Le
Village écrit dans le ciel
(Encres Vives, collection "Lieu",
n° 385, janvier 2020, 16 pages, 6,10 €)
Ces poèmes ont été écrits,
précise Michel Cosem, lors d’une résidence
d’écrivain en 2004 au Monastère de Saorge. Ils nous font parcourir la
vallée de la Brigue, le col de Tende, le Mercantour etc.
Ce dernier volume s’ajoute
au grand nombre de recueils de la collection « Lieu » écrits par Michel Cosem qui
a toujours su ramener de ses voyages la quintessence de ses découvertes
et de son imaginaire.
Vous pouvez écouter la lecture de « Le Village écrit dans le ciel
» sur le site lespoetes.site à « Pour écouter les émissions »
année 2020, 13 novembre.
©Christian Saint-Paul
Extraits :
Saorge, le village pendu
Pluie battante et orage noir
l’eau bouillonne dans les gorges
roule les galets
Les arbres soudain sont pris de
frissons
et perdent leurs dernières feuilles
transparentes
Tout le pays se défend
tient haut son visage altier
crevassé de batailles et de regards
et répand la nuit venue le poison
des craintes
***
La vue sur le jardin est inquiétante
Les rangées de légumes sont brulées
l’hiver est venu juste cette nuit
sous son masque
de gelée blanche
Il ne reste rien sur les tiges
comme prémices à l’implacable
vieillesse.
Seules des fleurs rouges et rondes
attendent de servir pour n’importe
quelle
commémoration
***
L’ignorance fait signe à la
sauvagerie
sur la pente inconnue
dans le noir total de la montagne
de la roche de l’histoire
J’entends un chien qui hurle
et qui emmène derrière lui tous les
loups du passé
et les garous sortis des enfers des
gorges où
s’amassent les blocs les falaises où
seuls les esprits
malfaisants peuvent se loger
et ce hurlement comme un élixir
vient peupler
cette première nuit
***
La vallée des Merveilles
Alors que le fond de vallée
se recouvre d’une carapace de brume
froide
comme la paume d’une chair sans
mémoire
le haut tout là-haut est comme une
peau tendue vers l’azur où
se promènent les vagues et les
bruissements de l’hiver
où se gravent les fantasmes et les
furieuses victoires
là où vont les loups quand tout est
gris bleu et que
l’on ne sait plus qui dévore quoi.
***
Naissance de saint François
Sait-on qu’un saint naît
dans la confusion et l’extase des
femmes
avec les signes évidents de son
destin.
Il est le nouveau-né déjà dressé
contre l’orage
et l’offrande des filles.
Ses mains déjà sont des oraisons et
l’on ne sait plus
s’il faut le laver ou l’adorer
***
Exorcisme d’Arrezo
Il dit aux esprits mauvais de
libérer la possédée
Elle a la bouche ouverte et en
sortent des diables
poilus aux ongles comme des becs des
regards de rapaces
et des queues de serpents noirs
Il dit aux esprits mauvais de
libérer la possédée et
elle lève la main en signe de
délivrance
François est satisfait et l’on se
demande pourquoi
il poursuit au loin les diables dans
un nuage noir.
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