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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

Hiver 2024

 

 

« la blessure de l'incommensurable … Beauté ».

Poèmes et peintures de Catherine Jarrett

 

(*)

 

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©Catherine Jarrett (en guise d’autoportrait…)

 

J’avais un morceau de pluie entre les bras

paru dans  « Anthologie  de l’eau »  de Antemanha_

 

J’avais un morceau de pluie entre les bras

Il était tombé comme une branche

Comme un arbre au milieu du chemin

Il avait figé mes doigts

Et mes doigts le soutenaient à peine

Tendus tels cierges d’églises

ou mendiants d’un tableau de Brueghel

mes doigts peinaient à soutenir le morceau

qui s’agitait   secouait le silence

 

C’était un petit silence qui jouait une partition

dans le plus grand silence

Et les choses s’étaient tues

comme elles se taisent dans leur ignorance coutumière de l’autre

 

Ainsi une entité presque animale

se démenait dans le grand mystère des indifférences

Ainsi était tombé entre mes bras un morceau de pluie

qui jouait au vivant et agaçait la compassion

 

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Le bouleau

 

D  comme   Délicatesse

 

D est vive

Passe sur la plaine

La plaine est vineuse

écrasée

 

Si loin je suis

Si loin  si près 

que je la vois

D qui passe là-bas

Tête haute mains vaguelettes

elle agite fils d’argent  soie ambrée

 

Dans les joncs elle s’évapore

Un chien jappe le malotru

Une ombre une aile un frisottis

En filigrane elle s’échappe  

Mes yeux brûlent à la guetter

 

Sur chaussées de ciel et d’étangs

d’indigo en traînes marbrées

je la suis  fluide calligraphe

et l’abeille qui s ‘en émeut  pique d’or

ses pudeurs grandioses

 

D’où viens-tu Dame mystérieuse

de quel exil    de quelle douleur

féline d’aube et crépuscules

portant écheveaux de silence

 

Dans la nuit somptueuse

tu cueilles  

une à une  étoiles filantes

Une à une  sur tes longs poignets

sur tes dagues   tes transparences

étoiles se posent  et s’effacent

 

Tendresse   succulence

je te goûte  te chante

et  jusques aux blessures consens

que tes dagues acérées m’infligent   

 

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L'ombre et la mer

 

On ne voulait pas voir

à l’ami sculpteur Maurice Legendre  

poème paru dans la revue Concerto pour marées et silence

 

On ne voulait pas voir

celui qui dans la nuit venait

chargé d’espoir

poussait la porte  frappait criait

sous les étoiles

ne comprenait

Et au matin 

près de ses vignes au chemin doux de Bois carré

se retrouvait

 

Si peu de temps à le revoir

 

Ne voulait pas savoir

qui se perdait

dans son grand champ  et dans sa ville

Ni voir ni savoir ne voulait

 

Car il régnait

de pierres fortes 

et de menhirs

pressoir crapaud maillets taillants lime perceuse masses haches ciseaux

accouplés deux à deux  trois à trois sur les souches

arrachant à notre œil  éclats de faille  désir

où engloutir l’espace et les orgies de lune

     

Ces blocs  couvés par lui

Longtemps

 

Entrer dessous le voile  

Extorquer au trouble d’une glaise

la grâce d’un vivant

au chant de pierre hoquetant

ce regard

aux falaises brutes 

brèches inespérées fentes ruines copeaux

abîmes

Bruits lentement audibles

De plus en plus

Et rugissants

   puis  rien

 

Présence nue

Permanence

d’accord

de tous les accords et de toutes les bouches à tout jamais

ouvertes

Ouvertes    témoignant 

Paupières de faux morts

 

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Gorgones (1)

 

La maison perdue

 

Pour la maison perdue

Je franchirais les blés 

et à cheval démolirais leur blond de cendre 

tracerais fosses charbonnières où

iraient pleurer les grenouilles 

Pour la maison perdue

je me détournerais  

je choisirais ce petit bois

le chemin de la Guerjaudière

J'irais

Trois bleuets à la main 

 

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Gorgones (2)

 

Bouche (variations)

 

Plus rien n'écrire que ta bouche 

qui danse   

forme des arabesques sur le grain de ta peau  

érige des collines 

devant le feu vivant de paroles 

oubliées

bouche bouge   chante   rit

 

Rien

Rien de plus rouge qu'un ciel d'hiver 

Le ciel est rouge comme une bouche

et l'homme marche sur la bouche d'un ciel d'hiver

Il tend les bras sur cette bouche

Il parle dans les branches      de ce ciel rouge

Le ciel   la bouche  vont bien ensemble

 

Le ciel parfois dans la bouche se réfugie 

il dort     et c'est la nuit

ils se reposent l'un en l'autre

 

