 

Anne Barbusse, À moins que Marseille. Photographies d’Adèle Nègre. Milagro éditions, septembre 2025 (118 p., 19 €)

À moins que Marseille est une exploration poétique des lieux et des visages de la cité phocéenne. On dévale avec l’autrice les rues d’une ville qui s’ouvre sur la mer, « toute l’humanité converge au bas de la Canebière ». Entre deux épiphanies sur le sens caché des paroles et des pierres, le regard s’attarde sur des scènes de vie quotidienne dans lesquelles s’anime une population vibrante, inquiète et passionnée à la fois. Enfin, c’est « l’art comme dernier viatique » qui vient ponctuer le texte en contre-point du monde réel, à la recherche d’une ouverture. Une cartographie intime de Marseille : toujours en équilibre entre l’effondrement et la lumière, où l’horizon marin et chaque geste deviennent matière à saisissement.

(À noter que certains textes de ce livre – alors inédit – ont été accueilli par Francopolis au Salon de septembre-octobre 2023, sous le titre L’écriture-nage ou « l’abîme instinctif »).

 

Jean-Philippe Sedikhi, Dans l’angle mort. L’Harmattan (collection Poésie), septembre 2025 (116 p., 13 €)

Bienvenue dans l’angle mort de nos sociétés : celui qu’on oublie, celui qu’on tait.
Dans ce premier recueil, Jean-Philippe Sedikhi dresse, poème après poème, un tableau brut et bouleversant de l’invisible. Sa poésie, influencée par Raymond Carver et Jacques Prévert, est directe, sans fioriture, mais d’une puissance rare. À travers des scènes du quotidien, il nous parle d’exil, de solitude, de pauvreté, d’errance et de dignité. Il capte la beauté fragile d’un instant, l’éclat d’une détresse, le silence d’un regard.

Ce recueil n’est pas un simple livre de poésie : c’est un cri discret, un témoignage sensible, un miroir tendu vers ceux qu’on ne voit plus. (Préface par Éric Dubois)

 

Giovanni Dotoli. Poetic alphabet. Dictionary of my Heart’s Quotations. L’Harmattan (collection L’Orizzonte), septembre 2025 (212 p., 25 €)

We all know what dictionaries of poetry typically involve. Either a lexicon of poetic terminology or a biographical encyclopedia of the poets themselves. But what about a poetic dictionary? What would that look like? Dotoli, at his finest, combines his experience as a lexicographer with his artistic sensitivity to give us a striking example through a roadmap of keywords that define his poetry, but also a who's who of the artists and poets whose influence and friendship provide the richest inspiration as he tirelessly continues to reinvent the world, one word at a time.

 

Alain Clastres, Tu es cela. Éditions Unicité, septembre 2025 (70 p., 13 €)

Le recueil s’ouvre sur un hommage à la Chandogya Upanishad (environ VIe siècle avant J.C.), un des textes les plus anciens de l’Inde.

Au cœur de se son interrogation sur la réalité, ressort l’unité profonde de celle-ci où le particulier ne peut être séparé de la totalité, totalité qui ne peut être enfermée dans des mots. Cette non-dualité, ici clairement affirmée, traverse de manière plus ou moins sous-jacente toute la philosophie indienne pour réapparaître en toute clarté dans l’Advaita Vedanta (Non-dualité) au VIIe siècle après J.C.

C’est cette perception, si elle est profondément intégrée en soi, au-delà de la simple compréhension intellectuelle, qui peut nous faire dépasser les oppositions, les divisions qui nous traversent, les inquiétudes et angoisses sur notre place dans le monde, qui peut nous faire ressentir que le moment présent cristallise tout le réel et l’ouvre à sa dimension plénière, pouvant amener à un accord au monde et à un apaisement.

La poésie, pour sa part, dans sa saisie intuitive, spontanée du monde peut amener à exprimer, à faire ressentir, cette dimension d’unité, d’éternité, d’infini, d’indéfini qui est au cœur de la réalité, de notre réalité. Relié, ancré dans l’unité du monde, un sentiment apaisé peut alors s’épanouir. La poésie dans sa démarche peut être une voie de paix, une voie d’éternité.

 

Guy Allix, Précaire. Jacques André Éditeur (Collection Poésie XXI), septembre 2025 (90 p., 14 €).

À quoi reconnaît-on un poète ? Un vrai poète ?

À ce qu’il va mourir. À ce qu’il sait qu’il va mourir. Et, s’il sait qu’il va mourir, c’est parce qu’il vit intensément sa vie. C’est une forme d’éternité. Un poète, sachez-le, ça ne fait pas semblant de vivre, ça vit jusqu’au bout de ses forces, qui sont immenses autant que les ailes d’un goéland. Guy Allix est de cette veine inépuisable, il est de cette lignée des poètes du peuple, des poètes de toujours, quand vous le lisez, vous pensez à Rutebeuf, à François Villon, à Prévert, et à tous ceux qui se sont coltiné la vie et ont su lui dire « je t’aime » malgré les crasses qu’elle leur infligeait. Car ces poètes connaissent l’art du profond [...]. (Extrait de la préface d’Adam Katzmann).

 

Stella Vinitchi Radulescu, On Rapture and Death. Solis Press (UK), September 2025 (commander: Amazon.com).

On rapture & death is a collection of eighty-one poems from Romanian-American poet Stella Vinitchi Radulescu. David Dodd Lee, author of Animalities, describes Radulescu’s poems as being "rich in connotations, metaphysically profound in some great unlocatable fashion. Surreal, ethereal; some of the poems enact ghostly things and a very powerful worldview glitters and solidifies."

Radulescu’s French books received several awards, including the Grand Prix de la Francophonie and the Prix Amélie Murat.

Pour ses recueils en français, voir sa page d’auteur aux éditions L’Harmattan, et aux éditions du cygne.

 

(Dana Shishmanian)

 

*

(F.M.)

Emmanuel Godo, Avec les grands livres. Actualité des classiques. Éditions de l'Observatoire, septembre 2025 (272 p., 20 €).

Les grands livres sont des livres qui nous font grandir.

À l'origine de ce livre, cette expérience, combien de fois répétée : ouvrir un de ces ouvrages qu'on appelle un classique ou un grand texte, et avoir le sentiment de sortir d'un exil et de retrouver une sorte de patrie qu'on cherche en vain du côté de l'actuel.

Face à une époque qui prospère en nous arrimant à son bruit, à son néant, à sa grégarité, les grands livres dessinent un espace de résistance. Ils nous offrent une langue capable de faire face à ce que nous vivons de plus intense. Lire, c'est reprendre un état de vigilance, d'attention, d'écoute dont nous sommes constamment arrachés.

De Dante à Proust, de Montaigne à René Char, l'écrivain rappelle pourquoi les classiques de la littérature, en offrant un regard clarifié sur le monde et sur soi, demeurent des alliés de la littérature intérieure et de l'humanité.  (F.M.)

Poète, écrivain, essayiste, Emmanuel Godo est professeur de littérature en classes préparatoires au lycée Henri-IV à Paris. Ses œuvres explorent les liens entre littérature et spiritualité. (Voir son site.)

 

(François Minod)

 

***

Revues

Présentées par Éric Chassefière / Dana Shishmanian / Dominique Zinenberg

 

(E.C.)

Revue Portulan bleu, n°47, octobre 2027

Le revue Portulan bleu est publiée par l’association Voix Tissées, qui rassemble poètes et artistes autour de la promotion de l’écriture poétique, sous la direction de Martine Rigo Sastre. Elle paraît trois fois par an, en février, mai et octobre.

Ce numéro a pour thème « le rêve », et c’est sur le discours de Martin Luther King pour l’égalité des droits du 28 août 1963 que Patricia Bruneaux ouvre son éditorial : « Je vous le dis aujourd’hui, mes amis, quand bien même nous devrons affronter les difficultés d’aujourd’hui et de demain, je fais pourtant un rêve […] Je fais le rêve qu’un jour cette nation se lèvera et vivra pleinement les véritables sens de son credo : Nous tenons ces vérités évidentes que tous les hommes ont été créés égaux ». Et Patricia Bruneaux de se demander quel rêve aujourd’hui porte pour l’avenir notre humanité : « Avons-nous appris des mots des poètes, le rêve du monde qui est le nôtre et celui de tous les vivants ? Notre nation humaine a-t-elle fait cesser les guerres, les injustices, les barbaries des hommes, les violences envers les démunis et les plus fragiles ? ». Dans un  très beau texte, elle s’interroge sur ce que sont nos rêves, et plus généralement ce que sont les rêves de tous les habitants et milieux de la biosphère, hommes, animaux, forêts, glaciers, dans cette époque où l’homme et la terre sont tellement attaqués de toutes parts. Elle évoque la Beat Generation américaine et son rêve d’amour universel, le bouddhisme tantrique, les croyances amérindiennes, l’universalité de la perception du rêve comme accès à la lumière et à la vie.

Une trentaine de poètes sont à l’affiche, comme d’habitude. David Kristanveig écrit :

Le rêve ?

Le froissement pacifié

Du velours contre le réel

Un linge de réconfort

Comme une étincelle d’enlacement

Blottie dans un sommeil différent

Un cherche-minuit

Qui se hisse et se dresse

Pour envaster le silence

Quand tout nous dévaste

Et que nous rongent parfois des tessons

Jusque dans les songes

 

Qui alors pour frotter nos cœurs silex

Si au matin c’est encore l’ignorance qui revient ?

 

Répéter : ne pas s’aveugler retiendra le ciel

 

Mensuel de poésie LIBELLE, n°380, septembre 2025

Cette petite revue, composée d’une double feuille et d’un feuillet intercalaire (« un bloc-notes en six pages »), paraît mensuellement depuis 1991, année de sa création par Michel Prades et Bernard Rivet, publiée par l’association du même nom. Michel Prades en assure seul la coordination.

De courts poèmes se succèdent, égrenant pensées et sensations. Citons, au hasard de la lecture, Patrick Navaï :

Oui c’est sûr

Je prendrai ce chemin

Bordé d’arbres aèdes

Dont les habitants ailés

Chantent à tue-tête

Au bout de mon voyage

Il y aura la mer

Il y aura surtout toi

 

et Michel Prades :

 

Sur la glace fêlée,

mon âme s’ouvre.

Des coins de mes pages finissent

leur époque sous des tréteaux.

J’ai pour me montrer

un écart de page blanche,

pour m’entourer

deux points de suspension.

J’ouvre l’un des tomes encore vierges.

Je feuillette les pages de garde,

je me glisse entre l’une d’elles sans

que tu le sentes.

Je veux être vivant

sur le frappement de tes doigts


Revue Rose des temps, n°52, automne 2025

La revue Rose des Temps, conduite par Patrick Picornot et Aumane Placide, est publiée par l’association Parole & Poésie, créée en 2009, dont le but est de promouvoir la dimension orale et écrite de la poésie française et francophone. Elle paraît trois fois par an, en mai, septembre et janvier.

Le poème de couverture sur la rose est ici de François Cheng : « Roses écloses / Roses défuntes / Brefs les pétales / Long le parfum… », le thème du numéro étant « Humains et robots ».

Dans son éditorial, Patrick Picornot dit les dangers de la robotique, qui vise à produire des copies de plus en plus conformes du cerveau humain sur des circuits électroniques. Il note les services effectifs rendus par la robotique dans le domaine de la chirurgie, ou la prise en charge de travaux pénibles et répétitifs, quand c’est bien en machine d’aide à la réalisation que nous utilisons le robot. Mais avec l’apparition de l’intelligence artificielle, il devient possible de dialoguer avec des robots, avec tous les risques que cela comporte car, nous dit Patrick Picornot, « Le cerveau robotique n’est en réalité qu’un ogre électronique accumulant à l’infini des données extérieures afin de copier froidement le vivant – ersatz de pensée, d’émotion, de sensibilité, de connaissance… ». De tels outils au service des puissants peuvent être utilisés pour déshumaniser la société, pouvant même détourner le langage, qui est le fondement des relations humaines, à des fins politiques ou idéologiques.

Une quarantaine de poètes sont à l’affiche, et comme toujours une section fort bien nourrie consacrée aux chroniques de livres et de revues complète la sélection de poèmes. Citons ce très beau poème de Catherine Andrieu :

Sous un ciel de velours où la nuit se déploie,

Paname, doux gardien des rêves que je crois,

Tes yeux comme des lunes, miroirs d'un autre monde,

Éclairent l'horizon d'une clarté profonde.

 

Dans l'étreinte des flots, ma robe d'écume

Effleure ta fourrure, parsemée de brume.

Ton souffle, une musique, un chant venu des bois,

Ravive cette paix qui m'enlace et m'éploie.

 

Les étoiles en pluie tissent des arcs de verre,

Leur éclat dans tes yeux murmure un univers.

Tu portes les secrets d'éternelles forêts,

Des landes oubliées où le vent disparaît.

 

Dans ton cœur minuscule, un poème s'endort,

Un écho de ma vie, fragile réconfort.

Et l'instant suspendu s'étire en symphonie,

Où le temps, subjugué, retient son harmonie.

 

Je pourrais m'éteindre en ton regard céleste,

Oublier les clameurs, les éclats de la peste.

Car tu es mon ancre dans la mer infinie,

Un royaume de velours où la lumière luit.

 

Revue Coup de soleil n°124/125, octobre 2025

La revue triannuelle Coup de soleil dirigée par Michel Dunand et Marie-Françoise Payet-Saliesiani, et publiée par la Maison de la Poésie d’Annecy, a été lancée en 1984.

Au sommaire de ce numéro, un dossier très étoffé sur la poète Béatrice Marchal, avec quelques poèmes d’elle, deux chroniques, écrites par Jean-Louis Bernard et Jean-Pierre Lemaire, et un entretien mené par Jacqueline Persini. Jean-Louis Bernard écrit : « La poète est de plain-pied dans la lenteur de l'écriture, façonnant les mots, les mettant en bouche, nous redonnant ainsi le temps de penser au chemin. Baignée d'un calme, ô combien irréductible à la béatitude, sa parole fait signe vers l'écoulement infini des choses, étendant vers l'illimité le domaine de l'intime ». Qu’on en juge :

li n'est pas sûr que l'âge

amenuise les rêves,

il ne laisse d'eux que

la part la plus profonde,

libre de ce qui brille,

 

ce qui reste est encore

possible pour un cœur

vivant, qui cherche autour

de lui à contenter

son persistant désir,

 

parfois l'ombre est si douce

que malgré les nuages

l'envie lui vient d'en faire

sans plus attendre un rêve

exaucé, à poursuivre.

 

Les poètes qui figurent au sommaire de la deuxième partie du numéro sont Brigitte Bardou, Anne Soy, Patrick Argenté, Michel Ménaché, Jean-Marc Barrier et Marc-Henri Arfeux, dont voici un poème :

Nomme un oiseau,

Regarde-le fleurir la neige,

 

Nomme un chemin,

Suis en silence l'invitation de son encens,

Nomme une fenêtre

Et deviens sa bougie,

 

Âme en attente unissant l'aube,

Chantant tout bas,

Comme si le grain du monde

Luisait finement entre tes doigts.

 

Revue L’arbre parle n°14, Automne 2025

Cette revue « sauvage et poétique », une vingtaine de pages simplement agrafées au format A4, paraissant deux fois par an, a été créée en 2019 par Didier Ober dans le cadre de son association « L’arbre barde ».

Citons pour bien situer l’esprit de la revue les deux poèmes qui figurent sur la 2e de couverture :

 

Nous, nous réglons nos vies sur le soleil et sur la lune :

Leur visage est notre visage.

De nos mains, nous tenons la lune bien haut.

Nous sommes les enfants des arbres

quand la lune se couche parmi les branches

 

(Extrait d’un) Chant comanche

 

Quand le dernier arbre aura été abattu,

quand la dernière rivière aura été empoisonnée,

quand le dernier poisson aura été pêché,

alors on saura que l’argent ne se mange pas

 

Proverbe amérindien

 

Proximité aux éléments, vie au rythme de la nature, bienveillance tutélaire de l’arbre, règne néfaste de l’argent, destruction des ressources et de la biodiversité… Et pourtant la nature nous interpelle : « L’arbre parle, mais on ne l’écoute pas… », nous dit Georges Cathalo d’entrée de jeu. Un long texte en prose de Didier Trumeau chante la vie et le mouvement des arbres, contre les préjugés des inconditionnels de l’urbanité. « Sans eux [les arbres] pas de bois. Sans eux pas de charpentes. Sans eux pas de meubles. Sans eux pas de bateaux. Sans eux pas d’outils. Sans eux pas d’instruments de musique. Sans eux pas de feu dans la cheminée. Sans eux pas de papier. Sans eux pas de fût. Sans eux… ».

Une douzaine de poètes (Jeanne Champel Grenier, Daniel Labeyrie, Georges Cathalo, Jean-Marc Couvé, Didier Ober, Sylvain Braud, Béatrice Gaudy, Alain Clastres, Stéphane Casenobe, Ferrucio Brugnaro) au sommaire de ce numéro, ainsi que, comme toujours, les lectures de Didier Ober relatives à une quinzaine de revues, et des chroniques de recueils. Même la poésie, art de la vie et de la nature par excellence, est menacée de disparition, comme le rappelle Alain Clastres :

 

Poésie

Cœur d’infini

d’indéfini

de la vie

 

Poésie

Cœur d’indicible

de la vie

 

Et pourtant, dans cette librairie

fini

le rayon poésie !

 

Un peu d’âme de la vie

qui s’évanouit

 

Revue Verso, n°202, septembre 2025

Ce numéro, comme tous les numéros de la revue (4 numéros par an depuis 1977), est introduit par un sonnet de Shakespeare, traduit par Mermed. Alain Wexler, s’inspirant a posteriori des poèmes publiés dans le numéro, en a composé le titre suivant : « Labyrinthes ». Citons le début de son éditorial : « Il n’y a pas de taureaux dans les mines mais des labyrinthes, oui ! Comme dans les histoires d’amour et les souvenirs. Le temps est un outil qui permet de rester en vie dans le labyrinthe aux falaises implacables. Question de mesure ! ».  Le labyrinthe de la mer permet au prisonnier qui le voit de sa cellule de s’échapper. Les labyrinthes sont de portes et de miroirs s’entremêlant. « Combien de labyrinthes », interroge Alain Wexler, « avons-nous construit sans le savoir ? »

Une trentaine de poètes sont présents dans ce numéro. Citons, au gré de la lecture, Claire Raphaël, avec ce poème inédit donnant voix à un jeune homme sortant de l’hôpital après un accident cérébral, et qui se tourne vers la poésie pour surmonter impuissance et solitude :

 

Ma liberté est pleine

de ces passions offertes

à ceux qui me pardonnent

et ne m'accusent pas en dépit du fardeau

 

pleine de ces amours partagés

avec ceux qui n'ont plus peur de souffrir

dont les regards sont éblouis par la beauté du courage

le mien

le leur

je sais qu'on ne grandit que par l'épreuve ou la foi

 

je sais que je serai bientôt aussi grand que les arbres morts

d'une forêt plantée par des géants romantiques.

 

Citons également ce beau poème d’André-Louis Aliamet :

 

Saveurs mêlées, si proches

du fruit, il y a dans l'air

une ivresse latente.

Et comme hier

 

Les anges de la mer, leurs ailes si bleues,

si transparentes, s'inclinent vers le sol :

deux êtres impermanents, immatériels,

si haute est leur franchise,

 

Qu'ils tombent à genoux, dorment

dans les gares, près des kiosques, malgré la foule

et les crieurs de journaux,

 

Malgré tous ceux qui les harcèlent.

Bientôt vont siffler des croches,

minces faucilles d'air.

 

Nombreuses chroniques et notes de lecture sur recueils et revues suivies d’un entretien de Carole Mesrobian avec la poète, romancière et nouvelliste Cécile Oumhani, récompensée par plusieurs prix européens. Textes nourris d’errance, d’exil et de métissage, traduits dans une vingtaine de langues, et diffusés à travers résidences et lectures publiques.

 

Revue Comme en poésie, n°103,  janvier 2025

La revue trimestrielle éditée depuis plus de 20 ans par Jean-Pierre Lesieur dans sa « fabrique du poème », en est à son 103e numéro. Dans son éditorial « À poil on se poile », Jean-Pierre Lesueur dit son acharnement, envers et contre tout, à poursuivre l’aventure de la revue, malgré l’âge qui avance, malgré la violence de l’époque, et l’inquiétude sur le devenir des valeurs fondant nos sociétés. Et le poète de conclure : « Prenez bien soin de vous il y a besoin de s’assurer que les jours qui arrivent sont plus beaux que ceux qui sont partis. BONNE CHANCE »

Une trentaine de poètes au générique de cette livraison. Trois poèmes glanés au cours de la lecture, qui disent tous le passage du temps, la jouissance de l’instant, l’ouverture vers l’avenir.

 

De Line Szöllözi :

 

Partir

 

Y avait-il une lueur derrière la colline

un chemin qui contournerait le temps la pluie

serait les étoiles lassées du ciel

 

est-ce toi perdu parmi ces nuées

ces fleurs ayant la blancheur de l'aube

je te vois dans le regard des sources

 

c'est le voyage qui nous émerveille

la prairie s'amuse de l'envolée des grives

on part simplement comme d'autres arrivent.

 

De Victor Ozbolt :

 

Affronter le monde

 

Se blottir contre elle à l'aube

Ralentir un peu l'horloge

Avant d'affronter le monde

 

Se délecter de sa gaufre

Effleurer le brasero

Avant d'affronter le monde

 

Lire un haïku en silence

En infuser quelques brins

Avant d'affronter le monde

 

Se relever repartir

Rester humble face aux jours

C'est ça d'affronter le monde

 

De Mireille Podchlebnik :

 

Un ancrage

 

J'évolue dans un entre deux

où le temps devient flou

sans limites

j'avance à tâtons dans les saisons

incertaine du prochain jour

de la prochaine heure

du prochain espoir…

Mon seul ancrage

un rituel

la flânerie matinale dans le jardin

avant de petit déjeuner

tandis que l'eau du thé chauffe

et que le pain grille

Je respire les senteurs

observe les fleurs

celles qui fanent et les nouvelles nées

je me réjouis ou me déçois de l'évolution

du potager minuscule

je caresse les feuillages

et respire l'odeur de l'aube

ces moments sont désormais

mes seules certitudes

une nouvelle journée est là

 

(Éric Chassefière)

*

(D.S.)

Noria. Année VIII (janvier 2026, sortie novembre 2025, éditions L’Harmattan, Collection L'Orizzonte)

Ce n’est pas une revue : c’est une Somme. Sur 686 pages, une Somme de littérature – poèmes, proses, traductions, études d’histoire littéraire, mini-monographies, mini-anthologies par thème ou par pays, chroniques et notes de lecture – mais aussi des arts, avec des mini-albums par artiste, présentés et illustrés de reproductions magnifiques. Et tout en incluant nombre d’essais, entretiens et textes de réflexion qui abordent de différents points de vue, dans une perspective souvent pluridisciplinaire, les questions de notre monde d’aujourd’hui, mais aussi de l’histoire, des sciences, de la technologie, de la philosophie, ou de la religion.

Cet annuaire créé en 2019 par les professeurs Giovanni Dotoli et Mario Selvaggio, dont l’édition 2026 (8e année) est déjà sortie, se veut universel, prenant comme métaphore la noria, cette roue hydraulique (qui figure sur la couverture, par l’aquarelle de Michele Amiani) vouée à élever l’eau d’un puits ou d’une source vive pour la distribuer aux cultures : technique antique d’irrigation faisant office de symbole de toutes les civilisations méditerranéennes et moyen-orientales. Les fondateurs l’expliquent (édito du n° 1, 2019) : 

Noria c'est construire, avoir confiance en l'homme, suivre les chemins multiples qui sont devant nous, entre l'horizon et les lignes à perte de vue. Et surtout être unitaires, ne pas séparer poésie et science, et donc sciences humaines et sciences soi-disant exactes. Art et nature sont inséparables. Poussée novatrice entre tradition et avant-garde, en dialogue perpétuel avec l'homme. C'est pourquoi Noria est "littéraire et artistique". Nous suivrons la route de l'art total, pour le nouvel édifice de l'avenir que nous espérons contribuer à édifier.

Cette vision holistique, qui se réclame implicitement de l’humanisme de la Renaissance, est bien ancrée également dans l’édition 2026 ; elle réunit des textes de philosophes, universitaires, poètes, critiques, artistes, de tous horizons, tous pays, et en plusieurs langues (français, italien, anglais, espagnol).

Le mélange de sujets dans l’ordre des textes, dans la section Essais et témoignages, qui occupe plus de la moitié du volume (pp. 23-388), est révélateur de la volonté des rédacteurs de donner à chacun son importance, sans classifications. Qu’il me soit permis néanmoins, pour des facilités de présentation, de les regrouper ainsi : poésie et science (sous le titre éponyme, en italien : Giovanni Dotoli, pp. 23-36) ; la culture et la création à l’ère du numérique (Gianfranco Dioguardi, pp. 37-42) ; la naissance de la logique et du langage : « au commencement était l’obscurité » (Stefano Valdegamberi, pp. 109-116) ; philosophie et création : l’impasse de Jacques Derrida qui « voulait écrire, comme il l’affirme, au-delà de la philosophie et de la fiction : il aurait dû prendre alors le chemin solitaire, incertain et douloureux du poète » (Démosthène Agrafiotis, à partir d’une brève rencontre avec le philosophe en Grèce autour de l’année 2000, pp. 149-164) ; les questions sociétales et l’éthique écologique (Remo Lucchi, pp. 165-172 et 179-182) ; la poétique de la traduction (Cinzia Demi, pp. 211-222 et, à partir de son œuvre, Mario Selvaggio, pp. 223-238). Enfin, la bonne et vieille histoire littéraire, des classiques à nos jours, abordée sous des angles inédits : « l’érotique du mouton » chez La Fontaine (Éric Turcat, pp. 65-76) ; la nostalgie de Fernando Pessoa et d’autres… dont bien sûr Tarkovski (Sergio D’Amaron, en italien, pp. 93-98) ; le roman historique italien et l’œuvre romanesque de Mathilde von Metzradt (Giuseppe Trincucci, en italien, pp. 135-148) ; la poésie de Michel Butor et la collection de livres qu’il a donnée à la Bibliothèque Bodmer (Isabelle Roussel-Gillet, en italien, pp. 193-210) ; la rédemption dans Les Misérables de Hugo (Giuseppe Rosa, pp. 251-262) ; Chateaubriand et Maupassant (Nicola Deiana et Aurelio Navarria, pp. 263-276 et 277-310 respectivement) ; le topos « Rome… city of the soul » dans la littérature, avant et après Byron (Childe Harold’s Pilgrinage : Elisa Tordella, en anglais, pp. 311-350) ; une réflexion sur le roman de Rachida Mandani, L’histoire peut attendre (M. J. Muratore, en anglais : pp. 43-64) ; une étude sur l’écrivaine Carolina Rispoli Ciasca (Raffaele Nigro, en italien : pp. 117-134) ; un panorama de la poésie espagnole contemporaine (José Vicente Rubio Eire, en espagnol, pp. 351-372) ; Grazia Deledda e la letteratura francese (Giuseppe Rosa, pp. 373-388) ; enfin, un entretien avec la jeune poétesse tunisienne francophone Arwa Ben Dhia (par Ridha Bourhis, pp. 239-250).

