Vos textes publiés ici après soumission
au comité de lecture de Francopolis

ACCUEIL SALON DE LECTURE FRANCO-SEMAILLES CRÉAPHONIE
UNE VIE, UN POÈTE CONTES & CHANSONS
LANGUE EN WEB LECTURES CHRONIQUES
VUES  DE FRANCOPHONIE SUIVRE UN AUTEUR PUBLI  SPÉCIALES LIENS &TROUVAILLES
ANNONCES INDEX DES AUTEURS LES FRANCOPOLISTES APHORISMES & Humeur
RUBRIQUES :  Coup de coeur
Libre parole à... - Les pieds de mots

FORUM FRANCOPOLIS

ARCHIVES DU FORUM

Notre librairie compte plus de 400 auteurs. Nous vous invitons à venir la visiter.

Vous y trouverez des poètes, des nouvellistes et romanciers, des auteurs de pièces de théâtre, hommes et femmes,
connus et inconnus, venus des cinq continents.





Jeune enfant haïtien, par Farah Willem


Présentation 

de la SÉLECTION

des auteurs

MAI
2012

préparée

par

Dana Shishmanian



LES AUTEURS SÉLECTIONNÉS DE MAI 2012

Les cinq auteurs réunis dans cette « fournée » ont un premier trait commun essentiel, dans l’ordre du destin humain : ils sont tous Haïtiens ; autant dire que la tragédie de ce peuple meurtri, ayant souffert sous les coups de l’histoire comme de la nature, les marque dans leur être, dans leur vécu et dans leur ressenti personnel, de manière indélébile.

Pourtant, quelle diversité d’expression poétique ! Chacun est porteur d’un véritable projet d’écriture, tous différents, tous uniques. D’où la disparité de la réception : ce qui séduit un lecteur laisse un autre indifférent ; les réactions peuvent aller du coup de cœur au rejet, pour le même auteur, et parfois pour les mêmes vers… (les commentaires des membres du comité de lecture le prouvent). C’est bien compréhensible : il est en effet difficile d’embrasser en totalité, dans une seule unité de goût, l’éventail d’approches, de styles, de concepts mêmes de poésie, qu’offrent ces cinq jeunes auteurs. Jeunes car même si certains sont d’âge mûr voire plus, ils sont tous à se frayer un chemin, à se chercher une voie dans l’écriture, comme s’ils se retrouvaient au début d’une ère nouvelle, à tout recommencer à zéro.
 

Les rattrape ainsi l’immense propension à l’expression artistique du peuple haïtien, dont le malheur n’est constamment dépassé que par la créativité ; et c’est pour cela que l’écriture devient vitale, salvatrice, rédemptrice, reconstructrice. C’est le second trait commun, essentiel, qui les réunit, au-delà de leurs thèmes, des contenus personnels qu’ils véhiculent, des références culturelles qu’ils entraînent dans leur sillage, des différences de leurs esthétiques. Et c’est un trait commun dans l’ordre, cette fois, du destin poétique de ces auteurs, qui est bien plus que purement littéraire : la lettre n’est que l’instrument nécessaire de l’esprit dans son combat acharné pour vaincre la mort, pour transformer le désespoir en outil de construction, la souffrance, en art.

Ces auteurs ne vivent pas que de mots ; comme d’autres poètes de leur trempe comme Anderson Dovilas (invité au Salon de lecture de mars 2012)1, ils ont une volonté d’écrire avec leur sang, métaphore qui traduit un engagement total.

Dana Shishmanian

NOTA BENE
Comme à l’accoutumée, les lectures et commentaires sont faits « à l’aveugle », les noms des auteurs et leur nationalité n’étant dévoilés qu’à la fin aux membres du comité de lecture, que je remercie pour leur réception toujours attentive et enrichissante (je le dis aussi pour le compte des auteurs : les critiques sont parfois aussi utiles que l’adhésion…).

Quant aux auteurs, qu’ils soient tous remerciés d’avoir accepté de se faire ainsi connaître aux membres de Francopolis et à nos lecteurs.




