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   Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton,

   nous vous présenterons un épisode d'une Nouvelle ou d'une Correspondance.


    Suite de la correspondance entre Aurore Delrieu et François Bonnard.

Une nouvelle épistolaire qui ne manquera pas de vous émouvoir ni de vous surprendre. Car il ne s'agit pas seulement, ici, de confidences qui libèrent les personnages. Non seulement ils sont fort attachants, mais, précisément à cause de cela, l'on aime les lire en profondeur, à un second niveau, au delà des apparences  qu'ils ont données, parfois malgré eux, à eux-mêmes et à leur vie. Derrière le personnage, la personne ne tarde pas à apparaître, derrière les événements évoqués, une autre  "réalité" se dévoile, et un autre avenir ...  (Lilas)

***


Aurore Delrieu et François Bonnard sont amis depuis longtemps et liés par le même amour des mots, des émotions, qu'elles soient exprimées avec force ou bien de façon beaucoup plus retenue.

Une histoire fictive entre "Elle et Lui" qui raconte deux histoires, qui parle d'une autre vie, d'un nouvel avenir, avec espoir, fébrilité, crainte, angoisse, abattement parfois, mais toujours avec la conscience aiguë de ce vers quoi on tend, de ce à quoi on tient plus que tout !


***

Ils se sont croisés, ils se sont tout dit, ils ont décidé de se raconter la suite...

Correspondance : ELLE  ET LUI   ( en trois épisodes)
Partie I ( octobre 2011)

Partie II... suite novembre 2011

Partie III... suite et fin décembre 2011


LETTRE 7 – ELLE

J'aime votre façon de voir les choses : une certaine envie de vivre au jour le jour, une attente de lendemains meilleurs tout en essayant d'aller vers les autres. Tenter de « ressentir » toute une palette colorée d'émotions parmi certains, en aimer d'autres et puis passer sur un chemin plus calme, plus paisible. On sent chez vous une force intérieure incroyable, une solitude voulue qui doit rendre la vie agréable et rassurante lorsque l'on vous côtoie.

Car nous pouvons parfois être avec quelqu'un et nous sentir seul comme jamais. On peut ne pas vouloir se laisser aller, tout vouloir contrôler de ses émotions. Être certain de ne pas perdre pied, de se diriger là où l'on désire, que l'autre suive ou pas ! C'est ce que j'ai toujours ressenti avec mon époux. Je l'ai aimé d'une manière intense mais toujours avec recul.

J'ai revu, il y a une semaine, un homme que j'avais perdu de vue depuis plusieurs années. Cela faisait tellement longtemps que je ne lui avais pas parlé, c'était un peu étrange comme ambiance, un mélange à la fois de « déjà-vu » et d'inconnu.

Nous nous sommes promenés la nuit dans sa ville, vers de sombres ruelles et puis il m'a emmené au fond de l'une d'entre elles. Il faisait froid, il n'y avait presque pas de lumière à cause du brouillard. Il m'a plaqué contre un mur et m'a embrassé comme jamais. J'ai senti alors toute sa puissance masculine, intense et violente et je me suis « vue », femme fragile qui était en train de perdre le contrôle. Je me suis sentie submergée d'émotions et je me suis laissée couler avec stupeur, effroi et excitation. Ses lèvres avaient un parfum de menthe, elles se sont faites directives, pénétrantes, ses mains m'ont effleuré les seins et sont allées explorer encore plus bas. J'avais peur que l'on nous découvre mais plus rien ne comptait à part lui, cet homme, grand, sexy comme ce n'était pas permis, où vouloir devenir sa « chose » l'espace de quelques instants  prenait le pas sur tout. Je crois que cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi féminine et « vivante ».

J'avais le sentiment que quelque chose se jouait mais que nous étions impuissants, seulement des acteurs où tout nous dépassait.

Et puis la peur a prit le pas sur l'émotion, peur de perdre à nouveau quelqu'un, peur de souffrir de l'abandon, peur de ne pas vouloir qu'il « remplace » l'autre. La réalité se porte jusqu'à une certaine limite. Où distinguer le faux du vrai ?
Personne ne comblera jamais une certaine partie de mon cœur mais lorsque cet homme est à mes côtés, je sens que le vide devient impalpable, moins flagrant. Je crois bien que je l'aime !