La section Textes, images et documents nous régale avec d’une part des groupages consistants de poésie contemporaine, francophone ou traduite, d’autre part, des présentations et reproductions d’œuvres d’artistes, avec une qualité graphique exceptionnelle.

Les poètes d’abord. Commençons par l’exquis dialogue poétique par-dessus les siècles engagé en 20 Quatrains pour les temps présents par le poète et écrivain tunisien Shams Nadir (alias Mohamed Aziza), sur l’incitation du musicien d’origine iranienne Taghi Akhbari, avec Les Rubaiyat d’Omar Khayyâm (d’après la traduction française d’Abolgassem E'tessam-Zadeh, Téhéran 1931, reprise par L’Harmattan, 2023 ; les quatrains de Shams Nadir sont traduits de l’arabe par Farideh Rava et Roja Chamankar ; tous les quatrains sont traduits en italien par Mario Selvaggio : pp. 391-406). Continuons avec le poète irlandais Harry Clifton, et la poétesse canadienne d’origine irlandaise Patricia Keeney, présentés et traduits par Michèle Duclos (édition bilingue, pp. 407-420 et 461-480 respectivement) ; ensuite, Ivan Pozzoni (en italien : pp. 429-438). Pour les francophones : le « niçois devenu poète parisien » Henri Bartoli, présenté par Patrick Picornot (pp. 421-427) ; 5 poèmes de Denis Emorine (pp. 439-441) ; 2 poèmes d’Alain Clastres (pp. 443-444) ; des poèmes de bonne facture classique signés par la strasbourgeoise Johanne Hauber-Bieth (pp. 445-450) et par Florent Gabriel (pp. 481-495) ; les instantanés poétiques d’Aumone Placide (fondatrice, avec Patrick Picornot, de l’association Parole et poésie : pp. 451-459) ; deux poèmes extraits de La létale de la lune, d’Ara Alexandre Shishmanian, en édition bilingue français-anglais (traduits par la poétesse québécoise Flavia Cosma pour le Festival International de Val-David, 2024 : pp. 497-503) ; enfin, des poèmes de Patrick Picornot (pp. 505-512) et Martin Chef (pp. 513-528).

Avec Abdallah Akar, peintre et calligraphe d’origine tunisienne, s’ouvre la sous-section dédiée aux arts : un riche dossier sur sa personnalité et son œuvre, par Hatem Bourial, Gérard Boyer, et Jérôme Lequine, qui réalise aussi un entretien avec l’artiste, ainsi que des reproductions de quelques-unes de ses réalisations alliant calligraphie (de poèmes pré-islamiques), travail du support (fer, acier ajouré, toile, tissu, papier) et techniques du collage (pp. 527-550). Admirons ensuite les artistes présentés par le poète et peintre Michel Bénard, et leurs œuvres : Hélène Morel peintre symboliste (pp. &-560), Nicole Coppey, l’Art en vibration : calligrammes, musiques et quête de lumière (pp. 561-570), Vivien Della Negra sculpteur (pp. 585-592), et L’art de de Florence Boulet (pp. 593-612). Deux autres mini-albums d’artistes séduisent : Zouhair Bechir avec ses Peintures expressionnistes abstraites, présenté par Ezzedine Bouhlel (pp. 571-584), et Latif Ylmaz avec ses Encres de Chine et Huiles sur papier, présenté par Isabelle Krier (pp. 613-622). Enfin un dossier avec une présentation en italien et des reproductions est dédié à l’artiste roumaine Cristina Lucia Potocean (pp. 623-633).

La dernière section du volume contient bien plus de quarante notes de lecture, dont nous ne pouvons que signaler quelques-unes. Ainsi, Giovanni Dotoli nous fait découvrir plusieurs poètes italiens contemporains : Luigi Carotenuto, Margherita Rimi, Lella Schiavone, Giovanni Stella, Amedeo Anelli, Gianfranco Dioguardi, Armstizio Matteo Melillo, Vincenzo Maria Dell’Erba, ou enfin René Corona, qui écrit en italien et en français et que le rapporteur recommande tout particulièrement : « Je l’ai écrit et le répète avec plus de force : René Corona est un grand poète, et un grand chercheur » (p. 648). Nous découvrons aussi ou retrouvons avec plaisir des auteurs comme Arwa Ben Dhia (lue par Mario Selvaggio, p. 639), Giovanni Dotoli (lu par Patrick Picornot, p. 667), Patrick Picornot (lu par Giovanni Dotoli, pp. 641 et 685, Henri Bartoli, pp. 666 et 668), Marian Drăghici (traduit et édité par Giuliano Ladolfi, lu par Giovanni Dotoli, p. 650), Zaki Beydoun et Kadhim Jihad Hassan (lus par Giovanni Dotoli, pp. 650 et 652), Denis Emorine (lu par Igor Zourine, pp. 660-661), Sonia Elvireanu (traduite et éditée par Giuliano Ladolfi, lue par Denis Emorine, p. 662), Gérard Paris, Christiane Bozza et Catherine Andrieu (lus par Patrick Picornot, pp. 668-670), Catherine Bruneau (lue par Gérard Paris, p. 674), Ara Alexandre Shishmanian (La létale de la lune dans la lecture de Michel Herland, pp. 679-683), ou enfin Shams Nadir qui nous livre « ses aveux chuchotés » en invitant le lecteur à le suivre dans son labyrinthe poétique (pp. 683-684).

La précédente édition de Noria – le n° 7 (2024) – fait elle aussi l’objet d’une présentation (par Patrick Picornot, pp. 671-672).

 

Revue Alsacienne de Littérature, n° 144 (2e semestre 2025)

Nous avons présenté cette revue remarquable dirigée par Martine Blanché, en avril-juin (voir ci-dessous), lors de la sortie de son n° 143, comptant pour le premier semestre 2025 : nous avons présenté à cette occasion l’historique de cette revue créée en 1983.

Dans cette seconde édition de l’année, elle nous propose, sous le thème Entrevoir, dont la portée poétique est, telle une porte, entre-ouverte par Alain Fabre-Catalan (« l’entrevoir comme la condition même de l’écriture… L’instant précieux où la conscience frôle le mystère sans jamais le posséder », p. 8), un florilège de grands poèmes en vers et en prose.

En voilà quelques coups de cœur : Mer Baltique de Jacques Darras, un poème au vaste souffle qui respire au large comme les vagues, tout en évoquant telle une silhouette vue de dos le regard caché de Caspar David Friedrich, un « Regard halluciné au cœur de la matière » (pp. 9-13) ; Filiations, de Gabriel Zimmermann, où plusieurs destins filiaux se dessinent, dont celui de l’enfant initié par son père au « chant protégé du profond » (pp. 14-16) ; Regarde au loin de Max Alhau, une ligne d’épure flottant entre « traces d’un parcours ancien » et « années enfouies dans l’invisible », en quête de ce qui « n’a pas de nom » (pp. 17-18) ; À la lisière du visible, d’Alain Fabre-Catalan, qui reprenant l’idée du thème, nous dévoile « le fil ténu » menant à entrevoir la beauté : elle « ne se donne qu’à ceux qui, sans relâche, cherchent à transpercer la pénombre » (pp. 19-20) ; Étoilements de Daniel Martinez, plongeon dans une mytho-cosmogonie en gestation où telle une émanation « sur la peau de la terre », « l’âme quémande (…) à l’aune de nos corps éphémères », alors qu’en émergence, « la conscience des éléments / se teinte de nos humeurs » et qu’à la fin, « à cette heure sans nom » où « perdure le règne / d’une enfance à rejouer sans cesse », « ses voiles soudainement levées t’offrent la vision du Poème / Paon-du-jour grand Paon de nuit / théâtre immatériel » (pp. 23-26) ; Un jour une rencontre de Béatrice Pailler, évoquant la « présence immuable » de « l’âme du monde » qui « éclaircit nos horizons en devenir » et nous fait « retrouver le chemin d’enfance … celui de l’émerveillement » : « Je suis l’amont et l’aval » (pp. 28-28) ; Monde flottant de Laurent Grison, qui déchiffre dans « une humble feuille » comme dans un « illustre palimpseste », la mémoire du monde : « un texte magique / illuminé par le temps », « mystère survivant des rites anciens » (pp. 30-31).  

J’ai apprécié également une suite de poèmes quasi-narratifs voire de narrations poétiques jouant sur plusieurs registres, entre notation fugace, souvenir, ironie, observation acerbe, tendresse, humour, réflexion ; ainsi : J’ai entrevu que quand je serai vieille, d’Astrid Ruff (pp. 36-38), Un bref instant d’Andrea Moorhead (pp. 39-40), Gigognes d’Anne-Marie Zuchelli (pp. 41-42), Solstice d’été de Joseph Mann (pp. 45-47),  Entrevoir de Pierre-Michel Sivadier (pp. 48-49), Au musée de Jean-Paul Bota (p. 50), Ma non troppo… de Fabrice Farre (p. 51), Le mystérieux reflet irisé de Christiane Roederer (pp. 52-54), Entrevoir le futur de Marie-Yvonne Munch (pp. 55-56), ou enfin Strates. Espace de Victor Saudan (pp. 57-58).

La section Voix multiples regroupe, en original et parfois en traduction, des poètes comme Yehuda L. Hyman (traduit de l’anglais en allemand par Eva-Maria Berg, pp. 64-70), Kinsale Drake (traduit en français par Béatrice Machet, pp. 71-72), Teresa Soto (traduite de l’espagnol en français par Max Alhau, pp. 101-103). Parmi les auteurs francophones, je découvre avec plaisir Pierre Zehnacker (pp. 73-74), Charles Walker-Fricker (pp. 75-77), Gabrielle Makli (pp. 81-82), Sylvie Dubosc (p. 83), Jérémy Semet (p. 84), Christophe Forgeot (p. 88), Laurence Muller (p. 89), Denis Leypold (p. 90), et je retrouve avec joie Françoise Urban-Menninger (Le cimetière vert, une belle fable en prose, ironique à souhait : pp. 78-80), Gabrielle Althen (avec les poèmes Une prémonition de l’extase et Printemps et tragédie : pp. 88-87), Jean Poncet (Le mot, extrait d’une suite inédite : pp. 91-83), Claude Vancour (Fleurs de nuit : p. 95). Enfin, découverte des auteurs germanophones ou alémaniques : Evelyne Troxler, Gerold Ehrsam, Claudia Scherer (pp. 96-99).

La section Chroniques couvre non seulement des parutions de livres mais aussi des événements culturels et artistiques, cinéma, musées, musique. Un contenu riche, varié, toujours plein de surprises et de belles pages à lire avec intérêt.

 

Florilège, n°s 200 et 201 (septembre et décembre 2025)

La revue trimestrielle Florilège est une doyenne parmi les publications périodiques dédiées à la poésie : elle a fêté l’année dernière un demi-siècle d’existence. Créée en 1974 par le poète et écrivain dijonnais Stephen Blanchard dans le cadre de l’Association Les Poètes de l’Amitié – Poètes sans Frontières qu’il a fondée et qu’il préside, elle persévère dans la voie d’une belle revue imprimée format A4 d’excellente tenue graphique, en dépit des coûts de maintien de cette formule par rapport à l’option plus récente, adoptée par d’autres, d’une publication en ligne. Elle tient le cap grâce à ses membres, à ses contributeurs, et au réseau de ses abonnés. D’ailleurs chaque numéro présente à la fin, en instantanés photographiques, l’agenda des événements associatifs.

La revue fait la part belle à la poésie, présente surtout sous forme de textes courts (un poète / un poème) disposés chacun, sur la page divisée en colonnes, en un encadrement (souvent graphiquement marqué) qui donne l’impression que chaque texte est une fenêtre… mais parfois deux textes, de taille différente, en partagent la même : subtile mise en page que ne pourrait reproduire une page Web… Même disposition d’ailleurs pour les chroniques et notes de lecture sur des recueils, romans et ouvrages, mais aussi sur des expositions d’art, sauf pour les plus consistantes ou les essais, qui se prélassent sur la page entière, surtout si elles s’accompagnent d’illustrations. Chapeau, l’artiste techno-rédacteur !

Parmi les nombreux poètes, plus ou moins connus, qu’on peut découvrir dans ces deux numéros successifs – 95 auteurs dans chaque numéro ! – je cite quelques coups de cœur : Catherine Andrieu, Philippe Baudry, Sylvain Braud, Dominique Bauer, Evelyne Berruero, Stéphane Casenobe, Marc Descamps, Claire Ether, Kathleen Hyden-David, Denis Lefrançois, Mohamed Mleiel, Lionel Morello, Marie-José Pascal, Alain Rousseau, Éric Simon, Stella Vinitchi-Radulescu – dont j’aimerais citer ce poème (n° 201, p. 22) :

la vie s’incline      je m’endors

sous mes paupières renaissent

les heures            l’heure bleu

                   l’heure rouge

l’heure sans couleur        perdue

dans la broussaille d’un temps passé –

présent

ne plus chanter sous terre

la barcarolle de minuit

le blanc surgit

d’une terre ancienne –

qui est un homme et qui

un souvenir

Les présentations et chroniques occupent la seconde moitié de chaque numéro. Citons surtout : au n° 200, sur Je suis l’oiseau du vent de Catherine Andrieu (par Paule Milamant, p. 39) ; sur Pour que parle la beauté d’Éric Chassefière (par Florence Conte-Taillasson, p. 40) ; sur le recueil de Catherine Bruneau (par Hervé Ribert, p. 43) ; sur Alain Clastres (par Julius Nicoladec, ibid.) ; sur Philippe Beaudoin et Michel Santune (par Kathleen Hyden-David, p. 30 et 45) ; sur Guylian Dai (roman) et Rabindranath Tagore (par Marie-Christine Guidon, p. 46 et 49). Et au n° 201 : sur Le royaume sans murailles de Catherine Andrieu et sur la Revue Possibles n° 37 (Yolaine Blanchard, p. 30 et 31) ; Hommage à Jean de La Fontaine (par Marie-Christine Guidon, pp. 35-37) ; sur Jean-Loup Seban (par Julius Nicoladec, p. 41, et par Marie-Christine Guidon, p. 48) ; sur Jacques Marcel Favre (par Kathleen Hyden-David, p. 44) ; sur la revue Poésie/Première n° 92 (par Paule Milamant, p. 46) ; sur les romans de Philippe Collin (par ) et Akira Mizubayashi (par Marie-Christine Guidon et Irène Clara respectivement, p. 47) ; sur Antoine Wauters (par Isabelle Dumont-Dayot, p. 48) ; enfin, sur Emily Dickinson (par Marie-Christine Guidon, p. 49).

Il convient de signaler également quelques textes de réflexion générale sur l’écriture, et la poésie en particulier : l’essai Poésie & Philosophie par Gérard Mottet (n° 200, p. 44 ; n° 201, p. 45) ; La vie des écrits vains par Stephen Blanchard (n° 200, p. 37 ; n° 201, p. 38) ; Quand la poésie rencontre la violence, par Kathleen Hyden-David (n° 200, p. 39) et, de la même autrice, Poésie éternelle (n° 201, p. 40).

Dans ce même esprit de penser la littérature – celle qu’on écrit, celle qu’on lit, son rôle, sa portée dans le monde d’aujourd’hui – l’éditorial de chaque numéro donne la parole aux auteurs qui (se) répondent à l’essentielle question : Pourquoi j’écris ? Ainsi Jean-Marie Cross, au n° 200 : « L’écriture est une respiration… », « L’écriture, c’est la parole qui se pose » ; Martine Marsat, au n° 201 : « Dans l’écriture, je trouve ma liberté, / Une exploration profonde de l’humanité. »

Notons enfin, pour le côté graphique, que chaque numéro est magnifiquement illustré par des reproductions d’œuvres d’artiste ; ainsi, à l’honneur pour le n° 200 : Christiane Morlin (présentation p. 55) ; pour le n° 201 : Nathalie Celle-Guillard (présentation p. 55).

 

Diérèse n° 94 (automne 2025)

Pour ce numéro, dont la splendide couverture est maquettée par Xavier Makowski, la foisonnante revue de Daniel Martinez nous offre, dans sa section Poésies du monde, quatre dossiers consistants : domaine américain : Charles Wright (présentation et traductions de Jean-Yves Cadoret) ; domaine allemand : Gerhard Falkner (présentation et traductions de  Joël Vincent) ; domaine portugais : José Manuel de Vasconcelos (traductions Jean-Paul Bota) ; domaine chilien : Carlos Ramón Aránguiz Zúñiga (présentation et traductions de Pacôme Yerma).

Les 2 Cahiers de poésie moissonnent 133 pages de beaux poèmes, et l’on peut dire que chaque numéro de Diérèse est en fait, à lui seul, une anthologie de poésie contemporaine. Les auteurs de ce numéro sont : Pierre Dhainaut, Sabine Dewulf, Isabelle Levesque, Richard Ross-Weil, Yves Leclair, Gérard Bocholier, Éric Barbier, Claude Albarède, Gérard Le Gouic, Philippe Minot (hélas parti cette année, frère de notre collègue et ami François), Michel Lamart, Max Alhau, Yves Renaud, Giles Lades, Daniel Martinez, Jean-Paul Bota, Jean-Jacques Bruard, Sabine Alicic, Ara Alexandre Shishmanian, Claude Haza, Pauline Ledinot, Philippe Mathy, Alain Brissiaud, Laurent Bourdelas. Difficile de se pencher sur chacun, encore plus difficile de choisir ; pourtant, en me forçant, je cite quelques lignes qui nous parlent, de différentes manières, du destin du Poète :

La lyre n’est peut-être qu’un problème

de lacets défaits

 

à tes souliers troués, souillés

sur la petite route du col

 

qui monte et qui descend

par tous les temps.

 

Un problème non pas de boue,

mais d’épines, de barbelés,

 

de frimas, de froideur

qui t’enserrent trop el cœur.

 

Un problème de ministère

de l’intérieur qui t’enferme.

 

Un problème d’enfer intérieur

qui t’empêche d’aimer

ceux que tu aimes.

(Yves Leclair, Lyre, p. 83)

le génie à l’envol de syllabes est au-delà du dieu et du démon – et Dieu lui-même, il le respire, le connaissant, le poète * et le néant en coupe d’esprit – Graal sublime – il le porte en son cœur * (…)

car ce n’est pas l’équivoque amour que nous devons à nos semblables – mais uniquement la vérité qui dort dans le chaos des rochers – pareille à l’océan absent *  

(Ara Alexandre Shishmanian, le mystère des témoins, p. 160)

Ils furent morts

avant de l’être

pauvres lambeaux de chair

animée

bavardages d’humains

poètes inutiles

dans le rougeoiement des matins

Nulle trace nul signe

Rien ne demeure

que le granit des pierres dressées.  

(Laurent Bordelas, (Locmaria), p. 186)

La prose n’est pas négligée, quelques beaux textes dans la section Récits le prouvent (les auteurs : Mathias Lair, Claude Dehêtre, Jean Bensimon, Jacques Merckx, Daniel Abel, Michel Diaz, Arthur Tima, Serge Dutoit).

La section Rubrica nous propose des textes de réflexion – notamment sur ce que c’est « penser » voire « sentir » à l’ère numérique (La domestication du monde, par Marie-Noëlle Agniau, pp. 189-195), sur l’écriture comme expérience intégrale du langage (Guy Villa, dont j’extrais la belle formule : « Toute langue touche à l’expansion du corps », pp. 196-202), sur la poésie (extraits du Journal de Daniel Martinez : « la poésie met en forme un temps de la fragilité, qui échappe au temps classique, en ce sens qu’il ne se contente pas de restituer : mais de dissocier, pour recomposer, à sa manière », pp. 203-206), sur le concept de « Prince des poètes » et ses applications, en histoire littéraire (Bernard Fournier, pp. 207-219). Une mini-monographie dédiée à la chanteuse Janis Joplin, « reine de la fête hippie » qui s’associa en 1966-68 au groupe Big Brother (par Bruno Sourdin, pp. 220-225) et un texte abordant la grande question d’un face-à-face structurant (Inde et Occident, par Satyaryana Swami Pavitrananda) closent cette section.

Enfin, de nombreuses chroniques et notes de lecture composent la section Bonnes feuilles. On en retient celles sur Laurent Faugeras (avec un bel excursus sur « extime » opposé à « intime »), ainsi que sur Richard Rognet, Arnoldo Feuer, Maxence Amiel, tous publiés chez L’herbe qui tremble (par Michel Diaz, pp. 279-289) ; sur François Cheng (par Pierre Tanguy, pp. 291-292) ; sur Jean-Michel Maubert et son livre fantasque Le sacrifice du géomètre et autres textes (par Jean-Jacques Brouard, pp. 293-297) ; sur Hélène Dorion (par Jeanne Poulsen, pp. 297-298 ; sur Jaqueline Saint-Jean et son épopée intérieure À Versenvers, où « Au fond de l’œil à contre-courant voyage toujours une petite voile rouge… » (par Chantal Danjou) ; sur Jaqueline Persini (par Mathias Lair, pp. 304-305) ; sur Phil Omsil, pour qui le poète est une « Sentinelle de l’effacement », ainsi que sur Laurent Billia, Pierre Maubé et Didier Schillinger (par Éric Barbier, pp. 307-311) ; sur le livre de Marie-Hélène Prouteau dédié à Celan et le sens de « sauver la clarté », ainsi que sur Éric Chassefière et son florilège Pour que parle la beauté, ou sur Michel Diaz et son « lieu du visage » prétextant d’un portrait de Francis Bacon (par Jean-Louis Bernard, pp. 317-321, 321-322, et 324-326).

Ma découverte : Roger Munier, le traducteur de Heidegger, dont le grand Opus incertum paraît, depuis le tome V, aux éditions Arfuyen (t. VII en 2025) ; Gérard Bocholier en décode pour nous les arcanes (pp. 289-291). Voici donc quelques citations mémorables de cette œuvre – qui tout en étant monumentale rappelle pourtant le Fragmentarium de Novalis –, incrustées dans le commentaire inspiré et complice du rapporteur :

Ce diamant, cette goutte, étincelle au bord du vide. « L’abîme n’est pas loin. Il est au plus proche. Simple comme le proche et terrible comme lui. » Roger Munier ne cesse d’éprouver tragiquement cette proximité du néant, autrement dit « l’irréalité du monde », qui est « peut-être sa réalité ». (…)

« Je suis reculé dans un étrange lieu, d’où j’essaie de parler. C’est un lieu nul, même pour moi. Le seul où l’on soit traversé. » (…)

Avancer dans la lecture de l’Opus incertum, c’est s’aventurer, avec son auteur, dans une forêt obscure, où des apparitions soudaines et fugitives vous fixent d’un air un peu hagard, hantées d’un rêve de néant :

« L’instant furtif, qui existe et n’existe pas, est lieu sans lieu du néant dans l’être.

Le Néant est rêvé, ne peut être que rêvé, non atteint. Il flotte sur le territoire du rêve comme son fond, peut-être son tissu » (p. 291)

 

Nouveaux délits, N° 82 (octobre 2025)

Ce dernier numéro nous propose – sous la houlette de Laurent Bouisset – une exploration de la poésie d’Amérique centrale (notamment Guatemala), en renouant avec un numéro déjà dédié à ce sujet en 2017. Ainsi nous découvrons Vania Vargas, Julio Palencia, Isabel de los Angeles Ruano ; Jorge Vargas et César Anguiano. Une commune tension les lie : « L’exigence éthique de l’écriture semble être le poumon que l’on cherche, là où la violence règne et tue. » (versions bilingues, traductions de l’espagnol par Laurent Bouisset, illustrations de Cathy Garcia Canalès).

 

Les amies de Thalie n°s 125-126 (Automne/Hiver 2025)

Les contributeurs et les lecteurs de cette belle revue trentenaire (fondée en 1994) partagent la grande tristesse de sa directrice, Nathalie Lescop-Boeswillwald, d’avoir perdu en juillet cette année, suite à une grave maladie, son « compagnon en terre humaine et poésie » : la disparition du poète et artiste Christian Boeswillwald (n. 1950) la laisse désormais seule à porter, à côté d’autres nombreux projets éditoriaux, la revue qu’elle avait fondée avec son frère (†Thierry Lescop, disparu en 1996) et dont Christian assumait la techno-rédaction. Un numéro spécial lui sera dédié en 2026. Cette double édition comptant pour le 2e semestre de cette année se ressent déjà de l’absence de sa rubrique « Les mots sont des îles », témoignage à vif de sa plume qui « s’avouait aussi plainte fulgurante, se révélait à l’occasion cri déchirant face à un monde ayant perdu toute mesure » ; « ses mots résonnaient fort d’humanité vraie, de fraternité mais également de lucidité et de détachement, tant le poète vieillissant observait le monde mordre la poussière avec une tendresse distanciée » (N. L.-B., p. 3).

Cette réflexion nous incite à citer au moins un fragment d’un des poèmes de Christian Boeswillwald (reproduit p. 4, suivi d’ailleurs d’autres textes de lui, pp. 5-7) :

Sans repentir ni désespoir

le temps poursuit sans s’émouvoir

sa course faite d’infini

 

laissant l’oiseau tombé du nid

dans un néant d’indifférence

qui nous contient sans évidence

 

libre de croire à ce grand rêve

de l’âme morte qui se lève

pour s’éveiller à d’autres vies

 

dans le secret des galaxies

quand le sommeil sans cruauté

s’habille de l’éternité.

(20 octobre 2024)

La revue nous enchante comme à chacun de ses numéros, par sa présentation graphique, la qualité des illustrations et la pertinence, la force et la beauté des textes.

Pour commencer par l’art, une étude passionnée et passionnante est dédiée par Nathalie Lescop-Boeswillwald au peintre surréaliste portugais Mario Rebelo de Sousa, avec de splendides reproductions (pp. 33-36).

