TERRA INCOGNITA

 

 

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Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique depuis 2019 

 

Été 2025

 

Pierre Astan :

« La lumière est l'eau du temps. »

Poèmes inédits

 

(*)

 

Absence. Photo de ©Maria Mailat

 

 

 

Aube d’octobre

 Aube d’octobre,

 Une dernière étoile se cache

 Derrière un nuage rouge.

 Les couleurs ressuscitent mes lèvres closes

 Et font chanter un soleil de brume,

 Où volent quelques feuilles déjà tombées.

 À travers le ciel, un couple de cygnes s’envole

 Dans un bruit de rames.

 

 

Au plus insu de moi

Le jour fleurit.

On peut l'entendre rire.

Je cherche dans ma mémoire

Les sabots d'un cheval couleur du chemin,

Où se cache l'immobilité de l'oubli,

L'ombre bleue d'une tourterelle,

Le tremblement de l'air perdu dans un livre.

Tout passe pour se revoir,

L'instant des choses qui dure,

Une nudité seconde

Sur un morceau de papier en fenêtre

Qui donne les yeux au soleil,

Un nuage ou un lac,

Ciel de toute ressemblance.

Si peu de temps dure ce regard

Que la page boit déjà

Un dernier frisson sur le lit du vent.

 

 

Après tant de détours

 Calme splendeur

 Où s’écrit la grâce

 D’un papillon

 Agitant la transparence de ses ailes.

 Une fleur médite sous le soleil.

 Le sablier ruisselle de métaphores.

 Je m'allonge dans l'herbe,

 Maintenant dans ma bouche

 Le souffle de la brise,

 Dans l’attente d’apprendre à voler.

 

 

Prendre visage

 Qu’importe si je ne trouve

 Qu’un chemin vide,

 Un peu de nuit

 Où je cherche la lumière.

 Je peux toujours dormir dans un miroir.

 Alors pourquoi cet attrait pour l’invisible ?

 Vouloir retourner la peau de l’ombre

 Et écouter aux portes de la vie,

 Sur le seuil, un profond silence.

 Si seulement j’avais un œil intérieur

 Pour le voir !

 

 

Près du petit lac

 La lumière est l'eau du temps,

 La toile transparente du monde,

 L'ombre d'une caresse

 Qui frôle les lèvres de l’air,

 Où glisse une barque

 Sans écho, hors de son ombre.

 Mes yeux se lavent dans cette image,

 Dans cette innocence

 Impossible à taire.

 

 

Le poète et la douleur du monde

Il arrive un moment où la parole se brise sur l’horreur. Où le réel devient si dense, si noir, qu’aucun mot ne semble pouvoir l’atteindre. Le poète regarde ce chaos, non comme un chroniqueur, mais comme un être traversé. Il ne décrit pas, il reçoit. Il ne juge pas, il porte.

Alors il doute. Peut-on encore écrire après tant de sang ? Faut-il dire, ou faut-il se taire ? Ce n’est pas une question de rôle, ni même de devoir. C’est une question de présence. Avant d’être poète, il est homme — un homme mis à nu par ce qu’il voit, par ce qu’il ressent, par ce qui le dépasse.

Dénoncer ? Peut-être. Mais la dénonciation, seule, est stérile si elle n’est pas portée par une conscience vive, une douleur partagée, une attention à l’âme. L’écriture, lorsqu’elle devient cri, doit être un cri qui écoute. Un cri qui n’arrache pas, mais qui relie.

Car ce que cherche le poète, ce n’est pas de condamner le monde, mais d'y retrouver une vérité perdue. Il ne parle pas pour clamer, mais pour faire naître, dans la cendre, un battement. Il n’écrit pas pour convaincre, mais pour ressentir avec.

La poésie, lorsqu’elle touche juste, ne brandit pas le mal comme une arme. Elle s’en approche à mains nues, avec des mots tremblants. Elle ne cherche pas à expliquer la souffrance, mais à en faire un lieu où l’on peut encore respirer. Où l’on pleure ensemble. Où, peut-être, quelque chose d’humain revient.

 

©Pierre Astan

 

 

(*)

 

Pierre Astan, poète voyageur, s'engage en Europe centrale puis en Afrique sur des projets humanitaires et de développement. Il suit des études de philosophie, puis enseigne en Australie. Aujourd'hui, il est professeur d’histoire des religions, d’histoire et de français au Danemark.

Parmi ses publications, on trouve Le poème prend rendez-vous avec l’espoir aux Éditions Le Temps des Cerises, collection Merle Moqueur, ainsi que Motherman, suivi de Un peu de grâce dans la moelle des mots, préface d’Éric Sarner, aux Éditions L’Incertain (2025). Il a été invité au Festival de Littérature et de Musique Sacrée à Tanger, fin mai.

 

***

 

Nous devons la découverte du poète Pierre Astan à la poétesse et chercheuse Maria Mailat, qui a honoré plusieurs fois les pages virtuelles de notre revue (contribution au dossier Poètes pour l’Ukraine de mars-avril 2022 ; photographies et poèmes, à la rubrique Creaphonie de mars-avril 2021 ; Dialogue Maria Mailat-Anna Tüskés sur les relations artistiques et littéraires franco-hongroises, au numéro de mai-juin 2021 ; traductions de poèmes d’Agota Kristof, à la rubrique D’une langue à l’autre de septembre 2017).

Pour cette publication, elle nous a offert une de ses photographies artistiques.

 

 

Pierre Astan

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