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Chaque mois, comme à la
grande époque du roman-feuilleton, nous vous présenterons un épisode d'une Nouvelle:
Tableau VI : L’angoisse (Munch)
Tableau VII :
TABLEAU VI : L’ANGOISSE (MUNCH) Kévin se vêtait
à la hâte : Cédric était déjà sorti sans le réveiller !
Pourtant, la soirée était une réussite : très gaie, avec de bons
numéros, il était fier de lui en tant que D J, mais Cédric avait gardé une mine
impassible, voire : méprisante : quel vieux ronchon ! Il aurait
préférait certainement que l’on fasse une lecture de l’Iliade : ce genre de sottise intello et
mortellement ennuyeuse, où, il l’avait entraîné un jour ! Il claqua la
porte et se précipita vers l’ascenseur, il avait déjà appuyé sur «
réz de chaussée », quand, il entendit un appel : une silhouette
surgissait de l’obscurité du couloir, lui faisant de grands gestes : aïe !
un Roger – Joseph arrivait essoufflé.
C’eût été amusant de partir sans lui, mais avec un soupir, Kévin s’écarta et
tenant la porte ouverte, fit une révérence ironique, le Roger-Joseph lui lança
un regard venimeux ! Et cela suffit pour déclencher la dernière facétie de
Kévin : il avança légèrement le pied, l’autre broncha, et alla heurter
avec un grognement de rage et un cri de
douleur la barre métallique qui servait d’appui à l’intérieur de la nacelle.
Surpris, Kévin lâcha la porte, l’ascenseur descendit ! Affolé, le jeune
homme comprit qu’il était trop tard pour changer la manœuvre déjà
enregistrée ! L’ascenseur
semblait bloqué au rez-de-chaussée : que se passait-il ? En proie à
des angoisses qui lui glaçaient la moelle épinière, il retourna à la
chambre : Cédric avait emporté la
clef ! Poursuivant son chemin, il trouva une femme de chambre, se fit ouvrir
et afficha le panneau «ne pas
déranger ».
TABLEAU VII :
«Nous
allons bientôt rentrer et tu pourras te reposer, dit-il, en le raccompagnant
vers leur couche, je ne pense pas que ces nuits folles te soient vraiment
favorables » Kevin avait envie de le mordre, au lieu de cela, acquiesça,
tout contrit. «Pendant
que tu te reposais, il s’est passé quelque chose de grave » Kevin se releva à demi : « Quoi ?»
faillit-il crier, mais il était plus sage de se taire et d’attendre. «Voilà, il
y eu un accident, un des vieux messieurs, nos voisins, a été retrouvé mort dans
l’ascenseur… » «Mort !!! »
hurla Kévin, mais ce n’était pas possible, qu’allait-il devenir : lui, un
assassin ! «On pense
qu’il a eu un malaise et s’est fracassé le crâne contre l’angle de la barre métallique !»
«Oui, je
sais que c’est choquant, mais cela arrive hélas ! Le
médecin est là, ainsi
que la police, mais tout va se faire dans la plus grande
discrétion : le
rapatriement est prévu pour demain matin, Joseph, celui qui
reste est ravagé par la douleur, ils étaient
beau-frère
et vivaient ensemble depuis trente ans ! » Un hoquet secoua le
corps de Kévin. Cédric l’obligea à s’allonger :
«Allons,
mon grand, c’est dur pour toi, c’est à cette fin que je suis
venu te prévenir,
pour que, surtout, tu n’apprennes pas
cela inopinément ! Je vais rester auprès de
toi ; as-tu un
calmant ? » Mais Kévin n’en avait
pas ! Cédric lui administra un somnifère
léger et
attendit que les bribes de sanglots
émanant de son ami, se tussent et qu’il s’endormît. Peu
à peu, Kévin se
calmait : « il » était donc mort, on
parlait d’accident : lui,
était sauvé. Il finit par s’endormir, bercé par
son ami. À
son réveil, il se retrouva seul. Après s’être
remémoré les
derniers événements, il alla dans la salle de bains, il
prit une longue douche et se laissa aller à une intense
jubilation : pas de témoin ! Pas de
témoin ! C’était inespéré !
Rien ne pouvait arriver de
meilleur ! Martelant de joie les
murs de la douche : il répétait cette litanie :
pas de témoin ! Pas
de témoin ! Vraiment inouï ! Il regarda son image
dans le grand
miroir : comme il avait changé en quelques heures !
