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   Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton,

   nous vous présenterons un épisode d'une Nouvelle ou d'une Correspondance.


  
Nouveauté 2013 une suite à cette correspondance : une mise  en scène dans une Chorégraphie
   par le Théâtre de la Pirogue. Création 2013- Les mots vivants


    Ce mois-ci commence une correspondance entre Aurore Delrieu et François Bonnard.

Une nouvelle épistolaire qui ne manquera pas de vous émouvoir ni de vous surprendre. Car il ne s'agit pas seulement, ici, de confidences qui libèrent les personnages. Non seulement ils sont fort attachants, mais, précisément à cause de cela, l'on aime les lire en profondeur, à un second niveau, au delà des apparences  qu'ils ont données, parfois malgré eux, à eux-mêmes et à leur vie. Derrière le personnage, la personne ne tarde pas à apparaître, derrière les événements évoqués, une autre  "réalité" se dévoile, et un autre avenir ...  (Lilas)

***


Aurore Delrieu et François Bonnard sont amis depuis longtemps et liés par le même amour des mots, des émotions, qu'elles soient exprimées avec force ou bien de façon beaucoup plus retenue.

Une histoire fictive entre "Elle et Lui" qui raconte deux histoires, qui parle d'une autre vie, d'un nouvel avenir, avec espoir, fébrilité, crainte, angoisse, abattement parfois, mais toujours avec la conscience aiguë de ce vers quoi on tend, de ce à quoi on tient plus que tout !


***

Ils se sont croisés, ils se sont tout dit, ils ont décidé de se raconter la suite...

Correspondance : ELLE  ET LUI   ( en trois épisodes)
Partie I (octobre 2011)


Lettre 1 – ELLE (septembre 2010)

Ça y est je suis arrivée ! Les lieux sont vides comme je m'y attendais. Une solitude extrême m'apparaît alors, où seul le silence pourrait me donner une réponse.

Les portes sont closes et à travers les fenêtres on peut distinguer les murs blancs, intacts, sans que la moindre trace d'un éventuel passage ait pu les abîmer.

Je pénètre dans cette maison en espérant y voir des objets familiers, sentir ne serait-ce que le soupçon d'une ancienne présence mais qui n'est plus. Il n'y a absolument rien. Et là, à cet instant précis, au moment même où je vous écris, je me sens vraiment perdue. C'est le noir absolu dans ces pièces nues, inanimées, esseulées elles aussi, enfin prêtes à être habitées, dans l' attente que je puisse librement prendre possession de leur monde mais je ne sais pas trop comment m'y prendre.

Prendre possession d’un espace, vierge de toutes images, heureuses ou malheureuses, telle une page blanche où l'on doit écrire un texte : le plus difficile est de trouver le premier mot.

Et puis des gens sont arrivés pour voir comment était ce nouvel endroit et c'était drôle à voir. Ils ont tous voulu m'aider en me disant où mettre un meuble, de quelle couleur les murs devraient être peints…

Je me suis alors retrouvée dans ce lieu inconnu, sans y avoir mis un peu de « moi ». Quelque chose qui devenait viable, mais impersonnel et froid tout comme mon cœur finalement. Je me souviens alors de jadis, de tout ce que j'ai parcouru, de tout ce que j'ai acquis et tout ce qui m'a été enlevé. Et devant cette maison, tout à coup, sans rien pouvoir y faire, je pleure, pleure, pleure...

Lettre 1 – LUI 

J’ai longtemps pensé à tous ces mots que nous avions échangés. Votre lettre n’a fait que souligner à quel point ce que nous avions évoqué peut-être si fort, si juste, lorsqu’on se retrouve plongé dans une nouvelle existence, lorsque les ombres d’hier n’ont pas encore décidé de nous accompagner vers la lumière ou bien de nous aspirer sans cesse vers des fantômes lancinants !

