Postcolonial art is deeply and consciously embedded in historicity, globalisation and social discourse. Enwezor, Okwui. 2003. The Postcolonial Museum - The Arts of
Memory and the Pressures of History. Routledge, p. 58.
L’art postcolonial est
profondément et consciemment ancré dans l’historicité, la mondialisation
et le discours social.
VISITE D’ATELIER.
Conversations sur des
tendances et des scénarios plausibles de la créations locale chahutée
dans une situation de tension entre le post-colonialisme, l’insularité,
la contemporanéité, la société numérique et la mondialisation.
Visite d'Atelier est un recueil d’entretiens
précédé d’un état des lieux historico-sociologique de la pratique de
l’art dans l’île Maurice, ancienne colonie. Le long sous-titre explicatif
esquisse des positionnements visant à fonder une légitimité et un socle
identitaire pour un art contemporain national incluant toute la
complexité de notre patrimoine multiculturel occultée pendant toute
la période coloniale.
L’atelier, laboratoire de notre identité indianocéanienne
L'atelier de l’artiste a toujours été de tout temps un sujet de
représentation picturale, et cela, longtemps avant Velasquez. Le célèbre
tableau de Velasquez, Las Meninas, est
davantage une réflexion sur le mythe de la création artistique que d’une
scène anecdotique dans l'espace d'un atelier. C'est peut-être la raison
pour laquelle il a été utilisé à plusieurs reprises par des peintres
célèbres comme point de départ pour leurs propres images. Il faut citer
Goya (1778), Courbet (1855), Degas (1858), Manet (1860), Picasso (1957),
Dali (1960), Hamilton (1973).
La description dense de Michel Foucault de Las Meninas
comme introduction à l’une de ses œuvres principales, Les Mots et les
Choses (1998. Gallimard), est devenue pour moi l’objet d’une relecture
récurrente tel un bréviaire, une méditation sur l'indicible.
Parce que l'activité humaine de création d'un tableau ou d'une
image ne peut pas être représentée, la visibilité du semblable se déplace
vers la visibilité de sa représentation.
Et le lieu de cette mutation, l’atelier, devient en quelque sorte
le théâtre de la (re)présentation de la représentation.
Vers 2012, période du brainstorming en vue de ce projet d’un
ouvrage de référence sur l’art contemporain mauricien que le ministère me
proposait, de nombreux colloques scientifiques sur le plan international
montraient un regain d'intérêt pour l'atelier d'artiste. Les
problématiques autour de l'atelier se déplaçaient au cœur même de la
recherche : l’atelier, le lieu de production de sens intimement lié
au processus de création ; l’atelier, territoire mémoriel et identitaire
; l’atelier, lieu où se déterminent des postures esthétiques ; l’atelier
où se tissent des notions de rencontres, d’appropriations, de relations. L’objectif
étant l’atelier artistique qui se muait dans notre patrie en laboratoire
culturel au sein du paradigme mondial de créolisation.
L’Atelier, l’espace sacro-saint de création sera ainsi le lieu
choisi pour aborder des conversations avec 33 artistes sur la complexité de notre
contemporanéité indianocéanienne. Le concept
des conversations s’inspirera d’un principe popularisé
par Andy Warhol dans son célébrissime magazine fondé fin 1969
intitulé InterView. Ce principe
consistait à transmettre en vrac des pans entiers de la pensée des
créatifs, verbatim, sans filtrage éditorial de leur parole recueillie sur
magnétophone. Ce procédé dont s’inspirèrent ultérieurement des légions
d‘auteurs critiques contemporains me servira comme approche… ce concept
désarçonnera quelques stars de la scène locale accoutumées aux
dithyrambes de la chronique culturelle locale peu soucieuse du grand
débat de la post-colonialité ailleurs.
Hormis trois textes très discutables de curateurs européens qui
figurent dans le catalogue de la participation nationale de Maurice à la
56e Biennale de Venise en 2015, il n’existe aucune recension descriptive
et évaluative de la pratique de l’art de la période post-coloniale propre
à offrir à la recherche l’inventaire de données requises pour une
objectivation plausible de l’histoire de l’art de cette période précise.
Ces trois textes citent certes d’office les idées-forces des post-colonial
studies, hélas, sans la rigueur académique
d’une mise en relation factuelle avec notre contexte, mais avec une
subliminale condescendance en prime.
L’historicisation lacunaire de
nos produits culturels signifie la marginalisation sur la scène
artistique mondialisée. En réalisant le projet de promotion de l'art
visuel contemporain à travers la publication d’ouvrages de références
monographiques, le ministère de la Culture se serait distingué en
remplissant sa fonction importante d'assurer l'historicisation de l'art
postcolonial et ainsi sa visibilité et sa promotion internationale.