Parfois brille la bouche   

Rubis éclate sur fond de cyan

une pâte douce à mâcher

La bouche s'ouvre 

étend sa chair mollement   

et persévère      le ciel rosit

 

Bouche et le ciel ont du plaisir  

le sang du soir 

La bouche sang qui le dévore 

c'est le ciel bouche

Le ciel couchant

Le ciel d'amant

 

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Le sol qui danse

 

Vers le cœur de merveille

 

Rubis    coupes  fleur de lys     trois hirondelles

Dans le jardin secret    des fleurs extravagantes    des élans   des soupirs 

des feuilles orangées    des fruits ronds    des abeilles dans une cheminée

un chat oreille coupée   regard étrange   qui demande tendresse

un chemin submergé   deviné 

des hôtes affublés de noms phosphorescents et tremblant d'apparaître 

et des maisons sur pilotis

et ta bouche       buvant  

l'Autre qui te respire     te baigne assaille 

 

Il fallait brasser tout cela    marcher dans la forêt fiévreuse      et rire    

de toute l'attente     de toute la ferveur qu'elle endigue     de cette crue  

de ces ruisseaux     de cette présence oscillante          

                                     blanche de brume

                                     aussi douce que neige au regard

 

marcher    sous une lumière blonde vers la maison à toit aigu      

petite    en bois peut-être      au jardinet ouvert sur les croisées     les rails    

des grands trains paresseux   qui partent    reviennent

                          toujours reviennent

 

Et la maison dans la forêt t'emporte     vers ces contrées qui se dérobent

entre les blés     entre les loups 

 

d'où fourbu et dans l'impatience      tu reviens

pour repartir

et revenir

vers le cœur de merveille

 

 

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Soleil levant

 

 

 

De la Beauté d'être

poème paru dans la revue Les Cahiers du Sens

 

Il y a une broussaille de graminées sur le flot déchaîné de l'herbe

il y a ces feuilles brochées qui tressaillent

ce fauteuil rouge trempé dans l'eau de l'herbe

Il y a cet arbre dansant qui se croit sur le plateau d'un opéra

l'oscillation de ses bras Véronèse

 

Il y a une pétarade un flux d'odeurs une marche

il y a l'intérieur de la maison

il y a l'extérieur

avec le vent

le vent du nord un peu glacé

qui serpente entre les troncs    les langues-branches

Il y a les claquements des pages d'un livre

immense     feuilleté à même ton cerveau

 

Il y a la petite mare de soleil cristal

sur les feuilles tombées

déjà mangées

Il y a le crissement

le bruit de pas de celles qui atteignent le sol

le bavardage d'une pluie lente

 

Il y a le souffle de la bête

les irruptions

les chaud et froid

les personnages qui entrent   sortent   reviennent   repartent

tant de discrétions anonymes

Il y a encore des couleurs

 

Et au milieu de tout cela

des arbres et de leurs branches

de leurs feuilles brochées ou non

 

Il y a cette chose

immense   qui progresse   t'étreint   

susurre     phrases inachevées

promet   se dédit

sans limites   sans fond

devant toi     et autour

partout

 

Et cette chose grandit

il n'y a plus de couleur

Il n'y a plus d'issue

 

Une feuille d'argent très noire bat encore     là-bas

en cœur plus sombre qu'Elle

 

    cette chose

qui attente au mouvement simple des paupières

à la circulation du sang

entaille la gorge

ouvre béante et suffocante

la gueule

de Toi   devenu animal

 

Il y a le souffle

il y a la violence

la blessure de l'incommensurable

 

Et chaque soir le carmin des figues éclatées

le sang aux confins du ciel

la déchirure et la tornade sur le visage

La peur dans la bouche       joie aux larmes mêlée

 

le saisissement devant

 

Beauté

 

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Une ombre

 

(*)

 

Actrice (voir pour sa carrière au théâtre et au cinéma la notice sur Wikipedia), peintre, romancière, poète, lauréate du Prix de Poésie féminine Simone Landry en 2015, animatrice du Territoire du poème et d’autres manifestations poétiques dont la Maison de la Francophonie, grande voyageuse, participante à des festivals internationaux de poésie et littérature (Mexique, Montréal, …), Catherine Jarrett nous offre ici quelques-uns de ses poèmes en compagnie d’une sélection de gouaches de sa toute dernière exposition : nous remercions chaleureusement le poète et peintre Michel Bénard, chef d’orchestre des manifestations à l’Espace culturel Mompezat, pour avoir rendu possible cette rencontre.