Je me suis installé à mon tour depuis plusieurs jours. Pour ma part, j’ai préféré choisir l’hôtel, à la fois lieu d’accueil, de passage, de découverte, d’abandon, impersonnel et si familier pourtant…

J’aime me retrouver dans cet essaim d’humains où se côtoient les êtres de passage, en quête de renouveau, en perdition parfois aussi, en tangence entre deux mondes, à la recherche d’émotions partagées de manière fugace et tous ceux qui y vivent au quotidien, y travaillent et qui sont les témoins privilégiés de toutes ces vies en transit.

J’aime me poser sur un fauteuil, le soir, lorsque le soleil couchant vient enrober l’atmosphère du lieu d’une lumière surréaliste et intemporelle… ce moment si particulier où l’activité humaine bascule entre deux univers, où les attitudes se métamorphosent comme mues par des énergies invisibles et irrépressibles !

Je regarde les gens s’activer, passer devant moi ; je cherche à entendre des bribes de conversations, à humer leurs sensations enfouies au plus profond d’eux-mêmes, à ressentir un peu de leur quotidien, dépister leurs émotions, leurs préoccupations, leurs sentiments du moment...

Cet homme las assis près du comptoir, n’est-il fatigué que par sa journée de labeur ?
Cette belle femme assise l’air absente contre la baie vitrée, attend-t-elle quelqu’un ou bien est-elle en train de songer à ce qui n’est plus ?



LETTRE 2 – ELLE

Les hôtels me font peur.
Je suis toujours du côté des personnes que vous décrivez. Je me sens observée et je vois dans les yeux de certains des questions muettes : pourquoi est-elle là toute seule ? Va t’elle retrouver un amant dans une de ces chambres ? Y a t-il de la mélancolie dans ses gestes mesurés ? Ou bien est-ce tout simplement un moyen de contrôler un tant soi peu sa vie qui part à la dérive ?

Mais, hormis des suppositions mystérieuses quant à ma vie, au bout du compte, personne ne cherchera jamais à savoir ce que je pense véritablement et c'est bien triste.

Ce matin, en face de chez moi, mes nouveaux voisins se sont embrassés sur le pas de la porte. La veille au soir pourtant, on les entendait hurler de fureur. Je me suis demandé quelle pouvait être la raison d'une telle haine foudroyante et passagère entre ces deux êtres si proches et si lointains à la fois.

Et je me dis que pour moi, le pire c'est de ne plus connaître cet équilibre que peut être l'amour.
Le fait de ne pas se savoir aimée (ou haïe) hormis des amants de passage qui connaissent uniquement ce que je veux bien leur montrer. On décide alors de jouer le jeu en devenant une proie moins facile que certaines, avec l'excitation de savoir que l'on va quand même perdre. Être en face d'un prédateur qui se sent puissant et pourtant si dérisoirement pathétique.

Mais ce n'est pas ce jeu de joutes inextricables que l'on attend en fin de compte. On espère un feu qui dure plus longtemps ! Avoir de nouveau près de soi un homme au quotidien, qui peut rassurer rien que par son unique présence. Espérer un simple effleurement. S'enivrer d'une caresse aussi pâle et légère que le vent. Sentir un frisson impudique qui monte vers la nuque… lentement. Un moment, simple battement d'ailes qui se suspend alors... où lorsqu'au dessus de moi, son regard me fixe. Un  regard qui se durcit et se perd, il n'y a qu'à cet instant précis que je me sens inexplicablement invulnérable et vivante.

Au bout du compte, tout ce que l'on cherche c'est rencontrer quelqu'un qui nous regarde inlassablement, chaque matin, même au bout de quinze ans, avec une incroyable force et qui vous dit que vous êtes belle, juste pour que toujours nous nous sentions unique et insidieusement «dépendante» de cette phrase.