Je ne sais pas où je vais, ni pour combien de temps, mais il y a une seule chose dont je peux être certaine : je sens que je peux y aller avec lui et que tout le reste, comme disait mon mari, « c'est de la poésie... »


TEXTE 7 – LUI

La fièvre de la vie semble de nouveau parcourir vos veines ! Vous m’en voyez heureux !

Cette relation que vous évoquez, qui vous sort de votre froide solitude et bouleverse vos sens, est la première porte que vous ouvrez véritablement  vers votre nouvelle vie. Il ne vous fallait pas que partir, il vous fallait aussi vibrer à nouveau à travers le regard, les mots et les gestes d’un homme, suffisamment charismatique pour trouver une place dans l’espace exigu que laissait à l’avenir  votre existence antérieure, dans votre désert intérieur.

Nos parcours sont assez dissemblables mais nos réponses aux heurts de nos histoires sont assez comparables finalement : aller chercher la lumière  auprès d’autres horizons, et à travers de nouvelles rencontres, même si, dans votre cas, il s’agit d’une personne que vous aviez déjà connue.

En ce qui me concerne, la lumière a failli s’éteindre !

La Mort a ouvert grand ses bras pour m’accueillir et je ne sais encore pas exactement pourquoi je ne l’ai pas enlacée pour l’éternité. Je suis tombé du bateau lors de la dernière sortie en mer avec les pêcheurs ! La mer était forte, le vent très puissant, avec une pluie violente et glacée qui rendait le sol glissant à chaque pas. Je me suis retrouvé à l’eau soudainement, après une embardée brusque du chalutier.

Immédiatement, l’eau froide a envahi ma bouche, ma gorge et mes yeux se sont mis à brûler et mon cœur a été saisi de douleurs suite  au choc thermique ! En quelques secondes, je me suis vu perdu : j’étouffais, je tentais des gestes désespérés dans l’obscurité déchaînée et chaque mouvement que je faisais m’entraînait un peu plus vers le fond. J’ai été pris d’un affolement vertigineux, j’ai hurlé sous l’eau et ma mémoire résonne encore de ce cri d’effroi sorti de mes entrailles, puis se perdant dans les flots noirs et agités !

Et puis, tout à coup, une forme de résignation s’est emparée de moi et j'ai cessé de m’agiter, de bouger, d’essayer de respirer ; un calme immense m’a envahi… je me suis laissé aller, je me suis abandonné.  Des visages se sont succédés en moi, le vôtre y a figuré je crois et j’ai revu des gens disparus, d’autres à qui j’avais tourné le dos, des êtres qui m’étaient restés chers malgré mon départ.

Alors, je l’ai vue, Elle… Gigantesque, drapée de noir, sereine mais livide, un pâle sourire accompagnant son regard sans vie… fascinante, attirante, envoûtante.

Au moment où j’allais me laisser couler dans ses bras, une pointe de chaleur est montée de mon ventre… le visage blafard vers lequel je me laissais aspirer a soudain pris des couleurs,  il s’est rempli de lumière et j’ai vu ma funambule !
Le choc que j’ai ressenti a été incroyable ! J’ai senti brusquement mes muscles remplis d’une force phénoménale et je me suis mis à battre des bras et des jambes comme un forcené, avec une énergie hors du commun !

J’ai hurlé, je ne sais si c’était de terreur ou d’espoir, en sortant la tête de l’eau… mes poumons étaient en feu !

Et puis, une autre lumière est apparue, bien réelle celle-là, les pêcheurs avaient réagi à une vitesse hallucinante et avaient réussi à faire demi tour très rapidement. Je me retrouvai bientôt agrippé à une bouée, puis hissé sur le pont du bateau où je m’écroulai sans connaissance !

L’alcool que nous avons bu à profusion à notre retour sur terre a fini de réchauffer mon être et les regards que nous avons échangés sans mot dire de longues minutes durant resteront à jamais ancrés en moi !

C’est à ce moment-là que je me suis décidé à partir la retrouver.

