Le Salon de lecture

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POEMES DE CHRISTIAN FACOMPREZ,
alias XMatinaux

Présentés par Dana Shishmanian




Cinq poèmes de jeunesse

Promenade nocturne

Tout seul j’allais par le chemin perfide et froid
Et la nuit dessinait ses ombres caverneuses

        Autour de mon cœur en émoi


Des fantômes dansaient sur mon âme rêveuse
Une ondulation, sur la cime des monts
        Grise, courait mystérieuse

Et le feuillage frileux et sombre des longs
Chênes noirs frissonnait, et la branche d’un aune
        Comme un pendu faisait des bonds

Une odeur de lavande effroyablement jaune
Exhalait des kobolds et des gnomes haineux
        Qui sanglotaient dans l’air atone

J’avais peur – et le chant des grillons, mélodieux,
Crissait sous les cieux noirs, où la lune se farde
        D’un voile pâle et langoureux.

J’avais froid – et partout sur les pentes hagardes
Parcelles à des yeux décharnés de lutins
        Pleuraient des lumières blafardes

J’allais le cœur transi et blême, quand soudain
Je vis dans le vallon, nichée au sein des branches
Une lueur pareille à l’éclat du matin…
        C’était là que dormait ton âme toute blanche.

                                                          (Allevard, août 65)
    


Nuages

Ô combien de longs cortèges effilochés
Vagabonds en haillons de deuil et de grisaille
Et combien de lambeaux de sang crépusculaires
Ont filé sur le miroir effarouché
Des étangs pâlissants

Et la terre avide, en vain s’enivre de leurs larmes

Ils sont venus s’assoir sur l’océan de la mémoire
Après combien d’errances autour de l’univers
Tziganes lunatiques en partance éternelle
Pour des hiers pleins de musiques lancinantes

C’était vous déjà qui glissiez en silence
Sur l’eau fuyante où nous fondions nos yeux
Mais vous avez coulé en emportant la déchirure

    La nuit tombe comme un voile
    Et du puits sombre de l’ennui
    Gémit l’angoisse de l’oubli

C’était bien vous déjà
Je me souviens de vos reflets si vifs
Lourdes trainées de mensonge et d’espoir
Sur ses eaux jonchées de mains nouées et dénouées
Semblables aux feuilles déjà mortes
Et de soupirs qui n’en finissaient plus…

La Meuse

Une péniche noire
Caresse mollement
     L’eau douce

Aux doux reflets de moire
Que couvrent tendrement
     La mousse.


Une péniche noire
Mélancoliquement
     Se glisse


Sur l’écume d’ivoire
Dont le front lentement
     Se plisse.

Et la Meuse aux yeux sombres
La suit le long des nuits
     La Meuse

Solitaire dans l’ombre
Murmure son ennui
     Rêveuse

Langoureuse elle longe
Les montagnes au front
     D’ébène

Langoureuse elle songe
Et pleure sur ses monts
     Sa peine

Dessous le ciel d’ivoire
Caressant mollement
     L’eau douce

Aux doux reflets de moire
Que couvrent tendrement
     La mousse.

                       (juin 65)



Septembre

Le train tremble – soupir et larme de l’adieu,
Frisson triste et profond des souvenirs heureux,

Qui s’exhale en un noir tourbillon mélodieux
Et l’été sombre dans la nuit
Mélancolique et fade ennui
Les quais défilent sans un bruit
Tic tac monotone
Voix sourde et atone
Dans l’ombre détonne
Cri blafard du fer !
Dans quel univers
Froid comme un hiver
La gare aux yeux gris
Spectre rabougri
Soudain passe et rit ?


Tic tac monotone
Voix sourde et atone
Frisson de l’automne


Qui pâle émerge de la nuit
Mélancolique et fade ennui
Plaine brumeuse qui s’enfuit


Un soleil décharné se lève tristement
Les rêves dans la brume agonisent au vent
Et le dernier wagon s’arrête lentement…
(sept. 65)
J’ai voulu ici traduire le chemin de fer
par le rythme et la construction du poème.


