D'une langue à l'autre...
et textes
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ou comme prétexte. Traduction.

 

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Archives : D'une langue à L'autre

 


D’une langue à l’autre…

Novembre-Décembre 2021

 

 

Marian Drăghici

 

Poèmes inédits

(I)

 

Traduction française par Sonia lviranu.

Traduction en italien par Giuliano Ladolfi

 

(*)

 

Photo-collage de Ghislaine Lejard

 

quand Saba est allé visiter Montale

quand Saba est allé visiter Montale

l’entier Adam était là présent.

 

et non pas Quasimodo.

 

Que les ait réunis

(si on regarde les photos)

leur air commun de pugilistes expirés,

peu importe.

 

ni que, se rencontrant,

par timidité masculine ils se soient donné avec la même

lucidité innée de l’un à l’autre

des fragments de vers parmi les silences souvent brisés

par le bêlement de la chèvre au jardin.

 

peu importe, je vous le dis, qu’ils aient mangé et bu  

et se réjouissant, comme c’est le cas chez les grands

ils ne se soient pas soucié du sort de la chèvre –

ils ont échangé des bérets

sur leurs têtes foudroyées, de lions en hiver.

(j’y confonds probablement Montale avec Ungaretti).

 

peu importe non plus qu’à la fin, après s’être entièrement livrés,

à leur compte, au renom de l’endécasyllabe et de la périphrase

chacun s’en soit allé, sur de multiples sentiers, à sa tombe –

 

tout ce qui importe dans ce poème vaguement hommagial

c’est que, oui,

dans un monde tracassé le Triestin et le Génois se sont rencontrés –

non pas dans un ring de boxe –

avec la grâce de deux bistouris scintillant au soleil, tremblant

de plaisir de se parler de tout et de rien, 

de la poésie et de la mort, tiens ! – et l’entier Adam,

 

non pas l’hermétique Quasimodo

(à moins que je ne le confonde pas avec Giuseppe),

 

du crime de Caïn au bêlement de la chèvre au jardin,

était là présent : mangeaient, buvaient et se réjouissaient.

 

***  

quando Saba andò a visitare Montale

quando Saba andò a visitare Montale
l’intero Adamo era lì presente.
ma non Quasimodo.

che li abbia riuniti
(se si guardano le foto)
la loro aria comune di pugili invecchiati,
poco importa.

né che, incontrandosi,
per timidezza maschile abbiano vissuto con la stessa
lucidità innata dell'uno verso l'altro
frammenti di versi tra silenzi spesso interrotti
dal belato della capra in giardino.

poco importa, vi dico, che abbiano mangiato e bevuto
anche con gioia, come succede ai grandi.
A loro non importava il destino della capra –
si sono scambiati berretti
sulle loro teste fulminate, di leoni in inverno.

(qui probabilmente confondo Montale con Ungaretti)

 

poco importa neppure che alla fine,

dopo essersi completamente lasciati andare

a se stessi, alla fama dell’endecasillabo e della perifrasi,

ciascuno se ne sia andato per multipli sentieri, alla propria fossa.

 

ciò che conta in questa poesia vagamente celebrativo

è che, sì,

in un mondo travagliato il triestino e il genovese si incontrarono

non in un ring di pugilato –

con la grazia di due vecchi bisturi scintillanti al sole, tremanti

di piacere per parlare di tutto e di niente,

della poesia e della morte, ecco!  – e l’intero Adamo,

non l’ermetico Quasimodo

(se non lo confondo forse con Giuseppe),

dall’omicidio di Caino al belato della capra in giardino

lui era là, presente: bevevano, mangiavano e si rallegravano.

 

Lire l’original roumain ici.

 

la griffette d’hiver

Et c’était le soir, et c’était le matin

désormais on recommence – encore ! – une autre vie

des « marqueurs tumoraux » (pour donner une citation) sont apparus 

l’état général s’est empiré davantage

après ces semaines de claustration forcée.

je n’en suis pas surpris, ni étonné

le nom de Dieu soit loué !

franchement parler, il ne faut pas que quelqu’un

des miens, ou étranger, en soit étonné

il y a bien des années, regorgé de santé, embêté

par le même état continu/ stagnation sur la ligne de flottement

j’ai clamé, je dirais maintenant, un peu inconsciemment :                                                           

 

« Dieu, donne-moi quelque chose, une maladie pour la purification,

une épine dans la chair, griffette d’hiver, un serpent ciguë ! »

et voilà, Le Bon a réellement traité même la prière

la plus folle de toutes de Son sot

 

je serais par cette croix paradoxalement chérie

au final dans mon âme un peu plus pur,

plus simple, en Jésus un meilleur garçon,

et à la Mère en chagrin je vais chanter

quelque chose qu’elle n’a pas encore écouté

quelque chose que je n’ai pas encore chanté

mais qui monte en moi toujours comme un chant.