Je ne sais trop où elle et ses compagnons de route se trouvent actuellement mais son visage me guide… et les étoiles sont si belles dans le ciel !


Lettre 8 – ELLE

C'est là où je me sens proche de vous, dans cette certaine dualité qui existe en vous. Une forte attirance vers l'inconnu et la liberté, mais où la mort est aussi de la partie.

On essaye tant bien que mal d'apprivoiser cette compagne d'infortune, mais il y a et il y aura toujours jusqu'au dernier moment une peur... la peur de se tromper de ce qu'il pourrait y avoir une fois passé la ligne, la peur que toutes les croyances inculquées de manière malhabiles depuis notre enfance se retrouvent tellement désuètes face à ce qui nous attend, la peur de se retrouver seul et la peur enfin que tout ceci ait été vain. Une fuite éperdue vers un amour comme vous allez tenter de le faire, il n'y a que ça qui peut nous montrer que l'on est encore en vie malgré tout.

C'est ce que j'essaye aussi désespérément de faire en restant près de cet homme. Une envie de s'oublier de temps en temps, d'avoir le cœur un peu rempli d'autre chose que de douleur, quelque chose qui ressemble à s'y méprendre à du bonheur. Mais si on creuse un peu, je vois bien que mon cœur ne pourra jamais plus battre au même rythme que jadis. L'intensité de l'abandon de soi-même, la fougue des premiers moments ou bien encore le frisson de ne vivre qu'au présent : tout ça n'est plus qu'un ersatz pathétique. Car passés les émois de la chair, il faudrait avoir quelqu'un en face qui puisse deviner un peu ce que l'on ressent, et ce n'est pas le cas avec cet homme-là !

Votre « funambule » a t’elle déjà perçue ce qui existait à l'intérieur de vous ? Est-elle votre « âme sœur » ? Est-ce qu'elle vous suffira pour longtemps ? N'est-elle pas le fruit de mirages et d'espoirs auxquels vous aimeriez tant vous accrocher ?

Je ne vous «juge» pas, je voudrais simplement comprendre pourquoi les autres (y compris vous) arrivent avec tant de facilité à se laisser bercer par les flots amoureux, sans avoir peur. Même s'ils s'échouent de temps en temps sur des rivages plus sombres, ils arrivent toujours à repartir.

J'ai bien peur de m'être échouée, toute seule, sur une plage solitaire, froide, loin de tout espoir.


TEXTE 8 – LUI

Je crois profondément qu’à partir d’un certain moment, il faut arrêter de se poser des questions. Il faut se laisser porter, sans chercher à savoir ce qu’il va advenir, sans se demander si on va (encore) souffrir, sans vouloir maîtriser les évènements, ou si peu, sans hypothéquer irrémédiablement l’avenir proche et le plus lointain par des refus stériles et par trop liés à des évènements passés.

Au nom de quoi l’histoire se renouvellerait-elle ? D’une malédiction ? D’une malchance chronique ? D’un acharnement un peu destructeur que l’on met soi-même à  provoquer la redite ?

Vous ne pouvez effectivement pas exclure que votre nouveau compagnon de route ne vous abandonnera pas à son tour en périssant subitement. Est-ce une raison suffisante pour refouler toute cette vie débordante qui s’est emparée de vous, presque malgré vous ?

En lisant vos lignes, je ressens combien vous êtes déjà enivrée par cette nouvelle histoire, même si vous mettez un soin tout particulier à laisser croire qu’il n’en est rien, à vous persuader que vous n’êtes pas, que vous ne serez plus dépendante d’un amour, et plus encore, de la peur de sa disparition.

Honnêtement, je ne sais pas si « ma funambule » est l’autre moitié de mon âme, si elle sera la lumière de mon cœur pour l’éternité qu’il me restera à vivre. Tout ce que je ressens, c’est qu’elle me transporte ! Et que depuis qu’elle est entrée dans ma vie, un souffle brûlant coule dans mes veines.

Peut-être n’est-elle, ou ne sera-t-elle, qu’un mirage … pour l’heure, elle m’habite ! Et je me sens libre ! Je me sens exister ! Je me sens maître de mes choix, je pose les yeux sur la route que j’ai envie de suivre ! Et cette route me conduit vers elle… si tout va bien !