Ce premier tome, tout en
documentant les positionnements des protagonistes de l’art contemporain de
l’île, est préliminairement une analyse sociologique de l’évolution de
l’art mauricien de l’ère colonial jusqu’à l’art Moderne et la révélation
de Malcolm de Chazal par le pape du surréalisme, André Breton.
Malcolm de Chazal, figure
emblématique, maître à penser de la transition politico-culturelle,
concepteur et prédicateur du mythe d’un imaginaire fondateur n’est
peut-être pas un parangon de l’art contemporain, mais son aura est
omniprésente, à des degrés variables certes, dans l’articulation
intellectuelle et picturale des plasticiens de l’île, même chez ceux qui
le renient férocement. Khalid Nazroo,
interviewé dans Visite d’Atelier, prend violemment en grippe le poète
Khal Torabully qui aurait osé affirmer dans un discours lors d’une
exposition au Blue Penny Museum l’emprise totale de Malcolm sur toute la
pratique picturale de Maurice. Et n’en déplaise à Khalid, le génie de
Malcolm a imprégné la sensibilité de tous les plasticiens de l’île,
lecteurs assidus ou occasionnels de Sens Plastique, la faute au
Zeitgeist.
Mais au fait, la prééminence du
concept chazalien d’un art total
transdisciplinaire englobant tous les domaines de la connaissance
n’est-elle pas un avatar d’une esthétique issue du romantisme
allemand (Wagner et co) et récurrente dans
l’histoire des arts en occident et… resurgissant en force dans l’art
contemporain ?
Or, il y a légion de plasticiens
qui assument ouvertement leur soumission et créent sous l’empire de
Malcolm, quitte à frôler le plagiat, comme Saïd Hossanee.
Il n’en reste pas moins que Malcolm de Chazal, clôturant l’ambiance fin
de siècle colonial, symbolise un glissement de paradigme, il pénètre par
effraction, pour ainsi dire, dans l’imaginaire collectif et s’affirme à
bien des égards comme précurseur charismatique de l’art contemporain.
Notre grande romancière nationale
Ananda Devi, connaisseuse avertie des arts plastiques dont je citais
incidemment dans Visite d’Atelier le vibrant dithyrambe de Malcolm de
Chazal qu’elle a adressé au Louvre lors d’une conférence à l’invitation
de Jean-Marie Le Clézio, et cela, bien avant l’avalanche de prix et de
reconnaissances honorifiques qui lui ont été dus entre-temps, nous a
bienveillamment autorisé d’en publier l’intégralité du texte inédit
intitulé Dialogue Rêvé.
Ce dialogue onirique avec Malcolm
de Chazal dont je n’en connaissais que l’annonce médiatique, n’apprenant
le contenu et l’envergure de sa pertinence culturelle que tardivement
après son obtention du Doctorus Causa de
l’université de Silésie, quand, suite à mes
recherches, Ananda m’en a transmis le manuscrit.
Ce Dialogue Rêvé apparaît
ainsi comme la résonance d’une affiliation spirituelle à des idées que
révèlent en sourdine Visite d’Atelier et une mise en bouche à
l’époustouflante préface qu’Ananda a réservé à notre ouvrage.
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La montée en flèche de la
réputation littéraire de notre compatriote est documentée par With Eyes Wide Open, Video publiée sur YouTube, où le recteur de
l’université de Silésie, Ryszard
Koziotek, confirmait la rumeur de l’éligibilité
de Ananda au Nobel qui s’ébruitait dans le milieu littéraire
international. Et la série
de prix littéraires internationaux de renommée qui a suivi en 2023 : le
Prix de la Langue Française 2023 et le Neustadt Prize
2024, nous font encore apprécier davantage le regard d’initiée des arts
plastiques qu’elle porté sur notre ouvrage, dont elle a rédigé la
préface.
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On misait sur la
publication de Visite d’Atelier si magistralement préfacé par
Ananda Devi, pour la mise en lumière de notre singularité et de la
pertinence anthropologique de notre post-colonialité.
Le livre aurait pu nous servir de référence dans le monde de l’art.
Malheureusement notre ouvrage n’est pas une priorité pour les instances
décisionnelles de notre ministère de la Culture…
La volte-face et la
non-publication injustifiée
du premier tome de l’ouvrage de référence sur l’art contemporain
mauricien après une décennie de report est une déception majeure pour les
plasticiens postcoloniaux. Ici, un extrait d’un des chapitres de notre
ouvrage.
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Serge Gérard Selvon, Pèlerin,
œuvre numérique imprimée sur toile et rehaussée de peinture - 100x75cm
-2006
© Serge Gérard Selvon
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