-  Textes commentés par le Comité de lecture.  -
( Michel Ostertag - Gertrude Millaire - Laurent Philibert-Caillat
  André Chenet et Aurore Delrieu )


*

Yves Patrick AUGUSTIN
poète haïtien, il vit au Canada... 5 textes retenus.
(Ces poèmes sont tous inédits. Ils sont issus de la même veine d'inspiration 
que ceux publiés dans son dernier recueil " Mon île est une absente" chez L'Harmattan,2012)

 1. Âme-sœur  -   2. Tu es mon rêve - 
 3. Si cette rencontre est notre dernière  -  4. En toi…  -    5. Ne sois pas triste
 

*
Commentaires sur l'ensemble de ses textes :


Michel :Grande poésie. Chants d’amour tournés vers la Femme, l’âme-sœur, celle qui incite à tous les rêves, qui rend la vie plus douce, efface le malheur. Un côté oriental qui me séduit... impatient de connaître cet auteur.
La chronologie des cinq textes mène jusqu’au dernier, point d’orgue, l’ensemble est conservée. Un grand oui pour les 5 textes.

« Mon amour, ajoute ta blessure à ma blessure, tes larmes à mes larmes ».

Gertie : Beaucoup de tristesse chez cet auteur exprimée dans les 5 poèmes. Une tristesse à volet fermé, mais on avance dans ses mots, dans sa lumière…  une très belle poésie.
Laurent : Une poésie amoureuse, lumineuse et pleine d’espoir, hélas ! trop facile, trop fleurie et trop appuyée pour moi.
 
*
Commentaires : Texte 1
1.  Âme-soeur

André : Pas très original, mais oui quand même pour l'intensité de l'expression et l'émotion.
Laurent : Non. Un peu trop classique, trop emphatique, un champ lexical convenu. Je suis resté à la porte malgré une certaine sincérité.
Gertie : Oui… un appel d’espoir à travers cette tristesse  bien ressentie et d’une belle poésie.

« … chanceler d’angoisse
Sur les lèvres béantes de la terre
Dompter le froid coupant de notre exil boréal… »
et plus loin
« … L’aube est proche où nous parlerons de nos tragédies
Comme d’un conte, de nos périples comme d’un songe ».

Michel est sous le charme de même qu'Aurore : oui pour cette fluidité empreinte de douceur, une douleur immense, une perte qui est parfaitement retranscrite dans cette poésie... Très beau à lire et à dire...


**
Commentaires : texte 2
2. Tu es mon rêve

André : Non, à cause du dernier paragraphe qui est malheureusement trop long, et finit par se traîner. Même refus de la part
de Laurent : J’ai aimé « l’horizon de métal », mais ça ne suffit pas à rattraper « Donne-moi tes larmes que j’arrose la terre aride/De mes tourments ». Trop de facilités dans les images.
par contre Michel aime et Gertie : Oui…  l’auteur sait nous accrocher avec ses images qui défilent comme une galerie de tableau. On retient son souffle… devant tant de douleur.

« Seulement ta lassitude qui obscurcit les étoiles
Et la pâleur étrange de la ville sur ton front…
Les lumières ne signifient rien derrière les vitres closes,»

« En toi, l’angoisse s’égare en contrée désertée »

Aurore : Oui, de la pudeur ici, très imagée, toujours dans une sorte de bulle de souffrance. Une écriture sensible !


***
Commentaires : texte 3
Si cette rencontre est notre dernière

Une seule note négative, Laurent : Non. Éden, rire des enfants corps/fruit… Trop adolescent, trop de clichés.
André : Bel élan amoureux, bien rythmé. Dommage qu'il y ait « le parfum de tes cris » pour réinventer la poésie. Oui
Gertie :
Oui…  une fois de plus l’auteur nous séduit dès le début, toujours par la force de ses tableaux et sa tendresse.
Très belle écriture.

