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Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton,
     nous vous présenterons un court conte ou nouvelle : 

     OCTOBRE
2015

Etienne

Paul Durand-Degranges

Partie 1

 15 heures, Étienne sort du collège. Il est content parce qu’on est mardi et que le mercredi il ne va pas en classe. Ce n’est pas qu’Étienne n’aime pas l’école, c’est plutôt l’école qui ne l’aime pas. Sa mère l’attend dans la voiture, elle est garée sur un parking à plusieurs centaines de mètres du portail, « c’est plus simple pour se garer et repartir. Ça permet de rentrer plus vite en évitant la cohue des voitures et des bus, à condition bien sûr qu’Étienne ne traîne pas trop avant d’arriver ».
C’est vrai que parfois Étienne arrive en retard, comme s’il avait trouvé mieux à faire en chemin !

*

Étienne est en sixième, c’est sa première année dans ce collège, mais c’est aussi la première dans cette région. Avant, il habitait un grand appartement à Paris et il avait des amis. Il y avait toujours quelque chose à faire, dans la ville il ne s’ennuyait jamais. Ses parents n’étaient pas là très souvent à cause de leur travail mais il n’était jamais seul. Une jeune fille au pair s’occupait de lui et ses grands-parents maternels, qui n’habitaient pas très loin, étaient souvent là. Pour Étienne, la vie à Paris c’était ce qu’il y avait de mieux.

Deux soirs par semaine, il allait jouer au basket. Ce n’était pas un futur champion mais les autres de l’équipe étaient des copains avec lesquels il s’amusait bien. Il y avait aussi les mercredis. C’était séance cinéma lorsque le programme était intéressant, ou, si le temps le permettait, c’était roller ou skate, toujours avec des amis. Il avait tout pour être heureux, ses parents avaient une situation professionnelle en or et la chance d’habiter un appartement dans la capitale, en plein centre-ville.

*

Et puis, il y a eu ces fameuses vacances d’été et plus particulièrement ce mois de juillet. Alors qu’Étienne venait de terminer son CM1, toute la famille est partie en Provence. Là, les parents ont découvert une maison pour laquelle ils ont eu un coup de foudre. Étienne ne comprenait pas vraiment ce soudain engouement pour une espèce de ferme sans aucun confort et dont les multiples corps de bâtiment étaient sérieusement délabrés. Ses parents parlaient de laisser tomber leur travail, de tout plaquer pour venir vivre dans la nature et enfin pouvoir passer du temps avec leur fils. Ils avaient déjà tout en tête : l’emplacement de la piscine, les chambres d’hôte, trois gîtes, le potager pour avoir des légumes frais.

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour mettre le plan à exécution. Après avoir vendu l’appartement de Paris et puisé dans toutes les économies l’affaire était faite. Ils étaient propriétaires d’une ruine à remettre en état.

Étienne avait eu quelques mois de répit, il avait été décidé qu’il resterait avec ses grands-parents à Paris pendant les travaux, ce qui lui permettrait de rester dans la même école jusqu’à la fin de son CM2.

Puis est arrivé le moment où Étienne a déménagé à son tour. Au mois de juillet de l’année suivante, il a découvert la maison, après travaux. Bon, on ne pouvait pas vraiment dire « après » travaux. Certes le plus gros était fait mais il restait encore tellement à faire ! Ses parents avaient tout de même réussi à ouvrir un gîte et deux chambres d’hôte.

Sa chambre était elle aussi finie, même si elle ne ressemblait pas totalement à ce qu’il avait imaginé, elle était décorée comme il l’avait voulue. Ses parents avaient passé les vacances de Noël avec lui à Paris et il avait choisi des meubles sur un catalogue. Il n’avait pas imaginé non plus que la piscine serait aussi grande. Il y avait beaucoup d’autres choses qu’il n’avait pas imaginées et qu’il allait découvrir.

La ferme se trouvait à quelques centaines de mètres à l’est d’une colline. Celle-ci avait une forme bizarre, sa pente assez douce était, en son centre, brutalement interrompue par un à-pic rocheux d’une trentaine de mètres de haut. Étienne se disait que c’était comme lorsque l’on donne un coup de cuillère dans une boule de glace. L’été, au lever du soleil, la roche changeait de couleur. Le soir, le soleil au nord-ouest arrivait aussi à donner quelques belles couleurs. Puis, Etienne s’aperçut qu’avec l’été qui avançait, le soleil redescendait au sud et la lumière disparaissait très vite sur la ferme en fin d’après-midi.

*

Étienne monte dans la voiture de sa mère. Depuis quelques minutes de petits flocons de neige tombent, ils fondent sur la route mais pas dans ses cheveux. Sa mère lui frictionne rapidement la tête pour faire tomber ces flocons avant de l’embrasser.

-    Alors ta journée ?
-    Comme d’hab.