 

***  

l’artiglio invernale

Ed era sera ed era mattina

ora si ricomincia – di nuovo! – un’altra vita

 

sono comparsi (per citare) “marcatori tumorali”

le condizioni generali sono ulteriormente peggiorate

dopo queste settimane di reclusione forzata.

Non sono sorpreso, né meravigliato.

Dio sia lodato!

 

francamente non dovrebbe parlare qualcuno

dei miei, o straniero, ne sia stupito,

tanti anni fa, pieno di salute, infastidito

dallo stesso stato continuo/ristagno sulla linea del galleggiamento

ho gridato, direi ora, in modo un po’ inconsapevole:

“Signore, dammi qualcosa, una malattia che mi purifichi,

una spina nella carne, un artiglio invernale, un serpente cicuta!”

ed ecco, mio Caro, forsennata preghiera

la più ascolto pure la di tutte del Suo balordo.

 

sarei grazie a questa croce paradossalmente cara

in fondo alla mia anima un po’ più puro,

più semplice, in Gesù un ragazzo migliore,

e alla Madre addolorata canterò

qualcosa che non ha ancora ascoltato

qualcosa che non ho ancora cantato

ma che, come un canto, sempre sorge in me.

 

Lire l’original roumain ici.

 

moine comme il convient

Que signifie cela, éclaircissements et entailles,

éclaircissements et entailles jusqu’à la fente

divine de

l’âme avec l’esprit : que je me réveille

comme je m’endors quand les pluies tombent uniformes

et à peine réveillé je me rendors, comme chaque

grain, oui, de sable voué à scintiller

seulement à l’aube, au soleil ?

 

qu’il scintille et que le monde revienne

subitement dans ma pensée, tout masqué

avec l’air le plus naturel qu’il ne m’a jamais quitté

dans ma petite cellule submergée

et cependant, désormais tant que l’ordre monacal existera

il ne se laissera pas emporter, partir –

 

ce qui malgré tout est arrivé sans le vouloir

mais il ne veut pas le savoir bien qu’il l’ait depuis longtemps appris.

 

***  

monaco come il mundo

Cosa significa questo,

chiarimenti e tagli,

chiarimenti e tagli fino alla

fessura divina

del-

 

l’anima con lo spirito: veramente

mi sveglio come mi addormento

quando le piogge cadono uniformi

e appena sveglio mi riaddormento, come tutti

,

granello di sabbia destinato a luccicare

solo allo spuntar dell’alba, al sole?

 

che brilli e il mondo torni

improvvisamente in me, già

con l’aria più naturale

che non mi ha mai lasciato

nella mia cella sommersa

e comunque, d’ora in poi finché

l’ordine monastico eremita durerà

non si lascerà portato, partito –

 

ciò che infatti è successo involontariamente

solo che esso non vuol sapere anche se

lo sapeva da molto.

 

Lire l’original roumain ici.

 

illimité

la poésie ainsi que l’amour

est bonne quand elle est plus grande 

que la compréhension de l’auteur

que la compréhension de n’importe qui. 

 

je ne dors pas et je me sens

comme un cahier d’écolier

ouvert devant un creux

qui lit et se tait.

 

il se tait

car il n’a rien compris

il se tait

car il a tout compris.

 

vieux le creux

se tait quand même.

sans années l’écolier

grandit et grandit.

 

***  

illimitato

la poesia come l’amore

è buona quando è più grande

della comprensione dell’autore

della comprensione di chiunque.

 

non dormo e ancora una volta mi sento

come il quaderno di uno scolaro

aperto davanti a un buco

che legge

e tace.

 

tace

perché non ha capito niente

tace

perché ha capito tutto.

 

la vecchia megera

tace comunque.

senza tempo lo

scolaro cresce e cresce.

 

Lire l’original roumain ici.

 

(*)

Nous avons accueilli le poète roumain Marian Drăghici à cette même rubrique, en septembre-octobre 2018, en édition bilingue (traduction française par Sonia Elvireanu). 

Le groupage d’inédits présenté ici (partie I) est suivi de deux poèmes extraits de recueils édités (partie II).

Ces textes sont traduits en français par Sonia Elvireanu, et en italien par Giuliano Ladolfi, poète que nous avons accueilli à cette même rubrique en mai-juin 2021 (traduction française par l’auteur).

 


Marian Drăghici (I)

Voir suite : Marian Drăghici (II)

 

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