« Si cette rencontre est notre dernière
Déshabille le soleil, noue son écharpe de lumière
Autour de ton cou et raconte-moi le sens du ressac ».
Et j’aime bien aussi :
« Réinvente la poésie avec le parfum de tes cris »


Aurore :
Oui. Un peu moins dans le rythme je trouve par endroits, mais une lecture toujours « prenante »...

****
Commentaires : texte 4
En toi…

André :
Poème équilibré jusqu'à « des hirondelles », ensuite les deux vers
« Et nos rêves insoumis ont surgit de la longue nuit
»
Du cauchemar » rompent la coulée régulière du poème. Ensuite tout devient plus incertain et confus. Non.

Gertie :
Oui…  pour la tendresse dans l’espoir,  pas facile à exprimer en poésie et l’auteur s’en tire à merveille.

« Ô ma guetteuse de songes dans la cohue des tourments,
Reste dans ma poésie, reste dans ma démence. »


« … où je pêcherai sur ta peau
Toutes les étoiles de mer de l’Atlantique. »


Aurore : Oui. Poétique, romantique à souhait ! Attention à certains clichés qui peuvent alourdir le sens des mots ou des images, Cela peut s'avérer moins intéressant.
Laurent : Oui. Poème un peu plus mesuré, moins de « déballage » et un peu plus de sobriété ne font pas de mal.

« …une petite fleur de jasmin
Entre tes lèvres et une lune errante
Dans tes yeux de jeune fille endormie »


*****
Commentaires : texte 5
Ne sois pas triste.

Laurent : Non. Là encore, trop de clichés, de facilités de réflexion, les anaphores n’arrangent rien… Sans doute tout cela est un peu trop positif pour mes goûts…
André :
Oui.  Excellent, la sensibilité amoureuse affleure à chaque ligne.
Gertie : Oui…  c’est touchant et quelle verve et courage dans le plus grand respect de la douleur avec une pointe d’espoir à vous couper le souffle.
 
« Demain la première lueur du jour annoncera
La résurrection de la joie et du rire des enfants de notre île
Prendra naissance le printemps. »

Aurore : Oui. Je trouve ces textes intéressants. Il est difficile parfois de dire les choses simplement et avec force. Le pari est gagné...

***
Sa poétique
Pour Yves Patrick Augustin être un artiste est plus qu'une vocation : c'est sa raison d’être, son essence, sa « liberté, son ascension vers l'infini ». Profonde quête intérieure, son écriture est ancrée dans la mémoire et se conjugue entre silence et flot submergeant d’images, nostalgie et déraison, souffrance et espoir. Il façonne continuellement son rêve à travers la danse des mots, comme autour d’une silhouette lointaine et proche à la fois, fantomatique, inatteignable. Une poétique de l’absence, dans la veine des grands romantiques, où la femme-terre, la femme-île, mère et fiancée à jamais perdue, devient figure emblématique d’une recherche de soi, aux confins de la métaphysique. (Dana Shishmanian)



* *

Fabian CHARLES
Né à Port-au-Prince. il étudie à l'Université Paris IV, Sorbonne... 5 textes retenus.
(Les poèmes de cette sélection sont à ce jour tous inédits. Ils sont extraits du recueil,
Anonymat (L’Harmattan, sortie mai 2012).


Texte 1. Poème à l’Anonyme  -  Texte2. Tu m'as changé en pierre -
Texte 3.Temps de poésie  - Textes 4.Tes seins nus -  Texte 5. Sans titre


*
Commentaires sur l'ensemble de ses textes :

Michel : Poésie que je qualifierais de « poésie-brute » comme on parle d’« art-brut ».
Corps à corps avec une nature mise en danger, le tsunami reste en filigrane. Doit se lire en continu. L’ensemble fait partie d’une atmosphère, d’un sentiment palpable de crainte, de malaise. Le dernier texte en point final donne à l’ensemble une parfaite cohérence. Oui pour chacun des textes.
Gertie : Une poésie plus froide, un style très différent, peut-être un peu trop fermé… mais un cri du cœur.
Laurent : Oui à tous les textes, mon coup de cœur de la fournée ; une vision saisissante et une voie originale.

