Jean Botquin, sélection septembre 2013
son courriel
il
se présente à vous
Sept
mouvances de sable (haïkus)
1 Du haut de la dune
La mer déplace l’horizon
Sur l’alternance bleue
2 Le sable sous les pieds
Crie en décollant ses grains
Puis chante en silence
3 Sable chaud des plages
Mouvance palpable de l’océan
Dont la terre s’abreuve
4 La brume se mélange
Au sable perlé qui transpire
Dans la trace des pas
5 Parce que le sable
Pleure sous les nuages le chant
Du silence se tait
6 Le sable se réfugie
Dans la blondeur des dunes
Bordant les plages
7 Des ombres perdues
Hésitent dans le sable noir
Sous un ciel de nuit
**
Quatorze instants
d’azur sur une île
1 L'eau sous le voilier
Absorbe l'ombre des reflets bleus
Le soleil se noie
2 Les pins au-dessus
De la mer ont l'air penché
De vieillards pensifs
3 Sable immaculé
Quand la mer cristalline et
Vierge suspend ses flots
4 Le goéland plongeant
Sur mon doigt s'en va penaud
Fâché sur la plage
5 Passée elle devance
L'instant qu'elle épingle d'un
doigt
Au coin d'un ciel bleu
6 Elle dévisageait
La mer d'un dernier regard
Gorgé de brumes
7 Le temps s'emmêlait
Les pinceaux en
arrimant
Futur au présent
8 Elle sort de l'eau claire
Les seins arrondis autour
De mes yeux surpris
9 Elle fait l'amour seule
Avec le soleil qu'elle cache
Dans son ventre chaud
10 Je l'extirpe avec
Les dents et me
brûle les doigts
Jusqu'au
crépuscule
11 Des fleurs méconnues
Tétons ocre
rouge
décorant
Son corps
dévêtu
12 Le sable s'insinue
Partout dans les
profondeurs
Des cieux qui
nous fuient
13 Toujours le soleil
Par-delà
têtes désertes
Et pieds
abusés
14 Les palmes dessinent
Des
caresses sur nos
fronts
À
l'encre sympathique
***
Dix
Stances pour
une mer intérieure
1 Un voilier surpris
Par le reflux de la mer
Se couche dans la vase
2 Marche le long de l’eau
Sans jamais savoir pourquoi
Elle avance sans toi
3 Bras de mer en Somme
Lorsque la nuit se réveille
Languissante et pourpre
4 Le ch’ti Tchot Poegnant
Gîte à tribord par eau basse
Et la pluie menace
5 La gloire d’Amon-Ra
Au crépuscule qui absorbe
Les chants des oiseaux
6 Les oiseaux marins
Esquissent une envolée
Sous l’astre qui se noie
7 Retour en enfance
À Saint-Valéry-sur-Somme
Les rêves renaissent
8 Baie à marée basse
Habitée d’insolites
Oiseaux noirs des nuits
9 Un détour serpente
Sans rencontrer l’improbable
Mystère des attentes
10 Vêture de l’ombre
Avant l’envol des goélands
À la nuit tombante
****
THEME POUR UNE GARE
Sur le quai désert un
homme attend
immobile
Le train
on ne sait lequel
débouche du lointain
lentement comme s'il avait le temps
Aux fenêtres du convoi
mille visages interrogent le silence des quais
L'homme regarde le train qui passe et n'en finit
pas de passer
Oui mille visages de cire et de verre
un seul sourire peut-être capté dans un miroir
un seul probablement
Le train passe et c'est la dernière voiture d'acier vert
que l'homme peut encore entendre glisser sans bruit
sur le rail dont on ne sait quel lointain voyage
Et l'homme se noie dans la fin du cortège
des visages de glace qui se pressent comme des
mannequins nus dans les vitrines d'un grand magasin de la place
Et l'homme pense mais pourquoi ne s'arrête-t-il pas
tandis qu'il roule un peu plus vite vers la frontière
de la ville
Maintenant il se dresse, l'homme avec à ses pieds
la rose triste qu'une main inconnue a sans doute jetée sur le
quai, au passage du train qui ne s'arrêtait pas
Il la regarde sans la voir
lui tourne le dos en haussant les épaules
et s'en va car elle ne reviendra plus
Le dernier train a disparu de la gare
inutile désormais .
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N.B. Les haïkus font
partie du Recueil, Bréviaire d'un quotidien, paru
récemment aux Éditions du Cygne.
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