Je m’y rends, par tous les moyens de locomotion possibles qui s’offrent à moi !

C’est souvent l’occasion de belles rencontres. J’ai voyagé à bord d’un camion qui transportait des moutons vers de nouveaux pâturages ; j’ai encore l’odeur des bêtes dans les narines et leurs bêlements dans la tête. Le conducteur était un homme incroyable, conduisant le camion le jour, écrivant des poèmes la nuit en buvant du whisky de sa propre fabrication.

Je me suis retrouvé dans une voiture conduite par un homme qui emmenait sa femme à la maternité : elle était sur le point d’accoucher et s’est agrippée de toutes ses forces à mon bras durant le trajet. Je sentais le regard inquiet de l’homme dans le rétroviseur, soulagé d’avoir quelqu’un pour le seconder ! Je répétais sans cesse « respirez… respirez… soufflez lentement… » en essayant d’avoir l’air le plus détendu possible !

J’ai gardé le bras endolori pendant trois jours.

Je suis aussi remonté sur un bateau et je vous avoue que j’ai longuement scruté le bulletin météo avant d’embarquer et que je n’ai pu empêcher quelques gouttes de sueur couler le long de mon front. Il y avait un vieil homme sur ce bateau, il fixait l’horizon de ses yeux ridés. Il m’a raconté que son fils était parti il y a quelques années, en claquant la porte à la suite d’une dispute stupide comme il y en a souvent dans les familles. Il avait pris ce même bateau sans se retourner ! Le vieil homme m’a dit que sa femme venait de mourir, emportée trop tôt, minée par le chagrin et les remords et lui s’était soudain décidé à partir à la recherche de son fils afin de ne pas mourir lui aussi sans avoir demandé pardon à son enfant, sans lui avoir dit qu’il l’aimait et qu’il respectait ses choix.

L’homme m’a demandé où j’allais. Je lui ai dit que je partais retrouver une femme ! Il a souri tristement et une larme a perlé le long de sa joue… nous nous sommes longuement étreints avant de nous séparer. Il y avait encore tant de force en lui !

Chaque jour me rapproche d’Elle désormais…
Je sais où son cirque va se produire la semaine prochaine !


TEXTE 9 – ELLE


Il me semble que plus vous vous rapprochez des personnes qui vous entourent pour un temps imparti, plus votre funambule devient palpable.

Un périple où les regrets, les remords ne sont plus de mise. Toutes les âmes que vous croisez vivent dans l'urgence, dans le moment présent tout en assumant leurs choix.
Et vous êtes en train de leur ressembler. Elle peut être incroyablement fière de tout ce que vous entreprenez.

Je ne suis pas dans cette ouverture d'esprit pour le moment. Cela prend du temps de se reconstruire et d'essayer de ne plus avoir peur de l'autre. Tenter de laisser venir à moi la chaleur humaine, sans chercher à savoir pour combien de temps.

Mais j'essaye aussi de faire un peu comme vous. Le temps des pleurs n'est plus, il me reste maintenant une envie de me sentir vivre pleinement.

Depuis un petit moment, je me regarde dans le miroir et je ne me reconnais pas : une femme brune aux yeux sombres certes, j'ai toujours été comme ça. Mais si je regarde bien, si je sonde un petit peu plus mon âme, il y a une autre femme qui ne demande qu'à surgir. Je la sens de plus en plus sûre d'elle, inébranlable et certaine que le moment est arrivé. Elle a une telle confiance dans un avenir où la peur n'existerait plus que j'en suis effrayée. J'ai peur d'être dépassée.

Et puis peut-être que vous avez raison : j'ai peur d'une disparition, j'ai peur d'être dépendante d'un amour, de me sentir « piégée » malgré moi. Mais je sais aussi que l'homme qui hante mes pensées depuis quelques temps n'est pas celui auquel vous pensez!