*
Commentaires : Texte 1

Poème à l'anonyme

André : Non. Cet auteur ne manque pas d'humour cependant je me suis vite lassé de ses péroraisons sans fin et de jeux de mots douteux.
 
« de parfum Jean Paul Gaultier
Jean sera grand comme pierre
Pierre que nous n’avons jamais connu. »

Je n'ai pas eu envie de lire jusqu'à la fin. Fatiguant.

Gertie : Oui…  c’est très long…  comme un premier jet… je m’y perds un peu… mais on y sent la déception… la souffrance et l’indignation fortement exprimée à la fin.
Aurore : Petit oui. J'accroche moins à ce style. Certaines lourdeurs, des passages un peu longs...
Laurent : Oui. Dommage pour la coupure un peu maladroite au milieu du texte, mais des images efficaces. Je crois déceler sous ce texte étrange et saisissant une métaphore politique/religieuse plus vaste, à moins qu’il ne s’agisse d’un kaléidoscope de souvenirs/pensées. Très prenant, des vers insolites, grand oui.

« tu étais plus belle anonyme quand tu t’habillais de rubans
de dérisions
et que tu avais une culotte
nous ne pouvons savoir si ton sexe
est à tête de serpent ou d’aigle »

**
Commentaires texte 2
Tu m'as changé en pierre

Deux refus, l'un d'André :La chute de ce poème est décevante. Un être vivant qui se désintègre a-t-il le temps de s'asphyxier? Pourtant la matière est bonne. et l'autre d'Aurore : Je ne suis pas vraiment sensible à cette atmosphère.
Gertie : Oui… je cherche toujours … les images sont un peu confuses, quelques images non comprises… mais j’aime bien la fin :

« libère moi sans me regarder

pour que je me désintègre 

sans m'asphyxier »

Laurent : Oui. Là encore, il se dégage de ce texte une ambiance très particulière, à la fois charnelle et à la limite de l’ésotérisme.

***
Commentaires texte 3

Temps de poésie

Refus d'André et d'Aurore et accord des autres Gertie : oui  mais ce serait plutôt temps de rupture… sans élégance…  un peu plus au premier degré.  Alors que Laurent semble plus enthousiasme et souligne un passage. Oui. Poème très douloureux et très touchant, plein de résignation amère et de désespoir.

« Mon idéal sera de te donner deux barres

de savon

pour deux journées de bains rouges

Afin de laver tes plaies

Cela compte dans le tiers-monde »

 

****

Commentaire texte 4
Tes seins nus

Aurore : Non.
André : Décidément, cet auteur est intéressant mais il bute sans cesse sur ce qu'il voudrait dire, car il se laisse déborder par ses obsessions et confond flux de langue avec coup de sang.
Gertie : Oui…  une poésie très fermée… qui me laisse sur ma faim mais j'aime :

« paresse sur une natte au raz de mer
nous nous sommes mis à tisser les premiers éclats du matin »

Laurent : Oui. Étrange, ce poème qui débute comme une énième série de vers romantiques et fini par l’image d’un cadavre sur une plage… On aimerait en savoir plus !


*****
Commentaires texte 5
Texte 5 (sans titre)

André : Non. Je comprends bien la direction étrange de ce récit en catastrophe qui mériterait d'être affiné. Je suis tenté de dire oui, mais ce serait un mauvais service à rendre à cet auteur. Il lui faut retravailler les articulations et le phrasé de cette prose, la rendre plus efficace.  Il manque une cohérence dans l'expression elle-même. Qu'il ne se décourage pas, ça va venir, ce n'est qu'une question d'exigence.
Gertie : Oui… une poésie non, mais une belle description dramatique, on ressent la panique.
Aurore : OUI. Un style qui interpelle, mais peut-être à retravailler un peu...
Laurent : Oui. Cet instantané conclut noblement la sélection de poème, toujours avec cette menace en arrière-plan, cette confusion, la présence et l’absence de dieu… Un univers personnel très particulier, qui mérite d’être exploré.