La poésie ensuite : un régal assuré, entre autres, par la poétesse tunisienne Arwa Ben Dhia, célébrant la Parole poétique qui s’insurge contre les injustices et les mensonges (« Ainsi va le Poète, tel un phare porteur de lumière », p. 8), Bernard Guillois, avec une fable grinçante sur le basculement des générations (pp. 10-11), Béatrice Gaudy, dont nous saluons la parole dénonciatrice des massacres à Gaza et des turpitudes politiques de tout bord (pp. 14-15), Pol Longrée, aux relents villonesques (pp. 16-17), Dana Shishmanian (qui croit que « la conscience est substrat / milieu et fin », p. 18), Roland Mercadal (dont on n’hésitera pas à admirer la « chute » de son poème évoquant la déperdition des capacités du fait de l’âge : « Et quand on aura jet ma flûte à bec à l’étang / Le vent soufflera dans les roseaux », p. 19), Jeannine Dion-Guérin, avec trois poèmes aigres-doux (dont un ironise carrément le Créateur… : pp. 22-23), Michel Santune (« enseigne-moi le temps / aussi et ce qui meurt / afin que je puisse / entrevoir désormais / tout ce qui ne meurt pas », p. 26), Aude Gorce, célébrant la « belle fée d’automne… belle amie des louves » (p. 30), Michel Bénard, avec un sensuel poème transformant le désir en écriture (« Alors que de la caresse d’un doigt, / Ou de la pointe du calame / Je donne naissance à un sourire mutin », p. 31), Jean Ripoche, qui nous fait sentir l’océan (pp. 52-53) ou Daniel Peyre, invoquant « le vent d’Islande / qui cours sur la lande » (p. 54).

Mon coup de cœur : le poème À contre-mort de Michel Lagrange, dont voici quelques bribes :

Je joue avec la mort

Une partie d’échecs

D’où le plus intrigant sortira victorieux

 

Elle a pour moi un agenda

Que je remplis jour après jours

De manuscrits à mon image

Elle a pour elle un temps compté

Et la programmation de mon obsolescence

(…)

Je vis j’écris à contre-mort

Je pose les questions j’apporte les réponses

Et elle en dit mot

(…)

Tant que je résiste elle attend son heure

(…)

Je gagne ainsi du temps

Chaque fois que j’écris

(…)

L’éclat du jour s’apaise peu à peu

L’encre a séché

Je peux tourner la page

Où s’inscrit lumineux le nom de l’espérance

Et du bonheur plénier

(…)

Signalons aussi quelques proses parsemées : Agnès Figueras-Lenattier (pp. 42-43), Lucien Cordina (pp. 56-57). Mais surtout des présentations, réflexions, chroniques et notes de lectures. Tout d’abord, Humanités, quel beau sujet…, texte emblématique de Jeanne Champel Grenier qui déplore la déperdition des « humanités » dans le monde d’aujourd’hui, résultant en des désastres écologiques, des crimes et des guerres, dont le génocide à Gaza – car « les violés deviennent trop souvent violeurs à leur tour » – et menant à une « dégénérescence » voire une « déshumanisation » de l’humanité, « malgré (et souvent à cause) des progrès de la science » (pp. 12-13) ; toujours d’elle, un Hommage à Jeannine Dion-Guérin (pp. 20-21). Mentionnons aussi Pierre Guérande (sur Raymond Schaack, p. 32, et sur Michel Le Bris et Jeannine Dion-Guérin, pp. 48-51), Jean Moraisin (Être poète en 2025, à quoi ça rime ?, pp. 38-40), Pierre Mironer (sur Wislawa Szymborska, pp. 60-63).

Une revue qui porte et qui est portée par ses fondateurs, tout comme par ses auteurs, en vertu d’un credo inextinguible, que nous rappelle Jean Moraisin dans le beau final de son texte susmentionné :

« Alors, amis poètes, amies poétesses, dans ce monde de folie où tout pourrait nous faire douter, serions-nous plus désespérés que nos semblables qui subissent oppressions et privations sous je joug de despotes confisquant la liberté de pensée, imposant leurs visions culturelles barbares ? Serions-nous les premiers poètes traversant des époques troublées quand les enfants se voient interdire l’accès à l’école, à toute évolution sociale, quand ils n’ont autre choix que la peur ?

Être poète en 2025 nous offre de porter haut l’étendard de la Poésie et tous ses messages d’Amour et de Paix et d’affirmer que les droits au bonheur et à l’éducation sont inscrits dans le patrimoine universel et indestructible de l’Humanité sur toute la planète Terre. » (p. 40)

(Dana Shishmanian)

 

*

(D.Z.)

Poésie/première n° 93 : « Poète et lecteur » (décembre 2025)

Comme pour chaque numéro de la revue, Martine Morillon-Carreau nous propose son édito précis et synthétique en deux pages pour nous inciter à lire tout le reste.

Toute la première partie du numéro 93 de la revue Poésie/première s’interroge sur le rapport du poète au lecteur mais également de la place du lecteur dans la propagation du poème, dans la compréhension qu’il en a, de la « traduction » qu’il en fait, de la vie qu’il contribue à lui insuffler. Gérard Mottet comme Hugo Bouras-Vignal se servent de l’image de « bouteille à la mer » pour suggérer le geste aléatoire du poète qui laisse son poème atteindre un rivage inconnu, celui de tout autre qui le lit et déjà en fait quelque chose d’autre, qui l’accapare et le traduit à sa manière pour approfondir l’énigme à la source de toute création. Le poète livre son poème et s’en délivre et par cet acte se soumet au doute, mais aussi à quelque chose de libérateur qui instaure un « dialogue au-delà du temps ». Le don du poème à autrui est perçu comme une action généreuse qui permet au lecteur de devenir « co-créateur de sens ». Je mets également l’accent sur le travail de relais du lecteur lisant le poète. À chaque fois qu’un lecteur s’empare d’un poème, il donne son souffle, sa voix, il réincarne et rend présent celui ou celle qui l’a écrit il y a un jour ou des siècles. Rémi Madar analysant « L’avertissement liminaire au lecteur » dans Les Chants de Maldoror de Lautréamont rappelle la cruauté du regard acerbe du poète vis-à-vis de tout lecteur : soit il est qualifié, soit il est timide, mais dans les deux cas il est monstrueux. Tout se passe comme si Lautréamont voulait chasser tout lecteur potentiel indigne de l’œuvre qu’il découvrira car le lecteur doit être en mesure de supporter le « poison » de ses chants et le déploiement du mal qui s’y trouve.

Stéphanie Vermot analyse l’œuvre de Silvia Plath en mettant l’accent sur « cette pulsion de mort qui la hante sans lui laisser de répit » suggérant que son écriture est une élaboration qui lui apprend à mourir puisque, de fait, elle finira par se suicider.

Élisabeth Beyrie-Soulassol nous offre cinq présentations de poètes : Marcelle Delpastre (1925-1998), troubadouresse écrivant en langue limousine ; Simon-Gabriel Bonnot, né en 1999 ; Pierre Cendors, poète et photographe dont Élisabeth Beyrie-Soulassol propose une analyse de son recueil Les Harmoniques originels ; Jean-Luc Godard pour Aujourd’hui ma table. Plus loin dans la revue, elle présente douze haïkus du poète Bernard Grasset dont on peut lire l’intégralité et leur traduction en japonais.  Par ailleurs, on lui doit un « Portrait » d’Isabelle Pinçon, entretien très vivant entre elle et la poète qui aspire à aborder « la complexité inhérente à notre vie humaine, le conflit, la discorde, le paradoxe, l’ambivalence, les contraires, les contrastes, tout cela sans oublier le jeu, la jubilation, la surprise, la liberté de se mouvoir, effectuer un trajet, une trajectoire, le deuxième temps de l’écriture : faire se rencontrer l’image et le mot, la chair des mots étant ce kaléidoscope d’images. »

Jacqueline Persini, quant à elle, choisit trois voix pour honorer la publication de Joies de Claire Garand : la voix de l’éditrice Dominique Sierra, celle de la poète et celle de la critique Jacqueline Persini.

La revue accueille un autre « Portrait » celui très riche aussi d’Hubert Haddad par Pascal Mora. Son éloge de la poésie est saisissant : « La liberté trouve un espace d’expression par et dans la poésie. C’est le lieu insituable et la formule imprononçable. Cela en toute intensité, en toute gratuité. »

Deux poètes disparus reçoivent un hommage : celui de Jean-Louis Bernard à Michel Passelergue (1942-2025) ; celui que je rends à Myrto Gondicas (1957-2025). 

Les « Moments poétiques » s’ouvrent aux poèmes de Marie Alloy, Jean-Marc Feldman, Jean-Pierre Villebramar, Martine Rouhart, Clélie Lecuelle tandis que « Poésie Plurielle » propose quinze poèmes de quinze poètes.

Il faudra attendre le numéro prochain (94) pour que vous puissiez lire des notes de lecture.

En revanche, vous trouverez encore une fois de belles illustrations dans ce numéro : Pierre Zinenberg en quatrième de couverture et page 26 ; Annie Renaudot page 44 ; Simon-Gabriel Bonnot page 51 ; Francis Gonnet page 64 ; Florence Margery page 80 ; Anne-Marielle Wilwerth page 111. 

Bonne lecture à tous et bonnes fêtes de fin d’année sous l’égide si nécessaire de la poésie ! 

(Dominique Zinenberg)

 

 

 

JUILLET-SEPTEMBRE 2025

 

Recueils / Revues

 

Recueils

Malcolm de Chazal, La Parole. Texte inédit présenté par Yves Moatty. Éditions Arfuyen (collection Les Vies imaginaires), septembre 2025 (96 p., 14 €)

Nombre des ouvrages de Chazal, publiés à compte d’auteur, n’ont pourtant jamais été réédités. Ainsi La Parole, qui fut imprimé en 1955 à seulement 50 exemplaires hors commerce et est depuis longtemps introuvable. Or il s’agit d’un texte central dans la réflexion de Chazal : « L’homme seul ne danse pas en marchant. L’homme seul est hors du Grand Jeu. Le mouvement de Nature est un jeu. L’homme, lui, se déplace […] La Parole est ce par quoi la vie est une, et qui fait de l’homme le fils aîné de la Nature. La Nature est la Parole, dont l’homme s’est échappé. »

Chazal a plusieurs fois évoqué l’expérience fondatrice qui a nourri sa pensée : « Je suis un être revenu aux origines… La clé exacte de la vision retournée, je l’eus un jour, dans le jardin botanique de Curepipe…J’avançais dans la lumière de l’après-midi vers une touffe de fleurs d’azalées, et je vis une des fleurs qui me regardait. » Épisode qui rappelle l’instant fondateur de Jakob Boehme, le reflet du soleil sur une cruche d’étain. L’Homme et la Connaissance, où Chazal synthétise sa penséesera préfacé par Raymond Abellio : « Nous sommes, écrit-il, en présence d’un voyant de génie. »

Ce véritable événement éditorial intervient alors que les éditions Arfuyen, créées et dirigées par Gérard Pfister, fêtent leur demi-siècle d’activité : bel anniversaire !

 

Gérard Pfister, Un déjeuner en montagne, suivi de Le pur plaisir d’exister. Éditions Arfuyen (collection Les Cahiers d’Arfuyen), septembre 2025 (128 p., 15 €)

Le récit en prose ici publié est centré sur le thème du banquet, thème central des traditions philosophiques et spirituelles, mais aussi lieu par excellence de l’amitié et de la poésie. Loin des idoles et des arrière-mondes en tous genres, le banquet nous offre avant tout l’occasion d’être là ensemble et de réapprendre la simple disponibilité aux êtres et aux choses. « C’est une curieuse ébriété que produit ce repas, qui nous fait sentir plus lucides, plus sereins que jamais. Nous qui de toujours nous sommes crus exilés, nous voici rendus à notre terre natale. »

 

La Force des mots ou les pouvoirs de la littérature. Éditions Oxybia, septembre 2025 (16 €)

Une anthologie du P.E.N. Club Français – Centre littéraire international. Textes réunis et présentés par Catherine Pont-Humbert.

Lancement dans le cadre d’une soirée conviviale, le jeudi 25 septembre à partir de 19h, au Centre culturel Le Shakirail, 72 rue Riquet, 75018 Paris.

 

Giovanni Dotoli, Poetic alphabet. Dictionary of my Heart’s Quotations. L’Harmattan (Collection L'Orizzonte), septembre 2025 (212 p., 25 €)

We all know what dictionaries of poetry typically involve. Either a lexicon of poetic terminology or a biographical encyclopedia of the poets themselves. But what about a poetic dictionary? What would that look like? Dotoli, at his finest, combines his experience as a lexicographer with his artistic sensitivity to give us a striking example through a roadmap of keywords that define his poetry, but also a who's who of the artists and poets whose influence and friendship provide the richest inspiration as he tirelessly continues to reinvent the world, one word at a time.

 

Jean-Philippe Sedikhi, Dans l’angle mort. L’Harmattan, septembre 2025 (116 p., 13 €)

« Jean-Philippe Sedikhi est un poète urbain, qui photographie le réel dans de courtes séquences poétiques. Je l'ai publié dans ma revue en ligne "Le capital des mots" il y a quelques années, et je le publie encore dans mon autre revue en ligne "Poésie Mag". J'aime sa poésie objective et objectale, bien ancrée dans le réel, et dans l'Histoire avec un petit h, le h, sans jeu de mots, des petites gens, des délaissés. Son style est simple mais efficace et n'est pas dans le pathos mais dans un constat amer où perce peut-être un peu d'espérance comme la lumière au bout du tunnel. Ses thèmes évoqués, au début de cette préface, ses mots résonnent encore longtemps après leur lecture ! » Extrait de la préface d’Éric Dubois.

 

Jean-Michel Sananes, La traversée du jourÉditions Chemin de plume, septembre 2025.

Voir une présentation du recueil sur La-strada.net (lancement dans le cadre du Festival du Livre de Mouans-Sartoux), ainsi que sur le site de l’auteur et sur sa page Facebook (aussi pour commander le livre).

Je suis un arbre sous-marin

racines trempées dans l'orage des siècles

le sel est trop puissant pour que mon chagrin s'éteigne

l'hydre des pouvoirs rogne l'humain

je ne suis qu'un cri à la dérive.

 

L'hémophilie des sentiments ouvre mes larmes

les mots m'effacent dans l'évaporation de l'encre

je vis je meurs sur l'odeur douloureuse de l'espoir

j'ai refermé le stylo pour ne plus voir mon cœur.

 

Gérard Leyzieux, T'empresse (62 p., 15 €) ; Je(u) d'avatars (62 p., 15 €). Éditions Tarmac, septembre 2025.

Présentation des recueils sur le site de l’éditeur :

T'empresse. Le temps ! Le temps est partout, en nous et à l’extérieur de nous. Il maîtrise, gère et digère nos corps. Confrontés à l’espace environnant, nous cheminons à travers les heures, ces marqueurs de temps qui inscrivent l’écoulement de nos existences sur la matière du monde. Même si les lieux nous offrent leur hospitalité, implacablement « le temps (nous) infinit » aspirant tout un chacun dans son univers aux formes multiples.

Je(u) d'avatars. Quelle place pour le « je », l'individu, qui « se replie » sous la « peur de l'abandon » ? Le vivre est soumis au vide, au silence, à la disparition. Malgré l'inquiétude face au devenir, il faut continuer à avancer, progresser, suivre le processus de « construction de chaque individu ». Inéluctabilité des « hasards nécessaires » ainsi que des trajets arrêtés et répétés qui nous font renaître et compléter notre existence. Dès lors chaque avatar vient combler « à ton in-su le fil infini de ta vie »...

 

Ziad Medoukh, Cri d'amour pour Gaza. Éditions La Lucarne des écrivains, août 2025 (260 p., 19,90 €)

50 poèmes de Gaza, de Palestine, pour la vie, l'espoir, la paix et la solidarité, en plein carnage.

Avec la contribution des peintres gazaouis : Basel El Maqosui-Arts visuels, Raed Issa, Ahmed Muhanna, Jihad Alghoul, ainsi que des poètes : Noha Khalaf, Salah Al Hamdani, Philippe Tancelin, Alima Madina, Marie-Christine Mouranche, Gilles Vinçot, Bassirou Mansaly El Basse.

Appareil critique : postface de Philippe Prévost ; note introductive de Marilena Lica-Masala ; texte de 4e de couverture par Armel Louis.

Extrait de la présentation : « Poèmes d'amour contre la rage de destruction d'un colonisateur génocidaire, cri amoureux en dépit de la lâcheté des nations européennes et de l'abandon des états voisins, voix déterminée avec la reconnaissance de la Palestine par quelques pays et la compassion du monde solidaire.

Écrits directement en français, ces vers d'espoir comme de désespérance, d'exhortation au courage et à la résistance témoignent jusqu'où un homme lutte pour sa patrie avec toute une population, sa famille, ses amis. Un poète qui écrit jusqu'à son ultime goutte de sang.

Jamais des vers n'ont autant exalté l'amour et la tristesse pour ces femmes, jeunes et enfants palestiniens, les invalides et les survivants de Gaza avec qui Ziad Medoukh partage son exaltation à la patience pour le rêve fabuleux de revivre dans un pays libre et heureux - ou de mourir avec eux. »

Voir des chroniques sur L’univers du livre. Actualité et Mediapart, et des entretiens avec l’auteur sur La croix et Calame-éditions (aussi sur https://www.youtube.com/watch?v=YOHZ5_lBUQM).

 

Anne Barbusse. Les enfants sans mistral. Éditions Unicité, août 2025 (108 p., 13 €)

Nous lisons sur le site de l’éditeur :

Que dire à la génération Don’t look up, la génération Z, la « digitale native », celle qui au sortir du premier confinement du monde, entre détresse numérique et climatique, s’est retrouvée en psychiatrie à l’âge de vingt ans ? À la mère et au fils est échue la grande tâche de construire, par le poème, un monde vivable et durable, un monde avec des vrais arbres, réel comme le mistral.

« Les mères rendent visite aux fils défaits elles sont des Mamma Roma borderline et dévastées par l’envers du monde, elles amènent des paniers pleins de maternités déchues. Et on a droit à une heure par jour de soleil, puis les ambulances amènent une jeune fille qui crie maman deux fois. Et l’on n’entend plus rien, que les frissons de mars en bas du ciel et les hallucinations des humains décomposables ».

Pour un aperçu du livre, voir les extraits, alors inédits, publiés dans notre numéro de printemps 2025 à la rubrique Francosemailles.

 

Catherine Andrieu, À la marge. Éditions Unicité, août 2025 (50 p., 12 €)

La poétesse donne voix ici à des personnages « à la marge » : ils « hantent ces pages… existent dans le clair-obscur, dans l’angle mort des certitudes ». 

« J’écris pour ce qui brûle avant d’être dit. Pour les âmes nomades qui refusent de se clouer à une existence balisée. Pour les ombres qui dessinent des visages au creux du silence.

Il n’y a rien à posséder ici, rien à ordonner. Juste un fil tendu entre la lumière et l’abîme, entre l’absence et la fulgurance. À la marge, il n’y a pas de réponse, seulement la nécessité d’écrire, encore, pour que quelque chose subsiste dans la déchirure. » Extraits de l’Avant-dire de Catherine Andrieu.

 

Catherine Andrieu, Le Royaume sans murailles. Suivi de : L’aurore intranquille. Éditions Rafael de Surtis, juillet 2025 (118 p., 17 €)

Voir les chroniques de Jean-Paul Gavard-Perret et Jacques Cauda dans Lelittéraire.com (du 16 juillet et 21 juillet respectivement), et de Murielle Compère-Demarcy dans La cause littéraire (du 26 août).

Voir également, dans ce même numéro, notre note de lecture à la rubrique Lectures-chroniques.

 

Eric Dubois, Éternité du possible. L’Harmattan (collection Accent tonique - Poésie, juillet 2025 (84 p., 12 €)

Poèmes écrits en hommage au père de l’auteur, certains écrits dans les dix dernières années de son existence et publiés dans des anthologies et des revues de poésie, d’autres après son décès.

Le père d’Éric Dubois fut peintre en bâtiment, mais aussi artiste-peintre amateur. Par sa peinture, il enchanta et enchante encore le poète et écrivain Éric Dubois. Il soutint et encouragea toujours le travail de l’auteur en poésie. Il fut un bon père de famille, pour ses enfants, un bon grand-père, attentif auprès de ses petits-enfants et un mari aimant auprès de sa femme. Éric Dubois écrit peut-être ses meilleurs vers, en tout cas, les plus touchants.

 

Guénane Cade, Zéphyrage. Éditions Nouveaux délits (collection Délit buissonnier n° 8), juillet 2025 (56 p., 12 €)

Avoir 20 ans dans les années 60. Ces années ne s’ouvrent que lentement à l’émancipation de la femme. 1968, l’auteure OSE enfin envoyer deux manuscrits aux Éditions Rougerie qui ont dit OUI ! En poésie et en prose, elle a depuis publié plus de… Elle n’aime, dans ce domaine, ni les chiffres ni les compétitions. Pour les curieuses et les fureteurs : www.guenane.fr.

Voir aussi, dans ce même numéro, notre note de lecture à la rubrique Lectures-chroniques.

 

Anne Barbusse, Les mères sont très faciles à tuer. Éditions PVST (pourquoi viens-tu si tard ?), juin 2025 (140 p., 14 €)

Nous lisons sur la 4ème de couverture (et sur le site du distributeur) :

« C'est l'histoire d'une mère qui perd la garde de son fils alors qu'elle s'apprête à partir en Grèce sur un poste universitaire.

C'est l'histoire d'un fils qui passe ses nuits à jouer aux jeux vidéo chez le père et commence l'addiction numérique, tandis que le père reprend le travail juste deux ans, le temps d'enlever la garde à la mère et de faire bonne figure au tribunal.

C'est l'histoire d'une famille qui se disloque et d'une emprise qui fait mal.

C'est l'histoire d'une aliénation parentale sans qu'à l'époque la notion même ne soit connue des protagonistes.

Ou plutôt, ce n'est pas une histoire, juste un long poème de douleur franche, avec le cinéma pour fanal. »

Voir la chronique de Jean-Paul Gavard-Perret sur Recours au poème (29 juin 2025).

Voir aussi, dans ce même numéro, notre note de lecture à la rubrique Lectures-chroniques.

 

Anne Barbusse, L’incomplète. Rosa canina éditions, juin 2025 (84 p., 18 €)

Anne Barbusse arpente un paysage mouvant que chaque poème recompose en autant de parcelles, de possibles réparations des corps et des solitudes.

Dans une adresse émancipatrice – intime et sociétale – à L'incomplète, l'autrice requalifie les béances en fragments d'existence, en part du vivant aux vibrations salines.

« la splendeur des séparations, et la ruine

des maternités, sur fond de marée très basse

tu poses des mots sur la mortification des corps

alors que terre et mer ne te demandent rien » 

 

Noha Khalaf, L’étrange traversée de Safi de Jaffa à Gaza. L’harmattan (collection Le Scribe), juin 2025 (92 p., 13 €)

De Jaffa à Gaza, de port en port, à travers les siècles effacés et les cités disparues, Noha Khalaf redonne souffle aux lieux oubliés du Levant. Par la grâce de la poésie, elle ouvre un passage dans l’obscurité, une échappée fragile vers l’espérance, malgré les guerres, malgré l’exil. Dans cette œuvre habitée, la parole devient refuge et résistance, et la poésie, une géographie secrète. Rare est une voix aussi mesurée et passionnée, aussi lucide et habitée. Elle éclaire, avec une tendresse grave, les chemins dérobés de la mémoire. L’étrange traversée de Safi de Jaffa à Gaza est bien plus qu’un livre : c’est un chant, une marche lente entre les ruines et les lueurs, porté par une voix singulière.

 

« Poésie volcanique énergie et émerveillement ! » au Printemps des Poètes 2025. Coordonné par Nicole Barrière et Fatima Guémiah. L’harmattan (collection Témoignage poétique), juin 2025 (114 p., 13 €)

Cette anthologie poétique est née d’un événement exceptionnel organisé dans le cadre du « Printemps des Poètes 2025 » à l’Institut du Monde Arabe, en partenariat avec les Éditions L’Harmattan. Elle réunit les voix vibrantes et singulières de Afyaa Al Asadi, Alaa Hassanien, Nicole Barrière, Ahlam Laqlida, Imen Moussa, Alexandra Nicod, Nabil Shoufan, Ghassan Tarabay, Françoise Hachem, Maria Zaki, Léda Mansour et Ihab Sobhy, venues d’horizons divers : France, Irak, Égypte, Maroc, Suisse-Espagne, Tunisie, Syrie, Liban, Palestine. Cette mosaïque de langues, de sensibilités et de paysages poétiques célèbre la vitalité de la poésie contemporaine, sa force créatrice, sa capacité à abolir les frontières et à réunir les âmes. Face aux bouleversements de notre époque, ces poètes offrent une parole à la fois douce et ardente, lumineuse et indocile.

Ce recueil est une invitation à s’ouvrir à leur souffle, porteur d’espoir, de résistance et d’humanité, et à raviver en nous cette étincelle que seule la poésie sait éveiller.

 

Jean-Loup Martin, J’ai ouvert des fenêtres sur la nuit des mots. L’harmattan, juin 2025 (88 p., 13 €)

Le poète écrit. Il écrit la vie : la vie tragique, désespérée. L’angoisse étouffante. Le monde qui brûle. Guerre, tortures, famines. Terreur. Horreur. Peur. Tout ce que l’être humain peut faire subir à l’être humain : le pire.
Le poète écrit. Car, malgré tout, la vie vaut la peine d’être vécue : la vie heureuse, la vie pleine et entière. L’amour, l’amitié, l’enfance. La planète Terre, le rêve, les voyages. La poésie. L’art. L’écriture. Les êtres humains. Le poète veut donner aux autres et se donner à lui-même des raisons de vivre, d’espérer, de croire en l’humanité. Tout ce que l’être humain peut donner à l’être humain : le meilleur.
Le poète écrit. Car il essaie de donner, de croire, de vivre, d’être. Car l’amour est vie. Et la vie est amour. Le poète écrit. Car il vit. Il donne, il croit. Il est.

 

Salah Al Hamdani, On m’appelle l’étranger. Éditions La Kainfristanaise, juin 2025 (144 p., 14 €)

Toi le frère de Palestine

Je ne peux plus faire semblant d’être bien

alors qu’on interdit ton symbole au cœur de Jérusalem

Je sais pourtant 

que ceux qui ne veulent plus entendre tes cris

ont déjà perdu la bataille 

 

Rappel, chez le même éditeur : Salah Al Hamdani, J’ai vu, juin 2023 (15 €)

J’ai vu aussi
des cadavres délaissés dans un cimetière et des générations vêtues de calamités pousser sur des trottoirs égarés
dans des villes modernes.