La voiture roule, il y en a pour plus de vingt minutes de route. Il faut monter en altitude et la neige commence à tenir sur la route une fois sorti de la ville. Les flocons se font plus gros et s’accrochent maintenant au pare-brise.

-    J’ai eu zéro en math.
-    Comment ça se fait ? Je n’ai pas bien eu le temps de t’aider mais quand j’ai jeté un œil, ton travail me semblait bon.
-    J’ai eu zéro parce que je n’avais pas mon devoir.

-    Comment ça, tu n’avais pas ton devoir ? Hier soir quand tu as préparé ton cartable tu as tout bien vérifié, non ? De toute façon il est resté à la maison, tu peux le rapporter et le professeur enlèvera le zéro.

-    Non, il n’enlèvera pas le zéro parce que ce n’est pas la première fois. J’ai aussi un mot dans le carnet, il faudrait que tu prennes rendez-vous avec mon professeur.

-    Quoi ? J’aimerais que tu fasses un peu attention. Tu perds pas mal de choses en ce moment, surtout depuis la rentrée des vacances de Toussaint. Ça fait quinze jours que l’école a repris et tu as perdu ton blouson, ta trousse, un cahier et peut-être d’autres choses que je ne sais pas. Et maintenant tu commences à oublier tes devoirs ! Je sais que ce n’est pas facile pour toi, l’installation dans la nouvelle maison, notre nouveau travail et l’entrée au collège. Je te demande de mettre un peu du tien pour que ça se passe bien. De toute façon, on verra ça plus tard à la maison. La neige tombe drue et je n’ai pas l’habitude de conduire là-dessus. Laisse-moi me concentrer et regarde comme c’est beau toute cette neige qui se pose sur le paysage !

-    …

-    Quand même de la neige début novembre, je ne m’attendais pas à ça dans cette région. L’année dernière, il en était tombé un peu mais plus tard dans la saison, en février je crois. Et puis pas plus tôt tombée au sol, elle fondait ! Là j’ai l’impression qu’elle va bien tenir. Si ça se trouve, on va rester bloqués à la maison, même avec le 4x4. L’essentiel c’est qu’on arrive à rentrer, après si on est bloqué quelques jours, ce n’est pas grave. Enfin pour nous, mais pour les clients ça va être un peu plus gênant.

*

La voiture roule en direction du gîte, la neige tient de plus en plus sur la route. Marie-Louise, la mère d’Étienne, se sent de moins en moins rassurée, mais la maison approche et malgré la neige, la voiture ne glisse pas. Arrivés au gîte, Marie-Louise dit à Étienne qu’elle doit voir avec son père comment gérer la neige, ce qu’il faut faire pour les clients qui attendus.

Étienne se prépare un plateau pour le gouter puis il s’installe dans le salon, devant la télé. La chaine d’infos parle des fortes chutes de neige prévues sur la Provence et explique l’origine du phénomène : de l’air froid traverse la France du nord au sud alors que sur la Provence arrive de l’air humide de Méditerranée. La rencontre des deux phénomènes provoque de grosses chutes de neige et la situation devrait durer toute la nuit. Marie-Louise passe devant Étienne et lui demande de ne pas rester devant la télévision, d’aller dans sa chambre pour faire ses devoirs. Comme ça, il pourra profiter de son mercredi, surtout s’il y a de la neige pour jouer.

Dans sa chambre Étienne regarde les flocons tomber par la fenêtre. La nuit est tombée, tous les clients sont arrivés et ils s’affairent à décharger leur voiture. Étienne trouve ça beau de voir tomber la neige, il pense aux vacances qu’il avait l’habitude de passer au ski. Tous les ans en février il partait quinze jours avec ses parents. Mais l’année dernière, à cause de cette maudite ferme à retaper, ils ne sont pas partis. Ses skis et sa luge sont dans le garage, il se met à espérer pouvoir faire de la luge demain. En attendant le repas, il s’installe à son bureau et attrape un cahier. Il dessine la carte de France et reproduit le courant froid et le courant humide qui fait tomber la neige sur la Provence. Il imagine que son dessin va permettre de faire tomber énormément de neige et qu’il pourra ne plus aller à l’école pendant des jours. Il danse et tourne en rond dans sa chambre en faisant une sorte de « danse de la neige ».


à suivre... Etienne partie 2


****

Paul Durand Degranges, est originaire de Lyon. Il habite le sud de la France. Il a écrit de nombreux ouvrages dans le domaine informatique, en particulier dans la collection Pour Les Nuls. Il a également publié deux romans :

Rhapsodie pour un Ange. Thriller. Édition Québec Livres ISBN : 978-2764024140

L’Ombre blanche. Thriller psychologique. Édition Québec Livres ISBN : 978-2764024133

* Ces deux romans sont aussi disponibles en version numérique.


Francopolis octobre 2015
Paul Durand Degranges
recherche Éliette Vialle
 

Créé le 1 mars 2002

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