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Archives : Vues de Francophonie

 

Printemps 2025

 

 

Flavia Cosma :

« Je tiens plusieurs clés dans ma poche ».

 

Poèmes inédits en version bilingue

(français / anglais)

 

(*)

 

Une image contenant plein air, ciel, neige, hiver

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Photo de ©Gertrude Millaire (Québec)

 

 

La route vers la gare

Nous nous sommes réunis, nous sommes assez maintenant,

pressés de commencer sur le chemin de la gare.

La maison est délabrée, les vêtements passés à travers la vie

sont éparpillés sur le lit,

la pluie s’égoutte à travers le plafond

droit sur les draps humides,

sur les porcelaines fines, sur de la vaisselle dépareillée.    

Beaucoup de choses ont déjà disparu de la pièce.

Ça se passe toujours ainsi lorsque l’hôte meurt, le monde vole.

Mais ce n’est rien, un jour je vais nettoyer par ici

et personne n’osera plus...

 

Je suis arrivée sur la plate-forme, je tiens la clé du compartiment,

je me dirige vers la droite, puis à gauche.

Je vois des visages familiers, je demande à un contrôleur

où est ma chambre, le monde de l’écriture est plein

de pièges, je rencontre une collègue,

je lui pose la question aussi.

Elle me regarde abasourdie, a un accès de colère joyeuse,

« J’ai cassé un vase de Murano », dit-elle,

« et je vais en casser encore un, seulement je dois trouver

le vase le plus approprié ».

 

Tu es aussi ici mon amour, me cherchais-tu ?

Regarde ! Je tiens plusieurs clés dans ma poche

ciselées à partir de pierres de mer, patinées par les vagues,

mais je ne pense pas qu’une d’elles va fonctionner.

Quelle est la bonne clé ? Est-ce que quelqu’un le sait ?

À l’intérieur de la station, le cœur, le moteur, montre des signes de fatigue ;

Tu t’enfonces dans des rêves lascifs, la torpeur t’attrape, tu prononces

le mot sexe, tes pensées tournoient autour du mot sexe  

et tes lèvres s’épaississent affamées,

ton corps est en proie à une sueur froide et lourde.

Je ne vais plus te ramasser sur le sol, 

je ne vais pas t‘obliger à te lever une fois de plus.

Je me dépêche de prendre le train, mais la rame

n’est pas encore arrivée sur le quai. 

 

 

The Road to the Station

We have gathered. We are enough people now,

in a hurry to start

down the road to the station.

The house is tattered, the clothes that have passed through life

lie in a pile on the bed.

Rain drips slowly through the ceiling

directly to the wet sheets,

over fine, mismatched, porcelain plates and cups.

Many things have already disappeared from the rooms.

This is how it is when the host, the owner, dies.

People steal,

but it's nothing. One sunny day I'll clean this place myself,

and no one will dare...

 

I arrive on the platform, I hold the compartment key

in my hand,

I take it to the right,

then to the left.

I see familiar faces. I ask a conductor where my room is.

The writing world is full of traps. I meet my colleague.

I ask her too.

She looks at me in amazement. She has a fit of joyful anger.

“I broke a Murano vase”, she says, “and I will break another, once again,

as long as I find the right one.”

 

You are here too, my beloved. Are you looking for me?

Look! I have several keys in my pocket, crafted from sea stones,

patinated by the waves, but I don't think any of them will work.

Which is the best key? Does anyone know?

Inside the station, the heart, the engine, gives signs of fatigue.

You sink into lascivious dreams. Lethargy grips you.

You say the word “sex.”

You think the word “sex.”

Your lips thicken hungrily; your body

is invaded by a cold and heavy sweat.

I'm not going to pick you up from the floor.

I'm not going to lift you up again.

I'm in a hurry to board the train,

but it hasn't yet reached the platform.

 

***

 

 

La danse des cellules vivantes

« Il se passera peu de temps avant que 

je me défasse des maladies et des pièges »       

                                      

De hauts courants d’énergie me traversent,

m’équipent de puissances étrangères, salvatrices.