Une petite voix dans ma tête me susurre à l'oreille depuis de nombreux mois qu'il n'y en a qu'un seul. Je n'ai pas voulu l'entendre, mais il va bien falloir affronter la réalité pour devenir une autre. Il y a un homme qui prend une place dans mon cœur même si ce dernier est devenu un peu plus petit qu'avant. Quelqu'un qui m'a imprégné de sa douceur, son intelligence, sa compréhension. Quelqu'un qui est là, à mes côtés et qui l'air de rien a réussi à m'apprivoiser. Il m'a changé sans le vouloir, il m'a amené vers une lumière que je ne croyais plus jamais revoir !

Je suis en train de vous écrire assise sur une plage ensoleillée. Les vagues sont violentes à cause du vent et l'écume vient jusqu'à mes pieds. Plein de jolis cerfs-volants jouent dans le ciel et les enfants rient d'avoir peur de l'eau. Tant de bruit, d'agitation … Mais j'arrive à m’y sentir bien.

Il y a longtemps, l'homme que j'ai épousé m'a écrit une seule phrase après notre premier rendez-vous : « Et la mer, en marge de ses plages, recopie mille et une fois le verbe aimer... »

Je voudrais ne plus me préoccuper que de cela. Je voudrais ressentir à nouveau ce que c'est que d'être aimée.
Je veux être celle que j'ai toujours attendue presque malgré moi... Je crois qu'elle est là devant moi, elle m'attend avec patience. Et il y a peut-être cet homme au bout du chemin...


Texte 9 – LUI

Vous avez raison ! Les choses se sont brutalement accélérées, et plus les jours passent plus les événements prennent une dimension aigüe, plus les sentiments s’affirment, plus nos êtres se révèlent !

Votre dernière lettre est empreinte d’une puissance intérieure inextinguible, on vous sent portée par toute votre âme profonde. On a la sensation enivrante que votre vie a définitivement basculée vers demain, vers celle que vous deviez être et que les déchirures de la vie ont brisé pendant de si longues, de trop longues années. Votre détermination porte en elle le souffle de l’aboutissement, de la réalisation, de la résurrection même !

Cet homme qui vous habite ou qui, à tout le moins, a entrouvert avec délicatesse votre porte, sans le savoir vraiment, il me semble, a su toucher ce qu’il y avait de plus pur et enfoui en vous : votre sensibilité, votre désir de partager des émotions et des sentiments, votre besoin d’aimer et d’être aimée, votre envie d’exister enfin, telle que vous êtes, ou telle que vous n’auriez jamais dû cesser d’être. Il a réussi à faire entrer un rai de lumière en vous, un peu plus intense chaque jour. Je vous souhaite que cette rencontre fasse de vous une femme enfin épanouie et emplie d’espoir !

J’ai retrouvé « ma funambule » !

Je suis arrivé dans la ville où son cirque allait se produire la veille de la représentation. Je n’ai eu aucun mal à repérer le petit chapiteau si familier ; il m’a suffi de me laisser porter par mon désir de La retrouver !

Je me suis rendu sur place à pied et les derniers mètres qui me séparaient de l’édifice de toile ont été d’une intensité hors norme. Je sentais mon sang couler dans tout mon corps, j’entendais mon cœur battre dans tout mon être, je n’entendais que ça… les bruits de la ville s’étaient totalement estompés, évaporés dans un univers cotonneux où ne résonnait que le tambour de mon émotion portée au paroxysme. C’était soudain moi, le funambule, en apesanteur au ras du sol, avec cette impression à la fois envoûtante et un peu inquiétante que je flottais au-dessus du monde réel.

Tout le monde était affairé aux derniers préparatifs et on ne faisait pas attention à moi, cela m’arrangeait bien : j’aurais été incapable de m’adresser à qui que ce soit de façon cohérente. J’ai pénétré à l’intérieur du chapiteau par l’arrière, par cette petite ouverture qui sert aux artistes à quitter discrètement les lieux après leur numéro.
Il y avait, je crois, un brouhaha enfiévré sur et autour de la piste… plus j’approchais et plus mes tempes bourdonnaient, telles des ruches au cœur de l’été ! Je n’aurais jamais cru qu’un cœur pût battre aussi vite, aussi fort. Je n’aurais jamais pensé que ma cage thoracique fût à ce point près de céder sous les coups de boutoir d’un palpitant qui n’avait jamais autant si bien porté son nom !

