Svante Svahnström,
sélection
décembre 2014
il se présente
à vous.
Inventer une « universification »
Trois textes retenus
1. Cairn 1993
Cairn de Barnenez
citadelle de repos
du quatrième millénaire
Siècle après siècle
des bras barbares
ont trainé des stèles en granit
dressé des tables
sur ta colline
entassé les pierres éclatées
En quatre-vingts descendances
tu t’es mué en palais pour
défunts inconnus
dépouillé aujourd’hui
de tous instruments de ferveurs oubliées
Lorsque tes princes disparurent
dispersant les sujets qui t’avaient assemblé
voici la nature violée
prenant sa revanche
qui t’étouffe qui t’inhume
sous ce linceul herbeux et terreux
Monument inachevé
en attente toujours
du palier d’accès aux nuages
Des instants voilés de l’enfance de ton site
rejaillissent au seuil du nouveau millénaire
renaissent au regard de la culture de guerre des étoiles
Tes onze alvéoles
furent-elles moulées en demeure pour tes morts ?
Y digérais-tu les sacrifices aux dieux de ta colline?
Y couvais-tu les offrandes et les trésors destinés aux
divins?
Laissais-tu ruminer les prières dans tes sombres entrailles ?
Ancêtre-parrain des pierres saintes de Borobodur
du haut de ton promontoire
serait-ce toi le berceau
de l’art de bâtir
de la terre plus tard nommée Gaule ?
**
2. La rondeur du
planisphère
La rondeur du planisphère est
quadrillée
comme la vacuité des carreaux de ma feuille
La projection comprime le crâne du pôle
Rugissantes les montagnes s'élancent vers la stratosphère
les lacs veillent à l'étanchéité des coins
Les fleuves, entretemps, fendent la grille
et les océans, malgré tout, n'arrivent pas à
mouiller le papier
Salut Zimbabwé, Ouzbékistan et tous vous autres
Ne chahutez pas
Il y a de la place pour chacun
Caressez-vous les frontières
***
3. Pistes d’Istanbul
Repu de Topkapı sarayı, rassasié d’Ayasofia
comblé de Mosquée bleue
Après une immodérée ingestion de vertige
besoin de répit
Repos à l’arrêt du tram
puis dans un convoi gris métallisé
une poignée de minutes en pente douce
dans un chuintement ouateux de suave technologie
Sirkeci ! la jonction de l’Orient Express
Eminönü ! grouillement enfumé
entre sardines grillées à l’ouest du pont
entre cheminées des vapur à l’embarcadère
Traverser la Corne d’Or
s’extraire de la coque rutilante
Après le pont Galata
entrer dans le noir
puis 60 mètres au-dessus
sortir du Tünel
oblitérer dans le tram de Taksim
Vestige vétuste
brinquebalant
Du patrimoine sentimental
Le mécano de 1939
rendu à nouveau à la rue l’an de grâce 1991
rampe rétro fend les promeneurs
prend possession de la voie piétonnière
l’emblématique avenue Istiklal
au pas empressé de limace
carillonne sur l’insouciance en flânerie
A Taksim sanctuaire d’affrontements
** textes
commentés par le Comité
Auteur suivant : Rosemay
Nivard
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