***
Son projet
Fabian Charles, un projet poétique qui fait tabula rasa des thèmes, des sentiments, des lieux communs, tout en les utilisant comme dans les techniques de collage, de citations, de jeux de mots ; pour donner de l’homme contemporain (sans distinction de sexe ou plutôt, dans la confusion des sexes) l’image révélatrice d’un patchwork désarticulé, d’un pantin mécanique, d’une créature au fond paumée, au bord d’une autodestruction annoncée. D’où cette écriture hachée, entrecoupée, brutale, corrosive, qui renouvelle courageusement le concept de poésie, tout en perpétuant le filon puissant des grands révoltés des années de l’après-guerre, avec une source toujours vive de recherche et d’apprentissage dans  la  parole de l’archipel René Char. (Dana Shishmanian)


* * *

Thélyson ORÉLIEN
né aux Gonaïves en Haïti et habite depuis 2010 à Montréal -  2 textes retenus

(Tous les poèmes soumis à la sélection font partie d’un recueil inédit en cours de finalisation.
Les 3 poèmes non retenus par le comité de lecture ainsi qu’un autre poème inédit sont dans la rurique Coup de coeur
choix de D. Shishmanian pour cette même édition de Francopolis.) 

Texte 1. L’alphabet imprononçable  -  Texte 2. Je refuse d’écrire



*
Commentaires sur l'ensemble des textes de cet auteur :

André : Non à l'ensemble. Une langue grammaticalement très correcte mais surfaite, je ne me laisse pas prendre malgré les quelques fulgurances flagrantes qui traversent ces poèmes écrits « à froid », sans tension ni émotion. Il y manque encore une révolte authentique (ou au minimum de la désinvolture) qui ne se satisfasse pas d'un enfilement de mots  au fil d'associations poussives.
Michel : Poète à la grande originalité ; au travail incessant d’une recherche sans cesse reprise pour une autre langue, un autre langage, vers plus de liberté et aussi de pure poésie. Maîtrise de ses propres outils jusqu’à une réelle réussite dans le poème : Je refuse d’écrire. OUI pour l’ensemble. A couronner !
Aurore : Une écriture trop « étudiée », un style trop « pensé », je ne sens pas la spontanéité, la simplicité qui pourraient jaillir. Des mots compliqués parfois alourdissent le sens et c'est dommage.


*
Commentaires texte 1
L’alphabet imprononçable

Un refus pour Aurore et André.
Gertie : Oui…  genre assez surréaliste… qui nous laisse un peu sur la faim..
Laurent : Oui. Sans être très convaincu par le jeu assez convenu sur les homophones, le poème « fonctionne ».


**
Commentaires texte 2
Je refuse d'écrire

Refus d'André et Laurent explique : Longue et parfois fastidieuse énumération, dont on ne sait trop où l’auteur veut vraiment nous emmener. La musique des mots pour elle-même ne me semble pas suffisante.
Gertie : Oui…  pour ce refus mais surtout pour la force de son cri.

Aurore : Oui. Un texte long mais qui a le mérite d'être bien écrit. Un peu plus fluide que les autres.

***
Son combat
L'écriture de Thélyson Orélien se tient, on dirait, avec un effort extrême, sur la ligne de haute tension entre explosion des sentiments et maîtrise du langage, entre compulsion fusionnelle et recul nécessaire, pouvant prendre l’apparence de froideur, comme pour mieux faire évaluer par l’esprit l’étendue des dégâts d’une réalité mutilée : un inventaire décousu de débris humains, d’images improbables, face à quoi le poète s’efforce tout simplement à continuer d’écrire, et d’aimer. D’écrire, car c’est le seul moyen pour ne pas en devenir fou. Mais écrire, tout en s’y refusant car ce qu’il faudrait réellement dire sort de la sphère de l’exprimable, du soutenable, du tolérable. Un jeu difficile avec la poésie comme une sorte de deuxième peau autant protectrice que révélatrice d’une secrète, inguérissable blessure, continuellement féconde. Un art qui surgit par éclat et marque durablement par sa puissance cachée derrière les mots. (Dana Shishmanian)