Que fait cette femme âgée ?
Elle étreint la dépouille d’un martyr dialoguant avec les braises.

Et qui sont les visiteurs
de mes nuits obscures ?
Les pleurs des veilleurs du jour et l’écho du chant des croisades cousu dans ma gorge

 

 

Revues

Les Amis de Thalie, 2nd trimestre (n° 124 – Juin 2025)

La directrice de la revue, Nathalie Lescop-Boeswillwald, donne le ton de ce numéro par un éditorial coup de poing, dont l’alerte est ô combien justifiée :

« Le monde est fou. Notre boussole intérieure a perdu la tête. Nous choisissons toujours le mauvais chemin. C’est comme si l’humanité entière était amnésique, ne tirant aucune leçon du passé. Qu’il s’agisse de guerre, de famine, de corruption, de misère, aucun continent, aucun pays n’est épargné. (…) Des mots tels que fraternité entre les peuples, tolérance, respect, liberté, équité font joli sur le papier ou dans les discours, mais quand nous déciderons-nous à les mettre véritablement en œuvre ? »

Les poètes, eux, le sentent et le crient depuis longtemps. Mais, impuissante, la Poésie ? Pas vraiment, car si elle ne peut faire arrêter les massacres d’innocents ni la tuerie par la famine ni les chars ni les bombes ni la haine, elle témoigne toujours, par elle-même, de l’impuissance absolue de tous ces moyens de destruction de jamais faire taire l’âme, abolir l’esprit, déposséder l’humanité de la parole.

Citons dans ce sens quelques vers parmi les poèmes réunis dans cette riche édition :

Nous vivons dans un monde / En parure mortuaire, / Où l’espérance repose / Sur un fragile filet d’air  (Michel Bénard)

Homme / méfie-toi de ton spectre / mais n’aie pas peur / et fous-toi la paix. / Signé… la terre (Marc Pommier)

Laissons fondre les bruits au loin, / La paix est notre seul besoin. (…)

Un rien fait une humble chapelle, / D’où, croyons-nous, Dieu nous appelle. (Jean-Paul Pelle)

Enfin je peux mettre ensemble mon corps / Et mon esprit / À l’unisson de ce parfum / Et je deviens au soleil de la rose / Un jardin sans personne (Michel Lagrange)

Caressantes gondoles flottent sur le styx des doigts de l’abîme * verrouillé est mon regard en illumination – incrusté avec des déserts d’étoiles… * pourquoi j’écris – moi, œdipe vide de destin * peut-être pour instituer la plus compliquée distance où je puisse me retrouver aussi simplement que possible * (Ara Alexandre Shishmanian)

Avec humilité, le poète propose / Aux hommes de la Terre, ensemble de bâtir,

Non pas le Paradis qu’ils vont anéantir / Mais un monde de paix où plus rien ne s’oppose (Jean Moraisin)

À côté de quelques poèmes qui évoquent avec grâce les grands ancêtres – Lamartine (par Liliane Codant), Hugo et Baudelaire (par Agnès Figueras-Lenattier) – attirent notre attention aussi quelques beaux essais, tels sur Jean-Jacques Rousseau (par Pierre Mironer), sur la photographe Marie Vidal, avec ses vertigineuses photos en noir et blanc (par Michel Bénard), sur l’écrivaine et la poétesse Anne Philippe, l’épouse de Gérard (par Pierre Guérande). Nombreuses chroniques et notes de lecture, dont on retiendra en tout premier lieu celle de Béatrice Gaudy, portant sur l’anthologie des éditoriaux de Nathalie Lescop-Boeswillwald, Libre et début, qui couvre les trente ans d’existence de la revue.

On ne peut finir cet aperçu sans évoquer la rubrique Les Mots sont des îles, où Christian Boeswillwald, rédacteur technique de la revue depuis sa création, poète, photographe, peintre, résume, en un grand arc-en-ciel, l’humaine comédie de notre temps, entre les pulsions de mort et de haine, destructrices de l’humanité et de la planète elle-même, et la frêle puissance de la Vie au printemps…

Un désir de soleil sous ce gris morne et sombre, le monde se referme et se referme encore avec son goût de mort, de l’Ukraine à Gaza, de la Somalie au Soudan, du Yémen en Birmanie (…). Tout est anéanti, de l’aube au soleil noir, le geste ralenti ne dit rien de l’Espoir. (…)

Que faire de ce printemps malgré ce grand noir dans le hasard des nuits, que faire de ces mots dans le poème émigré désormais vers l’Ennui…

Que faire si ce n’est plus la Vie, ce moment suspendu, si frêle… Mourir est un chagrin de Poésie étouffé qui parfois se révèle…

Le monde n’a d’égal que la beauté de ce matin de clair printemps…

Il était déjà gravement malade ; il allait quitter ce monde un mois environ après la parution de la revue…

Francopolis lui dédie un hommage en publiant quelques poèmes inédits et une évocation (voir à notre rubrique Francosemailles).  

 

Comme en poésie - numéro 100

Communiqué de Jean-Pierre Lésieur :

« À 89 ans je sors le numéro 100 de ma revue comme en poésie en la fabriquant entièrement seul (ce depuis 25 ans) et de fond en comble dans ma fabrique du poème au 73 avenue Brémontier 40150 Hossegor. Un numéro spécial de 120 pages sans augmentation de prix que vous pouvez vous procurer à l'adresse ci-dessus. Parlez-en c'est mon seul moyen de diffusion pour une revue papier ! MERCI ! »

 

Poésie/première n° 92

Vient de paraître ! (le sommaire de ce nouveau n’est pas encore sur le site de la revue). Rapidement, notons le thème de cette édition – Qu’est-ce qu’in poème ? – question fondamentale entre toutes. Parmi les matériaux qui attirent l’attention nous remarquons avant tout l’article de Dominique Zinenberg sur Pierre Dhainaut, et le passionnant essai de Michel Herland : Benjamin Fondane, poète et martyr.

Voir une ample présentation de cette riche édition, par Dominique Zinenberg (membre du conseil de rédaction de la revue), à notre rubrique Lectures-chroniques de ce même numéro de Francopolis.

 

AVRIL-JUIN 2025

 

Recueils / Revues

 

Recueils

Présentés par Éric Chassefière / Présentés par Dana Shishmanian

 

Éric Chassefière :

 

Laurent Grison, L’archipel des incandescences - hommage à Xavier Grall, suivi de La femme debout, Sémaphore, collection Arcane, avril 2025 (90 pages, 15 €).

Ce livre est l’un des fruits de la résidence d’auteur de Laurent Grison à la maison d’Hippolyte, à Quimperlé, en février-mars 2025. Il comprend 2 ensembles de poèmes, 17 dessins et 4 photographies. Laurent Grison est poète, artiste, historien de l’art et critique (littérature, art). Ses textes sont publiés en France et à l’étranger, où il est régulièrement invité. Ses poèmes sont traduits en une douzaine de langues. Croisant les formes de création, passionné par la musique, Laurent Grison pratique la peinture et le dessin. Il est membre de différentes associations françaises et étrangères.

la femme debout aime marcher

dans la forêt de Toulfoën

où les chênes remarquables

se dressent fièrement

pour protéger les ruines

de l’abbaye Saint-Maurice

 

Mas Roqueta / Max Rouquette, Las Abelhas dau silenci e autres poèmas inedits / Les abeilles du silence et autres poèmes inédits, Éditions Jorn, avril 2025 (254 pages, 20 €).

L'œuvre de Max Rouquette, centrée sur les garrigues languedociennes du pays natal, décrit la beauté solaire ou nocturne de la nature, cruellement indifférente, une beauté source d'une douleur proportionnelle, car les humains s'en ressentent exilés. La création elle-même, si belle qu'elle soit, reste marquée du sceau du temps et du néant. L'écriture poétique consiste à se mettre à l'écoute du cœur battant de la vie qui anime toutes les créatures, de la fourmi à l'étoile. Ces thèmes se retrouvent dans ce dernier recueil qui rassemble tous les poèmes inédits en volume, restés à l'état manuscrit ou seulement publiés en revue. Un tiers de ces 130 poèmes datent des années 40 et 50, les autres ont été écrits dans les années 80 et suivantes. Max Rouquette y prolonge l'inspiration des trois grands recueils précédents. Le poème est un songe éveillé (un sòmi), une quête ontologique qui nous conduit, grâce au langage, au cœur de l'être et de la vie. Le poète nous offre, ici comme ailleurs, une œuvre à la fois tragique, cosmique et profondément enracinée.

Une lune de mille ans

 

Une lune de mille ans

passe dans le ciel lointain

 

Des hommes dorment couchés

sur la dalle chaude.

Le crapaud et le grillon

déversent au fond de l’air

sans s’inquiéter mille fleurs

mille fleurs de rêve

et de sommeil matinal

où la brume se dissipe.

Un cheval dans son étable

rêve de vent d’avril

et l’eau du laquet s’émeut

de tout l’amour de la lune.

 

Fabienne Moineaud, Miniatures, Interventions à Haute Voix, 2e trimestre 2025 (60 pages, 10 €).

Courses rapides des nuages

Le vent court autour des haies

Et des grands arbres sonores

 

La terre est douce sous mes pieds

Sensation humide de fraîcheur

J’aspire l’air froid qui descend

Jusqu’à ma peau tiède

 

Mon pas rapide dans le froid

L’appel sourd du vent qui gronde

La forêt se rebelle

 

Au-dessus, des crêtes nues

Le soleil descend presqu’immobile

Dont la lueur mouvante brille

 

Les mots en offrande, pour une passante de la Vie, qui sans doute,

Trouveront leurs nids, dans le cœur de nouveaux amis.

 

Catherine Andrieu, Constellations critiques – Lectures poétiques des livres de Z4 Éditions – Première partie, Z4 éditions, mai 2025 (103 pages).

Dans ce recueil, chaque texte lu devient un point d’ancrage provisoire, une lumière discrète dans une géographie instable. La critique n’y prend pas appui sur la distance, mais sur la traversée. On ne surplombe pas les œuvres : on les habite un instant, on s’y laisse traverser.

Ces lectures poétiques refusent la clôture du sens. Elles abordent les livres comme on entre dans une chambre obscure : à tâtons, à l’écoute. Non pour les expliquer, mais pour leur prêter une autre voix — celle du guet, de l’écho, de la vibration. Il s’agit d’entrer dans la matière même du texte, non pour l’interroger, mais pour en épouser les mouvements souterrains : fractures, plis, suspens.

Z4 Éditions publie des livres qui ne cherchent pas à plaire mais à éveiller. Ce recueil les accompagne sans les illustrer. Il ne les précède ni ne les suit : il marche à côté.

Dans un pas ralenti.

Dans une lumière d’aube.

Il s’arrête parfois pour nommer une blessure, parfois pour

écouter ce qui tremble encore dans l’effacement.

Chaque lecture est une tentative.

Chaque tentative, une étoile.

Ensemble, elles forment une carte inexacte — un ciel.

 

Ida Jaroschek, Carnet de ciel, Éditions Pourquoi viens-tu si tard ?, juin 2025 (93 pages, 13 €)

Le ciel et la poésie sont venus « épauler » Ida Jaroschek, poète, au cours de son séjour en clinique.

Ainsi s’est formé, rituellement, au jour le jour, ce Carnet de ciel qui présente ici quarante ciels en regard de quarante poèmes.

 

la nuit

pèse à mon épaule

 

elle se retire

 

ourlant

d’une ombre bleue

 

les nuages

 

un peu de nacre

abrite une présence

 

un secret

 

je m’abandonne

au premier ciel qui s’impose

 

Éric Chassefière, Pour que parle la beauté – Écrits sur la route, éditions Rafaël de Surtis, mai 2025 (314 pages, 25 € frais de port compris)

Ce recueil présente l’intégralité des poèmes écrits au fil de différents voyages effectués dans les quinze dernières années. Parmi les carnets reproduits ici, huit ont été publiés par les soins de Michel Cosem aux éditions Encres Vives, sept dans la collection Lieu et un dans Encres Vives proprement dit. À chaque retour de voyage, j’ai eu le privilège d’être lu, apprécié, et publié dans un délai de quelques mois par Michel Cosem, bonheur qui m’a toujours poussé à continuer, faire de la joie de l’écriture en voyage la joie du voyage lui-même. Aujourd’hui, je ne peux penser voyage sans penser Encres Vives, et penser Encres Vives, c’est d’abord pour moi affirmer l’unité profonde entre ces carnets, qui décrivent en fait le même voyage, le même retour à travers l’autre vers soi-même, mais sous différentes lumières et dans différentes périodes de la vie. C’est donc à Encres Vives et à son créateur que je dédie ce livre. Mes pensées vont aussi à ma compagne, Catherine Bruneau, avec qui nous avons partagé la plupart de ces belles itinérances.

                                                           Éric Chassefière

 

CORÉE : JEJU-DO

 

Le mandarinier donne les fruits verts

où vient boire l’oiseau de la bouche

l’œil du photographe donne l’hibiscus

la fleur nationale de la Corée

le matin donne le soleil

qu’emporte la brume de la montagne

les volcans de tuf donnent la pierre noire

dont la mer se fait un collier

quand s’avançant dans les vagues

la jeune fille lève les bras et danse

les yeux plissés de la vieille plongeuse

qui vend des ormeaux grands comme la main

donnent les belles images qu’on voit au musée

de ces femmes dans la fleur de la jeunesse

en tenue de plongée souriant à l’objectif

les yeux éblouis d’eau et de soleil

donnent aussi les perles noires

enfoncées dans la fente des paupières

des yeux d’aujourd’hui brûlés de sel

dont le rayon bat au rythme des vagues

 

 

Les éditions Encres Vives ont publié au 2ème trimestre 2025 :

 

Patrick Aveline, Le goût de l’instant (n° 548)

Durant deux saisons, printemps et été, à Marseille et ici et là en France, au gré de ses vagabondages, l’auteur s’est appliqué à goûter l’instant. Tentant d’en restituer la quintessence avec les mots et la sensibilité dont il dispose. Cet instant, qui, de manière infaillible « glisse entre les doigts ». Saisir l’éphémère du sentiment afin de le vivre au cœur et pour autant s’en échapper pour l’écrire, là se situe la gageure. Ce recueil en illustre une tentative. « Le goût de l’instant » est le sixième recueil que publie le poète. Le voyage, à sa fenêtre, immobile, ou celui par monts et par vaux nourrie sa poésie. Tout comme l’image et le paysage. Il parcourt ainsi, à pied, inlassablement et dans une joie renouvelée, sentiers et routes de France et d’ailleurs.

 

Né à Tanger en 1961, Patrick Aveline vit à Marseille depuis l'enfance. Il aime marcher de manière itinérante de longues semaines durant, loin des courants. Il y vit une autre manière ; et rencontre femmes et hommes qui deviennent amis dans le plaisir de quelques instants.

 

Régine Ha Minh Tu, L’heure bleue (n° 549)

Régine Ha Minh Tu est née en 1956 à Paris. D'origine vietnamienne et française. Germaniste et bibliothécaire. Un parcours en bibliothèques et archives entre la France (Limousin, Lyon, Toulouse) et l’Allemagne (Berlin-Ouest, puis Bad Arolsen au sein des Archives internationales de la persécution national-socialiste). Vit à Bram (Aude) depuis 2015. L’écriture l’accompagne tout au long de ce périple. Densité et fluidité des images simples, évidentes, discrétion du vocabulaire, des paysages où tout est liquide, atmosphère amniotique d’une rencontre au cœur de l’heure bleue.

 

Issa Wachill, À ciel ouvert (n° 550)

Faire entendre çà et là les voix et les silences ne signifie pas les incarner, mais tenter d’ouvrir une petite fenêtre à ce qu’on ne voit pas, n’entend pas    ou alors comme un souffle, ou ce qui perce à peine à travers les ruissellements sur le visage d’un enfant.

Ces apparitions sous le ciel de Gaza : corps gisant parmi les gravats, sous la pluie ou dans la poussière, ce ne sont pas tant un témoignage qu’un appel pour dire : assez ! Laissez-les vivre, rire et pleurer comme tous les enfants du monde.

 

Né à l’Ile Maurice, Issa Wachill a fait ses études universitaires (Lettres Modernes et Sociologie) en France, où il s’est finalement installé après des nombreuses années passées au Proche-Orient et au Maghreb.

Il est conseiller culturel à la Délégation de la Palestine auprès de l’Unesco. Il est auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages : « Liban, Confessions et Pouvoir politique » (L’Homme et la Société) ; « Dossier Palestine, la Question de Palestine au Regard du Droit International » (Ed. de le Découverte) ; « Le Jardin de la Terre » (recueil de poésie, Ed. Encres Vives) ; « Maintes Voix » (recueil de poésie, L’Harmattan).

 

Chantal Couliou, La dernière photo (collection Lieu, n° 415)

Ces poèmes ont été écrits à la suite de la visite de l’exposition de photographies de Vivian Maier au Musée des Beaux-Arts de Quimper et de celui de Pont-Aven (du 4 février au 29 mai 2022).

NEW YORK - CHICAGO E(S)T SON DOUBLE

La lecture du livre de Gaëlle Josse Une femme à contre-jour a précédé cette découverte.

 

Née en 1961 à Vannes, Chantal Couliou est poète, haïjin, nouvelliste, en un mot auteure d’écrits poétiques. Elle vit à Brest.

Une quarantaine d’ouvrages publiés et de très nombreuses collaborations à des anthologies et revues.

Elle fait siens les mots de Colette Nys-Mazure « vivre, lire, écrire ».

Elle aime écrire avec des artistes, plasticiens, photographes mais aussi d’autres auteurs.

 

Jean-Claude Crespy, En Corse (collection Lieu, n° 416)

Pascale Paoli établissant à Corte la République corse ; à la pointe des Îles Sanguinaires, Bonaparte rêvant d'embarquement ; fantômes des bandits traqués du Palais Vert ; maquisards de Porri, indépendantistes d'Aleria, et sur les murs de Corte, l'icône d'Yvan Colonna : autant de vagues qui ont déferlé sur les plages corses. Restent les troupeaux erratiques sur les sentiers déserts de la Castagniccia, les villages dépeuplés, les fruits pourrissant sur les arbres. Restent ces ruines de la modernité que personne ne veut voir, et que les mots du poème courant à flanc de mont le long des vieux murets, arpente, dégage et déchiffre pour l'avenir d'une terre habitable - car c'est en poètes que les humains habitent cette terre.

Jean-Claude Crespy a partagé son activité professionnelle de germaniste entre l'enseignement, la traduction philosophique et poétique et la diplomatie culturelle à divers postes en Allemagne, en Autriche et en Belgique. Il se consacre désormais pleinement à la poésie. Le présent recueil est le troisième qu’il publie, après À Sète et En Île-de-France, dans la collection Lieu des éditions Encres Vives.

 

Marion Lafage, Incise à Venise (collection Lieu, n° 417)

Un carnet de voyage poétique, tel pourrait être l'objet du présent recueil. Mais comment échapper à la banalité d'un voyage à Venise, aux clichés qui y sont attachés, aux regards d'écrivains passés et compassés ranimés par le Grand Canal et la place St Marc ? Les gondoles n'ont pas toujours le dernier mot quand on s'éloigne des canaux centraux. Par-delà le piège touristique, on peut encore trouver grâce aux curieux détours des mots fouineurs ce que l'on ne cherchait pas, en visitant Venise.

 

Animatrice d'ateliers d'écriture, Marion Lafage vit et travaille dans les Hautes-Alpes. Elle a publié dans diverses revues puis deux recueils chez Jacques André éditeur, Par Chemins et Calames (2022) et Un Mixologiste en Montgolfière (2023). En 2025, un récit, Berlugane, est paru aux éditions du chien qui passe. Après Le Corps artiste, Ecrits-danse (2024) dans la collection "Encres Blanches", Incise à Venise est un deuxième opus publié par Encres Vives dans la collection "Lieu".

 

Sabine Alicic, À rebours, l’été (collection Lieu, n° 418)

Ô sentier millénaire !

fougères, bruyères

et craquements sous nos pas

 

chêne, hêtre, houx 

l'un répond à l'autre

le vent referme le chemin

 

ce matin, dans le Pays d'Auge

Commencée dans sa jeunesse, l'écriture poétique de Sabine Alicic est le chemin foré au gré des entailles rapatriées dans la langue qu'elle naturalise pour un passage. La poésie, devenue passeport, est visée depuis, chez Diérèse, Traversées, Poésie/première, Traction-Brabant, Écrit (s) du Nord, aux Éditions Henry dirigée par Jean Le Boël, sa première rencontre éditoriale. Le cours du poème est son premier recueil paru en octobre 2024 aux éditions Encres Vives.

 

Fabrice Farre, Carte de séjour (collection Encres Blanches, n° 839)

Fabrice Farre est l’auteur de vingt recueils parus chez divers éditeurs, comme : Le chasseur immobile, à Le Citron gare (avec les peintures de Sophie Brassart), Toucher terre, au Pré-Carré, Loin le seuil, à La Crypte, Partout ailleurs, à p.i.sage intérieur, Avant d’apparaître, aux éditions Unicité, Implore et Des équilibres (accompagné des photographies de Philippe Agostini), chez Bruno Guattari, etc.

Ses textes sont présents, notamment, dans les revues Arpa, Margelles, Place de la Sorbonne, Revue Alsacienne de Littérature, et Phoenix, ainsi que dans de nombreuses anthologies. Il a participé à des livres d’artiste, à la relecture de poètes italiens et roumains, et traduit quelques auteurs français, italiens et espagnols.

Les titres parus aux éditions Encres Vives sont : Les chants sans voix (2012), N’ai-je (2016) et Poupée russe (2017).

 

Dominique Marbeau, E Urgente (collection Encres Blanches, n° 840)

Ce petit recueil exprime une position qui n’a aucune prétention philosophique ni même politique. « E URGENTE » Il faut se dépêcher, c’est tout ! Car l’ignorance engendre la bêtise et on le sait c’est la bêtise qui entraîne la violence. Et quand c’est cassé les réparations sont souvent longues et difficiles. Alors on a tout à gagner de voir se répandre les lumières du savoir. Mais dans quelles mains, cette science supérieure qu’il ne faut « transmettre qu’aux sages » selon Goethe ? Les débuts de la révolution numérique ne poussent guère à l’optimisme. Et pourtant je garde au fond de moi la conviction qu’à force de tisser sa toile, le vaste réseau d’un savoir utile parviendra à l’emporter sur les instincts primaires qui font régresser les peuples. Je suis persuadé qu’il ne s’agit que d’une crise – profonde, soit – peut-être la « crise d’ado » de l’humanité ?

 

Pierre Ech-Ardour, Bourgeonna l’aube en le miroir du temps (collection Encres Blanches, n° 841)

« La poésie de Pierre Ech-Ardour traduit ce battement, cette trame discrète où s’orfèvre le poème ; chaque mot porte le déplis d’une pensée poussée à l’orbe des confins. L’écriture, jouant de sa lumière et de sa contre lumière, laisse doucement à l’entente la palpitation du froissement et du défroissement des mots, conservant perpétuels leur vastité et leur respir. Ce sont dans ces amples et discrètes variations que la parole trouve son surgissement de visage, cette force particulière d’être elle-même l’envol de ce qui d’un coup se dévoile à la vue et à la pensée et aussitôt se dérobe, insoluble. Et si se laisse saisir par la peau que donne la traverse des langues, des souffles terrestres, des sensualités et des mémoires d’une certaine intimité, sa poésie est une voix portée, une entière adresse à l’humain et à son tremblement d’infinité. »

Laurie Courtois Valdez, Éditions Phloème, « épiStellaires, ».

 

Pierre Ech-Ardour réside en France, à Sète. En son rapport intime aux lettres, sa poésie, « tours de mots » où interfèrent extrinsèques lumières et clartés profondes, incarne la parole d’une utopie propice à l’approche des sources et de la réparation du monde. Il a publié seize recueils de poésie et a obtenu en 2018 le Premier Prix de Poésie décerné par les Gourmets de Lettres sous l’égide de l’Académie des Jeux Floraux à Toulouse.

 

Jean-Louis Keranguéven, Deux ou trois cercles concentriques (collection Encres Blanches, n° 842)

Sublimant le Réel, cet assemblage patient se compose d’une série de petits tableaux empruntés au déroulement de l’existence. Son ambition n’en est pas moins d’éveiller une réflexion sur la pérennité de l’écriture, à l’instar de l’allégorie dont se nourrit le titre.

Jean-Louis Keranguéven, poète d'origine bretonne et d'adoption montpelliéraine est né en 1942. Il a publié en revues et une vingtaine d'ouvrages dont plusieurs ont été récompensés. Obsédé par la quête du mot exact, il revendique l'influence des poètes asiatiques, Guillevic ou Charles Juliet.

 

Svante Svahnström, En cet instant je marche encore (collection Encres Blanches, n° 843)

Svante Svahnström est un auteur français et suédois d’une poésie se préoccupant de ce qui est en haut comme de ce qui est en bas.

Se décrivant volontiers comme artisan lexical, il élabore aussi au milieu des poèmes avec des mots des langues des cinq continents. Vingt-sept langues participent au contenu du présent ensemble. Il s’agit d’une écriture que l’auteur nomme « Universification ».

Paysages vus en anatomie humaine, l’Univers, l’Homme, l’enfance, méditation en langue de chien…  À travers des regards décalés sur des particules de réalité émerge une collection hétérogène presque savamment ébouriffée.

 

Pierre Yerlès, Zestes d’espérance (collection Encres Blanches, n° 844)

Dictionnaire Robert : Définition de zeste, nom masculin :

1. Petit morceau d'écorce fraîche (de citron, d'orange). Un zeste de citron.

2. Au figuré Petite quantité.

Pierre Yerlès nous offre ici, pour les jours de mélancolie, sans assurance excessive, vingt-cinq poèmes à savourer comme boisson énergisante et rafraîchissante.

Âgé aujourd'hui de quatre-vingt-huit ans, Pierre Yerlès est professeur émérite de la Faculté de Lettres de l'Université de Louvain, où il a formé durant quarante ans à la didactique de la langue et de la littérature des générations de professeurs de français.

Il a dirigé la collection "Séquences" chez Didier-Hatier, a été membre du comité de rédaction de La Revue Nouvelle et de Langue et Administration.

Plusieurs recueils de poésie à son actif : Élégies paisibles, Oaristys (Poèmes de l'Amour du soir), Pavane pour une Samouraï défunte, parus respectivement en 2021, 2024, 2025 aux éditions Bleu d'encre ; Couleurs de Chines, paru en 2025 aux éditions Maïa.

