http://www.francopolis.net/images/fstitle.jpg

Articles sur les poètes francophones contemporains
&
Poètes du monde entier

ACCUEIL

ARCHIVES FRANCO-SEMAILLES

 


Janvier-Février 2021

 

 

Michel COSEM :

Les yeux de l’oursonne (roman) et Le Village écrit dans le ciel (poésie)

 

Dans la lecture de Christian Saint-Paul

 

(chroniques reproduites du site Les-poetes-radiooccitania)

(*)

Photo extraite du site précité

 

Les yeux de l’oursonne

(éditions De Borée, 2019, 217 pages, 18,90 €)

 

C’est avec une réelle nostalgie que je reviens sur ce roman en cette morne période où les voyages, les séjours ailleurs, sont difficiles sinon proscrits.

En effet, Michel Cosem comme dans tous ses romans, nous entraîne dans les lieux multiples chargés d’histoire et d’aventures.

Pas un lieu de ce beau roman, hormis la Grèce, que je ne retrouve avec une émotion décuplée par la langue fluide, classique et sobrement lyrique, du poète romancier Michel Cosem.

Le récit est alerte, aéré par des récits dans le récit, le personnage principal, Marcelin, clerc de notaire à Luchon, compilant lui-même les récits d’ours dans les Pyrénées. 

C’est une triple histoire d’amour. 

Pour une grange rudimentaire aménagée dans un versant de montagne du côté de Luchon, la Maison de Poupée ; pour une femme qui va comprendre et admettre la passion de la solitude de pleine nature de son amant ; pour une ourse dont il ne peut prétendre que ce dernier amour soit partagé. Et pourtant...

Tout l’univers romanesque et poétique de Michel Cosem est condensé dans ce fier roman.

Un regard lucide mais toujours pudique pour les passions qui mènent le monde, et Marcelin en particulier. Un regard aigu et aimant pour les lieux que les personnages, comme lui, traversent et qui s’inscrivent dans les mémoires en qualité de forts moments de vie. D’où la précision. L’exactitude dans la nomination. Le lecteur s’y reconnaît. Et s’il n’a jamais fréquenté ces lieux il les imagine sans effort.

Ce roman, au-delà du plaisir assuré de la lecture, nous interroge en filigrane. Avec une discrétion subtile qui oblige à la réflexion.

Pourquoi ce clerc de notaire, pourtant bien urbanisé, se lie d’une véritable dépendance à une grange en pleine forêt que le soleil n’atteint que parcimonieusement dans la journée ?

Être immergé dans la solitude de la montagne, à l’affut de la visite d’une oursonne, ne répond-il pas à un besoin vital de communion avec le monde ? A une pratique de spiritualité dépouillée de tout conditionnement ?

Ces temps de séjour dans la Maison de Poupée, tels des pèlerinages, Marcelin ne les vit-il pas comme autant de trêves dans l’affrontement avec l’inéluctable trivialité prosaïque de son métier ?

La fascination qu’exerce l’oursonne sur lui, le conduit à rassembler, exhumer les récits d’ours qui ont circulé sur toute la chaîne des Pyrénées. Et ces récits qui émaillent le roman sont autant de pépites qui illuminent le parcours du roman.

Luchon peut s’enorgueillir d’un nouveau roman qui met en avant sa quiétude de Reine des Pyrénées, sa beauté, son hospitalité fraternelle.

 

©Christian Saint-Paul

 

Le Village écrit dans le ciel

(Encres Vives, collection "Lieu", n° 385, janvier 2020, 16 pages, 6,10 €)

 

Ces poèmes ont été écrits, précise Michel Cosem, lors d’une résidence d’écrivain en 2004 au Monastère de Saorge. Ils nous font parcourir la vallée de la Brigue, le col de Tende, le Mercantour etc.

Ce dernier volume s’ajoute au grand nombre de recueils de la collection « Lieu » écrits par Michel Cosem qui a toujours su ramener de ses voyages la quintessence de ses découvertes et de son imaginaire.

Vous pouvez écouter la lecture de « Le Village écrit dans le ciel » sur le site lespoetes.site à « Pour écouter les émissions » année 2020, 13 novembre.

 

©Christian Saint-Paul

Extraits :

 

Saorge, le village pendu

 

Pluie battante et orage noir

l’eau bouillonne dans les gorges

roule les galets

Les arbres soudain sont pris de frissons

et perdent leurs dernières feuilles transparentes

 

Tout le pays se défend

tient haut son visage altier

crevassé de batailles et de regards

et répand la nuit venue le poison des craintes

 

***

 

La vue sur le jardin est inquiétante

Les rangées de légumes sont brulées

l’hiver est venu juste cette nuit sous son masque

de gelée blanche

Il ne reste rien sur les tiges

comme prémices à l’implacable vieillesse.

