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il
se présente à vous
Dans la cité obscure, rue Sigmund Freud, mes souvenirs déçus marchent à reculons. Et moi, ombre déchue, j’y rencontre face à face l’autre-moi-même au fin fond des cadastres. Et l’autre moi, fleuve de sang, tel un ressort palpitant, saute, se met à jouer comme jamais il n’a joué. Jeu de drapeau. Course poursuite. La jeunesse triomphante remonte le terrain comme on remonte en héros les vieux Champs-Élysées. Et l’enfant de mes
rêves, fils de mon passé, rejoint frangins, frangines,
pour jouer aux osselets au temps des jointures tendres. Nous
fûmes délurés, dégingandés, heureux.
Nous fûmes attardés, dirait-on aujourd’hui, et nos parents
vieux jeux. S’esquisse une aquarelle
sur ma calebasse verte. Quand de sa voix basse, elle gronde ma
calebasse, quand elle tourne sur son axe, ça fait
merveille, ça fait musique. C’est la Saint-Louis. Comme
une foire, un carnaval. À l’horizon rien que la mer et ta vision
qui m’ensorcelle. Sur les maisons rien que le vent. Rien que la brise
et tes effluves. Tourne, tourne ma
toupie. Vire, vire ma calebasse, mon autre jouet, l’énorme
toupie qui a grandi depuis et en a produit d’autres. A la main
d’artiste, je les aborde et les attrape. Je me retourne pour les
montrer. Je les soulève et je souris. On s’émerveille, on
applaudit. Quand mes toupies sont fatiguées, quand leur moteur
s’est déchargé, je leur passe une corde au cou, je les
lance encore un coup. Tourne, tourne la vie. Tournent mes
méninges, mes reins et mes envies. La vie est belle en ses
couleurs. Elle est en vert, quand on est jeune. Quand on est jeune et
qu’on peut jouer. Marche donc à reculons, ma belle.
Rencontre-moi à l’autre bout.
Coulée de lucidité. Chiffre, tu n’arriveras jamais à coffrer la lettre dans sa marche zigzagante, continue et montante. Tu es un concentré de mots. Un symbole pour résumer le cosmos, les concepts, les dissertations qui comblent les tiroirs de mes hémisphères. Tu es toxique, vénéneux à manipuler. Il me faut te remettre à l’usage, te diluer dans une pluie de poèmes, de phrases, de paragraphes clairs. Tu convoques mes arpents, mes océans, mes horizons sur ton mini-clavier, sur ton petit écran. Tu entends camoufler la rage de la littérature qui m’envahit et qui t’effraie. Je me sers de lettres pour t’apostropher. Trois, deux, un,
zéro. Un lancement de fusée embrase ma lanterne. Nouveau
départ. Calotte du ciel. Couvercle sur la marmite bouillonnante
de l’hiver et de l’univers. Découverte.
Émerveillement, sons, exclamations, musique des mots. Au
commencement le verbe. Toute une chaleur. Tout un malheur. Au commencement une grammaire, une cohorte de verbes
utiles. Etre, avoir, parler, parfaire. Ô chiffre, colmate si tu
veux les excès de langage, les hyperboles de pointe, mais
garde-toi de juguler le carnaval des mots, les mots de mes amours. Tu
veux être l’automne symbole de vétusté. Pourtant,
tu es un annonceur d’un printemps délirant.
Ton boulot, c’est de te mettre au service de la langue, de l’homme, de
ses palabres, du tagueur fou qui laisse des graffitis sur la nef du
temps, de l’amoureux qui écrit son passé sur les ovaires
de l’avenir et qui fait l’amour pour contourner la mort. O chiffre, il
me faut les lettres pour t’interpréter. Incontournable la lettre
! Indéracinable la littérature!
-----> 3.
Anti-Poème Un uppercut en plein visage. Un
coup de pied à l’autre bout. Une mauvaise nouvelle venue
de Port-Salut, cette ville hélas devenue Port-Sali qui
vient de trembler d’effroi. Je ne vous dirai pas pourquoi.
Frère quand tu pleures, je souffre. Lorsque cela m’arrive de
recevoir un coup, j’amortis mon affront. Je cherche dans les rayons de
ma bibliothèque un livre à idées fortes qui
soutient le moral. J’ose une relecture de «
L’Immortalité » par Milan Kundera.
