Danse
Tu seras ma coupe jusqu’à son
fond
sur le timbre rythmé de l’Andalou…
enlace les hanches de la nuit
laisse-moi oublier toute cette glu
de misère
et mes pareilles ces niaises de
l’amour
laisse-nous danser ou nous sommes
perdus !
les oasis desséchées
retrouveront leur sourire
les amants d’un soleil figé
sous les arbres de cendre
reviendront
de leur mille centième mort
eux et moi saluerons d’un baiser
l’ivresse d’une aurore
resplendissante
à la paupière du ciel…
danse avec moi sur les paupières
du ciel
comme si nous étions
deux
aux approches du néant
prêts à recommencer le voyage
à chaque signal d’un soir
agonisant…
nul besoin pour toi d’inventer les
mots
encore une fois
tu n’as… qu’à cultiver ici même
avec moi
la passion du silence
et dans une poignée d’instants
sois
ma coupe jusqu’au fond
tout au bout
de cette ultime espérance !
Poème
de Louisa Nadour, en la traduction d’André Miquel,
extrait du recueil Un
pinceau et l’étreinte du jasmin.
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Orphelin…
comment parler à la vie ?
Comment amorcer le premier pas,
sur un millier de mille, sans s’égarer ?
Et comment
exercer mon âme à la vie
quand ces larmes me noient
la nuit
et sous la lumière du jour ?
Ah ! ces hurlements que je n’ai pas
compris,
moi, le petit enfant sage,
à chaque fois que venaient battre
sur le silence redoutable
les portes de bois massif !
Pourquoi les bloquait-on,
les fermait-on à la face de ma mère
pour faire barrage entre moi et la chaleur d’un
sein ?
Et désormais comment ma mère
pourra-t-elle m’embrasser
et faire taire cette amertume en larmes,
quand on voyage à la recherche de la vie ?
Je me suis rebellée tout au
cours de mon existence,
j’ai appris à faire silence sur ma détresse,
j’ai marché
et dans ce voyage à la recherche de la vie,
j’ai brûlé bon nombre de ces livres
que ma mère me lisait
chaque soir…
mais le conte a fini
quand s’est interrompue la voix de ma mère…
Est-ce vraiment la vie qui veut de moi,
moi qui ne veux rien de la vie ?
Il me suffit de deviner le parfum de ma mère
et l’arrivée de mon père
m’apportant, à son habitude, les douceurs des
loukoums
et un jouet pour m’amuser…
Ce rêve demeure hors de ses lieux mêmes
et dès lors il ne me reste plus que ce poème…
Je l’offre à tous deux, comme un toit !
Poème
de Louisa Nadour, en la traduction d’André Miquel,
extrait du recueil Un
pinceau et l’étreinte du jasmin.
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À quelque chose malheur est bon, peut-être
Tu me dis :
« Sois heureuse !
Nous reviendrons, nous
resterons vivants,
une fois que la mort nous
aura dévastés
et déversé sur nous une
avalanche de feuilles
détachées une à une de
l’arbre maternel. »
Et moi, je dis :
« Merci
merci à toi
de m’ouvrir les yeux sur les
bénédictions de l’automne
où je chercherai maintenant
mon secours !
En chaque feuille tombant à
l’horizon des arbres,
je déposerai un vœu
tout de sagesse,
douceur et bénédiction,
lueur au cœur de l’étranger
abandonné aux marges de la
misère
et qui savoure de nouveau
le vertige
de l’amour et de la lumière…
Poème
de Louisa Nadour, en la traduction d’André Miquel,
extrait du recueil Un
pinceau et l’étreinte du jasmin.
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(*)
(*)
Un pinceau et l’étreinte du jasmin est un livre d’amitié entre deux
femmes ; Louisa Nadour est poétesse, journaliste franco-algérienne,
Claude Miquel est artiste peintre.
Louisa Nadour a sélectionné ici
18 poèmes d’un plus important ouvrage de poèmes en langue arabe paru en
2021, aux éditions DarAzminah (Jordanie). II ont été traduits en langue
française par André Miquel, spécialiste de langue et de littérature
arabes classiques.
Ce livre est né aussi d’une
collaboration fructueuse d’une part avec François Mocaer, éditeur ouvert
à toutes les formes d’écriture, d’autre part avec Tristan Noirot-Nérin,
Designer graphiste sensible à cette poésie et ces gouaches.
Ce livre se tient lové dans les
mains et se retourne selon son envie : le lecteur peut en effet
l’aborder en français ou en arabe. Il découvrira dans chaque version les
peintures … qui s’unissent au creux médian du livre par une explosion de
couleurs.
Ce livre s’offre comme un pont à
consolider sans cesse, entre les deux rives de la Méditerranée.
