D'une langue à l'autre...
et textes
incidemment, sciemment
ou comme prétexte. Traduction.

 

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Archives : D'une langue à l'autre

 

Été 2025

 

 

Mahmoud Darwich.

 

Quatre poèmes traduits par Jalel El Gharbi

 

(*)

 

Une image contenant peinture, art, Art moderne, dessin

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Adib Khalil, Forest On The Rhine (reproduit de Facebook ;

voir d’autres œuvres et expositions sur sa page FB)

 

 

 

J’ai la sagesse d’un condamné à mort

J’ai la sagesse d’un condamné à mort :

Je ne possède rien et donc rien ne me possède

J’ai écrit mon testament avec mon sang :

« Fiez-vous à l’eau, vous, habitants de ma chanson »

Je me suis endormi ensanglanté et couronné de mon lendemain

J’ai rêvé que le cœur de la terre était plus grand que sa mappemonde,

Plus limpide que son miroir et que ma potence

Et je me suis épris d’un nuage blanc qui me prendrait

Vers le haut

Comme une huppe avec des ailes de vent. A l’aube

L’appel de garde de nuit

M’a tiré de mon rêve et de ma langue :

« Tu vivras une autre mort

Revois donc ton dernier testament

L’heure de ton exécution a encore été reportée »

« À quand ? » ai-je demandé

« Attend, dit-il, tu mourras davantage

J’ai dit :

« Je ne possède rien et donc rien ne me possède »

J’ai écrit mon testament avec mon sang

« Fiez-vous à l’eau, vous, habitants de ma chanson ».

 


 

Rien ne me plaît

« Rien ne me plaît, dit un voyageur dans le bus, ni la radio

Ni les journaux du matin, ni les citadelles sur les collines. 

J’ai envie de pleurer »

« Attends qu’on arrive et pleure tout ton saoul, répondit le chauffeur »

« Moi non plus, dit une dame, rien ne me plaît. J’ai montré ma tombe à mon fils.

Elle lui a plu : il s’y est endormi et ne m’a pas dit adieu »

L’universitaire dit : « Moi non plus, rien ne me plaît.

J’ai fait de l’archéologie et je n’ai jamais trouvé

Mon identité dans une pierre. Suis-je vraiment

Moi-même ? »

Un soldat dit alors : « Moi non plus, rien ne me plaît

Je traque une ombre qui me traque »

Nerveux, le chauffeur dit alors : « Terminus ! Préparez-vous

À descendre.

Tous lui crièrent : « Nous voulons aller au-delà du terminus

Continuez donc ! »

Quant à moi, je dis : « Faites-moi descendre. Je suis comme eux, rien ne me plaît mais je suis fatigué du voyage. »

 

 

Oh passants parmi les mots passagers !

Oh passants parmi les mots passagers

Prenez vos noms et partez

Retirez vos heures de notre temps et allez-vous-en

Prenez autant que vous voudrez du bleu de la mer et du sable de la mémoire

Prenez toutes les photos que vous voudrez pour savoir

Que vous ne saurez jamais

Comment une pierre de chez nous peut faire le toit du ciel

Oh passants parmi les mots passagers !

L’épée vous revient et nous revient notre sang

L’airain et le feu vous reviennent et nous revient notre chair

Un autre char vous revient et nous revient une pierre

Vous revient la bombe lacrymogène et nous revient la pluie

Et vous avez votre dû du ciel et de l’air

Prenez donc votre part de notre sang et allez-vous-en

Vous qui passez parmi les paroles passagères

Vous fournissez l’épée ;

Nous fournissons le sang

Vous fournissez l’airain et le feu ;

Nous fournissons la chair

Vous fournissez un autre char ;

Nous fournissons les pierres

Vous fournissez la bombe lacrymogène ;

Nous fournissons la pluie

Mais le ciel et l’air

Sont les mêmes pour vous et pour nous

Prenez alors votre part de notre sang et partez »

 

 

Du temps où j’étais jeune et beau

J’avais la rose pour demeure et les vastes mers pour sources

La rose devint blessure

Et les sources soif

Ai-je beaucoup changé ?

Je n’ai pas beaucoup changé

Lorsque nous reviendrons comme le vent à notre demeure

regarde bien mon front

tu verras que la rose est devenue palmier

tu verras que les sources sont devenues sueurs

tu me retrouveras comme j’étais petit et beau


 

(*)

Nous avons publié un consistant dossier Mahmoud Darwich (illustré par des œuvres d’artistes palestiniens contemporains) au numéro de printemps 2024.

Sur le poète Jalel El Gharbi, voir mon coup de cœur de l’automne 2024, extrait de son recueil À l'heure du limoncello. Suivi de Dialogues du Maître soufiEdern Éditions, juin 2024 (présenté à la rubrique Annonces de juin-septembre 2024). Dans le présent numéro sont publiés également deux traductions de lui, de poèmes de Tawfik Ziad (voir à la rubrique Gueule de mots : Libre parole à la Palestine / Poésie).

(D.S.)

 


Mahmoud Darwich traduit par Jalel El Gharbi 

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