J’ai l’impression qu’à partir de maintenant

je peux germer de chaque pierre,

avec mon cœur sculpté dans la roche

comme ces sapins imposants

ancrés dans une poignée de terre,

presque rien,

comme une ballerine dansant

sur la pointe des pieds,

et qui se nourrit d’un regard, d’un sourire

dans la brise de ses bras fragiles

transformée en une averse de pluie ;

esprit respirant la lumière

de la vie secrète des cellules vivantes.

 

 

The Dance of Living Cells

it won't be long until

I will shake myself

from diseases and traps.

Great currents cross me,

endowing me with foreign, healing powers.

I feel like, from now on,

I can sprout from every stone

with my heart carved

in stone,

like the towering firs,

anchored in a small amount of clay—

almost nothing at all,

like a ballerina dancing

on tiptoe,

feeding herself on a furtive look or smile.

In the breeze of her fragile arms

transformed into a downpour of rain,

a spirit breathes light

from the secret life of living cells.

 

***

 

 

Trois heures de l’après-midi…

« Paix pour ceux qui viennent.

Joie pour ceux qui restent.

Pour ceux qui s’en vont, bénédictions »

 

Le soleil se lève à trois heures de l’après-midi.

Les bonnes nouvelles nous inondent de tous

les rapports médicaux.

La beauté se déverse dans le monde entier.

L’amour échevelé

traverse en courant la foret,

ses cheveux grisonnants, vieillis à l’avance,

se sont embrouillés dans les milliers

de robes de mariées étendues a sécher sur des branches congelées.

Les arbres des deux sexes scintillent, rêveurs…

 

Nous nous mettons à l’abri, nous sommes d’accord

avec toutes les choses.

Nous apprenons à être satisfaits sans aucune raison. 

 

 

Three O’clock in the Afternoon

"Peace to those who arrive.

 Joy to those who remain.

To those who leave, blessings."

 

The sun rises at three in the afternoon—

Good news overflows from all the medical reports.

Beauty pours over the world.

Disheveled,

love runs through the forest.

Its graying hair, aged way too soon,

becomes tangled in thousands of wedding dresses

spread to dry on frozen stems.

Trees of both sexes sparkle, dreamy...

 

We take shelter. We agree with everything.

We learn to be satisfied

for no reason.

 

***

 

 

Tu n’es pas un tigre…

Tu n’es pas un tigre

parce que tu désires l’être.

Tu n’es pas un serpent parce que tu l’avais

choisi.

Les crocodiles, les guêpes, les requins,

n’avaient pas eu le choix, eux non plus.

 

Tous sont prêts à déchirer, à écraser,

à avaler,

à empoisonner.

Sous des peaux visqueuses,

les anges engloutis se fanent.

Leurs fourrures blanches, duveteuses,

se fondent dans le sang et la boue.

 

C’est pour cela que tu t’obstines à ton tour

à faire certaines choses bien utilement,

à être tout pour tout le monde,

a déchirer avec grâce,

et tuer tendrement.

 

 

You Are Not a Tiger…

You are not a tiger because you want to be,

you are not a snake because you have chosen it,

the crocodiles, the wasps, the sharks,

didn’t have a choice either.

 

All stand ready to tear up, to trample,

to gulp down,

to poison.

Under a serpent’s clammy skin,

the gobbled little angels wither.

Their white, fluffy furs

disappearing in blood and mud.

 

This is why you strive in your turn

to do some things well, to be useful,

to be everything to all people,

to mangle gracefully

and tenderly kill.

 

***

 

 

À l’ombre du temps

Même eux, les rattrapent

la vieillesse et la mort.

Même eux seront enterres par d’autres

à l’ombre des fameuses ruines,

parce que toutes choses finissent

lorsque nous les connaissons.

 

Pourtant on dirait que bien qu’immortels,

les hibiscus fleurissent sans arrêt,

leurs fleurs lascives et ébouriffées

m’attendent pleines de nostalgie

depuis plus d’un an maintenant.

 

 

Under the Cover of Time

Old age and demise

will catch up with them too;

they will be buried in turn by others

in the shade of illustrious ruins,

because all things come to an end

when you truly know them.

