
Fenêtre ouverte
-
à portée de main
Présence-Univers
Regard de nuage – Ah !
fenêtre ouverte en rencontre
l’instant incarné
4 janvier 2022
***

Témoin de vie Ah !
inéluctable présence
dès lever du jour
Visage-présence -
compagnon de solitude
oh toi l’insondable
28-29 janvier 2022
Yeux dans le
bleu-paix –
recueilli Le Pouce Sapin
–
présence - résonance
dimanche 27 mars 2022
***

Effluves-résonances -
visage surgissant du bois
filao habité
Mai 2020 – Février 2022
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Écume yeux
ouverts –
hissée sur le dos des frères
tête-soleil
Écume-Soleil Ah !
petit bonjour de février
l’aube écarquillée
11-13 février 2022
***

Clic-clac Ah!
écrire pour ne pas mourir
Toi tout l’espace
12 février 2022
***

Dense Présence Ah!
palmier chalta
bras au ciel
danse l’Univers
14 février 2022
***

Les pas du cœur Ah!
senteur violette de
l’oignon
cheminer ensemble
14 février 2022
***

Rire de Caladium Ah!
sept feuilles diffusent
présence
éveil de plante verte
Mercredi 16 février 2022
***

Sifflent rafales Oh !
violet de l’arbre-délices
volets clos au chou
Samedi 19 février 2022
***

Résonne alerte
III -
Œil-Emnati lorgne île-point
cœur d’atte en entrée rose
samedi 19 février 2022
***

Cieux au gris encore
–
petite feuille assourdie
yeux clos de sommeil
20-21 février 2022
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Mage de l’espace Ah !
rassemblé en silence
scruter l’Univers
2 mars 2022
***

Chalta en fleur - avec fruit - mercredi
30 mars 2022
Visages à foison –
compagnons jour après jour
le Soleil se lève
Visages –
dans l’immanence de l’atome
Univers habité
Ciel bleu-paix –
tourne et tourne l’Univers
chalta vert-amour
© Jeanne Gerval ARouff
Floréal
(Île Maurice), Janvier-mars 2022
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(*)
À première vue, on a affaire, avec ces
binômes photos-haïkus, à des paréidolies, de celles dont
l’artiste-écrivaine mauricienne nous a déjà régalés (voir par ex. ses
« boules de Noël
2021 » ou les extraits de son Éloge de l’émerveillement,
en novembre-décembre
2018 et mars-avril 2019),
ou de celles dont nous avons fait part à nos lecteurs sous la plume/œil
d’autres chercheurs au regard aussi perçant que visionnaire (par ex., à
cette même rubrique, Kathleen Hyden-David en septembre-octobre
2021, ou Marie-Claire Cappelle
en septembre-octobre
2019).
Il y en a pourtant bien plus. Car,
loin de seulement nous faire « voir » des images figuratives dans
des matières brutes, supposées par définition non-figuratives, la
découverte par l’œil de l’artiste de ces « icônes » cachées
(alors même que le jeu à cache-cache n’est pas toujours évident pour tout
spectateur) nous amène à une perception fondamentale de l’unité de
l’univers et d’une sorte de téléologie structurelle, qu’il porte et qui le
porte. Elle est implicite et non apparente mais parfois, justement, elle se
dévoile de manière aussi spontanée et inattendue qu’évidente, non
dissimulée. C’est ce qu’on appelle le principe anthropique. Et c’est
dirait-on en vertu de ce principe qu’on peut « voir » des visages
cachés dans les choses… qui nous regardent avant même qu’on les ait vues,
peut-être même arrive-t-on à les voir parce qu’ils nous ont regardés
d’abord, et qu’ils nous inculquent ainsi leurs propres reflets en nous en
guise de vision… On se rappellera la réflexion de Nietzsche : « Plonge
ton regard dans l’abîme et l’abîme te regardera aussi ». Ce qui
nous amène à l’esprit aussi la révélation fondatrice qu’eut le grand
Malcolm de Chazal de l’azalée qui le regardait…
D’ailleurs, l’expérience artistique
et spirituelle de Jeanne Gerval ARouff est
peut-être au plus près de celle du Mage Mutant mauricien, comme elle
l’appelle (voir son article à la rubrique Une vie, un poète de septembre 2014),
dont voici à titre d’exemple une des nombreuses expressions de son
crédo : « Toute ma philosophie, dans ce
livre, part de ce principe qu'il n'y a pas de solution de continuité entre
la nature et l'homme, et que toutes les formes du corps humain, toutes les
expressions du visage de l'homme, et jusqu'à ses sentiments sont inscrits
dans les plantes, les fleurs et les fruits, et avec encore plus de force
chez cet autre nous-même qu'est l'animal. Le règne minéral même qui est
considéré mort par certains tend dans ses formes – et surtout
lorsque mis en mouvement — vers cette synthèse des synthèses qu'est le
corps humain. "L'homme a été fait à l'image de Dieu". Oui,
mais j'ajoute : "La nature a été faite à l'image de l'homme" – et
je cherche à le prouver. » (Malcolm de Chazal, Sens Plastique,
Gallimard 1948).
Pour
être accomplie, cette expérience doit s’associer un double reflet :
celui, primordial, de l’observateur et de l’objet, rapport réversible au
pont de jonction de l’existence et de la conscience – qui, elle, est tout
aussi universelle ; et celui, second mais indispensable, qui
s’institue entre l’expression de cette même révélation et sa
réception par un autre. Car la transmissibilité est nécessaire pour
que la vision soit complète et puisse se clore sur elle-même tout en
englobant entièrement son objet.
C’est
alors que les réflexions d’un autre penseur nous viennent en mémoire, qui nous
éclairent le processus de communication artistique, en nous donnant sa
mesure ontologique ; il s’agit de l’anthropologue Atmane
Bissani : « Visage,
le même affiche son être, regard, l’autre le saisit comme structure
signifiante. C’est pratiquement dans la rencontre de l’autre comme regard
que commence la réalité anthropologique, socioculturelle, psychologique, et
existentielle d’un visage. Ne pas être regardé c’est se réduire au néant,
c’est disparaître comme trace sémantiquement possible. Le fondement
ontologique d’un visage, voire d’un être vient donc de l’extérieur, par le
truchement du regard de l’autre. » (Atmane Bissani, De la rencontre, essai sur le possible,
éd. Imagerie-Pub, Fès, 2009, p. 64 ; cité d’après : Khadija Outoulount, Visage et Regard
: de l’ontologique au poétique, Vue de
Francophonie, octobre
2009).
Nous pouvons comprendre, dès lors,
pourquoi Jeanne nous dit, avec la flamme d’une foi indéfectible en la
Poésie et en l’Homme, malgré tout et contre tout ce qui nous oppresse et
tend à nous réduire à néant :
« Non, pas de rêve ! Ni
d’élucubrations de poète… Tu es là, en images : nuage, feuillage,
légume, écume…, pierre, bois… toi, l’Omniprésent. »
D.S.
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