Les fusils, cela tue, surtout entre les mains de qui n’ont à foutre. L’homme est par nature agressif, la guerre lui est consubstantielle (Et j’aime Kundera et toutes ces citations.). En temps de paix, les armes ne servent plus qu’à jouer à la roulette russe et à créer la guerre. Je ressens jusqu’aux os la douleur des estropiés de tous bords. À quoi bon tout cela ? Tant d’écoles à ériger, tant de montagnes à reboiser, à rendre giboyeuses, tant de lèvres desséchées à humidifier d’une larme de vin, d’une goutte d’eau salvatrice, en attendant la force de mâcher une miette. Je ne peux me permettre de haïr. Ce serait me noyer en émotions inopportunes. Le piège de la haine, c’est qu’elle nous enlace trop à l’adversaire. J’aime Jean Métellus et Jean Claude Fignolé, deux aînés qui pour cause ont inspiré les dernières pages de Rythmique Incandescente. J’aime Gérald Bloncourt , le préfacier de mon Rêver d’Haïti en couleurs, non pas parce qu’il est promu Chevalier des Arts et des Lettres, simplement parce qu’il respire humanité. Comme tous mes héros, je ne suis pas un avocat mais un poète de la défense. Au-delà de la mélodie des phrases qui m’ébranlent, je veux bien recourir à une posture philosophique, comme un vieil indien du Cibao, comme un vieux paysan du massif de la Hotte. Pour tous, pour Kiskeya, pour Haïti, pour cette petite planète la terre qui continue de valser envers et contre tout, je redis ce cri du cœur : bannissons les armes (cela n’engage que moi), autant les nucléaires que celles cachées dans les poches-révolvers. Laissons donc aux planctons, aux coraux, le temps de repousser à la lisière des écumes, aux pieds des mangroves et à la ligne de flottaison des radeaux et des yachts. Et sur la terre des hommes plantons et replantons, enclenchons le miracle de l’eau et des arbres! C’est le cri d’amour de la chlorophylle qui pousse en moi, cousine de mes couleurs, de toutes les couleurs, de l’hémoglobine universelle et de la mélanine amante de lumière. -----> 4. La rançon
Toute vie n’est guère qu’un
chapelet de joyeuses petites morts. De multiples petites
hécatombes de soi-même où l’être en toute
confiance s’efface à chaque fois. L’on entre en une
dégénérescence aigre-douce, à chaque
accouplement de muqueuses qui se fondent et se confondent. À
chaque affrontement du papier et des lettres qui s’accolent et
s’unifient. Dans cette mort sublime, on retrouve l’épiphanie,
douloureuse débauche où l’on griffe les pages d’un temps
inexistant pour devenir ainsi des créateurs zélés.
Alors, on transmet des vibrations incitatives aux oreilles de
l’éternité.
Et si l’éternité persiste à maintenir sa suprême inertie dans des chants éphémères, il est de bonne guerre de se comporter en provocateur. Tenter une cacophonie voulue pour créer la méfiance et tout recommencer. Il faut alors écrire sur les feuilles, sur les branches, sur les murs, les toits et la voûte du ciel. Jeter ici et là une pertinence de mots impertinents. Faire naître un poème à défaut d’une vie. Laisser tomber les postillons des sens et des contresens, les crachins des émotions et des émonctoires. Sur des bananiers, sur le parchemin vert de leurs limbes plaqués contre le support du lointain, avec la fronde de l’ancre, lancer les éclats des ébats, les éclaboussures du bonheur.
Dessiner le vide
dans le bleu de la toile. Écrire le
néant au verso des étoiles. Le poète se recueille
comme un fruit mal cueilli et s’accroche à nouveau au circuit de
la sève, sur l’arbre du talent. Il s’envole, démuni,
pieds nus, pour se faire un chemin dans les couloirs du ciel,
régler ses meilleurs comptes au pied de l’inconnu. Le
poète.
Ah ! Le
poète et ses grands subterfuges. Il se néantise
en molécules cosmiques dans l’autodafé des syllabes
enfumées pour traverser léger les vallons du
mystère. Ô expérience des transes. Se mettre
à l’envers dans une peau de poète. Rimer et frimer en
apesanteur. Enfourcher cul en l’air le train de la stratosphère,
épier l’univers, dévoiler ses secrets indiscrets et dire
à la terre : Super, à l’autre bord non plus, il n’y a
plus rien d’épatant, rien de nouveau sous les soleils du diable…
Il sculpte
l’irréel dans le blanc de la feuille, ajoute des
couleurs dans le feuillage blanchâtre des pages
dépigmentées. Ô poète, inventeur de
chlorophylle, habile jongleur dansant sur la roue des couleurs,
où as-tu appris à manier le
pinceau ? |
Créé le 1 mars 2002
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