LETTRE 2 – LUI

Il m’est arrivé parfois de ressentir ce sentiment d’éternité qui nous envahit lorsque deux êtres s’étreignent jusqu’à oublier qui ils sont, où ils se trouvent, et à quel moment… pour ne former plus qu’un immense rayon de lumière intemporelle.

Fragile équilibre que celui de la vie, que cette course effrénée vers l’avant sans possibilité de l’arrêter ! Rien ne dure à jamais ! Et pourtant, exceptionnellement, il arrive que l’on se sente pénétré d’une certitude, d’une perception autre des choses, un peu comme si, durant un laps de temps indéfini, on parvenait à tutoyer l’immortalité !

J’ai marché longtemps au bord de la mer aujourd’hui, le long des vagues qui, inlassablement, allaient et revenaient, répétant à l’infini, le même mouvement, le même souffle. Et pourtant uniques à chaque fois.

L'Homme qui (re)commence une nouvelle vie a en lui force et douleur enchevêtrées jusqu’au plus profond de ses tripes. Cet attelage un peu surréaliste est pourtant source d’émotions parfois contrastées, mais toujours complémentaires, et qui poussent inexorablement vers un Après…

En quelques jours, j’ai déjà rencontré beaucoup de gens. A chaque fois, je ressens l’ivresse face à ces terres vierges. Quelle incroyable sensation que celle d’aborder de nouvelles personnes sans lien aucun avec hier, à peine avec maintenant ! À chaque poignée de main, à chaque nouveau bonjour, c’est Demain qui se profile avec la fougue d’un jeune étalon ! Oh, je n’irai, bien sûr, pas dire que les hommes sont meilleurs de ce côté-ci de la planète, qu’ils sont tous animés de sentiments philanthropiques et désintéressés.  Je ne suis pas dupe. C’est sans doute mon regard qui est plus positif, plus compréhensif peut-être… plus indulgent !

Dans cette nouvelle contrée, je suis le seul vestige de mon passé.

Durant ma promenade sur la plage j’ai croisé une femme qui marchait dans l’eau ses chaussures aux pieds… elle s’est arrêtée à ma hauteur et a souri de mon regard que je pensais pourtant anodin !
Elle est alors sortie des flots et s’est assise sur le sable tout en continuant à me regarder en souriant ! Elle a ôté délicatement ses souliers, et les a pris à la main, elle s’est relevée, puis elle s’est mise à marcher sur le sable en riant aux éclats.

Je suis resté à la regarder s’éloigner… longtemps son rire a dansé autour de moi !

Lorsque je suis rentré à l’hôtel, la nuit était tombée. Je me suis laissé happer par l’atmosphère chaleureuse imprégnée de musique et remplie de paroles, de cris et de rires.

J’ai croisé alors le regard un peu hagard d’un homme seul qui semblait sortir de nulle part. C’était le mien dans le grand miroir au fond de la salle.

Je lui ai souri…


LETTRE 3 – ELLE

Cette femme dont vous décrivez le sourire, me fait penser à une naïade perdue, condamnée entre folie et liberté. Irréelle peut-être, seulement perçue par vous, qui sait ? Et c'est là où doit résider l'équilibre : ne pas franchir l'espace du rêve, faire le tri entre les fantasmes et ce qui doit être vécu.

Équilibre fragile mais nécessaire où sombrer dans la noirceur éthérée de l'onirisme serait la plus regrettable erreur à faire. Je me dis qu'il en est de même pour nos émotions. Se sentir dans un moment important mais ne pas pouvoir ou ne plus savoir comment faire pour agir.

Quand pouvons-nous nous laisser aller et sentir un soupçon de sentiment ? Quand devons-nous passer à l'action ? Quel est le juste milieu pour ne pas trop s'exposer sans pour autant finir par tout perdre à force de vouloir tout contrôler ? Lorsqu'on est froid, absent, inerte ou bien encore inexistant, lorsque les émotions affluent comme la mer mais jamais ne restent.