Un claquement de fouet me sortit de ma torpeur enfiévrée ! Au centre de la piste, un cheval d’un noir luisant était debout sur ses pattes arrières ; j’eus à peine le temps de reconnaître l’homme qui faisait face à l’animal… je l’avais aperçue.

Elle était assise sur les gradins, en tenue de scène, sublime et irréelle, une adorable petite fille brune était assise sur ses genoux, un homme jeune et beau se tenait tout près d’elle et mon sang en ébullition se glaça soudain… elle avait sa tête tendrement appuyée sur l’épaule de cet homme.

Je restai une éternité, je pense, incapable de bouger et de quitter du regard cette scène à la fois si touchante et si douloureuse. Elle était là, à quelques mètres de moi, encore plus belle, encore plus attirante… et elle semblait si heureuse !

C’est à ce moment là qu’elle me vit…

Son visage, si fin, si beau, se redressa et se figea brusquement, comme interloqué par cette vision inattendue, d’un homme censé être à des centaines de kilomètres de là et tétanisé, incapable de faire autre chose que d’ouvrir des yeux ronds comme des balles de jonglage. Et puis, un sourire lumineux se dessina sur sa magnifique bouche, elle fit doucement descendre la petite fille de ses genoux et se précipita vers moi, en volant il me semble, sous le regard étonné de l’homme et de la petite fille !

Le baiser qu’elle échangea avec moi restera à jamais gravé dans le moindre de mes pores, dans la plus infime partie de mon être ! Après une étreinte, où le temps s’arrêta et durant laquelle mon corps tout entier se liquéfia, elle se recula délicatement… de fines larmes perlaient doucement le long de ses beaux yeux si délicatement maquillés.
Elle prit tendrement ma main et me dit, d’une voix douce et bouleversée : « Viens, je vais te présenter mon frère et sa fille ! Ils habitent ici... »


Texte 10 - ELLE

Comme quoi les rêves peuvent parfois se réaliser !

Quels beaux moments que toutes ces sensations que vous décrivez avec tellement de réalisme ! On pourrait presque toucher, effleurer du bout des doigts cette magie. Un arrêt sur image vibrant.

J'ai l'impression que vous touchez au but et que vous allez enfin réaliser votre rêve, que votre parcours du combattant n'a plus raison d'être, je me trompe ? Vous voilà réconcilié avec vous-même, en faisant habilement confiance à l'homme impénétrable que vous étiez, jadis. Je vous envie cette assurance !

J'essaye par tous les moyens de la retrouver moi aussi ! Je me retrouve à prendre du recul sur tout ce qui m'entoure. Je suis à nouveau dans ma maison, entourée de ces murs d'une blancheur toujours aussi intense mais je ne parviens pas à les voir de la même façon. J'ai l'impression d'avoir progressé, de m'être recentrée pour parvenir à un semblant d'équilibre. Il y a quelque chose qui s'est déclenché dans mon âme, je le sens. Je m'avance à la fenêtre et je vois toujours ce voisin qui lui, n'arrive pas à changer : toujours aussi triste, aussi tourmenté, incapable de prendre une initiative qui pourrait changer la vie de plusieurs protagonistes.

Puis je ferme les yeux et j'ai toujours des images qui sont angoissantes, sombres et tourmentées. Mais j'arrive cependant à les voir avec pudeur. La colère n'est plus, le temps de prendre à bras le corps tout ce que je voudrais être et faire est venu. Je ferme à nouveau les yeux et le visage de l'homme que j'aime m'apparaît. Et je sais alors à cet instant précis que je ne peux plus attendre.

J'ai décidé de faire comme vous !

Je pars... Je prends un aller-simple pour une destination inconnue où cet homme ne m'attend certainement pas. Une peur intense traverse toutes les parties de mon corps qui devient tremblant depuis quelques temps. Mais je préfère avoir peur, me sentir vivre pleinement plutôt que de ne plus rien ressentir du tout !

