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Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton, nous vous présenterons un épisode d'une Nouvelle:


FIN DE SAISON 

par

Eliette Vialle



Partie 1- Octobre...   -  Partie II - Novembre

et voici pour décembre : Partie III ... suite et fin

Tableau VI : L’angoisse  (Munch)

Tableau VII : La Mise au tombeau (Servaes Albert)

Tableau VIII : Adam et Ève paradis chassés du paradis (Christian  Rohlfs)


TABLEAU  VI : L’ANGOISSE  (MUNCH)

Kévin se vêtait à la hâte : Cédric était déjà sorti sans le réveiller ! Pourtant,  la soirée était  une réussite : très gaie, avec de bons numéros, il était fier de lui en tant que D J, mais Cédric avait gardé une mine impassible, voire : méprisante : quel vieux ronchon ! Il aurait préférait certainement que l’on fasse une lecture de  l’Iliade : ce genre de sottise intello et mortellement ennuyeuse, où, il l’avait entraîné un jour ! Il claqua la porte et se précipita vers l’ascenseur, il avait déjà appuyé sur «  réz de chaussée », quand, il entendit un appel : une silhouette surgissait de l’obscurité du couloir, lui faisant de grands gestes : aïe ! un Roger – Joseph  arrivait essoufflé. C’eût été amusant de partir sans lui, mais avec un soupir, Kévin s’écarta et tenant la porte ouverte, fit une révérence ironique, le Roger-Joseph lui lança un regard venimeux ! Et cela suffit pour déclencher la dernière facétie de Kévin : il avança légèrement le pied, l’autre broncha, et alla heurter avec un grognement de rage  et un cri de douleur la barre métallique qui servait d’appui à l’intérieur de la nacelle. Surpris, Kévin lâcha la porte, l’ascenseur descendit ! Affolé, le jeune homme comprit qu’il était trop tard pour changer la manœuvre déjà enregistrée !

Aux abois, il imagina la suite , le Roger-Joseph devait s’être égratigné , ou même plus grave, légèrement entaillé sur l’angle aigu de la barre, il irait chez le directeur, et ,comme  les deux vieux s’étaient plaints plusieurs fois de la musique  de sauvage que mettait Kévin quand il était seul  sur la terrasse. Cette dernière hélas, jouxtait celle des Roger-Joseph, on l’accuserait de l’avoir fait exprès, ce serait grave à deux jours du départ : et il irait, sans doute, au tribunal pour coups et blessures volontaires !

L’ascenseur semblait bloqué au rez-de-chaussée : que se passait-il ? En proie à des angoisses qui lui glaçaient la moelle épinière, il retourna à la chambre : Cédric avait emporté  la clef ! Poursuivant son chemin, il trouva une femme de chambre, se fit ouvrir et afficha le panneau  «ne pas déranger ».

 Kévin s’effondra dans un fauteuil, après avoir tiré les rideaux, mais, il n’arrivait pas à réfléchir : que faire ? Ah ! Si un tremblement de terre pouvait l’engloutir, à cet instant ! L’attente angoissante  se prolongea, il était midi passé, Cédric allait venir le chercher et le questionner : il fallait feindre la maladie : il se déshabilla et se glissa sous les draps.

 
                                                                                      

 TABLEAU  VII :   LA MISE AU TOMBEAU (SERVAES ALBERT)

 
On tapait à la porte, de plus en plus fort ; Kévin se roula dans les draps, bien serré comme pour se protéger de l’extérieur. Puis, il reconnut la voix de Cédric, une voix alarmée mais pas grondeuse, il sortit de son lit tout emmailloté et ouvrit ; inquiet celui-ci le considéra avec pitié :

             «Nous allons bientôt rentrer et tu pourras te reposer, dit-il, en le raccompagnant vers leur couche, je ne pense pas que ces nuits folles te soient vraiment favorables »

Kevin avait envie de le mordre, au lieu de cela, acquiesça, tout contrit.

             «Pendant que tu te reposais, il s’est passé quelque chose de grave »

Kevin se releva à demi : « Quoi ?» faillit-il crier, mais il était plus sage de se taire et d’attendre.

             «Voilà, il y eu un accident, un des vieux messieurs, nos voisins, a été retrouvé mort dans l’ascenseur… »

            «Mort !!! » hurla Kévin, mais ce n’était pas possible, qu’allait-il devenir : lui, un assassin !
             Non, c’était une mauvaise farce !