 

Claude Haza, Le temps comme il vient (collection Encres Blanches, n° 845)

Parfois on peut saisir d’emblée

le moment d’une pensée qui

s’arrondit sur le bout de la langue

parfois on ne surprend rien d’autre

que le tourbillon des mots épelés

sous les lampes noires de nos yeux

 

Quelque chose de la pensée

nous dit une autre pensée que

le souffle de la mémoire

pousse à travers le cerveau

c'est une chaîne de paroles qui

fait surface comme un volcan

Claude Haza est l’auteur d’une quinzaine de recueils de poésie et autant de livres d’artiste. Le présent recueil a été écrit tel que le titre l’indique ; souvent en regardant l’œuvre des saisons depuis son balcon, et l’animation de la rue, puis devant son bureau, selon les pensées qui se présentent.

 

 

Dana Shishmanian :

 

Que ma mort apporte l’espoir. Poèmes de Gaza (juin 2025). Édition bilingue arabe-français.

« Le recueil, publié aux éditions Libertalia dans la collection Orient XXI, présente une cinquantaine de poèmes dont les auteurs et autrices viennent toutes et tous de Gaza. Écrits pour la grande majorité en arabe, ils ont été traduits par l’ancienne diplomate et interprète Nada Yafi, qui signe également la préface de l’ouvrage. L’écrivain palestinien Karim Kattan a également offert une postface au livre. » (Présentation sur FB, par Gérard Cathala, 6 juin 2025)

« Bouleversants de courage et d’humanité, les cinquante textes qui composent ce recueil témoignent de la force de la poésie, forme privilégiée de la culture arabe, et confirment que la vie finit toujours par l’emporter sur la mort : "Car nous aimons la vie, disait Mahmoud Darwich, poète emblématique de la Palestine, pour peu que nous en ayons les moyens." » (présentation par l’éditeur).

Sur le site de l’éditeur est reproduit un fragment du poème de l’universitaire anglophone et écrivain Refaat Alareer, tué par des tirs ciblés la nuit de 7-8 décembre 2023 (voir notre Gueule de mots de Printemps 2024):

S’il est écrit que je dois mourir
Il vous appartiendra alors de vivre
Pour raconter mon histoire

S’il est écrit que je dois mourir
Alors que ma mort apporte l’espoir
Que ma mort devienne une histoire

Nada Yafi, ancienne diplomate et interprète en arabe, a publié Plaidoyer pour la langue arabe (Libertalia, 2023).

Karim Kattan, écrivain palestinien né à Jérusalem, a notamment publié L’Eden à l’aube (Élyzad, 2024).

Voir, dans notre présent numéro, la chronique au roman Le palais des deux collines de Karim Kattan, par François Minod, à la rubrique Vues de francophonie.

 

Carole Carcillo Mesrobian, Falloir. Éditions de Corlevour, juin 2025 (115 €)

Au-delà d’un simple recueil, Falloir se présente comme un monde en suspens. Le jeu étymologique entre falloir et l’anglais to fall (tomber) éclaire un autre visage de la poésie : tout poème est une chute délibérée hors des certitudes, un plongeon gracieux dans l’inconnu. Chaque vers est une passerelle entre l’être et le socle archétypal d’une humanité partagée. C’est une invitation à habiter nos disparitions, à écouter le souffle du poème dans le vide des mots et à laisser la lumière émerger de l’épaisseur de nos ombres. En refermant ce livre, on emporte avec soi l’écho d’un chant cosmique, fragile et puissant, qui ouvre la possibilité d’un regard neuf sur l’existence et le langage même. (…).

Comme Falloir verbe impersonnel qui ne se conjugue qu’à la troisième personne du singulier, la poésie se déploie hors de tout lyrisme : elle se fait exigence commune, nécessité silencieuse et intemporelle. Dans cette impersonnalité réside sa force : sans personnifier la voix poétique, elle suspend l’arbitraire du locuteur pour inviter le lecteur à se reconnaître dans l’impératif poétique, à combler le silence du poème par sa propre sensibilité.

 

Christiane Simoneau, Le NOUS qui nous habite. Éditions Unicité, juin 2025 (108 p., 14 €)

« Le NOUS qui nous habite, c’est cet espace tutélaire énonciateur déjà de ce désir de ré-union qui guide et motive la parole poétique de Christiane Simoneau, tout autant qu’il en ouvre l’espace, lieu d’expression d’une multitude d’identités, d’un chant collectif, d’une voix intérieure polysémique, vivante, et, surtout, en quête d’unité. Un livre qui promet une traversée à la fois intime et universelle, et qui s’ouvre comme un espace tissé de souffles, de corps, de mémoires, de paysages et d’images — autant de fragments du monde réunis ici dans la trame de ce recueil. » (Carolle Carcillo Mesrobian, extrait de la préface)

 

Fadéla Chaïm-Allami, Les fleurs pourpres de Gaza. Éditions Unicité, mai 2025 (108 p., 14 €)

J’ai peur
J’ai peur du noir
J’ai peur du jour
Et j’ai peur du ciel rouge
J’ai peur de pleurer
Et j’ai peur de me noyer dans mes larmes
J’ai peur de m’avaler
Et d’être avalée
En corps morcelé
Et ce qui m’attend
Au bout du chemin de la peur.

En couverture de ce livre poignant, le tableau Les larmes de Gaza de l’artiste palestinienne Rawan Anani.

 

Barbara Auzou, Les géographies imaginaires. Éditions Unicité, mai 2025 (88 p., 14 €). Avec des huiles de Francine Hamelin

Les crypto-graphes de Francine Hamelin foulent des cartographies intimes de Barbara Auzou où l’œil oscille, dépossédé du vertige. Par quelles porosités nous parvient le temps … ? À l’aune de ce climat bleu et fertile, nous commémorons le pouls, cette indispensable ardeur qui lie demain à hier. Un ciel compromis joue sa carte secrète et l’oiseau en mime la noble trace. Race du trait à la conquête du vers principiel pour improviser et inaugurer le sang. Je te devine, nous tremblons / dans ce rêve compatissant et farouche. Devant ce fragile qui nous dénonce et nous acquiert, après le ressac de pensées lucides / vient l’heure des gestes lents…

 

Philippe Leuckx, Lumière des murs. Éditions du Cygne, mai 2025 (52 p., 12 €)

Nous avions sous les yeux
la matière même de la lumière

Sans cesse interrogé par la lumière et son contraire, le poète déroule sa vie intime, tissée d’échos légers comme le tremblement de l’air ou les passages d’ombre. Il vit la lumière comme "une matière", vive, enjouée, présence au milieu du jour, perle du quotidien. En peu de mots, tout se joue : le retrait, l’attention, le regard vers l’autre, la patience de vivre.

 

Joël Cornuault, Élisée Reclus, géographe et poète, suivi de Élisée Reclus, géographe consommable ? Pierre Mainard éditions, avril 2025 (96 p., 15 €)

Cet essai est repris de la Collection fédérop / 5- Histoire & Essai (1995), en nouvelle édition augmentée de Élisée Reclus, géographe consommable ?. Voyageur au long cours, anarchiste, pédagogue de terrain, géographe d’une envergure exceptionnelle, Élisée Reclus (1830-1905) est l’auteur internationalement réputé de la Nouvelle Géographie universelle (1876-1894). Mais sait-on qu’il fut aussi, et peut-être d’abord, promeneur de ruisseaux, piéton des montagnes, rêveur de plaines ? Sait-on que ce savant, profondément occupé de l’humain, fut un écrivain à part entière ?

C’est ce que soutient le présent essai à partir de deux œuvres qui étaient tombées dans l’oubli jusqu’à leur réédition chez Actes Sud, Histoire d’un ruisseau et Histoire d’une montagne. De cette redécouverte enthousiaste est né, non pas une biographie ou une étude académique, mais un fervent salut à l’auteur de L’Homme et la Terre (1905), donné ici dans sa quatrième édition et augmenté d’une postface inédite.

Partant de ces deux écrits laissés à l’écart, Joël Cornuault a republié et présenté d’autres textes négligés de Reclus : Élisée Reclus étonnant géographe (Fanlac, 1999) ; Élisée Reclus. Six études en géographie sensible (Isolato, 2008) et Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes et autres textes (Premières Pierres, 2002). Joël Cornuault est aussi l’auteur d’essais sur André Breton, Henry David Thoreau ou l’Éloge de Gilgamesh ; le traducteur de Kenneth Rexroth et de John Burroughs. Il anime la revue Des Pays Habitables, créée en 2020.

 

Maria Zaki, La pleine lune luit et nous éclaire. L’Harmattan, avril 2025 (168 p., 18 €)

« On peut montrer les beautés du monde selon tous les outils dont nous disposons. L’un dira par la plume ce que l’autre exprimera par flûte, harpe ou violon, et qu’un autre encore rendra visible au bout de son pinceau. Il fallait bien que Maria Zaki trempât sa plume dans l’encre claire de la spiritualité pour faire résonner les mots qui constituent, en brèves facettes théologiques, des poèmes tout entiers centrés sur le Prophète.
D’une certaine manière, les poèmes du recueil La pleine lune luit et nous éclaire s’élèvent comme volent les oiseaux. Ils animent le ciel et sollicitent notre attention : tandis que l’un se pose, l’autre s’envole et un troisième fait entendre son chant. En découvrant ce nouvel ouvrage de Maria Zaki, le lecteur prendra conscience que l’on peut rendre grâce au Prophète par de la musique ou par des mots et quand ces mots sont de la poésie, ils sont aussi de la musique. » (Jacques Herman, préface)

 

Garenert Joseph, Souffle d’un monde en exil. L’Harmattan, avril 2025 (80 p., 12 €)

Souffle d’un monde en exil est un tourbillon poétique où s’entrelacent surréalisme et apocalypse. À travers des vers brûlants et des images percutantes, l’auteur dénonce les ravages de la guerre, des injustices et des exils forcés. Chaque poème est un cri, une révolte, une prière portée par des métaphores saisissantes et des visions prophétiques.
Ce recueil invite à une profonde réflexion sur la condition humaine et appelle à un éveil collectif face aux désastres qui déchirent notre monde. Souffle d’un monde en exil est un manifeste de paix, un hommage aux opprimés et un appel à reconstruire avant que le silence ne devienne notre seule réponse.

« J'ai écrit ces poèmes avec l'urgence de témoigner, avec la volonté de transformer le chaos en langage et le désespoir en espoir. Souffle d'un monde en exil n'est pas qu'un recueil de vers, c'est une invitation à réfléchir, à ressentir et à agir. Il s'adresse à ceux qui, au milieu des ténèbres, cherchent encore la lumière.

Puisse ce livre traverser les frontières des cœurs et des esprits, et devenir une étincelle dans un monde qui a tant besoin de paix. » (avant-propos de l’auteur)

 

Mireille Diaz-Florian & Danielle Fournier & François Minod, Je vous ai lu quelque part. Éditions Unicité, avril 2025 (114v p., 13 €)

D’où écrivons-nous… ? À partir de quel nom invisible ? Sur quelles cendres, déposons-nous le soir… ? Par quelle nuit nous appelons-nous… ? Ainsi s’interrogent Mireille Diaz-Florian, Danielle Fournier et François Minod dans ces correspondances si douées d’un habile mystère à offrir. Qu'est-ce qui fait que ça écrit ou ça n'écrit pas ? Comment forer et assumer cette intensité première, si justement indélébile ? Que sait-on finalement de l'autre à qui on s'adresse ? Beaucoup et peu. Je vous écris dans nos silences mais soupçonne-t-on vraiment ce que l’on confie… ? Quel est ce dire qui nous tait ?

C'est bien de l'intimité qu'il s'agit dans ces échanges. Il y a toujours un reste : la chose. Elle prévient peut-être l’invivable. Dans ces archives du silence, les trois auteurs déposent leurs mémoires, leurs incertitudes ordinaires et fécondes et leurs vibrations nous pénètrent au ralenti. Avec eux, recensons nos chutes interminables et hissons-nous à nos échéances. L’écriture est là. Inaccessible. Le miroir renvoie le reflet de quelqu’un qu’on ne reconnaît pas. Comment vivre avec ce qui demeure silencieux… ? Quel lecteur attend au contact de ces petites foudres si poreuses… ? Je vous ai lu quelque part …

 

Alain Clastres, Monde flottant. Éditions Unicité, mars 2025 (60 p., 13 €)

Alain Clastres a déjà une œuvre importante derrière lui dans laquelle il nous amène à saisir l’ineffable de l’instant et que dans le visible se cache un réel invisible qui sous-tend le monde.

Avec ce nouveau recueil, Alain Clastres met l’accent sur les détails de l’observation qui portent en eux l’unité dont nous sommes issus. Il nous démontre qu’avec un regard simple, dépouillé de tout affect, l’homme se rencontre à travers les mouvements de la nature qui ne sont peut-être rien d’autre que ses propres mouvements.

Dans l’infra-textualité de cette sensibilité à la loupe on découvre ainsi un tissu de beaux poèmes en mode haïku, en voici quelques exemples :

Cet anthurium, face rouge vif

brillante au soleil

Porte d’entrée

de l’infini   (p. 9)

 

Brin d’herbe dans le vent

En quoi es-tu

plus important ?    (p. 17)

 

Aubépine

Sans vent

tombe un pétale blanc  (p. 28)

 

Voiliers blancs amarrés

Vent léger

Sur l’eau, reflets ondoyants

Monde flottant  (p. 39)

 

Rossiny Dorvil, Que de chemin parcouru pour fleurir ta peau. Éditions du Cygne, mars 2025 (58 p., 12 €)

Ce recueil est un chant de l’exil entrelacé à Cayenne. Parfois murmure soufflé sous une chanson de pluie. Parfois cri au mitan des misères. Rossiny Dorvil habite un langage cru, souvent prophétique, souvent perdu sur des routes solitaires sous le soleil d’équateur. Son livre se déploie comme un rêve éveillé, il traverse les écueils du monde et de tous les bouts du monde. Il chevauche la lune et des femmes mi-espérées, mi-fuyantes. Il convoque les oiseaux, caresse les feuilles. Le monde est son jardin de poète.

Mais c’est aussi un chant du fin fond de la souffrance ; celui d’un damné de la terre, comme l’écrirait Fanon. Trente Pièces, le plus grand bidonville de Cayenne, y joue un rôle central, théâtre de toutes les réalités et de tous les espoirs. Rossiny Dorvil nous y donne à voir des hommes, des femmes de la vie drue et raide. Et tous sont fleurs de ses poèmes.

Il mélange les langues. Français, créole haïtien, aluku. Il est bien en cela fils posé de la Guyane d’aujourd’hui, né ailleurs et pour toujours avec nous.

 

Denis Emorine, Broken identities (Journal of Experimental Fiction)

“In Denis Emorine’s new novella Broken Identities, gifted young Hungarian student Nora writes a paper on the works of main character and writer Dominic Valarcher, which she describes as “a lot and a little at the same time.” That phrase serves to describe the entire novella.

On one level, Broken Identities seems to be an intimate domestic drama about a professor caught in a love triangle. Dominic has a wife of many years, Laetitia, a talented concert pianist whom he genuinely loves and finds extremely attractive, yet he also feels passion for Nora, a younger graduate student who admires his writing. (…)

The real region of Eastern Europe is complex and represents much more than tragedy, in Dominic’s mind, it stands in for a shadow, an irreparable loss stemming from his inherited childhood trauma which obsesses him more than he realizes.

Broken Identities is told through poems, diary entries, and letters accompanying the prose, which underscores the theme of fragmentation.”
Cristina Deptula, "A Lot and A Little: The Psychic Fragmentation of Intergenerational Trauma in Denis Emorine’s Broken Identities"

Sur l’original français du roman, Identités brisées (5 sens éditions, Genève, 2023), voir la chronique de Sonia Elvireanu dans Mondes francophones (12 juin 2023).

 

Éric Dubois, Journal. Éditions Douro, décembre 2024

Extrait de la préface de Pierre Kobel intitulée Des Maux aux Mots :

« Michelet disait de son journal qu’il était son "âme de papier". Éric Dubois n’en est pas loin lorsqu’il écrit : "Je suis du bois dont on fait du papier et des livres, mon âme est une page blanche à réécrire sans cesse, mes pensées des feuillets au vent et ma vie une librairie à ciel ouvert. " Après le récit qu’il a fait dans L’homme qui entendait des voix (éditions Unicité, 2019) de sa maladie psychiatrique et des épisodes qui l’ont précédée et en ont suivi, il nous livre avec ce Journal un texte d’une tout autre facture. C’est une plongée dans les écrits qui ont accompagné son syndrome. (…)

Éric Dubois nous dévoile à travers ses textes, poèmes, au fil des notations de ses carnets, dans le désordre mental qui était le sien lorsque fut diagnostiquée sa maladie, une quête de soi qui n’a jamais cessé de l’habiter depuis et d’être au cœur de son écriture. »

À la croisée des fugues

la corolle du hasard

s’ouvre

en un long voyage

qui se cherche

un but à atteindre

 

Paul Sanda, Les mystérieuses barricades d’Olivier Larronde. Éditions Douro, décembre 2024 (138 p., 17 €)

« En appelant sa pièce pour clavecin Les Barricades mystérieuses, François Couperin était loin de se douter, à l’aube du XVIIIe siècle, que son titre allait avoir des répercussions bien au-delà de la musique. Des peintres, des écrivains s’en emparèrent et c’est peut-être sans connaître l’œuvre – ils n’en font aucune allusion – que les poètes Maurice Blanchard puis Olivier Larronde intitulèrent leurs recueils Les Barricades mystérieuses. » (préface d’Alain Roussel)

Le livre est une pure délectation pour le passionné de poésie et de spiritualité, l’évocation historique des poètes et écrivains plus ou moins connus, l’essai herméneutique, l’anecdotique édifiante, le distillé d’ésotérisme et d’alchimie teinté d’érotisme mystique, composent ensemble un filtre envoûtant. Mais surtout, on y apprend beaucoup, c’est un grand livre de littérature et d’esthétique !

 

Éva-Maria Berg, Murs ? Murs ? La ville chuchoteéditions pourquoi viens-tu si tard ? nov. 2024

Avec des photos de Philippe Barnoud et des peintures d’Aurélie Dekeyser, ces poèmes bilingues allemand/français évoquent les murs et les rues de la Ville, faisant vivre cet street art dépaysé et universel qui lient entre elles des réels – ou des rêves ? – si éloignés les uns des autres, on dirait des sauts quantiques entre imaginaire et vécu quotidien. Deux exemples :

Si deux pages / peuvent être reliées  / par voie souterraine  / ou par voie aérienne  / peut-être même / simplement pas / à pas vers / un juste milieu / on sait déjà / traverser / la moitié / de la distance / comme si rien / se s’opposait plus / à une avancée / ou à un recul   (p. 25)

qui ose / abandonner / les sentiers / battus et / s’engager / dans un parcours / sans horaire / pour sauter / du train / quelque part / et tourner / le dos / à tous les rails (p. 45)

 

 

Revues

Revue Alsacienne de Littérature / Elsässische Literaturzeitschrift, n° 143 (juin 2025)

Dirigée par son fondateur, Auguste Wackenheim, de 1983 à 1996, par Adrien Finck de 1997 à 2007, par Maryse Staiber jusqu'en 2023, la revue est éditée par l’Association des Amis de la Revue Alsacienne de Littérature.

Semestrielle (juin et décembre, env. 150 pages) elle représente un forum de vie littéraire alsacienne en triphonie : français, allemand dialectal et haut-allemand. Son esprit peut se résumer par la formule « défense et illustration » d'une identité ouverte. La Revue Alsacienne de Littérature affirme sa spécificité régionale pour d'autant mieux assurer sa vocation transfrontalière, notamment dans l'espace rhénan. Elle accueille les principaux auteurs de la région mais est également ouverte aux voix nouvelles y compris des premières publications, et fait appel à des écrivains sur le plan national et international, tout en accordant une place à la traduction littéraire.

Comité de rédaction : Eva-Maria Berg, Martine Blanché, Alain Fabre-Catalan, Marie-Yvonne Munch, François Blanché (trésorier).

Directrice de la publication : Martine Blanché, Présidente de l’association.

Chaque numéro comporte les volets suivants : PATRIMOINE, DOSSIER THÉMATIQUE, VOIX MULTIPLES, CHRONIQUES, NOTES DE LECTURE.

Nous la découvrons avec ce numéro 143 sorti mi-juin, qui s’ouvre avec trois textes inédits de Jean-Claude Walter (1940-2025) et un hommage au grand poète alsacien disparu en février, co-fondateur de la revue, par Françoise Urban-Menninger (Le retour au « non-être » de Jean-Claude Walter). Elle nous dévoile ainsi le sens de la poésie pour Walter :

« Jean-Claude Walter nous l’avait annoncé, "la mort n’est plus une fin en soi, elle est un retour sur soi". (…) Et de nous offrir encore ces trois vers lumineux et éclairants qui nous invitent à renaître indéfiniment dans la magnificence de la page blanche : "Les mots sur la page / Ouvrent l’horizon / Comme un amour sans fin" ».

Le premier groupage de poèmes (car même les deux-trois proses sont en fait poésie) se place sous le signe d’un thème aussi frais qu’éternellement associé à la poésie : L’inattendu. On y lit, entre autres, des textes de Béatrice Pailler, Alain Fabre-Catalan (en hommage à Borges), Magda Igyarto, Martine Blanché, Alix Lerman Enriquez, Daniel Martinez, Gabrielle Makli, Eva-Maria Berg (en allemand).

Dans le second groupage, Voix multiples, nous reconnaissons, entre autres, les voix d’Olivier Delbard, Daniel Leuwers, Hervé Martin, Martine Morillon-Carreau, Claude Vancour, Jean-Paul Gavard-Perret, Ara Alexandre Shishmanian (3 poèmes inédits du cycle Oniriques en édition bilingue roumain/français), et une douzaine d’auteurs d’expression allemande dont nous redécouvrons ici la plume multilingue de Victor Saudan, en alémanique et français.

Une consistante section de Chroniques suivies de Notes de lecture nous propose en fait, en principal, des études : d’histoire littéraire (Marie-Claire Vitoux, sur la littérature sociale des années 1840-1850, dont premièrement Hugo), d’histoire vue dans la littérature (Martine Blanché, sur la guerre des paysans vue par Émile Storck), d’histoire de l’art (Chloé Tuboeuf Bizzotto sur un tableau inconnu du XVIe s. : La crucifixion aux trois fous, acquis par le Musée Unterlinden de Colmar), ou enfin, de littérature contemporaine  (Vladimir Claude Fišera sur « la poésie ukrainienne dans la guerre », et sur la poésie bosniaque « de guerre et d’exil »).

Le numéro est illuminé par les sculptures aériennes de Magda Igyarto (photos prises par Bettina Berbier).

 

Poésie/première : Hors-série ; Numéro 91 (mai 2025)

La revue trentenaire de l’association éditrice éponyme présidée actuellement par Gérard Mottet, aussi responsable de la publication, avec Martine Morillon-Carreau comme rédactrice en chef, a sorti fin mars une belle édition hors-série ayant comme thème L’absence – La vulnérabilité, et comme objet de réunir cette fois des œuvres des membres actifs de l’association et du conseil de rédaction, qui se tiennent d’habitude dans l’ombre des pages. Nous lisons donc avec bonheur dans ce numéro d’exception des poèmes de : Marilyne Bertoncini, Michèle Duclos, Claude Garnier-Tardieu, Francis Gonnet, Marie-Line Jacquet, Pascal Mora, Martine Morillon-Carreau, Gérard Mottet, Jacqueline Persini, Édouard Pons, François Teyssandier, Dominique Zinenberg. La collection s’achève avec un texte poético-autobiographique d’Alain Duault, et est illustrée d’œuvres des poètes-artistes Laurent Noël, Colette Klein, René Chabrière, et Merc Bergère.

Le numéro 91, paru en mai, nous offre, sous le chapeau (plus ou moins prétextuel, tant il fait corps avec Dame Poésie) du thème Poésie et ambiguïté (voir le tour d’horizon des contributions dans l’édito de Martine Morillon-Carreau) un passionnant florilèges de réflexions, rêveries, études littéraires, essais et entretiens ou débats, concoctés par : Gérard Mottet (Dans les clairs obscurs du poème. L’ambiguïté), Samuel Bidaud (Les signes des arbres), Dominique Zinenberg (Les arcanes de l’ambiguïté), Élisabeth Beyrie-Soulassol, Bernard Grasset et Pascal Mora (sur l’éternelle question de la traduction de poésie), Pierre Perrin (extrait d’un essai à paraître), Sébastien Souhaité (sur Hélène Dorion), Rémi Madar (sur Charles Dobzynski), Jean-Louis Clarac (sur Alain Lacouchie), Dominique Zinenberg (dialogue avec Estelle Fenzy), et même un texte poétique venant à l’appui de l’esthétique (Jacque Clauzel, Éloge de l’ambiguïté).

Dans une rubrique adjacente, intitulée Courts-métrages, on savoure quelques proses (Martine Rouhart, Bleu cobalt ; Samuel Bidaud, Le passage).

Parmi les auteurs publiés aux deux rubriques dédiées à la création poétique, Moments poétiques et Poésie plurielle, mentionnons Brigitte Broc, Laurent Noël, Jane Angué, Parme Ceriset, Patrice Maltaverne, Sandrine Davin, Ara Alexandre Shishmanian.

Très émouvants et pleins d’enseignements sont les hommages regroupés vers la fin du numéro, pour quelques récents disparus : Jacques Roubaud (par Alain Duault), Jean-François Agostini (par Dominique Zinenberg), Jean-Luc Maxence (par Guy Allix et Pascal Mora).

De nombreuses notes de lecture, rédigées par les membres de l’association et/ou du comité de rédaction, closent le numéro ; mentionnons ici celles de Claude Garnier-Tardieu aux recueils de Catherine Andrieu (Des nouvelles de Léda ?) et d’Éric Chassefière (Garder vivante la flamme du poème).

Enfin, de très belles œuvres plastiques parsèment les pages du numéro, sous la signature de Marc Bergère, Annie Renaudot, Alain Lacouchie, Colette Klein, Roger Gonnet, et sur la 4e de couverture, Martine Morillon-Carreau, avec un extraordinaire collage anamorphique réalisé à partir des Ambassadeurs de Holbein le Jeune.

 

(Dana Shishmanian)

 

 

JANVIER – MARS 2025

 

Recueils / Revues

 

Recueils

Dans l’édition, le retour en grâce de la poésie

Porté par un engouement des lecteurs, ce tout petit secteur de l’édition a vu son chiffre d’affaires croître de 17 % en 2024 pour franchir le cap des 20 millions d’euros. Nicole Vulser dans Le Monde, 20 mars 2025

*

 

Les éditions Al Manar publient 3 livres de poésie sur la Palestine :

Nida Younis (direction), Palestine en éclats. Anthologie de poésie féminine palestinienne contemporaine (mars 2025, 256 p., 23 €)

Première anthologie de poésie palestinienne féminine contemporaine : un panorama quasi exhaustif de la poésie au féminin dans la Palestine éclatée que nous connaissons aujourd’hui : à Gaza, dans les territoires de l’intérieur, en Cisjordanie et dans le monde de la diaspora palestinienne. Traduction et présentation par Mohamed Kacimi.