Il avait perdu cet éternel demi-sourire qui lui
conférait un charme espiègle. Le regard
était plus grave,
mal assuré, en un mot : vieilli ! Cédric survint, et donna les dernières précisions sur le
sujet : des personnes se relaieraient pour une courte veillée funèbre, Joseph
et le corps de Roger partiraient vers quatre heures, il y avait des fleurs
offertes par la direction et d’autres touristes. Une atmosphère de deuil
régnait de partout, les musiques étaient interdites ainsi que la soirée ! De telles mesures étaient incompréhensibles pour Kévin qui n’avait
jamais connu, encore, de décès dans sa courte et heureuse vie familiale. A nouveau,
il avait peur : c’était plus grave, plus violent, et, si la femme de
ménage disait qu’elle l’avait vu
attendre près de l’ascenseur ? Une chape d’angoisse l’étreignit, sa
respiration devint sifflante, il manquait d’air. Cédric vint vers lui et s’efforça de le
calmer : «Bon, tout est fini, je ne t’en parlerai plus, tu vas rester
ici et je te fais monter un repas léger »
Kévin infiniment soulagé, se sentit mieux, il avait faim mais refusait
de descendre, l’ambiance le terrorisait, et cependant, il avait besoin de
présences chaleureuses, insouciantes et
gaies. Quel geste stupide il avait eu ! Mais, c’était irréfléchi, il
ne pensait pas que l’issue serait telle ! Ce n’était qu’un stupide
accident ! OUI, ce n’était qu’un simple et stupide accident ! Tableau
VIII : Adam et Ève paradis
chassés du paradis (Christian Rohlfs) -
« S’il te plait,
ne reste pas enfermé dans cette chambre, suppliait Cédric, c’est malsain, fais
un effort ! L’excursion va te changer les idées, tu y tenais tant ! » Mais son compagnon, le visage enfoncé dans l’oreiller,
secouait négativement la tête ! Cédric revenait de la cafétéria et lui
avait monté un plateau. - « Comme tu voudras, je t’attends à la plage ou à la piscine …je prends la clé. » Cédric
lui-même n’en pouvais plus : quel enfant
c’était ! Toujours avide de plaisirs et s’effondrant au
moindre soubresaut
de la vie ! Les vacances lui avaient permis de voir
l’égoïsme forcené de son compagnon, sa
puérilité et
surtout cette immense fragilité…. Non ! Il ne pouvait rien
construire avec
lui : la rupture allait de soi ! Mais, une leçon
pouvait être tirée de ce séjour
catastrophique : c’était leur mutuelle
incompatibilité à vivre ensemble.
Il alla s’installer à l’écart et sans pouvoir lire, ferma
les yeux et rumina sa
tristesse. Bon, il fallait assumer la rupture, sans drame : il
donnerait à Kévin un chèque pour couvrir les premiers frais de sa solitude, non
ce serait sordide ! Il fallait en parler immédiatement ! Il se leva
d’un bond : en espérant, encore, je ne sais quoi de miraculeux. La
chambre était ouverte et il entendit que l’on y
parlementait, la femme de chambre se
plaignait de ne jamais faire le ménage, Kévin sortit sur
la terrasse. Cédric
attendit dans le couloir. Un long moment
après, il put enfin rejoindre son ami : celui-ci,
pâle, amaigri, le visage
fripé : ne rappelait en rien l’espiègle jeune
homme qui avait embarqué la semaine
précédente.
Pensant qu’on venait le sermonner encore, il siffla
méchamment : «J’en
ai marre de vous tous ! Je ne sortirai que pour
partir ! » - Bien, j’enregistre ! répondit
Cédric sur un ton glacial, mais il faut alors que l’on décide de mettre fin à
notre relation et savoir comment. - Je
veux rentrer chez moi et ne plus jamais me souvenir de ces vacances
horribles ! Cédric n’en pouvais plus de déception : - Comme tu voudras… Et se jetant au cou de son ami, lui confia l’angoisse qui l’avait tenu caché aux yeux de tous. Tout en l’écoutant, Cédric sombrait dans l’horreur - Mais tu l’as
précipité dans l’ascenseur !!! - Mais c’tait pour plaisanter, je ne pensais pas qu’il se tuerait ! c’est un simple accident ! » gémit- il, arrosant de ses larmes l’épaule de son ami ! - C’était un
homicide involontaire ! » - Non, un simple accident ! - Mais provoqué sans intention de donner la
mort, puis, non assistance à personne en danger ! - Non, c’était un accident ! - Mais tu as foutu deux vies en l’air ! - Ils étaient vieux ! - Et toi, tu es un jeune monstre ! - C’était un accident ! - Il faut rattraper : tu as une assurance
qui te couvre sur les dommages aux tiers ? - Ne sais pas ce que c’est !non ! tu
veux me laisser moisir toute ma jeunesse dans une prison étrangère ? - Pas de cinéma !!!
je crois que ta lâcheté arrange bien les choses ! ta jeunesse ne sera pas
gâchée… même si - C’était un accident ! - Bon, recouche-toi,
je te donne un somnifère, et t’apporte un plateau bien nourrissant ! - C’était un accident,
gémit faiblement Kévin, en se laissant border dans son lit par un Cédric mal à
l’aise et Le lendemain, Cédric laissa Kévin établir une distance entre
eux, il aurait aimé trouver une solution humaine pour Joseph, seul maintenant,
privé de son compagnon de toujours par l’inconscience d’un gamin ! À Paris, le taxi commandé les attendait : mais où était Kévin ? Un
membre du groupe des jeunes lui dit qu’on l’avait vu partir avec Marylise qui
le raccompagnait chez lui. Épuisé, Cédric regagna ses pénates, ne chercha pas à joindre Kévin,
ni, Kévin ne chercha jamais à
joindre Cédric! Plus
tard, bien plus tard, par l’un de ses amis Cédric apprit
que Kévin vivait depuis quelque
temps avec une grande femme brune,
directive et forte en gueule : celui-ci, eut vite fait de
reconnaître Marylise : alors, il éclata d’un
rire
sonore ! Commentaires d'Orlando de Rudder
Mais
le ton est là, fort et vous créez votre propre genre littéraire... On
aimerait mieux connaître les vieux, blouvard et pécuchet un peu badplaf...
Mais qu'on peut rendre plus touchants et plus moches en même temps ? Quant
à la brune ramenarde, je la verrais plus odieuses: la décrire (regard, bijoux,
tout ça) |
Créé le 1 mars 2002
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