           «On pense qu’il a eu un malaise et s’est fracassé le crâne contre l’angle de la barre métallique !»
Devant les traits altérés de son ami, il lui prit le visage tendrement :

            «Oui, je sais que c’est choquant, mais cela arrive hélas ! Le médecin est là, ainsi que la police, mais tout va se faire dans la plus grande discrétion : le rapatriement est prévu pour demain matin, Joseph, celui qui reste  est ravagé par la douleur, ils étaient beau-frère et vivaient ensemble depuis trente ans ! »

Un hoquet secoua le corps de Kévin. Cédric l’obligea à s’allonger :

            «Allons, mon grand, c’est dur pour toi, c’est à cette fin que je suis venu te prévenir, pour que, surtout,  tu n’apprennes pas cela inopinément !  Je vais rester auprès de toi ; as-tu un calmant ? » Mais Kévin n’en avait pas !  Cédric lui administra un somnifère léger et attendit que les bribes de sanglots  émanant de son ami, se tussent et qu’il s’endormît. Peu à peu, Kévin se calmait : « il » était donc mort, on parlait d’accident : lui, était sauvé. Il finit par s’endormir, bercé par son ami.

À son réveil, il se retrouva seul. Après s’être remémoré les derniers événements, il alla dans la salle de bains, il prit une longue douche  et se laissa aller à une intense jubilation : pas de témoin ! Pas de témoin ! C’était  inespéré ! Rien ne pouvait arriver de meilleur !  Martelant de joie les murs de la douche : il répétait cette litanie : pas de témoin ! Pas de témoin ! Vraiment inouï ! Il regarda son image dans le grand miroir : comme il avait changé en quelques heures !  Il avait perdu cet éternel demi-sourire qui  lui conférait un  charme espiègle. Le regard était plus grave, mal assuré, en un mot : vieilli !

Cédric survint, et donna les dernières précisions sur le sujet : des personnes se relaieraient pour une courte veillée funèbre, Joseph et le corps de Roger partiraient vers quatre heures, il y avait des fleurs offertes par la direction et d’autres touristes. Une atmosphère de deuil régnait de partout, les musiques étaient interdites ainsi que la soirée !

De telles mesures étaient incompréhensibles pour Kévin qui n’avait jamais connu, encore, de décès dans sa courte et heureuse vie familiale. A nouveau, il avait peur : c’était plus grave, plus violent, et, si la femme de ménage disait qu’elle l’avait vu  attendre près de l’ascenseur ? Une chape d’angoisse l’étreignit, sa respiration devint sifflante, il manquait d’air.

Cédric vint vers lui et s’efforça de le calmer : «Bon, tout est fini, je ne t’en parlerai plus, tu vas rester ici et je te fais monter un repas léger »  Kévin infiniment soulagé, se sentit mieux, il avait faim mais refusait de descendre, l’ambiance le terrorisait, et cependant, il avait besoin de présences  chaleureuses, insouciantes et gaies. Quel geste stupide  il avait eu ! Mais, c’était irréfléchi, il ne pensait pas que l’issue serait telle ! Ce n’était qu’un stupide accident ! OUI, ce n’était qu’un simple et stupide accident !

 

 Tableau  VIII :   Adam et Ève paradis chassés du paradis (Christian  Rohlfs)

 

-      « S’il te plait, ne reste pas enfermé dans cette chambre, suppliait Cédric, c’est malsain, fais un effort ! L’excursion va te changer les idées,  tu y tenais tant ! »

Mais son compagnon, le visage enfoncé dans l’oreiller, secouait négativement la tête ! Cédric revenait de la cafétéria et lui avait monté un plateau.

-      « Comme tu voudras, je t’attends à la plage ou à la piscine …je prends la clé. »

Cédric lui-même n’en pouvais plus : quel enfant c’était ! Toujours avide de plaisirs et s’effondrant au moindre soubresaut de la vie ! Les vacances lui avaient permis de voir l’égoïsme forcené de son compagnon, sa puérilité et surtout cette immense fragilité…. Non ! Il ne pouvait rien construire avec lui : la rupture allait de soi ! Mais,  une leçon pouvait être tirée de ce séjour catastrophique : c’était leur mutuelle incompatibilité à vivre ensemble. Il alla s’installer à l’écart et sans pouvoir lire, ferma les yeux et rumina sa tristesse.