 

 

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L’artiste au vernissage de son exposition à l’Espace Mompezat – Société des Poètes Français, en septembre 2024

 

Comme poétesse, elle a fait une première apparition à Francopolis, en décembre 2014 (présentation et poèmes) et ensuite en avril 2015, avec le cycle de poèmes Pierre-terre levée, récompensé au Prix Simone Landry ; ses recueils ont été annoncés et chroniqués dans nos pages virtuelles, en témoignage de la profonde impression que nous a produite « une belle écriture, nerveuse et sensible autant qu’elle est forte et bouleversante ».

(D.S.)

 

Ses recueils :

La chair de l’enfant-mot, avec Philippe Tancelin, éditions Unicité, 2023. 

Un ciel, un jour. Typologie du furtif, avec Philippe Tancelin, édition Unicité, 2020.

La mémoire nue, avec une préface de Guy Allix, édition Unicité, 2017 : chroniqué par Dana Shishmanian dans Francopolis, mai 2017.

Nue ma mère, éditions La Margeride, 2017.

Ni absence ni ombre, avec des linogravures de Floriane Fagot et un après-dire de Guy Allix, Atelier typographique de Groutel, Jacques Renou, 2017. 

Ma bête langue, Encre et lumière, 2016 : chroniqué par Dominique Zinemberg dans Francopolis, octobre 2016, par Mireille Diaz-Florian, dans Mondes francophones, 8-01-2017.

 

Ses romans et ouvrages :

Romancière, elle est publiée chez Olivier Orban : Le goût du thé indien (1993), Actes Sud : Billet d’ombre (1994), Léo Scheer : Temps et espace dans le Maître et Marguerite de Boulgakov (2006), Marie et autres fragments (2006), Lermontov, le mot-acte (2008).

 

Publications dans des revues et anthologies :

Revues : Souffles, Les cahiers du Sens, Francopolis, Poésie/Première, La Porte des Poètes, XYZ, Bacchanales, D’ici et d’ailleurs, Concerto pour marées et silence, Voix Plurielles, VOIX, etc.

Anthologies : Ardeur, enfance (Éditions Bruno Doucey), Effraction I  et II (Éditions L’harmattan), Éloge et défense de la langue française, Anthologie du rêve, Un chant pour Paris (Éd. Unicité 2016, 2018, 2018), Dehors (Éditions Janus), À la dérive. Collectif de poètes (dir. Nicole Barrière, Createspace 2015), Tisserands du monde (dir. Nicole Barrière, Maison de la poésie et des lyrismes du Velay Forez 2018), Anthologie de l’eau pour une incantation à multiples voix poétiques (dir. Antemanha, L’Harmattan 2022), Frontières ad libitum (dir. Suzanne Dracius, 2023), Chantons l’amour face aux chantres de la haine (Éd. D’Ici et d’Ailleurs 2023), Le feu (dir. Claudine Bertrand, Éd. Henry 2023).

 

Ses peintures :

Elle a exposé en 2023 à la galerie des Mignons à Châtellerault, à Paris en mai 2024 à la galerie PIAG (75005), en septembre à l’Espace Mompezat – Société des Poètes Français. Sur sa peinture, lire l’article :

Philippe Tancelin : KATH' - Catherine Jarrett : « le prix de l’échappée », 4 mai 2024 :

« Toute vision échappe à son objet et le sacrifie sur l’autel des formes.

L’artiste ne saurait y manquer pour peu qu’il, elle soit poète, c’est-à-dire travaille le sens fuyant des couleurs autant que celui des mots. C’est à lire ces fuites éperdues dans la peinture de Catherine Jarrett que l’on reconnaît sa langue poétique et réciproquement. Les « gouaches » exposées à vue du public ne cessent d’en appeler à cette résonance entre l’écriture poétique et la peinture de l’artiste-poète. Comment de ce fait ne pas ressentir la convocation à une écoute des couleurs dans leur festoiement des motifs célébrés : arbres explosants, terres retournées, ciels expectatifs, silhouettes anonymes, cheval d’approche…parfois simplement un chemin de nulle part qui nous confronte à notre lieu-présence…. toujours des pays plus que des paysages. Entendre et voir sont les deux premiers sens sollicités par cette démarche plastique qui n’est que promesse d’étonnement sous chaque angle qu’on l’apprivoise.
L’étonnement réside principalement en l’interdépendance des traces diverses du pinceau, les interconnexions à l’infini entre les formes laissées à l’état d’appels, d’éclats, de fulgurances qui ne dessinent que le tracer de complexes langueurs de l’artiste au-devant des forces d’une nature qu’elle ne sait qu’aimer. Ici tout n’est qu’advenir d’une expérience sensible remuante, celle que nous nous autoriserons à vivre plus qu’à interpréter ou identifier. Catherine Jarrett, à corps sensible, réfléchissant, nous propulse avec elle dans l’embrasement saisonnier de sa palette. »

(paru en juillet 2024 sur Souffle inédit)

 

 

 

Créaphonie : Catherine Jarrett

Francopolis, Hiver 2024

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