Un texte d’André Miquel
introduit cette étreinte artistico-poétique par des notes invitant le
lecteur au voyage et à la contemplation : « …Et c’est ainsi,
comme on le lira, que le pays natal, la mer, l’exil, les bonheurs, les
déconvenues et autres signes visibles d’une destinée singulière ouvrent
sur la perspective d’une histoire universelle, toujours en marche et
lancée comme un défi à tous les aventuriers : autre mot qui demande de revenir
à la source…Le poète, on s’en doute, n’est pas le seul en cet élan : tous
les artistes y participent, chacun en son domaine et à sa manière propre.
Mieux même, à l’occasion : ils s’associent, comme en ce recueil où la
peinture vient ajouter aux mots de la poésie sa voix à elle, faite de
traits, de couleurs, d’espaces laissés libres pour qu’une autre voix y
vienne chanter. »
L’annonce du livre sur le site
de l’éditeur : ICI.
Le livre a été présenté, en même temps qu’ont été
exposées les gouaches, lors d’une soirée signature dédicace le jeudi 24
novembre à l’Espace Christiane Peugeot, avenue de la Grande Armée, Paris
17ème, et d’une soirée récital-dédicace le15 décembre au
Centre Culturel algérien à Paris 15ème.
Un récital est prévu également le jeudi 15 décembre à
partir de 19h, au Centre Culturel Algérien (171, rue de la Croix-Nivert, Paris
15e, M° Boucicaut ligne 8) : voir l’annonce
ICI.
Louisa NADOUR est une poétesse
franco-algérienne et journaliste d'expression arabe et française.
Née en France, Louisa a vécu
une bonne partie de sa vie en Algérie. Elle cultive au fil des années le
meilleur de sa double appartenance aux deux rives de la Méditerranée et
demeure un pont entre les deux rivages : elle est appelée régulièrement à
contribuer aux conférences internationales, en sa qualité de femme de
lettres et de media. Spécialiste du monde arabe, Louisa Nadour contribue,
aussi, régulièrement à l’organisation de conférences et de colloques
internationaux, dans des espaces culturels et universitaires, en France
et à l’étranger.
Elle est Ambassadrice de «
Poésie en liberté » chargée du Moyen-Orient.
Elle publie, en 2010, son
premier recueil bilingue français-arabe, Le Pinceau et les
Par-chemins, aux éditions L’Harmattan. En 2014, elle sort L'Odyssée des mots aux éditions d’art Bourdaric
(France). Toujours, en 2014, elle publie un recueil de poèmes en arabe, Si loin que tu m'exaltes
! paru aux éditions
Dar al-farabi (Liban). En 2015, elle contribue à la rédaction du livre 13 écrivains racontent
leur vécu dans la capitale française, aux éditions Dar al-farabi (Liban) ; les
participants y ont croisé leurs plumes pour peindre cette ville de
lumières, de magie et d’inspiration... En 2019, elle participe à
l'écriture d'un livre collectif toujours aux éditions Dar al-farabi
(Liban). On y traite, cette fois-ci, des cités mythiques du Maroc… Elle
consacre alors son récit à Fès, ville culturelle et spirituelle.
En octobre 2021, elle publie un recueil de poésie intitulé La vague s’apaise-t-elle
jamais ? aux éditions DarAzminah (Jordanie).
Présence à Francopolis : pour mieux la connaître,
voir l’Entretien
réalisé avec elle par Marie Virolle, à la rubrique D’une langue à l’autre
(janvier 2013).
Louisa
Nadour a été invitée de notre Salon
de lecture en décembre 2015 et a publié des articles critiques :
Chbibane Bennacar Fatima
(à la rubrique Une vie, un poète, décembre 2015), Khaldoun Alnabwani : Une
aventure philosophico-littéraire (Vues de Francophonie, décembre 2015).
Claude MIQUEL a volontairement pris des
chemins opposés à ce que le milieu familial – parents et grands-parents
enseignants – la prédestinait. Dès l’âge du lycée, elle n’a cessé de
fabriquer des choses, « pour survivre » dit-elle. Tout en suivant un
parcours professionnel dans la fonction publique d’État, elle a toujours
dessiné, peint et exposé, par vocation mais aussi pour une promesse
qu’elle avait faite… Aujourd’hui après quarante ans d’expositions en
France et à l’étranger, principalement en « peintre sur soie », mais
aussi en collagiste de papiers et en travaux de gouaches, elle vient pour
la première fois empiéter avec ses pinceaux sur le domaine paternel et
rencontrer son père-traducteur.
Elle jette sur le papier à main
levée les impressions, les élans, les vibrations ressentis à la lecture
des poèmes de son amie Louisa Nadour. Elle choisit la couleur à profusion
car elle écrit : « Je veux que ma peinture incite, avant même toute
réflexion, à la joie des yeux, à la paix, au bonheur. »
Inconsciemment ses œuvres, notamment sur soie, sont
imprégnées de ses souvenirs heureux de petite fille au Moyen-Orient, de
rencontres avec des objets et des personnes croisés sur tous les bords de
la Méditerranée et au-delà.
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