 

Although we may say that

the immortals—the hibiscus trees

are continually in bloom.

Their lascivious, ruffled flowers

longingly waiting for me

more than a year now.

 

©Flavia Cosma

 

 

Une image contenant plein air, neige, ciel, hiver

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Photo de ©Gertrude Millaire (Québec)

 

 

(*)

 

Flavia Cosma est une Canadienne d’origine roumaine, poète primée, auteur et traducteur.

Elle a publié plus de 50 livres et son travail a été représenté dans de nombreuses anthologies et magazines littéraires.

Son recueil de poésie Leaves of a Diary a été étudié à l’Université de Toronto 2008. Ses livres de poésie Thus Spoke the Sea et The Latin Quarter ont été étudiés à l’Université Towson, Baltimore, Maryland, États-Unis (2014 et 2017).

Flavia Cosma a été décorée de la médaille d’or et a été nommée Membre d’honneur de la Casa del Poeta Peruano, Lima, Pérou, 2010, pour sa poésie et son travail en tant que promotrice culturelle internationale.

Flavia a reçu le Prix Colleen Thibaudeau 2023 pour sa contribution exceptionnelle à la poésie (Ligue des poètes canadiens).

Elle est directrice des festivals internationaux semestriels d’écrivains et d’artistes à Val-David, QC. Canada et rédactrice internationale chez Červená Barva Press, Somerville, MA, États-Unis.

Son site : http://www.flaviacosma.com

 

 

Flavia Cosma is an award-winning Romanian-born Canadian poet, author and translator.

She has published more than 50 books and her work has been represented in numerous anthologies and literary magazines.

Cosma’s poetry book Leaves of a Diary was studied at the University of Toronto 2008. Her poetry books Thus Spoke the Sea and The Latin Quarter were studied at Towson University, Baltimore, Maryland, USA (2014 and 2017).

Flavia Cosma was decorated with the Golden Medal and was appointed Honorary Member by the Casa del Poeta Peruano, Lima, Peru, 2010, for her poetry and her work as an international cultural promoter.

Flavia received the Colleen Thibaudeau Award 2023 for Outstanding Contribution to Poetry (League of Canadian Poets).

She is the Director of the Biannual International Writers and Artists Festivals at Val-David, QC. Canada and the International Editor at Červená Barva Press, Somerville, MA, USA.

Her personal site: http://www.flaviacosma.com 

 

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L’affiche du XXIXe Festival International de poésie de Val-David,

organisé par Flavia Cosma, juin 2024

 

***

 

Flavia Cosma a « plusieurs clés dans sa poche » poétique : elle écrit en roumain, français, anglais, et espagnol; elle fait interagir et s’exprimer des poètes du monde entier, en toutes langues, ayant mis en place un réseau d’échanges et d’événements qui fonctionne dans un esprit d’universalité dont la francophonie canadienne est d’ailleurs particulièrement bien accoutumée.

Nous avons accueilli la poétesse comme la traductrice à plusieurs reprises : avec des poèmes inédits, à la rubrique D’une langue à l’autre (mars 2014) et Salon de lecture (novembre 2015), avec des traductions de la poétesse italo-vénézuélienne Margara Russotto et du poète argentin Luis Raul Calvo, à la rubrique D’une langue à l’autre (novembre 2015 et avril 2016) ; enfin, nous avons recensé son recueil Élégies et autres poèmes, à la rubrique Lectures-chroniques (été 2024).

C’est une joie privilégiée que d’accueillir ici ces poèmes inédits écrits en « double-langue »: français et anglais, qui nous livrent quelques clés de l’écriture de Flavia, révélant entre autres, me semble-t-il, le substrat onirique de notre « réalité quotidienne »…

(D.S.)

 

Dernière édition: Flavia vient de publier en version anglaise son recueil Élégies et autres poèmes (Éditions du Cygne, avril 2024: voir notre chronique dans le numéro de l’été 2024) : Elegies and Other Poems, Literary Waves Publishing, UK/USA 2025.

 

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Flavia Cosma

Francopolis, Printemps 2025

Recherche Dana Shishmanian

 

 

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