Le bien connu espace poétique parisien « Territoire du poème » (fondé par Anne Stell, animé par CHRISTIAN DEUDON) a accueilli, dans sa séance du 31 janvier, la revue en ligne Francopolis, en présence de quelques uns de ses auteurs. Ont lu de leurs textes ou ont été lus par les chaleureux hôtes de cette rencontre, Christian Deudon et Nadine Lebefure, les poètes suivants : Gertrude Millaire, Patricia Laranco, Roselyne Fritel, Ara Alexandre Shishmanian, Monique W. Labidoire, Ira Feloukatzi, Pedro Vianna, Jamila Abitar, André Chenet, et Dana Shishmanian, qui a présenté la Revue et ses rubriques, en évoquant aussi sa fondation, son équipe, ses membres disparus (Juliette Clochelune, Didjeko, Christian Fancomprez).

© Photos : reproduites du blog Larencore de Patricia Laranco

Le message transmis de la part de notre chère Gertie, en tant que fondatrice et cœur œuvrant de Francopolis, a bien été entendu, puisque plusieurs auteurs présents dans le public ont exprimé le souhait de participer à la revue, en tant que collaborateurs ou membres du comité de lecture :

« Un océan nous sépare. Et pourtant je me sens là avec vous, je vous connais… je vibre au même diapason. Jadis je ne pouvais tâter le pouls d’un autre continent, pas plus que celui de la ville voisine, surtout quand on parle de poésie…! Mais l’arrivée d’internet a construit ce pont et tout un assemblage d’autoroutes… et c’est ainsi que Francopolis est né en 2002 par la rencontre de poètes belge, français, marocain et québécois et notre but était et est toujours de couvrir les 5 continents.

L’idéal serait d’avoir une personne-ressource dans chacun d’eux, on garde espoir.

Évidemment la Revue Francopolis est toujours là 12 ans plus tard grâce à ces fidèles lecteurs… et ses fidèles collaborateurs… et la porte est toujours ouverte si relever ce défi vous tente. »

L’échange qui a eu lieu avec le public a mis en évidence la place singulière que prend Francopolis dans le paysage poétique du Net, en particulier par ses sélections d’auteurs, ouvertes aux nouveaux talents de tous les continents, ses invités au salon, ses coups de cœur, ses collectes de nouveautés littéraires de toute la francophonie, ou encore sa vocation au dialogue entre les arts.

La rencontre fut un moment d’amitié et de partage poétique de grande intensité, que les interventions d’invités comme François Minod et Jay Cee ont ponctué d’un humour tantôt cinglant tantôt tendre, mais toujours revigorant.

 

Dana Shishmanian

Gertrude Millaire, une poète trop discrète

Fondatrice et âme de Francopolis, Gertrude Millaire est une poète de grand talent, trop peu connue. Voici les textes d’elle lus à cette rencontre dédiée à Francopolis :

« Au fait, je suis poète de brousse, poète des échanges silencieux entre ces grands espaces où la lumière déroule son poème sous vos pieds…
Malgré tous ces hivers, je ne sais pas encore entendre dans les cristaux, le oui en cavale dans le givré de nos attentes.
On assemble les morceaux mais toujours les contours de notre liberté débordent du paysage; reste toujours quelques tempêtes indomptées à apprivoiser.
Je ne sais pas prendre le pouls du vent en avance sur nos pas. Le craquement de nos hésitations ouvre une faille dans le glacier de nos certitudes.
Comme ces glaces à la dérive,
notre identité ballotte d’un océan à l’autre.
Sortir sa langue devient parfois un geste de bravoure quand elle se colle aux frimas des parois de rives étrangères…

***
Ce silence que tu portes à bout de bras
Comme si à chaque pas ton souffle se disloquait
Ce chant monte comme de solitaires aurores boréales
Et couvre tes nuits pour ne pas que tu prennes froid
ce chant que la foule porte sans savoir
sans rien connaître de ce vent inquiet
qui penche ton corps par en avant
Et toujours ce silence qui te creuse les reins
ce silence-fluide glisse sur tes fenêtres closes
Jusqu’où iras-tu à bout de bras…
et ces flaques de lacs solitaires
qui stagnent dans tes terres inhabitées.
Jusqu’où iras-tu comme ça à bout de mots,
à bout de souffle ?

Gertrude Millaire, janvier 2014