J'occupe quant à moi mon nouveau lieu avec plus de douceur et de paix. Je prends le temps de regarder le jardin où tout doit être réinventé. Je jette un œil à l'extérieur tout en essayant de ne pas craindre pour mon espace vital. Une intrusion qui me fait peur à chaque fois.

Mais ce matin il m'est arrivé une chose étrange. J'ai vu mon voisin qui était devant ma porte et il pleurait. Après une soirée difficile avec sa femme il a un peu flanché... Je me suis retrouvée alors à être le témoin de cette tristesse, de ce torrent de larmes qui roulait sur ses joues. Je me sens tellement désarmée et déstabilisée devant cet homme si mélancolique que je ne sais plus comment trouver les mots qu'il attend.
Sensiblerie ? Faiblesse ? Ou bien au contraire, n'est-ce pas une incroyable pureté, une féminité assumée qui ne le rend que plus viril ?

Où se situe l’équilibre entre un homme trop doux et une femme tellement dure. Comment lui rendre une place plus légitime et de manière élégante ?

LETTRE 3 – LUI

« Lui rendre une place plus légitime…», auprès de qui ? D’elle ou bien de vous ?
Le lien qui en peu de temps vous a relié à cet homme semble prendre sa source dans une autre époque, un autre lieu peut-être ? Les émotions et les sentiments que vous lui prêtez sont-ils bien les siens ? Ne sont-ils pas ceux d’un autre ?

Il semblerait que vous et moi fussions confrontés à quelques fantômes, réels ou pas, là est bien la question !
J’ai recroisé « la naïade. »... Histoire de m’assurer qu’elle existait bel et bien.

La mer est en tout cas un domaine qu’elle affectionne. J’étais assis sur la plage déserte (moi aussi j’aime la mer…) à scruter l’horizon. Je suivais au loin le vol des mouettes qui tourbillonnaient autour des bateaux des pêcheurs rentrant au port. Je percevais à peine le léger ronflement des moteurs qui venait se marier avec le ressac et le cri lointain des oiseaux.

J’ai senti soudain une présence derrière moi. Elle était là, assise elle aussi, à quelques mètres de moi. J’ai hésité… et puis elle m’a souri ! Alors je me suis levé et me suis approché d’elle. Elle s’est redressée d’un bond joyeux et m’a tendu la main d’un geste délicat, elle m’a remis un bout de papier plié plusieurs fois pour bien tenir dans le creux de sa main. J’avais à peine commencé à le déplier qu’elle avait déjà rejoint le chemin en riant toujours, de ce même rire qu’elle avait laissé résonner dans ma tête la dernière fois.

Du coup, j’ai remis le papier dans ma poche et je suis rentré. J’avais envie de garder un peu de mystère à ce présent quelques instants encore !

Je me suis laissé porter par mes pas jusqu’au port; les bateaux des pêcheurs arrivaient à leur tour, toujours accompagnés d’une bruyante nuée de mouettes. J’ai regardé les marins débarquer leurs caisses remplies de poissons encore frétillants, certains luisaient comme la mer avant un orage lorsque la lumière du ciel se confond avec celle des flots. Les hommes s’affairaient avec entrain, les mères tenaient leur enfant par le col pour qu’ils ne se penchent pas trop vers l’eau en regardant de plus près l’intérieur des caisses encore sur les bateaux !

Des images de mon enfance ont rejailli avec une douceur un peu mélancolique… on n’oublie jamais véritablement d’où l’on vient.

J’ai alors senti le papier dans ma poche. Je suis allé jusqu’au bout de la jetée, là où les vagues viennent mourir en se fracassant et je me suis assis sur un rocher pour le lire.

C’était une petite affiche annonçant un spectacle de cirque dans deux jours : la date et l’heure étaient entourées finement d’un trait rouge vif.

... à suivre...
à suivre... Partie II
en novembre...

 
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Créé le 1 mars 2002

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