Kölner Tour

Doucement tombe sur le Rhin
L’ombre grisâtre de la lune
Qui tremble et frissonne à la brume
Comme un paisible et doux refrain

Dans le silence de son âme
Un noir fantôme au voile épais
Image glauque de la paix
Se reflète comme une flamme

Et les derniers feux du couchant
Jettent leurs vives étincelles
Ensanglantant ses flèches frêles
Qui sombrent dans l’ombre d’un chant

Et de l’onde, énorme, s’élève
La cathédrale, et les éclairs
Vifs des obus sifflent dans l’air :
Et rugit morne comme un rêve

Le fracas rougeâtre et cruel
Des bombes sur les tours gothiques
T’en souvient-il ? la mort, tragique
Tombait partout comme du fiel

Lui se dressait fier, intouchable
Le divin refuge de Dieu…

                           (Août 67, frei Rythmen)


(textes inédits)


POÈMES PUBLIES FRANCOPOLIS

Câline


Mon enfant ma petite soeur
celle que je n'ai pas su aimer

O ma Séléné imaginaire
j'ai voulu te façonner à mon signe de lune
et sous ta carapace de corne
je t'ai infusé ces blancs ruisselets
où s'égare Ophélie

O ma future orpheline
cygne aux ailes rétractées
câline sous la glace
habitée quand tu veux de la grâce
de la danseuse
mais amoureuse obstinée rétive sauvageonne
parce que déjà blessée
comme le rauque musicien des mots
haineux
qui sait si bien aimer les danseuses
et dont je t'ai infligé l'emblème

O ma sensitive
ma petite juive
rescapée déjà de quels charniers
en nous
et future échappée à quelle autre débâcle
princesse trop tôt découronnée
trop fêtée
des mages malhabiles
que tu as entrevus à tes pieds
venus de la nuit des temps
à l'orient du siècle
et qui un à un vont te tourner le dos
comme les ombres de la lanterne magique

O ma Salomé
herbe frêle et coupante
tu poursuivras tyrannique de plus cruelles offrandes
et tu saigneras sous le reflet de ton propre couteau

O mon héritière
tu me pardonneras peut-être
ce venin dans tes veines
ce chemin souffreteux de rocailles
cette éjection brutale dans l'espace
si je te fiance aux anges musiciens
si tu es promise
à l'orbe bleu
de la beauté.



**

O ma Madone

O ma Madone réincarnée
Vénus toute écumante encore
Des rythmes lourds des tropiques
Ne m'abandonne pas
Ne me laisse pas chavirer
A la dérive des nuages
Dans les trous de l'azur fou
Ne me laisse pas confier mon corps
A la glaise et au roc
Épié du vol mauve des corbeaux
Ramène-moi enserre-moi
Dans les jardins de ton corps
Dans les lianes de tes bras
Redonne-moi le goût des fraises de ta bouche
Fais-moi boire l'alcool brûlant
De ton visage
Gober comme une groseille
Le lobe de ton oreille
Et cascader comme une truite
Dans le torrent de ton échine
Et pétrir avec ardeur
La bonne pâte de tes fesses
Comme le brave boulanger tu sais
Quand sa chatte est revenue
Et je veux manger goulûment
Toutes les mangues de ton sexe
Glisser comme un nageur
Dans ces anfractuosités
Luisantes d'algues
Où s'insinue la mer nourricière
Rouler dans tes buissons épineux
Y respirer tous tes parfums acidulés
Et même boire ton sang pour me revivifier
Et toi tu dresseras patiemment le mât
Et je t'emmènerai lentement
Vers les rives mancenilliers
Du regret et de la jalousie
Où fleurent bon la menthe et les embruns
Où nos regards d'enfants se sont croisés
O ma Madone devenue femme.

(textes publiés Salon mai 2011)


***


Septembre

Encore un soir mon sang s’obstine
Parmi les ruines du château
Désaffecté  de mon cerveau
Où ma plaie chante et s’illumine –
Encore un soir le chant s’obstine

Sur les lambeaux désaccordés
De mes rêves de plénitude
Dilués en un pur prélude
Où insiste en vain la voix des
Vieux instruments désaccordés.

Encore une aube qui roucoule
Parmi les braises du désir
Et la folle soif de saisir
L’eau de l’enfance qui s’écoule
Chaque fois qu’une aube roucoule


Enfilant son collier d’azur-
Désir de rouler des mots d’ordre
Où la mort ne saurait plus mordre
Et d’âpres rocs monter un mur
Sur l’œil absurde de l’azur.