Bon, il fallait assumer la rupture, sans drame : il donnerait à Kévin un chèque pour couvrir les premiers frais de sa solitude, non ce serait sordide ! Il fallait en parler immédiatement ! Il se leva d’un bond : en espérant, encore, je ne sais quoi de miraculeux.

La chambre était ouverte et il entendit que l’on y parlementait,  la femme de chambre se plaignait de ne jamais faire le ménage, Kévin sortit sur la terrasse. Cédric attendit dans le couloir.  Un long moment après, il put enfin rejoindre son ami : celui-ci, pâle, amaigri, le visage fripé : ne rappelait en rien l’espiègle jeune homme  qui avait embarqué la semaine précédente. Pensant qu’on venait le sermonner encore, il siffla méchamment : «J’en ai marre de vous tous ! Je ne sortirai que pour partir ! »

               - Bien, j’enregistre ! répondit Cédric sur un ton glacial, mais il faut alors que l’on décide de mettre fin à notre relation et savoir comment.

               - Je veux rentrer chez moi et ne plus jamais me souvenir de ces vacances horribles ! 

Cédric n’en pouvais plus de déception :

- Comme tu voudras…

- 
Bien sûr, si tu savais ce que j’ai vécu !... 

Et se jetant au cou de son ami, lui confia l’angoisse qui l’avait tenu caché  aux yeux de tous. Tout en l’écoutant, Cédric sombrait dans l’horreur 

- Mais tu l’as précipité dans l’ascenseur !!!

- Mais c’tait pour plaisanter, je ne pensais pas qu’il se tuerait ! c’est un simple accident ! » gémit- il, arrosant de ses larmes l’épaule de son ami !

- C’était un homicide involontaire ! »

- Non, un simple accident !

- Mais provoqué sans intention de donner la mort, puis, non assistance à personne en danger !

- Non, c’était un accident !

- Mais tu as foutu deux vies en l’air !

- Ils étaient vieux !

- Et toi, tu es un jeune monstre !

- C’était un accident !

- Il faut rattraper : tu as une assurance qui te couvre sur les dommages aux tiers ?

- Ne sais pas ce que c’est !non ! tu veux me laisser moisir toute ma jeunesse dans une prison étrangère ?

- Pas de cinéma !!! je crois que ta lâcheté arrange bien les choses ! ta jeunesse ne sera pas gâchée… même si

- C’était un accident !

- Bon, recouche-toi, je te donne un somnifère, et t’apporte un plateau bien nourrissant !

- C’était un accident, gémit faiblement Kévin, en se laissant border dans son lit par un Cédric mal à l’aise et
soucieux.

Le lendemain, Cédric laissa Kévin établir une distance entre eux, il aurait aimé trouver une solution humaine pour Joseph, seul maintenant, privé de son compagnon de toujours par l’inconscience d’un gamin !

À Paris,  le taxi commandé  les attendait : mais où était Kévin ? Un membre du groupe des jeunes lui dit qu’on l’avait vu partir avec Marylise qui le raccompagnait chez lui.

Épuisé, Cédric regagna ses pénates, ne chercha pas à joindre Kévin, ni, Kévin ne chercha  jamais à joindre Cédric!

Plus tard, bien plus tard, par l’un de ses amis  Cédric apprit que Kévin vivait depuis quelque temps  avec une grande femme brune, directive et forte en gueule : celui-ci, eut vite fait de reconnaître  Marylise : alors, il éclata d’un rire sonore !




FIN

Commentaires d'Orlando de Rudder

Vous  apportez vraiment quelque chose... Mais peut-être ne faut-il pas annoncer au début que ces vacances seraient moches! J'ajouterais un peu plus de descriptions (quatre ou cinq lignes a tempo par ci par là (J'appelle ça Gestapo: GEStes Attitudes, POstures)...

Mais le ton est là, fort et vous créez votre propre genre littéraire...  On aimerait mieux connaître les vieux, blouvard et pécuchet un peu badplaf... Mais qu'on peut rendre plus touchants et plus moches en même temps ? Quant à la brune ramenarde, je la verrais plus odieuses: la décrire (regard, bijoux, tout ça)
Mais c'est peu de choses: Vous y êtes et ça doit faire grincer voluptueusement les dents de pas mal de lecteurs... L'écriture est superbe, un vrai style discret et fort qui sert le propos avec un beau balancement! Bin bravo
Bâtissez plus les personnages secondaires! Il faut les "voir".


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Créé le 1 mars 2002

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