Un livre très dense, riche, habité par une poésie dans laquelle résonnent les drames de cette terre, de ce peuple, ses espoirs également, son désir de paix. Accompagnement plastique de Colette Deblé.

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Salah Al Hamdani, Palestine je te chéris (février 2025, 40 p., 12 €)

« Yousif Naser, artiste peintre, et Salah Al Hamdani, poète, sont deux exilés de l’Irak depuis les années soixante-dix. Ils ont fui à la même époque la dictature du parti Baâth de Saddam Hussein. Ils ont l’un et l’autre été, à un moment de leur vie passée, engagés vis-à-vis du peuple palestinien.

Palestine je te chéris est une parole de réconfort et de reconnaissance, un soutien symbolique pour ce peuple qui subit depuis des mois les bombes, les assassinats par drones, les humiliations, les tortures, la famine organisée, l’extrême détresse, et en particulier celle des petits orphelins. Le monde entier est désormais spectateur de la bestialité́, du raffinement technologique et de l’hubris de ceux qui le détruisent. » (Isabelle Lagny)

Quelquefois
il faudrait fouetter la conscience des hommes je veux dire

ce qu’il reste des hommes

afin que tu te réveilles resplendissante toujours au rendez-vous

avec une lucidité́ transcendant ta souffrance

 

Kebir M. Ammi, Dessine-moi une Palestine heureuse (février 2025, 32 p., 12 €)

Un long poème de Kebir Ammi pour que la Palestine connaisse enfin la paix… Dessins et peinture de Ghassan Faidi. Édition bilingue français-arabe (traduction du français vers l’arabe : Noureddine Bousfiha).

Dessine des hommes et des femmes

Qui ne songent qu’à réinventer l’horizon de leur insouciance

Quand le jour s’achève

 

En rattrapage, à ce même sujet :

Gérard Mordillat, Gaza. Rafael de Surtis (octobre 2024, 56 p., 17 €), avec des dessins de Joe Sacco. Préface par Christophe Dauphin. Dessin de couverture par Ernest Pignon-Ernest.

La paix est la seule bataille qui vaille la peine d'être menée. Albert Camus

« Ce sont treize poèmes saisissants. Signés par Gérard Mordillat dans un recueil sobrement intitulé Gaza avec un dessin de couverture acéré d’Ernest Pignon-Ernest, préfacé par Christophe Dauphin et édité en exemplaires numérotés par les Éditions Rafael de Surtis. Pour Mordillat, la poésie n’est pas ornementale, et l’on prend comme un direct au cœur ces « poèmes d’intervention » qui disent la violence génocidaire du gouvernement d’extrême-droite israélien contre les Palestiniens de l’enclave depuis le 7 octobre 2023. (…) Pour Mordillat : "Israël, le peuple victime/Est devenu le peuple bourreau". (…)

Poète, romancier, cinéaste, essayiste, né en 1949, Mordillat renouvelle tous les outils de l’écriture pour témoigner du réel et s’insurger devant les crimes et les dévastations commis partout dans le monde. (…) Une voix nécessaire pour contrer l’indifférence et l’impuissance dans laquelle meurent jour après jour les Palestiniens, à Gaza ou en Cisjordanie. (…) Il n’a cessé de documenter le conflit israélo-palestinien qu’il couvre depuis trente ans — Palestine (1993, Rackam), Gaza 1956 (2010, Futuropolis), une enquête menée sur dix ans —, d’abord comme reporter puis comme bédéiste-reporter, renouvelant par sa rigueur et sa créativité la force de frappe de la BD. »

(Extraits de la présentation du recueil et de l’auteur par Marina Da Silva sur le site orientXXI.info).

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Les nouveautés des Éditions Arfuyen (janvier-mars 2025) :

Ilarie Voronca,  Souvenirs de la planète Terre (roman, Coll. Le Rouge & le Noir, 192 p., 17 €)

Dans sa préface, Nicolas Cavaillès, éditeur du volume Cioran dans la Pléiade et romancier chez Corti, salue en Voronca « ce génie symboliste et généreux, mû par une sollicitude sans borne » et, dans ce roman, sa « fausse naïveté conceptuelle et hallucinée qui, à chaque page, apporte des formules merveilleuses ».  

 

Roger Munier,  La Voix de l’érable – Opus incertum VII (Coll. Les Cahiers d'Arfuyen,  320 p., 22 €)

… Œuvre posthume, et conçue comme telle, puisque le propos de ce livre n’est nullement celui d’un journal ou de carnets intimes, mais cherche à atteindre ce qui fait l’essentiel de notre destinée de vivants, et qui est en réalité de nature « impersonnelle » : « Une autobiographie, mais qui ne serait faite que des moments impersonnels où l’être s’est senti traversé. » Œuvre totale, à la fois philosophique, spirituelle et poétique, qui ne peut se comparer à nulle autre dans l’histoire des littératures. (…)

Les éditions Arfuyen ont commencé de publier Roger Munier en volume dès 1980, l’année même où il commence à écrire son Opus incertum. À sa demande elles ont repris le flambeau de son édition en 2007 (Les Eaux profondes. Opus incertum V) lorsque Gallimard s’est retiré du projet.

À l’occasion de leur 50e anniversaire, les Éditions Arfuyen ont décidé de se lancer dans l’édition intégrale de la partie encore immergée de l’iceberg, de loin la plus importante et celle qui donne son sens à l’ensemble. Sous la direction conjointe de Jacques Munier et Gérard Pfister.

 

Dylan Thomas, L’Œuvre poétique II. Tout le soleil durant (Collection Neige, 360 p., 25 €)

Traduit de l’anglais et présenté par Hoa Hôï Vuong. Édition bilingue.

PRIX NELLY SACHS 2025 DE TRADUCTION LITTÉRAIRE

Né à Swansea sur la côte du pays de Galles, mort à 39 ans à New York, Dylan Thomas (1914-1953) est un de ces poètes météores dont l’œuvre intense et déroutante ne cesse de nous interroger. Les Éditions Arfuyen ont décidé de publier en deux gros volumes bilingues l’intégrale de cette œuvre réputée intraduisible. Le premier volume de L’Œuvre poétique de Dylan Thomas (1914-1953) a paru aux Éditions Arfuyen en février 2024. Avec ce second volume le lecteur français a maintenant accès à l’intégralité de cette œuvre, l’une des plus importantes et déroutantes de la poésie du XXe siècle. 

 

Pierre Dhainaut, Et pourtant. Suivi de suivi de Ajouter du noir, ou non et de Ce qui doit venir (Coll. Les Cahiers d'Arfuyen, 144 p., 15 €)

Et pourtant est le dixième recueil de Pierre Dhainaut que publient les Éditions Arfuyen, témoignage d’une profonde affinité et d’une relation privilégiée.

« L’air / demande / une aide, / les poèmes / parfois / l’exaucent. » Il n’est pas de meilleure image de la poésie de Dhainaut que cette large et généreuse respiration que donnent les immenses plages de la mer du Nord. Mais que faire quand l’air lui-même vient à manquer, quand lui-même appelle à l’aide ?

Pour éviter l’étouffement, le poète ne peut compter alors que sur les mots. Mais ce n’est que « parfois » que vient par eux « l’exaucement ». Le poète n’en sait que trop les limites : « Aucun mot ne nous a sauvés, quelques-uns / malgré tout persistent, palpitent. » Le poète est lucide, et pourtant, pourtant demeure convaincu que « seul un poème / rend l’inquiétude heureuse ».

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Catherine Bruneau, Illuminations d’hiver. Rafael de Surtis, mars 2024

Dans ces Illuminations d’hiver, d’une rare profondeur, Catherine Bruneau tente d’effacer toute dualité entre le corps et l’esprit, entre la compassion et l’intelligence. Si les vers semblent un peu classiques, ce n’est qu’une apparence : la langue poétique de ce recueil est inséparable d’une force aussi mélancolique qu’existentielle, questionnant son propre fondement jusque dans une modernité tout à fait actuelle. Peut-être l’affirmation du désir va-t-elle de pair ici avec l’exploration d’une nouvelle exaltation ? En tout cas, la sensibilité et la justesse semblent réconcilier invariablement les violents questionnements de la vie avec une forme de sagesse existentielle. Et cette élévation pourrait alors répondre à l’idéal d’une réconciliation avec le moi profond.

Bercer son corps comme on berce un enfant

Calmer ses propres peurs, ses douleurs lancinantes

Qui n’en finissent pas d’éroder la peau, les muscles, les os

Jusqu’à suspendre tout mouvement

(Paul Sanda)

 

Annie Le Brun, L’insistant désir de voir s’élargir l’horizon. Édition préparée par Rémy Ricordeau et Sylvain Tanquerel. Éditions L’Échappée (1er trim. 2025, 127 p., 13 €)

À l’heure où la vie et l’imaginaire tendent à se dissoudre dans les eaux froides du calcul égoïste, « transformer le monde » et « changer la vie », mots d’ordre de plusieurs générations de révoltés, sont aussi bien le point de départ que le point d’arrivée de l’itinéraire intellectuel et sensible d’Annie Le Brun, qui nous a récemment quittés. Ses livres, ses prises de position, ou ses nombreuses interventions sont abordés dans ce livre au travers de textes ou d’entretiens, peu connus ou inédits en français, qui témoignent tous de ce que sa vie aura été une dérive au long cours durant laquelle elle n’a cessé de miser sur la liberté des êtres, dans le désir toujours renouvelé de voir s'élargir l'horizon. Comment lui rendre meilleur hommage que de lui donner, encore une fois, la parole ?

Livre d’entretiens (2001, 2007, 2021, 2024) et une conférence (2021), avec à la fin une bibliographie complète de l’œuvre d’Annie Le Brun ; avant-propos par Rémy Ricordeau et Sylvain Tanquerel.

 

RUNES & RUINES. Les Cahiers des Poètes & Co., mars 2024 (14 €).

L’anthologie à laquelle contribuent 86 poètes et artistes, dirigée par Marilyne Bertoncini, est disponible en précommande; écrire à : embarquement.poetique@gmail.com: Merci à toutes et tous, et merci Jean-Michel Sananes à qui nous devons ce beau livre.

 

Faire courir le monde. Éditions Ad verba, mars 2025 (93 p., 14 €)

Pour leur première publication, les éditions Ad verba ont lancé un appel à textes à partir d’un corpus d’images : broderies de Christine Lumineau (inspirées par la tapisserie de Bayeux) et installations de Xavier Ribot. Là est la source. Le fleuve, ce sont les 389 textes poétiques écrits par 220 personnes, âgées de 13 à 79 ans.

Cet ouvrage contient la sélection des 38 poèmes retenus par le comité de lecture, avec un rappel des visuels en filigrane et sur les rabats.

Parmi les auteurs : Clément Cohen, Michel Herland, Stéphane Keruel, Bénédicte Montjoie…

 

Maggy de Coster – Sarah Mostrel, Poésie au gré des toiles. La Route de la Soie-éditions, mars 2025 (27 €).

Dans Poésie au gré des toiles, Maggy de Coster et Sarah Mostrel nous livrent une symphonie en deux dimensions : la poésie et la peinture s'entrelacent pour raconter le monde dans toute sa complexité. 

Chaque page résonne comme une invitation à explorer les profondeurs de l'âme humaine et à embrasser la beauté plurielle qui se cache dans l'ordinaire. 

Les poèmes de Maggy de Coster sont des éclats d'émotions posées sur les toiles de Sarah Mostrel. Ensemble, elles construisent un univers sensoriel et spirituel, oscillant entre la légèreté de l'espoir et la gravité de la condition humaine. 

Ce livre est bien plus qu'une œuvre artistique : c'est une expérience à vivre, un voyage introspectif où chaque lecteur trouvera sa propre résonance. Plongez dans cet univers où l'art transcende les mots et les formes pour toucher l'intime.

 

Patrice Perron, Instantanés. Des Sources et des Livres, février 2025 (64 p., 15 €)

Avec des illustrations de Marie Lemaire, Sophie Desvéronnières, Jean-Luc Guillemoto, Martine Rouat Pineau, Patrice Perron, ce recueil élégant, d’excellente tenue graphique, renferme des poèmes accrocheurs tels des instantanés photographiques dont l’espace pourtant semble s’échapper comme aspiré par une volonté de dépassement des limites :

Au-delà des contraintes

Du monde,

Plus haut que les pensées

Normalisées,

 

Être capable de se hisser

Plus haut

Que l’ordinaire annoncé.

Là,

Où nous pouvons être ensemble.

 

Patrice Perron, De retour de guerre. Éditions Sauvages (collection Askell), janvier 2025 (41 p., 10 €)

Des poèmes courts et poignants, accompagnés d’aquarelles de Martine Rouat Pineau.

« … quand il rentre chez lui, le soldat porte des marques, extérieures peut-être, mais intérieures, sûrement. Il a vu, et a peut-être commis, des choses abominables. Sa conscience peut se trouver perturbée. Il doit aussi affronter le regard des autres, ses voisins, amis, membres de sa famille. La vie ne sera plus jamais comme avant. » (4e de couverture)

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Les nouveautés d’Échappée Belle édition (collection de poésie Ouvre-Boîtes, janvier-février 2025) :

Iren Mihaylova, Depuis ma chère disparition (40 p., 10 €)

Depuis ma chère disparition commence à l’ombre de sa « chère disparition » : il est une lumière qui luit à travers les pas de celle qui rêve de retrouvailles, une lumière que la poète Iren Mihaylova veut « sauver » pour dessiner son chemin vers l’horizon natal et réécrire le refrain d’une perte : il y a cette main attachée aux souvenirs, à l’échelle du manque qui rêve de l’autre main, ce même chemin accroché aux « semelles de sa tempête » que le vent contient et dont la poète voudrait transformer le sens, un sens né du souffle coupé, une respiration de l’origine à réapprendre, un vent qui s’embrasse à deux.

Depuis ma chère disparition est une traversée vers, une vérité qui se raconte, une histoire d’énigmes et de repères autour de cet autre à apprivoiser, à retrouver. Sa nuit d’exil est un refuge confronté à l’ouverture du jour, une « chute-lumière » qui relève son « cœur-plafond ». Extrait de la préface, Damien Paisant, écrivain.

 

Philippe Minot, Le partir (52 p., 10 €)

Dans cette poésie, pas de reverdie : ni primevère jolie qui revit, ni lumière qui rejaillit. Ce départ n’est pas un nouveau départ. Nulle renaissance à venir dans la vieillesse qui étreint et étouffe, dans la séparation d’avec un monde qui s’efface.

Les jours s’enfuient, le jour baisse, le silence se fait, où ne s’entend plus qu’un murmure, dans un souffle dernier : Memento mori !

Un homme vieilli vacille vers l’oubli, hagard, anxieux, sous le regard tourmenté des siens.

(…) Ces haïkus, par leur concision et leur puissance d’évocation, portent la mémoire grave d’un quotidien usé qui perdure et qui s’effiloche, n’appelant plus que le néant. (…)

 

Valérie Poussard-Fournaison, Intérieur terre (72 p., 15 €)

Le recueil se compose de petits poèmes d’espace, constitués de hauts et de bas, d’entrées et de sorties, de dehors et de dedans : face aux menaces, il s’agit de se rassembler, de partir à la recherche d’un terrier. Des lignes horizontales et verticales dessinent le paysage d’une quête sans triomphe vers un refuge, un réduit de presque rien, qu’on aménage comme on peut dans l’espoir d’une note claire.

 

Laurence Lépine, Un premier soir au monde. Lettre à Paul Celan (72 p., 15 €)

Ces poèmes sont nés de deux rencontres - la même peut-être.

La première, il y a des années avec la poésie de Paul Celan - choc esthétique et profondément humain. Je me souviens combien cette phrase tentant de définir la poésie de Celan me troublait : écrire dans la langue des bourreaux. Je pensais : qui, quoi, hors la poésie parvient à faire cela ?

La deuxième rencontre s’est produite à Wiesbaden où j’étais accueillie à la Villa Clémentine pour une résidence poétique autour de la majestueuse figure d’Hildegarde de Bingen. Tel était mon projet lorsque ALCA aquitaine a retenu ma proposition.

C’était sans compter, lors d’une première visite de la ville, ma rencontre avec les pierres d’achoppements. Stolperstein en allemand. J’en ignorais alors l’existence. J’ai d’abord cru à une décoration au sol - des petits carrés dorés. J’ai pensé à Klimt. Puis j’ai lu : le nom, la date de l’arrestation, le lieu de déportation. Auschwitz pour la plupart.

Le choc fut si grand - une lettre/recueil de poèmes à Paul Celan s’est imposée à moi. Il y a longtemps que je voulais lui écrire. Me manquait peut-être jusque-là le lieu, le sol, la langue. La mémoire (ré)ouverte. Me manquait un premier soir au monde.

(Je n’ai jamais eu la force de visiter le petit musée juif de Wiesbaden. J’ai toujours eu peur d’y croiser, sur une photo, mon visage).

 

Luc Marsal, Les neiges éternelles (46 p., 10 €)

Luc Marsal traverse la vie comme on remonte un fleuve. À chaque pas, il observe, s’émeut, saisit l’instant et dépose des mots, fragments universels, qui scintillent au grand jour : ses « neiges éternelles ».

Des blessures de l’enfance jusqu’à la volonté farouche de vivre malgré les vents contraires, le poète trouve dans la poésie un exutoire pour sublimer et partager ce qui fait pour lui le sel de la vie.

Prix Jean Cocteau 2024 de la Société des Poètes Français.

*

Péric Bisseck, Idylles de Mayotte. L’œil de Chido. Cap de l’Étang Éditions (collection Plume d’ivoire n° 54), février 2025 (122 p., 24 €).

5 € versés par livre vendu pour les enfants sinistrés de Mayotte.

Idylles de Mayotte, L’œil de Chido est un recueil de poèmes qui explore l’intimité de Mayotte après le passage du cyclone du 14 décembre 2024. Des vers empreints de douleur, d’espoir et de résilience, témoignant de la souffrance des habitants, des efforts collectifs pour reconstruire et de l’injustice face aux grandes décisions politiques.

Alternant entre différents styles ‒ lyrique, satirique, classique, et prose poétique ‒ il traite de la lutte humaine, de la force de la nature, de la solidarité et du contraste entre le désastre et l’espoir d’un avenir reconstruit. C’est un appel à la reconnaissance de Mayotte, à l’action urgente et un hommage à la résilience humaine.

 

Houda Darwish, Cette femme que je suis. Éditions L’Harmattan, février 2025 (120 p., 16 €)

« La belle musicalité des vers de Houda Darwich invite à lire, à relire et à se laisser ainsi pénétrer par son message, par ses messages : la douleur de la guerre, l’immigration, la nation, la nostalgie, l’amour aussi et l’attachement à l’aimé.

Houda parle de la femme, de sa beauté, de son courage, de sa place et des revendications qu’elle porte, étouffée par le poids du conservatisme et des non-dits qu’on retrouve dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. Car c’est la femme qui nous chante son amour révolté, avec son lyrisme rebelle, de Damas à Beyrouth, de la Palestine à l’Algérie. »
Felix Boulé - Radio Laser

 

Henrieta Serban, Mise-en-abîme. Éditions L’Harmattan, février 2025 (80 p., 12 €)

« Ce recueil de poésies est un témoin sensible et surprenant de la profondeur d’âme et d’esprit de l’autrice. Cette fois-ci, par la voie de la beauté, du beau révélé dans les moindres détails composant le tout qui nous entoure, la voie de l’émotion pesée et forte issue des mots choisis pour décrire et expliquer le monde.

L’expression est simple mais riche dans ses poésies. Sans exagérations, sans ambition consciente de forcer les mots et les pensées qui sont à leur origine ; il s’agit d’un regard simple, honnête et profond sur le monde, tel qu’il peut être perçu par les sens et connu par l’esprit. Il s’agit d’un travail d’explorateur/d’exploratrice qui a commencé juste pour prendre la force de continuer. » (Préface de Ruxandra Iordache)

 

Agnes Adda, Telle quelle, l'émotion de le dire. Éditions Unicité, février 2025 (120 p., 14 €).

L’inspiration est un chemin et les poèmes d’Agnès Adda sont autant de perles semées sur des sentiers sensibles et nombreux. Perles de pluie, perles de nacre, de rosée, toutes mêlent leur sensorialité vers un seul et même lieu : l’émotion.

L’arrière-saison

En une nuit

Elle insuffle sa présence.

Au promeneur attentif

Le hasard dévoile aussi

Telle demeure secrète

Un havre au-delà des pins

Qu’échevelle un coup de vent

Comme un îlot rêvé avec certitude

- Atlantide.

 

Catherine Andrieu, Si loin que l’oiseau. Éditions du Petit Pavé, février 2025 (57 p., 10 €). In memoriam Daniel Brochard (1974-2023)

Si loin que l’oiseau, plus qu’un livre d’hommage, est un livre d’orages. Il rend la vérité d’une relation complexe entre deux êtres inadaptés et épris d’absolu – l’un comme l’autre failles affamées d’ailleurs, béances de l’esprit ouvertes aux grandes traverses déroutantes de l’imaginaire.

L’entrechoquement des sentiments contradictoires, le chaos émotionnel, est la loi de cette relation. L’amour et la haine, bien sûr (dès le premier poème, qui donne la note de tout le recueil, et dans lequel les calembours crachent leurs sarcasmes désespérés) – et leurs nuances : tendresse, tristesse, attentes et espérances, désespoirs, ironie cinglante, douceur des souvenirs, compréhension, incompréhension, inquiétude, impatiences, appels et supplications, sentiment de proximité, effroi de la perte, reproches, accusations…

Catherine Andrieu est un esprit particulièrement lucide – quant à autrui, et quant à soi. Si pourtant l’exaspère, et l’excède et l’égare, le chaos émotionnel, c’est sans la diviser : car sa conscience réflexive sait la réunir à elle-même, par un détour qui la recentre. Ainsi, dans son art, dans sa poésie – comme peut-être dans tout Art, toute Poésie qui franchit les portes de corne et d’ivoire –, le chaos se révèle-t-il régime transcendant de la lucidité.

Si loin que l’oiseau est une œuvre de haute vérité, poétique et humaine. (J.H.)

 

Catherine Andrieu, Au-delà du dernier rivage. Rafael de Surtis, janvier 2025 (70 p., 19 €)

Au-delà du dernier rivage invite à une traversée littéraire au cœur des liminalités : le lecteur est convié à franchir des seils entre le visible et l’invisible, le réel et l’imaginaire, l’éphémère et l’éternel. Ce voyage, à la fois intérieur et onirique, s’inscrit dans une dynamique de quête existentielle, où la poésie devient un espace de résonnance intime avec les grandes interrogations humaines. (4e de couverture)

 

Domi Bergougnoux, La chanson à deux bouches. Éditions du Cygne, janvier 2025 (95 p., 15 €)

Ce recueil est dédié aux amours, il rassemble des poèmes écrits tout au long de ma vie. Chaque amour impose son paysage, sa chanson, ses couleurs.

Oui, en effet, on dirait qu’on a affaire à des poèmes d’amour, imbus de sensualité voire par endroits intensément érotiques. Et pourtant tout n’est qu’évocation, souvenir ranimé en paroles, recréation… par-dessus le vide qui tout en s’infiltrant et prenant progressivement la place de la vie, fait aussi circuler les mots et vivre le poème.

Alors j’écris encore

l’absence sous les glaces

le ciel à la fenêtre

l’eau en cage derrière les yeux

la délivrance des mots

leur parfum de fleurs tombées

dans le buvard de la nuit

 

(…)

 

Ça vient d’en bas

d’en haut

fluide entre eux

 

Juste la musique de la voix sans les mots

et l’espace enjambe le langage dans la bouche

 

Martine Rouhart, La nuit ne dort jamais. Éditions du Cygne, janvier 2025 (60 p., 12 €)

Ce que la nuit noue et dénoue au fond de nous. Elle vient, vit sa vie, on la traverse, aboutissement ou commencement...

Toutes ces lumières

venues d’ailleurs

qui s’ouvrent

sous nos paupières

quand nous couchons

notre fatigue

entre les draps

 

Françoise Urban-Menninger, La mémoire poétique. Éditions Asterion, janvier 2025 (105 p., 10 €)

Peut-on donner une définition de la poésie ? Eugène Guillevic en dit qu’elle est « autre chose » et Milan Kundera l’appréhende dans ce qu’il nomme « la mémoire poétique ».

Françoise Urban-Menninger transcende ces approches pour égrener sa petite musique de l’âme dont les vers lumineux et épurés nous éclairent.

le ciel est laiteux

avec une pointe de bleu

dans laquelle je trempe

l’eau de mes songes

 

je nage à l’envers

la tête dans l’azur

le corps immergé

dans ma rémanence

 

Dominique Marbeau, Noces de cendre - Chemin d’azur. Éditions L’Harmattan, janvier 2025 (108 p., 13 €).

Un volcan s’est éteint. Des oiseaux tombent à terre les uns après les autres. Ne restent que des cendres, métaphore de la fin d’une immense passion. Devant ce spectacle désolant, celui qui déborde de sensibilité n’a qu’un recours, la Poésie pour vivre. Avec des images fortes le poème devient une libération. Et peu à peu dans l’errance de sa douleur, le poète sent naître un autre amour ; l’amour des mots, de la création poétique qui demande tant de sacrifices et d’humilité pour toucher un peu la beauté du monde, « cette eau sacrée qui coule dans les choses » (Yves Bonnefoy). Fort justement, Gilles Lades déclare à propos de ce recueil : « De poèmes-bilans en poèmes-ouvertures, Dominique Marbeau dessine un chemin. Il l’a taillé dans la chair de sa vie, dans la frémissante argile de l’inspiration, dans les flots contraires d’une longue tempête. Retenons-en l’exemplarité émouvante et salutaire. »

 

Daniel Rivel, Solitudes des mondes rétrécis, suivi de Ukraine, mars 2022. Éditions L’Harmattan (collection Accent tonique), janvier 2025 (65 p., 11 €).

L’auteur a longtemps milité au sein de mouvements non-violents et continue aujourd’hui de s’impliquer dans des associations humanistes et de solidarité, comme un espoir de pouvoir apporter une petite pierre à l’édifice du monde.