(publié Livre de Noël, déc.2010)






Membre de Francopolis (août 2010- 2011)


Christian Fancomprez, alias XMatinaux
, a fait une brève traversée du ciel de Francopolis, comme membre du comité de lecture (voir sa page), et comme auteur (Invité au salon). Il nous disait déjà, alors, la tragédie du poète « qui ne peut plus écrire ». Une atroce maladie a épuisé son cerveau, et l’a finalement ravi à ce monde, le 12 décembre 2013, à 63 ans, laissant derrière lui une œuvre poétique en friche.

Toute l’équipe de Francopolis exprime ses condoléances et sa compassion à notre amie et collègue, Eliette Vialle, son épouse. Qu’elle soit remerciée d’avoir trouvé la force de nous offrir ces quelques poèmes de lui, tirés de carnets de toute jeunesse (16-18 ans) ; ils relèvent sans doute des exercices adolescents d’un amoureux des grandes plumes de la poésie moderne française, mais témoignent aussi d’une vocation qui se cherche avec autant de grâce que d’obstination, et attestent un talent indéniable : il est d’autant plus émouvant de nous rendre ainsi complices de cette intrusion dans le laboratoire d’un jeune auteur, et témoins de la gestation d’un poète, alors qu’il n’est déjà plus, comme si la lumière qui nous parvient de lui a dû parcourir une immense distance interstellaire… Que cette œuvre inaccomplie puisse être, un jour, reconstituée, pour le partage de tous, au banquet virtuel des muses dont nous nous targuons d’être, parfois, invités. Hommage à lui !


Chère Eliette,

Ce dénouement était sans doute à craindre et une fois arrivée là, tu dois te sentir vidée, après tout ce combat et cette souffrance ; avez-vous pu faire vos adieux ? J’espère aussi que tu es entourée et ne passes pas seule ces moments douloureux. Mes pensées t’accompagnent.

Quand tu auras passé le cap du plus dur, et seras plus sereine, tu devrais faire une sélection des poèmes de ton époux et une présentation pour la rubrique l’Invité au salon. Nous l’honorerons ainsi et nos hommages devraient mettre un peu de baume sur ton cœur.

Bien à toi, chère amie, avec tout mon soutien.

Dana Shishmanian

 ***

Chère Éliette,
De tout cœur avec toi. Les mots perdent de leur effet, c'est un tel drame de voir la personne de sa vie s'en aller.
La revue de janvier l'honorera et c'est bien.

Tu as montré un tel courage que l'on ne peut qu'être ému et te souhaiter un retour à une vie apaisée après tous ces mois de souffrance.

Je t'embrasse. Je pense à toi

Michel

 ***

Chère Éliette,
bien que nous savions que le tout se déroulerait ainsi, il n'en demeure pas moins que l'annonce du décès de Christian, XMatinaux laisse un vide... cette mort annoncée me plonge dans un état second. Oui c'est la fin de ses souffrances et aussi des tiennes dans un sens mais c'est aussi  un deuil à vivre.

Je suis de tout coeur avec toi dans ce moment, et bien que je ne pourrai être présente aux obsèques, ma pensée t'accompagne.
 
Sois courageuse chère Éliette,
 
amitiés
 
Gerty

***

Chère Eliette,

Je me rends compte que je ne connaissais pas un seul poème de ton époux, et je ne savais pas non plus que votre lieu d'habitation était Aix en Provence, à 2 h de route de chez nous (moi-même et Cristina).

Nous aurions pu nous rencontrer. Au sein de Francopolis, nous convergeons à la clarté des poèmes, nous sommes probablement très différents mais un même amour nous réunit à travers les territoires qu'auscultent et remembrent les mots du poème. Telle est notre fratrie. Je suis d'autant plus triste que je viens d'apprendre le décès d'un de mes amis très chers (57 ans). Des vides, nous restons avec des vides emplis de souvenirs, de sentiments et d'aventures difficilement traduisibles. Nous aussi nous plieront bagages, et nous rejoindrons en l'espace d'un éclair notre néant saturé de rêves. Une seule chose importe : donner, donner jusqu'à son dernier souffle.

Je t'embrasse tendrement,

André




  Christian Fancomprez,  
Francopolis janvier 2014 

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Créé le 1 mars 2002

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