* * * *

Jean-Robert LEONIDAS
né en 1946 à Jérémie (Haïti). Diplômé médecin à l'Université d'État d'Haïti, s.installe
il poursuit une carrière médicale aux États-Unis où il s'installe en 1973 -  5 textes retenus

(Les 3 premiers textes sont inédits, écrits spécifiquement pour cette sélection de Francopolis ;
les 2 derniers sont extraits du volume Rythmique incandescente récemment paru (Riveneuve Éditions, décembre 2011).

Texte 1. Rue Sigmund Freud  -  Texte 2. La mort des lettres n’aura pas lieu -
Texte 3. Anti-poème  -  Texte 4. La rançon - Texte 5.  Écrire le néant

*
Commentaires sur l’ensemble de ses textes
:

André : Vivace et alerte, les cinq textes Oui. Cet auteur cabriole, bondit et rebondit. Il n'abdique pas devant les langues mortes et réinvente sans complexe le sens de sa vie.
Michel : Lyrisme que j’aime. Façon Saint-John Perse ! OUI pour les cinq textes. Ces poèmes en prose renouvellent la poésie conventionnelle d’aujourd’hui. Le texte 2 (La mort des lettres n’aura pas lieu) sur la confrontation entre lettre et chiffre est magnifiquement mené. Le texte 4 (La rançon) est mon préféré.

« Alors, on transmet des vibrations incitatives aux oreilles de l’éternité »
ou
« Faire naître un poème à défaut d’une vie » donnent à ce texte une dimension inégalée.
Quelle belle fournée qui nous est offerte ce mois-ci !
Gertie : Oh! Quelle découverte ! Quelle belle prose poétique !  Mon coup de cœur du mois.
Son écriture nous captive du début à la fin, de quoi se sentir en apesanteur et se laisser porter.

Aurore : C'est un style agréable, bien travaillé et intelligent. Les phrases sont courtes, « nues », percutantes. L'essentiel est là à portée de ces mots sans froideur ni mépris pour les lecteurs. Bravo !  Oui pour tous les textes.
Laurent : Cinq textes en prose intéressants, que l’auteur gagnerait toutefois à ébarber un peu, en supprimant notamment des adjectifs trop systématiques.

*
Commentaire texte 1
Rue Sigmund Freud

Gertie : Oui… j’aime beaucoup ce style,  cette légèreté de la prose et il me charme avec ce rappel au jeu, à la toupie… qui lui sert de tableau, merveilleusement bien écrit. Je suis sous le charme.
Aurore : Oui.
Laurent : Oui. Belle évocation de l’enfance, du temps qui passe, l’auteur joue habilement avec l’image certes un peu classique de la toupie pour dresser un tableau évocateur et touchant.
Ce texte passe à l'unanimité.

**
Commentaire texte 2

La mort des lettres n'aura pas lieu.

Gertie :  wow!  quel verve et quel imaginaire ! De la création à son meilleur !
Aurore : L'auteur aurait pu aller encore plus loin dans ses « divagations » !
Laurent : Petit oui. Bien fait, mais très prosaïque et manque de surprises.

Ce texte passe à l'unanimité.


***
Commentaire texte 3

Anti-poème

Gertie : Oui…  quelle écriture ! Quel beau parallèle entre la guerre et la vie… ! Un regard neuf de la vie, une certaine moralité mais qui se déguste comme du bonbon… et la fin miraculeuse et d’une force inouïe, je me sens petit et niais dans mes commentaires devant une telle richesse d’écriture :

«  C’est le cri d’amour de la chlorophylle  qui pousse en moi, cousine de mes couleurs, de toutes les  couleurs, 
de l’hémoglobine  universelle et de la mélanine amante de lumière. »


Aurore :
Oui.
Laurent :
Oui. Beau rythme.