Seules des fleurs rouges et rondes

attendent de servir pour n’importe quelle

commémoration

 

***

 

L’ignorance fait signe à la sauvagerie

sur la pente inconnue

dans le noir total de la montagne

de la roche de l’histoire

J’entends un chien qui hurle

et qui emmène derrière lui tous les loups du passé

et les garous sortis des enfers des gorges où

s’amassent les blocs les falaises où seuls les esprits

malfaisants peuvent se loger

et ce hurlement comme un élixir vient peupler

cette première nuit

 

***

 

La vallée des Merveilles

 

Alors que le fond de vallée

se recouvre d’une carapace de brume froide

comme la paume d’une chair sans mémoire

le haut tout là-haut est comme une peau tendue vers l’azur où

se promènent les vagues et les bruissements de l’hiver

où se gravent les fantasmes et les furieuses victoires

là où vont les loups quand tout est gris bleu et que

l’on ne sait plus qui dévore quoi.

 

***

 

Naissance de saint François

 

Sait-on qu’un saint naît

dans la confusion et l’extase des femmes

avec les signes évidents de son destin.

Il est le nouveau-né déjà dressé contre l’orage

et l’offrande des filles.

Ses mains déjà sont des oraisons et l’on ne sait plus

s’il faut le laver ou l’adorer

 

***

 

Exorcisme d’Arrezo

 

Il dit aux esprits mauvais de libérer la possédée

Elle a la bouche ouverte et en sortent des diables

poilus aux ongles comme des becs des regards de rapaces

et des queues de serpents noirs

Il dit aux esprits mauvais de libérer la possédée et

elle lève la main en signe de délivrance

François est satisfait et l’on se demande pourquoi

il poursuit au loin les diables dans un nuage noir.

 

(*)

Le poète Christian Saint-Paul, auteur d’une trentaine de recueil, anime depuis 1983, en collaboration avec Claude Bertin, l’émission « Les Poètes » sur Radio Occitanie (le jeudi de 20h30 à 21h, 98.3 Mhz: voir l’historique des émissions sur lespoetes.site). Le crédo est vivifiant :« Faire écouter le souffle inépuisable de la poésie, donner à percevoir ces mots, ces signes qui frappent à nos fenêtres, telle est la vocation de l’émission « les poètes », car selon les propos de l’américain Wallace Stevens : « le poète est le médiateur entre les gens et le monde où ils vivent et aussi entre les gens tels qu’ils sont entre eux, mais non entre les gens et un autre monde ».

Pour faire plus ample connaissance : notices biobibliographiques sur La cause litétraire et Cardere où l’on peut commander un de ses recueils, Vous occuperez l’été.

Christian Saint-Paul nous explique ainsi la parution tardive de ces deux chroniques qu’il dédie à Michel Cosem :

« Observant le site de l’émission « Les poètes » (lespoetes.site) où des années d’audition de l’émission sont accessibles à la rubrique : « Pour écouter les émissions », Claude Bretin le dévoué technicien de l’émission et le webmestre du site, m’alerte : "Il y a trop de blancs !"

Entendez par là, qu’en regard de chaque heure d’émission devrait s’afficher un commentaire ou un renvoi à un éditorial correspondant au contenu de l’émission. Or, plusieurs de ces rédactions manquent. 

Les circonstances m’ont parfois tenu à l’écart, et le temps ne se figeant jamais, les semaines se succédant sans répit avec chacune leur heure de diffusion de lecture de poèmes, le retard n’a pu être comblé. C’est une injustice pour les auteurs qui n’ont pas bénéficié de cet éclairage.

Ainsi, pour une émission diffusée sur les antennes de Radio Occitania dans la semaine du 13 février 2020, présente sur le site mais exempte de résumé.  Délaissant l’actualité des dernières semaines, je répare donc cette carence ancienne.

Cette émission diffusée pour la première fois le 13 février 2020 signale plusieurs livres de poèmes (…) [dont] Le Village écrit dans le ciel de Michel Cosem dans la collection "Lieu" d’Encres Vives [n° 385, janvier 2020, 16 pages, 6,10 euros], sur Saorge / Alpes Maritimes. Dans cette émission, Michel Cosem occupe la place centrale car il éclaire de ses précisions la genèse de son dernier roman Les yeux de l’oursonne aux éditions De Borée [2019], 217 pages, 18,90 €. »

Ce sont donc les chroniques de Christian Saint-Paul à ces deux œuvres de Michel Cosem que nous reproduisons ici, en remerciant tant le critique que l’auteur d’en avoir permis ainsi le partage avec les lecteurs de Francopolis.

Comme en écho au roman de Michel Cosem, dont l’action se passe à Luchon, nous reproduisons aussi, dans ce même numéro, à la rubrique Pieds des mots, le poème Luchon de Christian Saint-Paul.

 

***

Michel Cosem, poète (auteur de plusieurs dizaines de recueils), romancier, nouvelliste, auteur de livres pour la jeunesse, éditeur (revues, anthologies, éditions Encres vives), n’a plus besoin de présentation ; voir sur le site des Encres vives son portrait d’écrivain et passeur infatigable. Nous sommes honorés d’avoir reçu sa contribution à cette même rubrique (mars-avril 2020) ; voir aussi le coup de cœur de Michel Ostertag (janvier 2014), et la note de lecture de Dominique Zinenberg à son recueil La Folle avoine et la falaise (mars-avril 2019).

 

 

 

 

Christian Saint-Paul sur Michel Cosem

Francosemailles, janvier-février 2021

recherche : Dana Shishmanian 

 

 

Accueil  ~  Comité Francopolis ~ Sites Partenaires  ~  La charte  ~  Contacts

Créé le 1 mars 2002