Ce recueil rassemble des textes issus de ses révoltes et de ses questionnements, avec l’envie de répandre une certaine idée de la dignité et poser la question de la fraternité.

ce monde de déchirures

plaies profondes qu’ils voudraient guérir par le garrot

des frontières

dans l’ombre et le brouillard qu’ils projettent

de ce trait diviseur qu’il naisse de nouveaux départs

un espace du risque de l’autre

paroles partagées

mains à serrer

corps à embrasser

 

Crestiane Chatuant, À mes larmes et l’espérance. Éditions Jets d’encre, décembre 2024 (40 p., 13 €).

Malgré le temps qui passe, le passé et les regrets reviennent comme des fantômes, laissant derrière eux des cicatrices que le temps ne parvient jamais à effacer.
Au cœur de ce recueil de poèmes, Crestiane Chatuant expose ses pensées dans toute leur complexité. Derrière chaque mot se trouve une quête incessante de sens, une lutte contre les ombres qui hantent l’âme. Les liens familiaux, le poids des souvenirs, la culpabilité et le désir s’y entremêlent pour révéler les faces obscures de ses émotions les plus profondes. Un recueil de poèmes qui explore, avec intensité et gravité, les tourments de l’amour, du désir, de la culpabilité et des souvenirs qui marquent à jamais l’âme.

Démon… Démon,

Si je n’arrive pas à demander pardon pour ma désobéissance,

Lis au fond de mon âme et tu comprendras mon irrespect.

Enfant de l’enfer,

Je ne pourrai pas me soumettre à tes disciples tant que ma vengeance ne sera pas résolue.

 

(Dana Shishmanian)

***

 

Les éditions Encres Vives ont publié au 1er trimestre 2025 :

 

Catherine Bruneau, Embrasser (n° 544)

Dans cet ensemble de poèmes, l’auteure explore librement ses rapports au monde, la nature comme les êtres et objets qu’elle croise sur son chemin, réel ou rêvé. Les rencontres sont l’objet de courtes scénettes où elle recherche chaque fois le merveilleux pour contrer la peur de voir la vie s’effacer dans l’instant. Sans relâche, dans sa marche à travers le monde, elle traque le moindre frémissement qui peut appeler le rêve et l’espoir.

 

Georges Cathalo, On aura (n° 545)

on aura donné

sans avoir reçu

mais aussi à parts égales

reçu sans avoir donné

 

on aura réchauffé

ses mains et ses pieds

à des flammes sans feu

 

on aura plongé

dans le ventre chaud

du futur immédiat

 

Nicolas Rouzet, Une vie plus vraie que la mienne (n° 546)

Dans la lumière méditerranéenne, un homme se penche sur une fontaine à l’heure de midi. Lui reviennent images et souvenirs de son enfance dans une ville du Nord.

Le thème du vertige y est récurrent : l’enfant suspendu au bord du vide par ses frères, les bibelots de sa mère qu’il jette par-dessus le balcon, la figure d’une acrobate…

L’enfant se refuse à parler. Parler ne serait-ce pas quitter de façon vertigineuse la communion immédiate avec les êtres et les choses ?

 

Jacques Merceron, Ombrageuses fratries (n° 547)

Jamais hors du crible des mots

Pas d’autre farine à bluter

Que ces épis et grains enracinés dans le réel

Barbes et globules impavides

Renfrognés

 

Pas d’autre lucarne pour voir

Sentir            palper        en proche ou lointain

 

Pas d’autre soupirail à agripper

Que ces mailles

En pelures de mots

 

Patrick Devaux, Le silence des oyats (collection Lieu, n° 410)

Le poème est-il, avec la mer, à la recherche des mots perdus entre sable et cabines de plage ?

Est-ce dans « l’inachevé des oublis » que se révèle un lieu entre dunes de sable et oyats, ces plantes ensablées luttant en autant de mouvements silencieux pérennisant, avec le vent, rêves et souvenirs ?

Chacun aura une réponse à ses propres cheminements entre réalités et fantasmes marins avec peut-être, comme disait le Grand Jacques, les « vagues de dunes pour arrêter les vagues ».

 

Joseph Ramonéda, Cités du monde (collection Lieu, n° 411)

Voyager à travers le Monde et plus particulièrement à travers les cités du Monde, c’est bien sûr voir des lieux, découvrir des monuments, partir à la recherche d’émotions mais c’est surtout rencontrer des gens et leurs histoires.

Ce recueil est donc une invitation à la rencontre bienveillante et au partage avec l’Autre, cet Autre qui est une part de nous-mêmes et qui nous renvoie à qui nous sommes.

 

Luc Monnin, Ma citadelle (collection Lieu, n° 412)

J’écris depuis 1985, dans le sillage de collègues professeurs, dont un spécialiste de Montaigne, devenu professeur de faculté.

J’écris surtout sur la citadelle médiévale de Pesmes dans laquelle j’ai gravi tant d’escaliers, accompagné tant de copains (« les copains d’abord »), envié tant de Pesmois qui savaient siffler. J’étais l’étudiant mais, eux, savaient siffler et escalader le lierre.

Pour moi « écrire, c’est vivre »

 

Augustin Maller, Carnet de voyages (collection Lieu, n° 413)

Entre naissance et renaissance, Augustin Maller invite les sens à découvrir son premier voyage en Kabylie. Un recueil presque naturaliste qui amène à poser son cœur au milieu de la montagne et respirer la nature solaire de ce petit bout d’Algérie.

 

Dominique Caux, Chemin d’écume (collection Lieu, n° 414)

Monologue poétique sur Loango (Congo-Brazzaville), le texte est un souvenir de voyage et un hommage à un haut lieu de mémoire de la traite négrière en Afrique centrale. Menacé par des chantiers pétroliers et le réchauffement climatique qui érodent les côtes, Loango lutte contre sa disparition.

L’évocation du lieu est plurielle.

L’allée des manguiers, dite « allée des esclaves », le village des pêcheurs et son quotidien, l’évocation des flots, la présence de la mémoire orale teintée d’animisme sont autant d’éléments du poème pour rendre hommage à un lieu de mémoire, vestige précieux d’un autre temps. Le poème, la poésie ont cette vocation de témoigner de la trace et du silence qui entourent désormais cette plage du Congo, de son mystère et de son histoire.

 

Jacquy Gil, Au plus près du jour (collection Encres Blanches, n° 833)

Ouvrir un livre...

Ne point résister à la fuite, laisser fuguer les yeux sur le relief des lettres, puis emprunter une phrase comme on emprunte un sentier de montagne, ignorant tout de sa destination. Penser seulement au silence, à la beauté des cimes, au bonheur d’arpenter l’inconnu.

Y trouver quelque refuge, un monde où se retrouver avec soi-même, inaccessible aux voleurs de temps, aux tortionnaires de l’âme.

Aller au cœur de l’action, pénétrer son histoire, se laisser emmener par ses mots, habiter ses personnages. Et vivre enfin ! Une heure, une minute, une seconde... un bref instant.

 

Philippe Minot, Terreaux (collection Encres Blanches, n° 834)

La silve, forêt primaire, vierge, sauvage, tandis que s’effondrent nos civilisations urbaines sophistiquées et financiarisées, reste fréquentée, pour qui s’y aventure, d’antiques esprits sylvestres, nymphes, faunes et fées….

Dans une selve de haïkus buissonnants, de baliveau en taillis, de souche en fût, s’arpentent ici les bois et les sous-bois, et notre façon de les hanter pour nous y enraciner.

ramure en dormance

intense attente en humus

du germe en latence

 

Gérard Le Goff, Aires de vent (collection Encres Blanches, n° 835)

La rose des vents inscrit dans l’espace sa corolle losangée. Ses pétales aigus s’élancent tous azimuts. Quatre composent une croix cardinale. Intégrée au compas magnétique, cette fleur des cieux se subdivise en trente-deux aires de vent nommées aussi rhumbs. Chaque aire de vent ou rhumb est une subdivision constitutive du tour d’horizon qui indique la direction d’un vent en référence aux pôles, au levant et au ponant. Un vrai navigateur sait toutes les routes de tous les vents.

 

Catherine Andrieu, Un bain d’étoile (collection Encres Blanches, n° 836)

C’est l’histoire d’un trou-matisme. C’est un livre que j’aurais préféré ne jamais écrire. C’est le livre de la vie vivante, c’est-à-dire aussi de la mort...

 

Gérard Leyzieux, Évasive valise (collection Encres Blanches, n° 837)

Une fois ouverte, de la valise retrouvée au grenier s’envolent les souvenirs de la vie d’avant… Les objets hétéroclites d’une jeunesse futile surgissent de l’oubli et investissent l’avenir d’un passé qui fut mais qui a été fui. Comment réagir face à cette matière mémorielle emplie de vide ? Comment, derrière les bibelots vieillis réunis ici, accueillir ces voix, ces encres, ces échos « révélateurs d’un creuset existentiel » ?

 

Hervé Lapillonne, L’attente en filigrane (collection Encres Blanches, n° 838)

Les ans s’accumulent. De printemps en hiver. D’ombres et de lumières, si tant est qu’elles soient parfois trompeuses. Peut-on vraiment s’y fier, n’est-on pas parfois victimes de leurres ? Comme le vrai et le faux qui prennent souvent malin plaisir à nous tromper… C’est peut-être le bout du chemin qui arrive. Alors, on s’essaie à plus d’humilité. On écoute plutôt que céder à la parole facile. On attend. La nature semble parler : le vent, les arbres, les fleurs… Comme pour nous accompagner mais, là encore, les voix sont-elles bien réelles ou est-ce une illusion qui se joue de nous ? Ces voix qu’on ne peut ni attendre ni susciter car « elles viennent toujours par surprise ». Peut-être, au bout, un retour à la maison.

*

Patrick Lepetit, Liberté d’Oiseau. Éditions Sémaphore (Quimperlé), collection Arcane, février 2025 (71 p., 13 €).

Dans les nuées, au plus près des limites,Patrick Lepetit nous aimante à l'amplitude de cette liberté d'oiseau, celle qui transcende, ouvre à des dimensions au-delà des contingences. Cette liberté-là, nous indique le poète, consiste à « sublimer la réalité au-delà du raisonnable. » L'homme en quête d'un espace ouvert y atteint un haut niveau de perception.

 

Jean Azarel, Le chant des au revoir (pour Joan Baez), Atelier du Hanneton, février 2025 (20 p., 8 €)

Poèmes écrits en hommage à Joan Baez, dans le cadre du Festival de la Parole Poétique Sémaphore 2025 (20e édition).

 

Jean-Yves Rezeau, Anthologie « Esprit de résistance, L’année poétique : 118 poètes d’aujourd’hui », Éditions Seghers, janvier 2025 (395 p., 20 €).

L'Année poétique propose un rendez-vous annuel aux passionnés de poésie. Elle redonne vie à une collection des éditions Seghers restée mythique pour tout amateur du genre.

Sous le thème « Esprit de résistance », cette anthologie réunit 118 auteurs qui ont marqué une année de création poétique dans la francophonie. Des poètes consacrés et de nouvelles voix qui viennent de France, de Belgique, du Luxembourg, du Québec ou de Suisse, ou encore de Guinée, d'Haïti, du Liban, du Maroc, de Roumanie ou de Djibouti, pour ceux qui ont choisi d'écrire en français.

Elle présente ainsi un large panorama de l'actualité poétique avec une foison de textes inédits, étonnants par leur diversité de ton et de forme. Tous résistent aux convenances et aux discours dominants, à l'impérialisme du sens, à une ère de cynisme et de médiocrité sublimée, pour s'insurger contre l'état du monde. Puisque la poésie, « substance de vie » et lieu de remise enjeu permanente de la langue, est stratégie de résistance en soi.

 

Jacqueline Saint-Jean, À Versenvers. Éditions Sémaphore (Quimperlé), collection Arcane, décembre 2024 (37 p., 11 €).

En ce violet crépusculaire vibre

un nostalgique solo de saxophone

qui relie les solitudes éparses.

 

Puis la nuit roule sur Versenvers

son énergie noire et ses palpitations

stellaires.

 

Seul au loin pulse encore, vital,

l'appel lumineux du grand

Sémaphore de nos odyssées.

 

Jean-Paul Le Bihan, Quelques Nouvelles du Monde. Éditions Sémaphore (Quimperlé), collection Cahier Nomade, décembre 2024 (85 p., 13 €).

Cette ombre qui ricane déjà dans notre dos

Cette ombre qui nous tint

Au mur des condamnés, en conscience d'Abel

Remet sa vie entre nos mains

 

Elle nous accompagna

Du premier jour jusqu'à l'ultime

Ignorant qu'elle traçait sa mémoire

Même aux jours sans soleil

 

(Eric Chassefière)

 

Revues

Les Amis de Thalie, 1er trimestre (n° 123 – Mars 2025)

La belle revue trimestrielle dirigée par Nathalie Lescop-Boeswillwald se présente à nouveau sous une splendide forme graphique : papier de très bonne qualité, mise en page professionnelle, illustrations subtiles, un impressionnant dossier (réalisé par Michel Bénard) sur l’artiste Hélène Morel, avec la reproduction de ses vitraux évoquant la « résurgence de Notre Dame de Paris ».

Dans les proses, impossible de ne pas succomber au charme du récit mi-fantastique L’orgue du diable, de Roland Mercadal. Dans les essais et critiques, nous retiennent surtout un beau texte sur La Béatrice du Dante par Pierre Mironer, le bouleversant article Les détails de l’Histoire de Jean Moraisin (« L’Histoire ne ment pas pourvu qu’on ne la déforme pas en la maquillant aux traits du visage de la haine et parfois jusqu’au mensonge d’État »), les chroniques de Jeanne Champel Grenier sur Révélations, poèmes d Thierry Sajat, et L’ours et l’oursin, fables d’Olivier Dessibourg, la poignante évocation Victor Hugo et Léopoldine, par Michel Bénard, le passionnant dossier De la bohème montmartroise à la retraite contemplative : Max Jacob et Pierre Reverdy, par Pierre Guérande, et les notes de lecture de Nathalie Lescop-Boeswillwald (dont sur les revues Poésie sur Seine, Florilège, L’agora, Art et poésie de Touraine).

En lisant les poètes qui enchantent ce numéro, nous citerons quelques vers qui nous ont semblé emblématiques de la poésie d’aujourd’hui, ancrée dans un monde en crise et recherchant des sources de revirement humain et spirituel :

Prince des mots, mais sans tracas, / Pense au poète qui m’inspire / De la grâce et des falbalas… / Puisque sa vie il sut sourire. (Robert Parron, Ballade au poète ignoré)

Dompter le réel / En dessinant d’une main ferme des lignes sinueuses / Qui dansent entre les espoirs déçus (Sandra Le Penven, Le grand départ)

L’apparence du vide / Avalanche d’ivresse et de nausée / Fiel de la terre fiévreuse / Déplie le sommeil rose sur les galets blancs / Porte nos silences dans l’intervalle d’un poème renversé. (Moïse Coussement, La décadence)

l'anneau de fer mate le pied / le collier donne forme au cou – / de quel revers naîtra l’espoir / d’oser un jour les déposer (Soledad Lida)

… le cri muet de la foule monte vers le ciel comme une montagne aliénée et maudite · le sang absurde brille dans le labyrinthe céleste · les veines jaunes couvrent le miroir de leur coupable lâcheté (…) rien ne peut être lu – et pourtant hélas ! tout peut être compris (…) des bouches démentes à travers lesquelles le rien semble parler (Ara Alexandre Shishmanian, la mort témoigne)

Nous ne voulons plus de patrons (…) parce qu’ils volent, ils piétinent infatigablement / parce qu’ils tuent, ils tuent / sous tout ciel jour et nuit (Ferrucio Brugnaro)

…Mais le désert avance / Le monde entier / A perdu sa luminescence. / L’eau évaporée a perdu / Sa transparence. / Mais nous, enfants du feu / On cherche encore un peu d’espérance. (Aude Gorce)

L’éditorial de ce numéro nous touche tout particulièrement : Nathalie nous fait part du combat contre la maladie, engagé par Christian Boeswillwald, « rédacteur technique et compagnon fidèle en terre-poésie et humaine » – et nous souhaitons à tous les deux beaucoup de courage et de patience pour traverser cette lourde épreuve. Aussi, bon vent à la revue, qui poursuit sa route – et si elle passe en format numérique, nous l’aimerons autant !

 

Diérèse n°s 91 & 92

La consistante revue trimestrielle de Daniel Martinez (env. 320 pages par numéro), qui fête cette année ses 28 ans d’existence (voir l’historique de ses éditions sur le site de La poéthèque), nous fait découvrir en son numéro 91 (automne 2024), au volet Poésies du monde, des poèmes en version bilingue de Teresa Soto (traduction de l’espagnol : Max Alhau), Peter Härtling (présentation et traduction de l’allemand par Joël Vincent), Nuno Júdice (présentation et traductions du portugais par Jean-Paul Bota), Stamatis Polemakis (présentation et traduction du grec par Raymond Farina). Sous cette même rubrique, le numéro 92 (hiver 2024) nous procure le plaisir de continuer la découverte du poète portugais Nuno Júdice, disparu il y a tout jute un an (dans la traduction de Jean-Paul Bota), auquel s’ajoutent : José Manuel de Vasconcelos (traduit du portugais par Cecilia Basilio), Reiner Kunze, pour le domaine allemand (présenté et traduit par Joël Vincent), et enfin le poète français Alain Fabre-Catalan (traduit en italien par Elisa Bartolini).

La revue nous présente ensuite plusieurs « cahiers » de poésie, une section de Proses, un section Journaux, et deux sections (Focus, et Bonnes feuilles) dédiées toutes les deux aux chroniques et notes de lecture.

Une bonne vingtaine de poètes occupe les pages des 3 cahiers du numéro 91, dont nous retenons tout particulièrement : Jean Ancet, Christian Viguié, Pierre Dhainaut, Marc Alyn, Gérard Bocholier, Michel Passelergue, Daniel Martinez, Claude Albarède, Alain Brissiaud, Jean-Paul Bota, Mathiar Lair, Richard Roos-Weil, Guillaume de Pracomptal. Des 2 cahiers de poésie du numéro 92, nous retenons Max Alhau, Béatrice Pallier, Isabelle Lévesque & Pierre Dhainaut, Alain Fabre-Catalan, Mathieu Hilfiger, Christian Degoutte, Michel Diaz, et à nouveau, Daniel Martinez et Jean-Paul Bota.

Au-delà de la grande diversité des écritures et des styles, on perçoit à travers les meilleures pages de poésie de ces deux éditions successives comme un frisson de sacralité cathartique issue d’une prise immédiate avec le corps, la souffrance, l’angoisse, l’horreur, les désastres présents ou à venir, dont la parole poétique se fait l’oracle. Qu’il nous soit permis de cueillir quelques vers, un peu au hasard, pour illustrer ce sentiment de lecture :

Vous voyez venir ce que vous ne voulez pas voir. Vous voyer le feu brutal dans le déclin de l’ombre. (…)

Et qu’entendez-vous que vous ne voulez pas entendre ? Quels cris qui ne sont pas d’oiseaux,

Quels hurlements en pleine lumière dans le fracas et la poussière ? (…)

Le froid revient, vous en êtes sûrs. Des morceaux de ciel se brisent

Sur des têtes errantes, et ce que vous voyez tomber ce ne sont pas des feuilles

Mais des yeux et des mains. (…)

 

Mais qui pourrait vous voir dans cette clarté cendreuse, qui

Vous entendre dans ce froissement interminable, qui

Vous atteindre de ce toucher humide qui laisse sur la peau une trace luisante ? (…)

 

Tout a basculé, le froid vous a saisi, quelque chose comme du givre traverse les couleurs (…)

Vous savez qu’à chaque instant tout bascule, que le monde n’est plus le monde mais ce chaos

Où la douleur appelle, vous l’entendez, mais vous redites comment, comment quitter cette beauté

Son désespoir de feu avec vos mains tendues qui ne sentent rien d’autre que ce qu’elles ne touchent pas ?

Jacques Ancet (inédit, numéro 91)

 

… nous qui ne sommes ni rivière / ni jupe ni feuillage ni oiseaux / comment savoir si nos mots / enlèvent ou ajoutent quelque chose au monde ? / Comment savoir si nos mots débordent / ou suivent avec paresse le courant noueux de la rivière ? / Et sont-ils comme nous un début d’aurore / ou une combinaison du fini ?

 Christian Viguié (numéro 91)

 

… ce feu n’a rien d’hostile, / le feu en profondeur du poème : / écrire, tout l’art consiste à l’en extraire, / à ne pas tomber dans la chute, / qu’elle dure un instant, l’éternité.

Pierre Dhainaut (numéro 91)

 

Le Verbe – mon pays natal / au goût de maïs grillé – / respirait en moi / à contre-silence / fébrile mais tenace / dégagé de la machine à tambour du temps. / Vague après vague / je me laissais porter vers le large / insubstantiel / et véhément.

Marc Alyn (numéro 91)

 

Vous qui revenez de la neige / et sur la porte vous ébrouez / du vent blanc et du froid, / comment était le doute dans l’entrelacs des bois morts ? (…)

Comment était le doute quand vous marchiez sur la blancheur / et, farouchement, la profaniez ?

Claude Albarède (inédit, numéro 91)

 

Ton ombre désavoue la nuit / quoi qu’on en pense. / Elle t’entraîne à l’extrême d’une route / dont l’infini est le nom.

Ne perds pas ton ombre : / tu ne saurais la retrouver / dans le désordre des jours / et de l’inclémence des hommes.

Max Alhau (inédit, numéro 92)

 

… ses mains à lui au musicien / illuminent ce qui reste de noirceur / embellissent les indices / d’une prise de possession du monde / par la musique des sphères / toute une gamme de gestes simples / condensant les veloutes sonores

Des forces croissent indivises / une volonté inconnue change d’expression / librement hardiment / éclate la Délivrance

Daniel Martinez (numéro 92)

 

fallait-il croire qu’un ordre très subtil, aux très obscures lois, présidait dans sa sombre grandeur à l’harmonie du monde, en sachant que tout près ou aux frontières proches, ou sur quelque autre continent, mûrissent d’effroyables massacres ?

ou plutôt faudrait-il penser que tout n’est qu’asservi à un mouvement illogique où les cris noirs des goélands ouvrent des brèches dans la mer, où les forêts accouchent de déserts tapissés de silice et de quartz, et qu’héritiers d’un vacillant passé, perdus à mi-genèse, ayant dilapidé notre archaïque part de feu, nous sommes de perpétuels mutants, arrogants bâtisseurs de ruines, enivrés par le bruit de la mort violente et l’odeur d’orgasme du crime ?

Michel Diaz (inédit, numéro 92)

D’ailleurs les éditoriaux, signés par Jean-Louis Bernard pour le numéro 91 (La part du réel en poésie), et par Gabriel Zimmermann pour le numéro 92 (Quels sont les enjeux, théoriques et réels, de la poésie de nos jours ?), relançant au fond la sempiternelle question, posée pour la première fois par Platon dans Ion, de ce qu’est la poésie, réaffirment la vocation du poète non pas de « reconstituer » ou d’« englober » le réel, mais de créer par l’imaginaire même un réel génuine « dont nous habitons les fissures » et qui « participe de notre vision globale du chaos » (nous dit Jean-Louis Bernard, en citant Novalis : « Il faut que le chaos brille dans chaque poème »). Or le poète ne peut, ne doit pas éviter l’expression du « je » poétique face au monde d’aujourd’hui, où « la démagogie, l’agressivité politique, la parole ordurière sont plus rentables qu’argumenter avec respect, rigueur et nuance », ni aller dans la pudeur et la neutralisation du « je » jusqu’à « occulter les horreurs contemporaines » : il faut « rappeler l’origine ignée du langage poétique, la part d’incandescence et de déflagration qu’il porte en lui » et « exhumer le souffle natif de la poésie dont, à l’Antiquité, les premières œuvres racontent les exploits de personnages ardents, en quête de dépasser leur condition de mortels » ; un nouvel optimisme « comme dynamique créatrice » et « disponibilité exclusive à l’instant » est ainsi attendu (nous dit Gabriel Zimmermann, en invoquant « cet état que Philippe Jaccottet désigne par "accueillance" »).

Quant aux nombreuses chroniques à des recueils de poésie, nous citons, parmi les auteurs recensés : Angèle Paoli (par Pierre Dhainaut), Zéno Bianu (par Bruno Sourdin), Jacques Robinet (par Gérard Bocholier et Bernard Pignero), Evelyne Morin (par Jean-Louis Bernard), Gilles Lades (par Michel Diaz), Guy Goffette (par Gabriel Zimmermann), Max Alhau (par Gilles Lades), Max Alhau & Michel Lamart (par Éric Chassefière), Béatrice Pailler (par Éric Barbier), au numéro 91 ; Isabelle Lévesque (par Pierre Dhainaut), Michel Diaz (par Marie Claude San Juan), Gabriel Zimmermann (par Chantal Danjou), Marie Alloy et Danièle Corre (par Jean-Louis Bernard), Ara Alexandre Shishmanian (par Éric Chassefière, pour son « épopée lyrique » La létale de la lune), Béatrice Pailler (par Michel Lamart), Jean-Pierre Otte, Éric Chassefière, Marie-Hélène Prouteau, et Éric Barbier (par Michel Diaz), l’anthologie Resistir par Rocio Duràn Barba (par Bernard Fournier), Guénane Cade et Yvon Le Men (par Pierre Tanguy), Charles Akopian (par Éric Barbier).

De très belles aquarelles (de divers artistes) illustrent les numéros de cette revue foisonnante.

 

Traversées n° 109 (2025 – 1)

L’élégante revue dirigée par Patrice Breno et éditée à Virton (Belgique), sur du papier glacé avec un graphisme exquis, regroupe en ce numéro des textes de nombreux poètes francophones contemporains dont Claude Vancour, François Teyssandier, Christian Sapin, Martine Rouhart, Christophe Pineau-Thierry, Béatrice Pailler, Iren Mihaylova, Olivier Lechat, Jean Maison, Michel Guéneau, Maureen Boyle, Margaux Francisco, Jean-Marc Feldman, Sophie Djorkaeff, Muriel Carminati, Serge Brédart, Alexis Bottemer, Xavier Bordes, Nicolas Boldych, Patrice Blanc, Horia Badescu, Catherine Andrieu. Les accompagnent de belles reproductions d’œuvres picturales, photos ou dessins, dues à Dominique Linel, Isabelle Le Toullec, Christophe Pineau-Thierry, Cédric Hamelin.

Et pour encourager les auteurs, les lecteurs, les critiques à fréquenter les revues littéraires voire à en créer – fabuleuse aventure sinon vocation irrépressible qui s’étend parfois sur la durée d’une vie – le revuiste Claude Donnay nous raconte l’histoire de sa Bleu d’encre qui fête ses 25 ans (pp. 210-212).