Ce texte passe à l'unanimité.



****
Commentaire texte 4
La rançon

Gertie : Oui… même richesse d’écriture… je suis sous le charme de sa prose :

«  Il faut alors écrire sur les feuilles, sur les branches, sur les murs, les toits et la voûte du ciel. Jeter ici et là une pertinence de mots impertinents. Faire naître un poème à défaut d’une vie. »

Aurore :
Oui.
Laurent :
Oui. Point de vue intéressant sur la création poétique, narration fluide.
Ce texte passe à l'unanimité.

Ce texte passe à l'unanimité.

*****
Commentaire texte 5

Écrire le néant

Gertie : Oui…  toujours cette même fidélité dans sa richesse d’écriture, un vrai délice : « Dessiner le vide dans le bleu de la toile. « Écrire le néant au verso des étoiles. »
Et plus loin :
« Rimer et frimer en apesanteur » wow !
Aurore : Oui.
Laurent : Non.
Trop d’emphase délirante pour moi… Certaines phrases tombent à plat, d’autres sont caricaturales :

« Il se néantise en molécules cosmiques dans l’autodafé des syllabes enfumées pour traverser léger les vallons du mystère. »

***
Ses parfums
On ressent dans les textes de Jean-Robert Léonidas, que ce soit des poèmes ou des proses, une passion cachée de la musique, pour elle-même et dans la langue ; l’auteur se passionne des mots, s'intéresse à la fonction sonore et à la poétique du langage. Par ailleurs, amoureux de botanique, il perçoit le végétal comme une œuvre d'art, la nature comme un vaste tableau, un lieu de poésie et de fragrances, et toute son écriture s'en ressent forcément. Enfin, des lectures approfondies et dans les domaines les plus divers, comme des épices venues de tous les continents, se mêlent dans ses réflexions littéraires, sociologiques, philosophiques, avec une grande liberté d’inspiration, en faisant glisser les frontières des genres, jusqu’à faire perdre pied à ses lecteurs. On n’est pas dans l’essai, dans la nouvelle, dans la prose poétique, dans les poèmes ; on est dans l’écriture, tout court. Et cela foisonne, grouille, émane, chante, brille de toutes les couleurs, fait danser tant l’intellect que le cœur et les sens. (Dana Shishmanian)




* * * * *

Pierre Moïse CÉLESTIN
né à Port-au-Prince en 1976. Bibliotechnicien, il est responsable du service des Périodiques
à la Bibliothèque Nationale d'Haïti.

Tous les textes sont inédits.  - 5 textes retenus...
Texte 1.Perspective - Texte2.Averse -  Texte3. Lampes silencieuses
Texte 4.Ton corps l’alphabet du miracle - Texte5.Visiblement infini

*
Commentaires sur l'ensemble de ses poèmes.

Michel : Poésie d’une grande pureté. Chacun de ces textes sont comme autant de petites merveilles, finement travaillées, finement assemblées. Belle leçon de poésie. Elle doit nous inspirer.
Gertie : Ses poèmes sont courts, se ressemblent par leur style assez fermé... Il joue avec les  mots ou plutôt se cache dans ses mots.
Aurore : Les textes sont un peu trop courts pour que l'on puisse réellement se plonger dans le rythme et la poésie. Les images sont belles par endroits mais je n'arrive pas à être émue.
Laurent : Dans l’ensemble, j’ai aimé la brièveté, la concision, l’économie de la parole et du lieu, avec des images très réussies.


*
Commentaires texte 1
Perspective

André : Oui, sans hésitation. Des trouvailles splendides! Deux vers de trop, comme des faux pas, en raison des adjectifs démonstratifs qui les rendent étrangers au poème :
« Cette théorie lumineuse des champs abstraits »
et
« Cet angle aigu qui traverse mon corps ».