Peut-être que je vais me perdre... ou bien me suis-je déjà perdue ? Peut-être que je reviendrai à la case départ et que rien n'aura changé en moi ? Mais si je ne le fais pas maintenant, les remords finiront par arriver. J'ai l'impression que ma sensation d'étouffement va s'éloigner en même temps que moi et mes valises.

J'espère vraiment que le hasard accompagnera ma lente progression et que je vous rencontrerai, vous et votre « funambule » et si ce jour-là arrive, j'espère vraiment vous y voir heureux.

Je ne sais pas si le bonheur, la joie, les fous rires reviendront un jour dans mon sillage. Mais je souhaite vraiment les rencontrer à nouveau, les apprivoiser et les partager.

Je continuerai de vous écrire, promis !


TEXTE 10 – LUI

Votre lettre m’a renvoyé à cet instant un peu particulier où nous nous étions quittés, après avoir longuement évoqué nos vies respectives, nos sentiments complexes au moment d’aborder une nouvelle partie de notre vie, tout en étant si fortement, voire lourdement, imprégnés de celle que nous laissions derrière nous et puis cette promesse que nous nous étions faites de faire l’un de l’autre, le confident, le témoin privilégié des heures nouvelles qui s’offraient à nous.
J’ai l’impression que nous nous retrouvons un peu au même moment, des mois plus tard, avec la perspective d’une existence différente, fondamentalement empreinte de nos choix essentiels, avec, cette fois, la quasi certitude que nous avancerons inexorablement vers le mieux et même, avec un peu de chance, vers le Bonheur !

Nous avons bouclé vous et moi, une première partie de notre Après, cet Après que nous appelions de toute l’énergie de nos âmes déchirées lorsque nous nous sommes rencontrés, cet Après qui devait, qui pouvait, nous extraire de la gangue douloureuse dans laquelle notre passé nous avait aspirés et enfermés !

Je ne vous l’avais jamais dit véritablement, mais cette correspondance avec vous a été un véritable phare dans mon quotidien et elle a largement contribué à accompagner mes pas vers ces lendemains que je pressens enfin radieux. Ces échanges, d’une sincérité et d’une confiance si fortes, m’ont porté, m’ont poussé, m’ont aidé et je sais que vous serez toujours présente en moi, que notre relation continuera avec intensité au fil des mois, des années, que nous soyons à l’autre bout du monde, ou que nous parvenions à nous rencontrer à nouveau, avec, pourquoi pas, l’enthousiasmante opportunité de le faire avec nos compagnons respectifs.

Je vous sens à un tournant déterminant, toute votre énergie vitale semble s’être rassemblée pour vous emmener vers la vie à laquelle vous avez toujours aspiré, même dans les moments les plus sombres, les plus lourds. Que, même dans le doute quant à l’accueil qui sera réservé à votre démarche par cet homme que vous aimez, vous décidiez malgré tout de déployer vos ailes est un signe fort qui me touche profondément ! Vous avez enfin décidé de basculer vers la lumière.

Je vous écris ces lignes de bien loin à nouveau. J’ai repris la route avec le cirque et « ma funambule » et je vis un enchantement permanent. Je suis heureux, enfin heureux de vivre !

Comme un symbole, une métaphore évidente, je présente tous les soirs un numéro dans le spectacle !

Je suis enchaîné solidement et enfermé dans une caisse métallique plongée dans une grande cuve remplie d’eau bouillonnante. J’entends les cris effarés du public, et au moment précis où la caisse est immergée, je repense à ces secondes terrifiantes et fascinantes où j’ai failli périr noyé et puis, au bout de quelques minutes, alors que la caisse a été ressortie, vide, de l’eau, j’apparais dans un costume flamboyant au côté de ma princesse étincelante, là-haut sur son fil. La main dans la main, nous écoutons les hourras de la foule puis nous échangeons un long baiser, qui à chaque fois m’électrise et elle s’élance pour son numéro.

Et je reste là, l’air béat, les yeux rivés sur celle qui a rendu le sourire à ma vie. Les projecteurs qui l’accompagnent sont autant d’étoiles qui luisent dans la nuit. Elle est belle comme un soleil… et je l’aime !

FIN
décembre 2011

 
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Créé le 1 mars 2002

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