Pour finir sur une note aigre-douce la lecture de ces 200 pages de poésie imbues d’un goût plutôt amer par les temps qu’il fait, et qui ne laissent aucun poète indifférent, un extrait de la Balade de l’insatisfaction chronique de Bertrand Gaydon :

Las : l'infini n'est pas appréhendable,

Mais le fini forcément trop petit,

Et la vie n'est qu'une mauvaise fable

Pleine de bruit, de fureur et d'orties,

Pourtant on veut la vivre au ralenti,

Aussi fait-on la gueule quand on meurt ;

Quant à l'amour, il ne dure qu'une heure

Puis disparaît comme neige de mai

Mais on en peint et repeint les couleurs

Tout en rêvant qu'il n'y ait pas de mais.

La revue imprimée (trimestrielle) est doublée en parallèle par une édition en ligne, où paraissent régulièrement des chroniques, des textes poétiques, des essais, des actualités littéraires.

 

Nouveaux délits, n° 80

Une remarquable moisson de poésie – immédiatement narrative, faussement lyrique, ouvertement dramatique, secrètement mythique, formellement surréaliste, apparemment absurde, toujours lucide, acerbe, écrite à l’aqua forte – dans le dernier numéro de la petite revue de Cathy Garcia Canales qui est toujours, comme le TARDIS du Dr. Who (désolée de me redire), bien plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur…

On y découvre cette fois Jean-Paul Bota, Jérémy Sernet (Pèregarou), Lionel Mazari (Broyer du blanc), Jean Ginestet, Aodren Buart (Madeira), Pablo Gelgon (Vie et mort d’un ouvrier intérimaire dans le BTP), Simon Degrave (Conférence à Berlin) : des textes puissants ancrés avec la même désinvolture dans le quotidien ou dans la psyché profonde et qui touchent le cœur et frappent l’esprit, comme autant de voix et de voies différentes qui se cherchent. Que veulent-elles ?...

« … ce que je pressens ou cherche dans les mots, une vibration, une inspiration du monde non pas pour en dépasser les drames inévitables qui sont en nous, noués au plus intime, mais pour en retrouver le chant premier…. » (Jean Ginestet)

Car, comme le dit la responsable de la publication de ces « délits » dans son édito : « Regarder, se regarder simplement soi-même, c’est vertigineux. »

 

(Dana Shishmanian)

 

***

 

Revue Portulan bleu, n°44, octobre 2024

Le revue Portulan bleu est publiée par l’association Voix Tissées, qui rassemble poètes et artistes autour de la promotion de l’écriture poétique, sous la direction de Martine Rigo Sastre. Elle paraît trois fois par an, en février, mai et octobre.

Ce numéro a pour thème l’infini, dont Patricia Bruneaux dans son éditorial nous dit qu’il est « indicible », qu’il est « la voie empruntée des âmes qui portent leurs questionnements existentiels ». Et bien sûr l’on songe à l’infini apparent des espaces intersidéraux : « L’infini des physiciens, des mathématiciens, des astronomes, des cosmologues, est l’infini questionnement du Vivant. Êtres des étoiles, nous avons toujours interrogé le ciel, dans toutes les civilisations, depuis la nuit de nos créations. Comme une attente vitale, nous questionnons la taille du cosmos pour en repousser les limites. Nous sondons nos âmes en espoir de découvertes d’autres semblables ou de différents dans une altérité universelle ». Et Patricia Bruneaux de poursuivre : « Souvent le Poète emprunte le plus court chemin, le plus certain aussi. Il interroge le cœur. Et son cœur d’amour infini lui enseigne que le fini n’est pas humain, que les rouages du Vivant échappent à notre entendement […] L’infini est libre, d’une liberté éternelle, absolue, indéterminée, et créatrice ».

Une trentaine de poètes sont à l’affiche de ce numéro. Reproduisons ici le poème de Giacomo Leopardi, traduit par Philippe Jaccottet, intitulé « L’infini », qui vient conclure l’éditorial :

Toujours j’aimais cette hauteur déserte

Et cette haie qui du plus lointain horizon

Cache au regard une telle étendue.

Mais demeurant et contemplant j’invente

Des espaces interminables au-delà, de surhumains

Silences et une si profonde

Tranquillité que pour un peu se troublerait

Le cœur. Et percevant

Le vent qui passe dans ces feuilles

- ce silence

Infini, je le vais comparant

À cette voix, et me souviens de l’éternel,

Des saisons qui sont mortes et de celle

Qui vit encore de sa rumeur. Ainsi

Dans tant d’immensité ma pensée sombre

Et m’abîmer m’est doux en cette mer.

 

Mensuel de poésie LIBELLE, n°372, février 2025

Cette petite revue, composée d’une double feuille et d’un feuillet intercalaire (« un bloc-notes en six pages »), paraît mensuellement depuis 1991, année de sa création par Michel Prades et Bernard Rivet, publiée par l’association du même nom. Michel Prades en assure seul la coordination.

De courts poèmes se succèdent, égrenant pensées et sensations. Citons, au hasard de la lecture, Sacha Zamka :

par les matins divergents tout n’est que poussière et grâce

on voudrait être autonome on est seulement nomade

on marche vers un verger on s’éternise on s’attarde

certains fruits sont sans pépins certaines fleurs sans pétales

effacé le souvenir de la cime de deux arbres

le ciel redevient visage et demain déjà s’exalte

on goûte à l’éternité comme à ce qui est suave

 

et Gabriel Zimmermann :

Ces quelques mots

Avant la grande ombre

Oui elle passera

À peine plus qu’une marche en forêt

Elle sera ce que tu en dis

Puissante mais brève

Une zébrure

Un ondoiement du temps

Après

Nous retournerons à nos habitudes

À notre usage du jour

Après nous dinerons

Le pain les fruits sont frais

Mais je ne peux cacher

Tu la sens cette peur

Qui monte en moi

A l’instant où le soleil

S’absente.

 

Revue Rose des temps, n°50, septembre-décembre 2024

La revue Rose des Temps, conduite par Patrick Picornot et Aumane Placide, est publiée par l’association Parole & Poésie, créée en 2009, dont le but est de promouvoir la dimension orale et écrite de la poésie française et francophone. Elle paraît trois fois par an, en mai, septembre et janvier.

Le poème de couverture sur la rose est ici de Raymond Rillot : « Quelques roses / près de la fontaine lui souriaient / alors il se mettait à chanter », le thème du numéro étant « La vie entre réel et songe ».

Dans son éditorial, Patrick Picornot dit l’importance de l’imagination comme outil de résistance aux pouvoirs humains de toutes natures. Et de donner des exemples : « Chez les Gitans, une règle essentielle de vie consiste à rêver longtemps à l’avance tout acte important de l’existence, qu’il soit réalisé dans l’espace public ou l’espace privé. Le réel se voit ainsi toujours précédé du rêve. Gaston Bachelard a bien montré que toute invention humaine majeure, telle par exemple que celle du feu, naît fortuitement d’une longue période appartenant à l’univers du songe. Albert Einstein ira même jusqu’à affirmer que « tout ce qui est possible dans notre imagination est possible dans la réalité » […] Plus que jamais, sans relâche, mais aussi sans tapage, le poète œuvre entre réel et songe, peut-être dans le secret espoir de changer le monde avant que celui-ci ne soit définitivement perdu ».

Une quarantaine de poètes sont à l’affiche, et comme toujours une section fort bien nourrie consacrée aux chroniques de livres et de revues complète la sélection de poèmes, suivie dans ce numéro d’un hommage à Madeleine Riffaud, résistante, poète, journaliste et militante anti-colonialiste, décédée dans sa centième année en 2024. Voici pour terminer le très beau poème intitulé « Alizé » du poète haïtien Raymond Chassagne placé en ouverture du numéro :

en vain nous allongeons les promesses du temps

le temps nous a menti

 

et l’homme au long désir file une étrange laine

au pays des grands froids

 

je parlais je parlais ce n’était que des mots

à l’alizé du rêve

 

l’amour allume un phare au-delà des bas-fonds

plus haut que nos fanaux

 

le poète renie les tristes vérités

des vers aristocrates

 

et sa main de danseur n’est plus qu’un trait d’union

de chance et de justice

 

le poème enfin rampe et côtoie tous nos frères

de peine et de raison

 

les destinées ne sont que des formes de foule

et la mort disparaît

 

puisque l’homme renaît sans cesse et se refait

à l’alizé du rêve

 

Revue Coup de soleil n°121/122, octobre 2024

La revue triannuelle Coup de soleil dirigée par Michel Dunand et Marie-Françoise Payet-Saliesiani, et publiée par la Maison de la Poésie d’Annecy, a été lancée en 1984.

 

Au sommaire de ce numéro, les textes d’une douzaine de poètes ainsi que des chroniques. Citons par exemple ce poème intitulé « Aurore » de Henri Perrier Gustin, qui parle de sa ville :

 

Un ciel pastis

arrose Marseille,

de tons or

sur fond bleu.

 

Une lueur de craie

frôle les pierres,

et se joue d’ombre.

 

Observer le vieux port

sa citadelle

éclaboussée de lumière.

 

Puis accueillir,

dans un coin du cœur,

les bruits des quais,

cliquetis et chants de ville.

 

Et celui d’Andrea Genovese intitulé « Crépuscule » extrait de « Idylles de Toulouse »:

 

Dans l’horizon fermé

les briques roses

translucides

sont dorées par la pluie

 

L’arc-en-ciel égrène

sa fresque éphémère

sur les ponts

 

déployant les pétales de la nuit

 

 

Revue L’arbre parle n°11, Automne 2024

Cette revue « sauvage et poétique », une vingtaine de pages simplement agrafées au format A4, paraissant deux fois par an, a été créée en 2019 par Didier Ober dans le cadre de son association « L’arbre barde ».

L’éditorial de Didier Ober s’intitule « Obsolescence programmée » et dresse un constat sombre de l’évolution du monde sous la double pression de l’évolution technologique et du désintérêt croissant de l’homme pour la préservation de la nature. Laissons parler Didier Ober : « Nous nous préoccupons de la destruction de la nature et du vivant tandis qu’ils parlent réarmement et « économie de guerre » pour détruire encore davantage, nous nous soucions de l’avenir de l’humanité pendant qu’ils expérimentent l’intelligence artificielle (qui sert aussi à détruire des êtres humains dans les guerres en cours…), nous parlons poésie pendant qu’ils nous parlent dématérialisation, identité numérique, monde virtuel… Allons-nous vers une dématérialisation et un contrôle généralisés du monde et de l’être humain ? - Dématérialisation ou atomisation ? - En tout cas, vers une déshumanisation certaine. Décidément, nous n’en avons pas fini avec leur folie totalitaire et destructrice… Ont-ils à ce point peur de la nature, peur de la vie ? ». Des mots qui résonnent particulièrement dans la nouvelle donne politique mondiale installée par l’oligarchie au pouvoir outre-Atlantique.

Une vingtaine de poètes au sommaire de ce numéro, ainsi que les lectures de Didier Ober relatives à une quinzaine de revues, et des chroniques de recueils. Georges Cathalo souligne le gouffre qui sépare la poésie du monde de l’argent : « inutile de vous en faire / ou de prendre vos précautions / amis poètes d’un jour ou de toujours / aucune place ne vous attend / auprès des grands seigneurs de la finance / rien n’est prévu pour vous / car nul ne connaît votre existence / et vos chefs d’œuvre encore moins ». Jeanne Champel Grenier dit dans son poème « Fresque » l’espoir du renouveau, voire de la re-création, du monde :

Devant moi se suivaient les biches matinales

Avec leurs très grands yeux étirés vers les tempes

Flancs à demi noyés d’une brume d’estampe

Au pied de la montagne aux formes minérales.

Ainsi je pouvais voir l’ensemble de la harde

C’était l’antique fresque bondissante et sauvage

Tous les profils des têtes dans le bon sens du vent

Que le matin du monde peignait là devant moi…

L’univers était neuf, tout allait arriver

Et debout sur le seuil, je regardais passer,

Moi, chamane oublié depuis le fond des âges,

L’infini du troupeau sur le pur sablier

Je déposai ma main sur la paroi mouillée

Et soufflai fort dessus afin de la signer

 

Revue Verso, n°1979, décembre 2024

Ce numéro, comme tous les numéros de la revue (4 numéros par an depuis 1977), est introduit par un sonnet de Shakespeare, traduit par Mermed. Alain Wexler, s’inspirant a posteriori des poèmes publiés dans le numéro, en a composé le titre suivant : « un grain, une étoile ». Citons le début de son éditorial : « Du grain de sable à l’étoile, n’y aurait-il qu’un pas ? Nous sommes dans un entre-deux, entre un porte-plume et la lune. Nos souvenirs s’éteignent comme certaines étoiles, nous évoluons dans l’espace par des portes dérobées, des interstices ».

Une trentaine de poètes sont présents dans ce numéro. Citons, au gré de la lecture, Anne Barbusse :

 

Il pleut furieusement sur le monde

 

et il nous faudra tant de mots pour nous extraire

de l’obscurité – à peine si la pluie nous

regarde, tombant sans phrase et sans oiseau, noyant

décembre de crépuscules diurnes, toujours inoculant

l’hiver aux présences furtives et brunes,

 

                                                              et le tilleul

fait naufrage avec élégance sans feuilles et sans remords

tête baissée dans toute syntaxe délirante

yeux éclaboussés d’eaux,

 

                             livres demi-fermés et avec les brumes

alanguies si blanches que le jardin déconstruit pardonne

aux vivants provisoires,

 

                                     jardiniers des terres froides

 

Ou encore Gaël Tissot :

En amont des grands vents

Tu berceras la toile des rêves

Et des orages passés.

 

En amont du grain et des terres sèches

Tu vêtiras les lames de l’oubli

Éclairée

La cendre

La lumière pétrifiée.

 

En amont de la parole

Tu épelleras le jour

 

Nombreuses chroniques et notes de lecture sur recueils et revues suivies d’un entretien de Carole Mesrobian avec la poète et psychologue Gili Haimovich que l’on peut retrouver sur la revue en ligne Recours au Poème (https://www.recoursaupoeme.fr/par-dessus-la-guerre-la-poesie-entretien-avec-gili-haimovitch/).

 

 

Revue Comme en poésie, n°100, janvier 2025

La revue trimestrielle éditée depuis maintenant 22 ans par Jean-Pierre Lesieur dans sa « fabrique du poème », atteint son centième numéro. Voici ce qu’il écrit dans son éditorial :

« La naissance de mon numéro 100 n’intervient pas sous de super auspices et sa lecture ne fera pas bouger d’un iota les conditions climato-guerrières, mais enfin elle permettra à ceux qui le liront d’oublier un temps l’absurde connerie des hommes de notre siècle et favorisera un peu de réconfort. / Oh je ne me fais pas d’idée préconçue ni de pouvoir que je n’ai pas et qu’elle, la poésie ne possède pas non plus, mais vous verrez que quand les lieux sont en mauvais état un petit coup de poésie ne peut faire de mal à personne. / Alors en route vers le numéro 200 cela ne me fera que 119 ans et je serai ainsi le plus vieux poète du monde à fabriquer une revue qui aura résisté à une guerre mondiale et nucléaire en dépit des aléas de la bêtise humaine et de tout ce qui s’y rattache. / BON VENT ET DEBOUT LES PAS MORTS ».

Une cinquantaine de poètes au générique pour cette livraison. Oui, la poésie nous aide à vivre, comme l’affirme Jean-Pierre Lesieur, mais aussi, parmi beaucoup d’autres, Alain Jean Macé dans ce poème glané en fin de numéro :

 

Pour nous aider à vivre il faut un fou qui parle

dans la nuit qui déferle en poussant son rideau

qui gueule comme un âne aux portes des étoiles

et chatouille la lune au cœur du firmament

oui un fou que le vent porterait dans son ventre

comme un galet bercé aux vagues du sommeil

qui fasse chanter l’ombre au rythme des horloges

pour répondre au muet et au sourd qui se tait

et qui aille à la source allumer les flambeaux

pour lire à livre ouvert dans l’espace et le temps

en dansant sur les mots au contour du silence

 

Terminons en citant Basile Rouchin : « Capituler face à l’adversité, tendre l’autre joue dans une posture sacrificielle, soudoyer les puissants prompts à acheter le silence ou des pages de publicité, en échange de subventions, n’ont pas leur place dans « Comme en Poésie » ! Et Jean-Pierre Lesieur de s’interroger régulièrement sur l’identité de « la belle » portée au pinacle, de son avenir, de celui des revues comme espaces d’expression (à préserver) et bannières de résistance (à brandir). Non seulement la lutte passe par les mots, l’indépendance éditoriale (loin du parisianisme ambiant ou des salons littéraires mus par l’appât du gain) mais aussi par le réalisme à échelle humaine et la persévérance. En dépit de graves problèmes de santé (1988, 2018) et d’une pathologie évolutive, l’écriveur-artisan déclare : « je continue la revue et maintenant les éditions, tant que je pourrai encore penser et me mouvoir, ensuite adviendra que pourra » (éditorial, 51).

Il est à noter qu’entre les numéros 81 et 91, la revue affiche la couleur de son engagement : « la révolte, la fronde, le ras le bol ». À bien des égards, l’entreprise est noble.

 

 

Revue Florilège, n°198, mars 2025

La revue trimestrielle Florilège, créée en 1974 par l’Association Les Poètes de l’Amitié – Poètes sans Frontières présidée par le poète et écrivain dijonnais Stephen Blanchard, présente un sommaire très riche, allié à une présentation de belle facture. L’éditorial de ce numéro, titré « Pourquoi j’écris ? » est de André Prone, qui le termine ainsi : « Alors, pourquoi j’écris ? Pour que les mots deviennent un écho de la terre, un hymne à sa beauté, un cri d’amour, et une promesse d’un monde meilleur ».

De nombreux poèmes, un par auteur, comme toujours, citons par exemple Nour Cadour, avec son poème « Femme de Palmyre », illustré d’une peinture de Andrée Bars :

Les ruines grésillent avec mon âme

de nuages noirs

fragments de pierre dans cette lumière

où le soleil ne se lèvera plus

 

mais les sonnets de Palmyre continueront de chanter

comme des jasmins suspendus au ciel

pulpe éclose

bouche ouverte

murmures imbibés d’immortalité

dont l’odeur suffit

à faire tourner le monde

 

Citons encore ce beau poème, intitulé « Hiver », de Jyssé :

Les arbres se sont dépouillés

De leurs feuilles d’automne

Comme eux j’ai vu tomber

Les uns après les autres, les amis que j’aimais

Les unes après les autres, les idées que je défendais

Puis un à un, mes vêtements de comédien

Et je me retrouve seul et nu

Nu, devant un ciel de neige qui m’aveugle

Nu, sous le souffle glacial de l’hiver qui me cingle

            Nu, face à ma mère, la terre, qui me réclame

 

La section des chroniques et notes de lecture est également étoffée. On y apprend que le prix Marie Noël 2024 a été attribué à Michel Santune pour son recueil « Solstices ». Une longue chronique est consacrée par Marie-Christine Guidon au poète argentin Juan Gelman, qui connaîtra l’exil durant la dictature militaire. Citons l’un de ses premiers poèmes, extrait de « Violon et autres questions » (1956) :

Épitaphe

Un oiseau vivait en moi

Une fleur voyageait dans mon sang.

Mon cœur était un violon.

J’ai aimé ou pas. Mais parfois

on m’a aimé. Moi aussi

je me réjouissais : du printemps,

des mains jointes, de ce qui rend heureux.

Je dis que l’homme se doit de l’être !

(Ci-gît un oiseau

Une fleur.

Un violon.)

 

Beaucoup d’autres articles intéressants, comme celui de la rubrique « Poésie & Philosophie » tenue par Gérard Mottet sur Philippe Jaccottet ou encore la chronique consacrée par Marie-Christine Guidon au poète et écrivain tchécoslovaque Jaroslav Seifert, récipiendaire en 1984 du prix Nobel de littérature, avec lequel nous terminerons cette note :

C’est seulement en vieillissant

Que j’ai appris à aimer le silence

Parfois il exalte plus que la musique.

Dans le silence apparaissent des signes frissonnants

Et sur les carrefours de la mémoire

Tu entends les noms

Que le temps a essayé d’étouffer

 

Revue Voix d’encre, n°71, octobre 2024

À l’origine de la maison d’édition, la revue Voix d’encre, lancée en 1990, paraît deux fois l’an : une livraison au printemps, une autre à l’automne. À chaque numéro, l’intervention d’un artiste rythme la maquette et fait respirer l’ensemble, ici c’est le peintre Michel Verdet qui est accueilli. La revue est animée par Alain Blanc, Jean-Pierre Chambon et Hervé Planquois. Les auteurs présents dans ce numéro sont Gabrielle Althen, Michel Lamart, Hervé Bienfait, Alexis Audren, Gabriel Zimmermann, Delphine Chatrian et Mario Benedetti.

Quelques extraits, au hasard de la lecture. De Gabrielle Althen : « Un arbre blanc se présente et dit qu’il est blanc à l’homme qui est venu le voir. / Ce dernier ne veut pas le croire et mâche d’anciennes idées vertes. L’arbre s’envole et va se poser de l’autre côté de la colline, où le ciel ne dira pas qui il est, ni comment il se nomme ». Michel Lamart écrit dans son long poème « Mendiant » :

[…]

Osez la tendresse et la

Reconnaissance viendra

Naturellement

 

Accrochez aux étoiles

Ces paillettes d’aubes

Rêvées par les crépuscules

Bleus parfumés

De jasmins et de roses

 

[…]

 

Accordez

A l’étranger

Ce que vous avez

En vous de meilleur

 

[…]

 

Hervé Bienfait : « À l’intime de la dune, / dormir au creux de l’immense. // Bonheur, entame d’un rêve / à la renverse du monde. // Le froid des étoiles / glissant sur le duvet ». Alexis Audren : « à chaque intention une / explosion / de masques / à jeter sur un visage // lesquels doit-on écarter / pour atteindre la / densité de ta bouche // garder la distance du désir ». Gabriel Zimmermann : « Avec un sac je partirai – vide / Et ouvert par le haut il fera sur mon dos / Une calebasse prête pour être remplie // J’y glisserai du sable ramassé dans le désert / Pour garder près de moi la chaleur du vent / Mêlée à une terre qui ne connaît par la pluie // J’y mettrai des feuilles, du branchage, des mousses / Pour préserver les mois de traversée / Dans la forêt qui m’apprit la merveille ». Delphine Chatrian, avec ses aphorismes : « Briller par son absence est un phénomène parfaitement connu des astrophysiciens que le commun des mortels expérimente souvent ». Enfin l’écrivain et poète uruguayen Mario Benedetti, traduit de l’anglais par Christian Garcin :

Qui aurait cru qu’il se tenait

seul dans l’air, caché,

ton regard.

Qui aurait cru que cette terrible

occasion de naître serait à portée

de ma chance et de mes yeux,

et que nous irions toi et moi, dépouillés

de tout bien, de tout mal, dépouillés de tout,

nous enchainer dans le même silence,

nous pencher sur la même source

pour nous voir et nous voir encore,

mutuellement épiés tout au fond,

tremblotants d’eau

découvrant, essayant d’atteindre

qui tu étais derrière ce rideau,

qui j’étais derrière moi-même.

Et pourtant nous n’avons encore rien vu.

[…]

 

Revue Les Hommes sans épaules n°58, second semestre 2024

La belle revue pilotée depuis 1997 par Christophe Dauphin paraît deux fois l’an, en mars et en octobre, proposant 350 pages de poésie venue de tous les coins du monde.

Le numéro 58 est consacré au poète arménien Daniel Varoujan. Laissons parler Christophe Dauphin : « Daniel Varoujan, poète autour duquel tourne notre dossier central a été arrêté sans le moindre motif par la police turque, le 24 avril 1915, à Constantinople, vers minuit, comme de nombreux intellectuels et poètes Arméniens, dont Siamanto et Rouben Sévak. La rafle dite des intellectuels débute à 20 heures, dirigée par Bedri Bey, le chef de la police de Constantinople. Dans la nuit du 24 au 25 avril 1915, 270 intellectuels arméniens sont arrêtés, des ecclésiastiques, des médecins, des écrivains, des éditeurs, des journalistes, des avocats, des enseignants et des hommes politiques. Ils sont conduits dans des centres de rétention où la plupart sont immédiatement assassinés. Ces arrestations ont été décidées par le ministre de l’Intérieur Talaat Pacha.

En comptant les arrestations survenues les jours suivants à Constantinople, on atteint le chiffre de 2.345 déportations.  Daniel Varoujan va passer quatre mois en prison. Tout va aller très vite dans l’ignoble. D’avril 1915 à octobre 1916, en un peu plus de dix-huit mois, le Parti-État Jeune-Turc élimine trois peuples constitutifs de l’Empire ottoman : les Arméniens qui vivent sur leurs terres depuis trois mille ans, les Grecs et les Assyriens. Les déportations sont systématiques. Elles visent « officiellement » à « déplacer » la population arménienne en Syrie et en Mésopotamie. 15 à 20% seulement des déportés parviennent sur leurs lieux de « déportation » sur trois axes : la ligne de l’Euphrate, la route Ras ul-Ayn-Mossoul-Bagdad, l’axe Alep-Homs-Hama-Damas-Amman-Sinaï... ».

Lisons Varoujan, à travers ce poèmes extrait de « Le chant du pain » (1915), intitulé « À perte de vue » et traduit de l’arménien par Vahé Godel, qui dit un profond désir de paix et d’amour :

 

Qu’à l’Orient règne la paix.

Que les sillons s’imprègnent de sueur

et non de sang !

Que le moindre village, aux sons de la crécelle,

s’emplisse de louanges !

 

Qu’à l’Occident la terre soit féconde.

Que l’étoile fonde en rosée,

que l’épi devienne de l’or !

Sur la montagne, à l’heure où les moutons pâturent,

que foisonnent bourgeons et fleurs !

 

Qu’au Nord l’abondance rayonne.

Que la faux sans cesse replonge

dans l’océan des céréales !

Et les greniers s’ouvrant à la récolte,

se répande la joie !

 

Qu’au Sud les fruits soient innombrables.

Brille le miel au cœur des ruches,

que le vin coule à flots, que les coupes débordent !

Et quand la jeune épouse enfourne le bon pain,

s’illumine l’amour !

 

Une quarantaine de poète au total au sommaire du numéro, comme toujours très riche et marqué à la remarquable érudition de son créateur.

 

(Eric Chassefière)

 

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Créé le 1er mars 2002