![]() Petits tours de champ & Vision annotée des airs que se donne la Francophonie |
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Nouvelle Eliette Vialle - Le chant corse par Dom Corrieras - Lhasa de Sela... et plus
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Fable par Michel Ostertag La
prétention des montres gousset a toujours été un
fait reconnu par tous.
Prétention vis-à-vis des horloges de salon, celles qui
trônent sur les
cheminées des salons ; prétention à
l’égard de celles qui restent pendues
aux murs des salles à manger ou pire, aux murs des cuisines. À
ces dernières, jamais, elles n’auraient adressé la
parole, trop fières de leur
état d’indépendance accordé par leur
situation de grandes voyageuses. Pensez
donc, du matin au soir, bien au chaud dans le gousset du gilet du bon
maître,
elles voyageaient sans jamais être fatiguées. Une fois ou
deux par heures,
elles sortaient de leur repaire, le temps qu’on ouvre le fin couvercle,
qu’on
regarde l’heure et aussitôt, les voici remisées dans
l’attente d’une prochaine
lecture de l’heure. Ces
montres ne vivaient pas au même rythme que les
« sédentaires », pour
elles l’air du large, des voyages, de la déambulation ;
pour les autres,
toujours le même décor, la même cheminée, le
même air confiné d’un salon
rococo. Et
pourtant, elles donnaient toutes les deux la même heure, les unes
avec
ostentation, les autres avec discrétion. Il
en est de même chez les humains, à fonction identique,
deux manières d’exercer
la charge. N’y voyez aucune malice du sort, l’esprit est ainsi fait,
à nous
d’apprécier les qualités de l’une ou de l’autre
façon **
RENARD
EST TRISTE
La
réputation, de nos jours, tient lieu de passeport, de certificat
de bonne
conduite, de laissez-passer vis-à-vis de ceux qui ont pouvoir de
donner,
d’accorder ce que vous demandez. Un
triste Renard, de fort mauvaise réputation à-travers le
voisinage, un de ceux
pour qui nul n’accepterait d’accorder la plus petite amabilité
se voulait
indépendant au point de quitter le terrier familial. A
la recherche d’un logis pour lui seul, alla frapper chez maints
propriétaires
et se proposait de payer force loyer si la vue et le confort du
logement lui
convenaient. Mais, malgré le bon parti qu’il représentait
sur le plan
financier, aucun maître d’un logis disponible ne consentit
à lui louer tant sa
réputation qui l’avait précédé était
mauvaise. Admettant
cela (à force d’en parler avec ses rares amis), il décida
de s’associer avec un
animal connu pour son commerce agréable et sa bonne tenue en
toute
circonstance, je veux parler de dame belette et ainsi, en couple
présenter à
autrui meilleure figure. Et voici notre couple nouvellement
formé sonnant à
toute porte où la pancarte « A louer »
était accrochée. Rien n’y fit,
seul ou accompagné, le refus était le même :
personne ne voulait chez
elle un tel individu, même accompagné. Las,
il se résolu à demander l’aide de l’Autorité
suprême en la personne du Lion.
Celui-ci siégeait une fois par mois dans une clairière
aménagée à cet
effet ; il était entouré de ses assesseurs, tigres
et panthères, d’un loup
et d’un aigle. Chacun faisait entendre sa voix et chacun usait de son
droit de
vote bien qu’il en coûtât beaucoup à chacun
car la clémence n’était dans aucune des
habitudes de ces gens. Il
expliqua avec force détails les camouflets qu’il essuyait
à chacune de ses
visites auprès des propriétaires. Il fut
écouté poliment par l’aréopage bien
qu’un des membres fut surpris de bailler pendant son exposé. La
séance dura plus que d’habitude. Le
président Lion écouta religieusement tous les
intervenants. Différents conseils
furent prodigués à Renard, mais aucun ne parut
frappé au coin du bon sens. En
fait, la grande question demeurait le même tout au long des
débats :
Comment faire passer un renard pour un autre animal que
lui-même ? Comment
lui donner une autre identité que la sienne ?
Jusqu’à quel point
pouvait-on tromper la vigilance des autres ? A bout d’argument, le
Lion se
décida à prendre la parole et à conclure la
séance. –
Renard,
on ne peut te demander de devenir quelqu’un d’autre que toi. Renard, tu
es,
Renard tu resteras… Endosse l’identité qui est la tienne et ne
cherches pas à
devenir quelqu’un d’autre. N’essaie pas de vivre en marge de ta
famille,
retourne d’où tu viens et sois heureux avec les tiens. Renard
devint triste, comme battu. Il
remercia l’assistance des efforts
que tous ont pu mener pour l’aider à trouver une solution
à son problème et, la
mine basse, il repartit par les bois retrouver sa famille. L’histoire
de ce renard est bien triste mais comment pouvoir changer
d’identité quand
personne ne souhaite vous admettre parmi eux ? Comment vaincre le
sort
attaché à son identité ? Etre un autre est
une mission impossible. Michel Ostertag
*** Autres Fables de Michel Ostertag : * Gros chat (décembre
2007)
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Créé le 1 mars 2002
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