Gertie :
Oui…  il manie fortement bien les mots :

« L’aiguille de ma montre s’affole
Cœur tatoué sur le mur des errances ».


Aurore :
Oui.
Laurent :
Petit oui. Jeu de miroir abstrait et personnel, introspection, pas désagréable…

Ce texte passe à l'unanimité.

**
Commentaires texte 2
Averse

André : Oui, ne serait-ce que pour retenir le vers isolé: 
« Mais comment arrêter le temps au milieu de la page ».
Gertie : Oui … pour cette averse de questionnements même si j’aurais aimé un peu plus de longueur  dans son envolée.
Aurore : Non.
Laurent : Oui. J’aime :

« Le monde s’ouvre  ce soir à nous comme

Une grande fête humaine

Où l’homme partage ses débris »


***
Commentaires texte 3
Lampes silencieuses

André : Non, décevant après les deux premiers. Certains groupes de vers tuent l'ensemble tels que:

« L’absolu regard inondé
Des lampes silencieuses
De travers me traverse le cœur...... »


Gertie : Oui… un peu court toutefois, je reste sur ma faim. Bon  rythme en général sauf, « L’absolu regard inondé » brise un peu  l’élan.
Aurore : Non.
Laurent :
Oui

« J’épouse l’averse
Aux doigts de l’églantine
En relents de gestes bègues
Où le temps se déshabille »



****
Commentaires texte 4
Ton corps l’alphabet du miracle

Aurore : Non
Laurent : Non. Petit point faible de cette série de textes, celui-ci m’a laissé assez indifférent.

André :
Oui quoique j'émette quelques doutes sur « l'effigie de mes effluves » et sur  « Je me lave d’éclairs ».
Dans son ensemble, ce poème tient la route.
Gertie :
Oui…  court mais bien imagé.


*****

Commentaires texte 5
Visiblement infini

André : Oui, toujours avec des réticences. Cet auteur s'auto sabote en voulant en faire trop:

« Je garde provisoirement le nœud
Dans mon lit pour fustiger
Mes obsessions et mes ratures
A l’issue de la stridence de la chute »

Fustiger ses propres obsessions et ratures à l'issue de la stridence de la chute ? N'est-ce pas pousser le bouchon un peu trop loin? Et puis à la fin revient cette vilaine overdose, pour la troisième fois dans ce choix de poèmes. L'overdose suppose une injection létale que je ne trouve pas dans l'inspiration de cet auteur. A-t-il lu W. Burroughs, Pélieu ou les premiers recueils de Michel Bulteau?
Gertie : Oui…  bien que je trouve le style assez fermé, je n’arrive pas à entrer vraiment dans son poème mais d’une certaine originalité…
Aurore : Oui
Laurent :
Oui. Belle conclusion à l’ensemble, avec une dernière image particulièrement frappante.

Ce texte passe à l'unanimité.

***
Sa recherche
Pierre Moïse Célestin donne à lire des poèmes d’une grande beauté formelle dont on hésite de penser qu’elle est le fruit d’une recherche, à la manière de l’hermétisme, voire d’une sorte de néobaroque, ou au contraire, qu’elle est issue, avec une facilité naturelle, d’une inspiration paradoxale, qui crée des images et associations surprenantes, au gré d’une sensibilité exacerbée. Quoi qu’il en soit, la poésie en sort comme le djinn de la bouteille, et tout en dessinant ses volutes inattendues, crée un espace virtuel, un lieu pour vivre, fait de sublimations et ricochets, un monde reconstruit autrement, dans « un miroir de larmes ». Pierre Moïse Célestin est un poète remarquable, en cours de s’auto-construire. (Dana Shishmanian)




***

 Nous vous invitons à présent au Salon de lecture,

nous recevons Sabine Péglion,
recherche Dana Shishmanian




***


Dana Shishmanian pour Francopolis, mai 2012
et les membres de Francopolis.

Accueil   ~ Comité Poésie ~ Sites Partenaires  ~  La charte  ~   ~  Contact

Créé le 1 mars 2002

body>