d’un autre temps, d’un autre âge poétique
je n’avais plus écrit depuis
longtemps.
tout cela était déjà écrit.
sa mort après une décennie de
souffrance.
aucun grain de poésie dans ma tête.
quelque peu parti du monde, je fume
une cigarette. c’est tout.
on est le 5 novembre 1993 vers le
soir,
moi, le tombeau frais, la croix
simple en bois.
le vacillement des premières
chandelles.
une touffe à deux pas du tombeau.
la pensée qu’elle aura des fleurs
de cette touffe.
jusqu’alors, les misères de
l’hiver, ô, beau sapin, flocons de neige en mars.
j’allume des chandelles.
je fume une cigarette. c’est tout.
rentré chez moi brisé, incapable
d’autre chose que de dormir,
je me suis allongé dans la chambre
des enfants sur le lit encore fait.
et voilà qu’il m’est arrivé de
rêver.
je n’avais plus rien rêvé depuis
longtemps.
tout cela était rêvé, même déjà
fumé.
comme tout y est d’ailleurs : rêvé,
fumé.
eh bien, j’ai rêvé - en sommeil
instantané à l’heure du soir –
un poème divin.
le texte, écrit sur l’air, en
lettres claires, dorées,
se déroulait raidement, lentement,
implacablement,
de haut en bas, du ciel vers la
terre.
la sensation que ce texte
m’appartient désormais
était prégnante, accablante, extatique.
au réveil, cet état incomparable
s’est dissipé comme la vapeur.
aucun vers dans ma mémoire, aucun
mot.
comme après une jouissance
une défaillance aux entrailles,
douloureusement douce.
et la fulguration de cette image du
texte se déroulant lentement,
effroyablement lentement,
du ciel vers la terre.
je tire sur ma cigarette. c’est
tout.
dans un autre temps, à un autre âge
poétique, oh,
alors que je vivais au cœur de la
poésie comme dans un halo mystique,
je rêvais souvent des poèmes.
poèmes extraordinaires, divins !
au réveil, leur image mentale
s’évanouissait avec les derniers
bribes du sommeil.
le travail au poème – la cigarette,
le café, la page blanche, vierge –
se consommait par des tentatives
(tâtonnements) successives
de réécrire le poème rêvé, « idéal
».
une existence plus engagée, plus
comblée, le menuisier n’en a pas.
ni l’astronaute.
ni, autrefois, la sage-femme
communale.
les poèmes du sommeil, dont
l’esprit fait la lecture
tel un bain clandestin dans la
lumière d’un autre monde,
sont les plus terribles, étranges,
tout simplement les plus beaux
que j’ai eu le privilège de lire.
à côté d’eux, ceux-ci,
écrits/réécrits, y imprimés,
ont les inconvénients (pour ne pas
dire les défauts)
des gens en comparaison avec la présumée,
éblouissante
perfection des dieux.
bref : un tombeau simple d’homme,
de femme.
croix simple de bois.
une touffe de lilas à deux pas du
tombeau.
au tombeau, sous le vacillement des
premières chandelles
(étoilée désormais ?)
la voix avec laquelle j’ai écrit,
réécrit
tout cela, dans ma pensée.
***
altro tempo, altra epoca poetica
Non avevo scritto niente da molto
tempo.
tutto era già scritto.
la sua morte dopo un decennio di sofferenza.
nessuna traccia di poesia nella mia testa.
in qualche parte del mondo sto fumando una sigaretta. Ecco tutto.
È il 5 novembre, 93, verso sera
io, la tomba fresca, la semplice croce di legno.
il tremolio delle prime candele.
un cespuglio a due passi dalla tomba.
il pensiero che in primavera avrà fiori da questo cespuglio.
fino ad allora, la miseria dell’inverno, o bell’abete, i fiocchi nevosi
di marzo.
accendo alcune candele.
fumo una sigaretta. Ecco tutto.
tornato a casa, fracassato, incapace di fare altro che dormire,
mi sono sdraiato nella stanza dei bambini sul letto ancora intatto.
e qui mi è capitato di sognare.
da tempo nulla più avevo sognato.
tutto questo era stato sognato, ma anche svanito.
come tutto, del resto: sognato, svanito.
ebbene, ho sognato – in un sonno
istantaneo di sera -
una poesia divina.
il testo, scritto nell’aria, in lettere chiare, dorate,
si dipanava rarefatto lento, implacabile,
dell’alto in basso, da cielo a terra.
la sensazione che questo testo mi appartenesse ormai
era coinvolgente, travolgente, estatica.
al risveglio, questo stato incomparabile èsvanito come vapore.
nessun verso nella memoria, nessuna parola.
come dopo una sensazione gioiosa
uno crampo intestinale,
dolorosamente dolce.
e il lampo dell'immagine del testo
scorreva lentamente,
terribilmente lentamente,
dal cielo alla terra.
faccio un tiro di sigaretta. Tutto qui.
altro tempo, altra epoca poetica, oh!,
quando vivevo dentro la poesia come in un alone mistico
spesso sognavo poesie.
poesie straordinarie, divine!
al risveglio, la loro immagine
mentale svaniva con gli ultimi
scorci del sonno.
il lavoro sulla poesia – la sigaretta, il caffè, la pagina bianca, vuota
-
si consumava in prove(tentativi) successive
di riscrivere la poesia del sogno, «ideale».
una vita più impegnata, più pienaneppure falegname ce l’ha.
né l'astronauta.
né, un tempo, l'ostetrica comunale.
le poesie del sonno, la cui lettura è fatta dallo
spirito
come un bagno clandestino alla luce di un altro mondo,
sono le più terribili, strane, semplicemente le più belle,
tra quelle che ho avuto il privilegio di leggere.
oltre a loro, queste, scritte /
riscritte, stampate qui,
hanno le carenze (per non parlare
di difetti)
degli uomini rispetto alla
presunta, sorprendente
perfezione degli dèi.
in sintesi: una semplice tomba di uomo, di donna.
una semplice croce di legno.
un mazzo di lillà a due passi dalla tomba.
alla tomba, sotto il tremolio delle prime candele
(ormai stelle?)
la voce con cui ho scritto,
riscritto
tutto questo, nella mente.
Lire l’original roumain ici.
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