Les
mots des morts sont des mots doux, des mots de vie, pleins. Et
même s’ils résonnent, ils ne crient pas. Il faut tendre
l’oreille pour les attraper, entre silence et bruissement. Car c’est
là qu’ils se livrent à la délivrance, là
qu’ils égrainent des chuchotis qui nous accompagnent sans qu’on
les perçoive vraiment. Et si, contre toute attente nous les
entendons tout légers, tout ténus, il est assez fortuit
de les identifier. Cependant ils ont un sens, des sens qui infiltrent
les nôtres.
Les mots des morts
nous transpercent à force de se rompre à la pierre de nos
cœurs, contre la meule de nos indifférences. Et pourtant,
inlassablement, ils sèment leur humus sous le pas des vivants.
Ils nous réveillent mais sans nous harceler, promenant des
ombres fragiles au ras de nos consciences, libérant des murmures
qui viennent polir nos langues.
Les mots des morts ne
sont pas vains. Ni perdus ni perdants, juste vivants.
Inaperçus mais bien audibles. On ne les entend pas dans les
cimetières. On y entend que le silence et son
éternité. Eux, se sont affranchis des tombes et de leur
acoustique austère, de loin préférant le
vent. Celui des petites brises et des simples courants, ceux qui nous
effleurent d’une fraîcheur infime et enlaçante comme les
fougères au creux des bois.
Les mots des morts
sont souverains, à la fois doux et opiniâtres comme les
langueurs d’océan entre deux marées. Ils se sont
désaliénés de toute appétence. Ils n’ont
plus rien à gagner. Que la joie de leur liberté. On les
surprend dans la laine d’un nuage qui se délite puis
s’évapore, accroché aux cils d’un enfant songeur, au coin
d’un sourire sans âge.
Dans le Saint des
Saints du silence et de la solitude, là où le regard
creuse et où le cœur s’ébruite, il y a la chambre de
repos. Les mots des morts viennent y reprendre souffle avant de
poursuivre leur route, jamais rectiligne.