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Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton,
     nous vous présenterons un court conte ou nouvelle : 

    mars 
2016


MEURTRE AU CHÂTEAU... suite

par

ÉLIETTE VIALLE


PARTIE 3 et fin

Dans la grande salle, en présence des visiteurs et des hauts membres du clergé, on introduit l’homme qui a été lavé, soigné et vêtu de bure. Aloïs aperçoit le visage difforme de celui qui est peut-être son beau-frère, ce corps malmené et ce regard hébété. Nulle lueur de compréhension ne luit dans son unique oeil valide. Secouée par l’horreur, Aloïs se lève, livide, et choit à terre.

Comme un seul homme, l’assistance se lève et vole aux secours de la Dame. L’homme n’a pas bougé, il ne semble pas comprendre la scène, selon l’avis de tous il est hors de son sens. Et, selon l’avis de tous, la défaillance de la Dame est la preuve qu’elle a reconnu son mari, et que son coeur, de pitié pour lui, lui a manqué. Aloïs ne confirme ni n’infirme. Il est plus prudent pour elle de ramener le pauvre hère au Castillon.

Le jour suivant une litière close ramène celui qui vient d’être reconnu comme le seigneur Guilhem, revenu de croisade. Justice est faite, l’évêque et son cousin, le Seigneur des Baux, se félicitent d’un si bon dénouement.

Au château, Aloïs lui fait préparer un appartement isolé, prenant bien soin de l’entourer par des gens sûrs. Elle devient, poursuivant la réforme de ses moeurs, une épouse exemplaire, s’occupant personnellement, à toute heure du jour, de son infortuné époux. L’attitude de l’homme, qui est certainement le moine Robert, ne change pas. Aloïs a beau scruter son visage, planter son regard dans le sien ; l’oeil unique ne cille pas.

Il passe ses journées au coin de l’âtre qui brûle, même en été, il a toujours froid et toujours peur. Il refuse de s’approcher de la croisée, encore moins de sortir. Il s’enveloppe d’une chape de laine blanche couvrant en partie la laideur de son visage. Assis sur une escabelle, il oscille sur lui-même, murmurant d’incompréhensibles paroles semblables parfois à des gémissements, parfois à de tristes et monotones mélopées. Il a perdu l’esprit. Il sursaute et crie lorsqu’un étranger rentre dans la salle, seul l’abbé et son "épouse" le servent, hormis un jeune page sourd et muet et de paisible contenance, c’est le dessein d’Aloïs de le maintenir isolé mais choyé.

Aloïs lui conte, alors, le passé, lui recrée une mémoire : il est Guilhem partit en croisade, elle omet de parler du jumeau. De ses dires, il ne peut réciter que peu de mots, les dents arrachées troublent sa parole.

La Dame commence à s’habituer à cet être repoussant qu’il faut traiter avec respect et douceur comme un époux. Mais, Dieu merci, comme un époux sans capacité d’assumer son rôle !

Les mois, voire les années passent sans apporter de changement dans la monotonie et la tristesse de la vie au Castillon…

Oubliées les fêtes, oubliés les menus plaisirs apportés par la musique et les vers. Le château devient peu à peu le royaume des ombres et de l’oubli.

Le clair visage d’Aloïs se rembrunit et l’âge pose quelques griffures aux coins de ses paupières, l’arc charnu de ses lèvres s’amincit et s’infléchit en une grimace amère. Cependant elle est sauve, songe-t-elle, les témoins de son crime ; le marécage et Robert, sont tous deux voués, à jamais, au silence.

*****
Un jour le bon curé fait une découverte, le psautier dont il lit régulièrement les pages au faux Guilhem, requiert de plus en plus l’attention d’icelui. L’homme tend une main tremblante vers le manuscrit et joue à dessiner les caractères en les suivant des doigts. Le brave curé, soucieux d’apporter à cette âme perdue le secours divin, entreprend de lui faire former les signes. Maladroite d’abord, la main de l’homme s’affermit. Il recopie les psaumes. Aloïs, méfiante et comprenant que l’homme est bien Robert, ne peut qu’accepter de le fournir en parchemin, plume et encre.

Robert redevient le moine qu’il était, tous les jours assis à sa table, il recopie les psaumes. Au bout de quelques mois, voire d’années, sa tâche terminée, il recommence ses écritures. Ainsi passe le temps. Aloïs retrouve sa quiétude ; Robert recopie sans comprendre et, inlassablement, transcrit le même texte. La Dame veille, et tout écrit passe entre ses mains, rien n’échappe à sa vigilance. Quelques cheveux blancs s’égarent dans sa chevelure, Robert a le chef blanchi et le bon curé se déplace à peine, la vieillesse a rendu ses membres gourds et douloureux. Bientôt tous vont disparaitre dans l’éternelle nuit. Alentours, il y a beau temps que l’on a oublié Guilhem et Robert, son jumeau mis en retrait. Une jeunesse pousse dans les campagnes et dans les bourgs. La vie tranquille
entraîne l’effacement du passé, en faveur du renouveau de la vie. Les personnages de cette histoire vont vers leur fin et de leurs faits et de leurs gestes bientôt il n’en sera plus question. Le corps de Guilhem dissout dans la vase du marécage, le crime fratricide sera tu à jamais…

Cependant avant l’aurore et avant que le château ne s’éveille, le moine sort de sa houppelande un morceau de vélin déchiré et subtilisé la veille, et dans le foyer refroidi de la vaste cheminée, il descelle une pierre qui révèle une cavité, là il dépose délicatement son feuillet. Puis le page vient rallumer l’âtre et nul ne se doute de rien. Chaque matin le moine répète son manège depuis des mois. Le morceau de parchemin volé est de taille moindre, Aloïs ne s’en aperçoit pas. Jour après jour, toute une histoire est racontée dans ces pièces manuscrites, l’histoire d’un effroyable meurtre…

« Je, Robert de Castillon, sain d’esprit mais de corps amoindri, veux que jamais ne demeure dans l’oubli le grand crime par nous deux commis. Mon frère Guilhem que j’ai occis un soir dans la sainte chapelle et jeté dans un sac en marais avec l’aide de Dame Aloïs son épouse… »

Éliette Vialle
mars 2016


*****

* Au lecteur : cette histoire est une fantaisie que la vue des ruines du château a suscitée.
Mais si les lieux ont pu exister, les personnages sont tous, oeuvre d’imagination.

***

Partie 1 Meurtre au Château (déc.2015)
Partie 2 Meurtre au Château  (février 2016)
... suite et fin, Partie 3... en mars 2016



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des Nouvelles d'Éliette Vialle publiées sur ce site


Francopolis mars 2016
Éliette Vialle

Créé le 1 mars 2002

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