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Archives : D'une langue à L'autre

 


D’une langue à l’autre…

Septembre-Octobre 2021

 

Atsuko Ogane,

chercheuse flaubertienne… et poète

(II).

 

(*)

Murmures d’Atsuko Ogane dans Le Murmure de la forêt 

Atsuko Ogane est une universitaire, professeure à l’Université Kanto Gakuin (Yokohama) au Japon. Elle est spécialiste de Gustave Flaubert. Elle lui a consacré plusieurs articles et livres et a adopté constamment une attitude scientifique dans le choix des objets de ses recherches (le mythe de Salomé, la femme fatale et la fatalité dans les manuscrits de Flaubert, les plans, les scénarios, les réécritures de Salammbô, etc.) ainsi que dans la démarche qui est mise en œuvre et qui se caractérise par une grande rigueur. Comment une telle écrivaine peut-elle échapper à l’impersonnalité et à l’objectivité flaubertiennes et nous plonger dans un univers poétique marqué par la subjectivité, la spontanéité et par les multiples sentiments d’un être sensible ? Peut-on être en même temps flaubertien et anti-flaubertien ? Oui, nous dit Flaubert lui-même dans sa lettre à Louise Colet le 16 janvier 1852 : « Il y a en moi, littérairement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée ; un autre qui fouille et creuse le vrai tant qu’il peut, qui aime à accuser le petit fait aussi puissamment que le grand. »

Ces deux dimensions se retrouvent apparemment chez Atsuko Ogane. Son œuvre, Le Murmure de la forêt est un recueil de 16 magnifiques poèmes qui sont animés par un même amour de la vie et un grand attachement à la nature. Écrits en japonais et parus à Tokyo, ces textes ont été repris et réécrits en français par la poétesse qui cherche à nous présenter plus que des textes traduits, mais une véritable œuvre littéraire francophone. Il n’est pas donc étonnant que nous retrouvions dans la version japonaise en troisième de couverture, le titre du recueil en français qui occupe toute la page. De même, la table des matières comporte une double numération : en japonais et en français. Tous ces éléments para-textuels montrent qu’il ne faut pas lire la version française du recueil comme une simple traduction mais comme une nouvelle création qui échappe à son œuvre d’origine.

Le Murmure de la forêt est en fait constitué d’une succession de poèmes dont chacun condense un thème, une impression, un souvenir ou une expérience intensément vécue. Atsuko Ogane arrive à capter les aspects magiques du monde, une sensation insaisissable, un rêve (« Le départ », p. 80-81), un murmure (« Le Murmure de la forêt », p. 16-17), une toile de peinture nocturne (« La Nuit sur la terre primitive », p. 28-29), un conte merveilleux (« Le conte du crépuscule », p. 12-13). 

Tous ces poèmes, si éloignés soient-ils les uns des autres, semblent hantés par une tentative d’unification. Ils se succèdent et se répondent comme dans des miroirs ; leurs rapports reposent en premier lieu sur une continuité énonciative : Atsuko Ogane exprime son émerveillement et son bonheur devant la beauté des spectacles du monde. Les adjectifs utilisés sont « des marqueurs de subjectivité »(1). Ils traduisent la réaction de la poétesse à l’égard de ce qu’elle décrit et manifestent son émotion : « ondoyante », « étincelants », « éblouissantes » (« un conte du crépuscule », p. 12-13), « éblouissante », « transparente » (« Le Murmure de la forêt », p. 16-17). Les adverbes sont également porteurs de connotations positives : « splendidement » (« un conte du crépuscule », p. 12-13) « tranquillement », « doucement », « calmement » (« Le Murmure de la forêt », p. 16-17).

La relation entre les poèmes du recueil repose en second lieu sur une continuité thématique qui se fonde sur divers parcours isotopiques actualisé dans toute l’œuvre. Nous notons ainsi le champ lexical de « la nuit » : nous le retrouvons dans les titres de certains poèmes comme « Le conte de crépuscule » (p. 12-13), « La Nuit transperçante », « Une Nuit de la terre primitive » (p.28-29) et « La Lune à Caracalla » (p. 68-69). Atsuko Ogane fait rimer les titres en instaurant un jeu d’échos entre les intitulés des poèmes qui se reflètent réciproquement. Un tel dispositif spéculaire implique au niveau macro-textuel un dialogue entre les différents poèmes. Ce même champ lexical du nocturne traverse certains poèmes mais à travers ses antonymes incarnés par la lumière. Nous citerons à titre d’exemple « un conte du crépuscule » (p. 12-13) : « un rayon de lueur », « étincelants », « le jour ».

Cependant, quand le nocturne domine, les yeux ne peuvent rien percevoir. Du coup, c’est l’oreille qui remplit la fonction d’alerte et de communication : « L’oreille est alors, selon Bachelard, le sens de la nuit, et surtout le sens de la plus sensible des nuits : la nuit souterraine, nuit enclose, nuit de la profondeur, nuit de la mort. »(2) C’est pourquoi les sensations auditives constituent un parcours isotopique important. Le titre du recueil évoque déjà un « murmure ». Les poèmes sont reliés en une texture miroitante grâce à un rapport de continuité thématique : « une voix lointaine », « résonnantes », « les échos de la plaine au pied d’une montagne », « décryptement » (« un conte du crépuscule », p. 12-13), « au murmure de la forêt suffoqué de verdure », « le son de la corde » (« Le Murmure de la forêt », p. 16-17). Atsuko Ogane utilise également les propriétés sonores des mots pour établir un jeu d’échos entre eux : « ondoyante » « résonnantes », « éblouissante » (« un conte du crépuscule », p. 12-13).

Les rapports entre les poèmes du Murmure de la forêt repose en troisième lieu sur une continuité discursive. Le narratif semble intervenir dans les poèmes de Atsuko Ogane. Le poème « le Murmure de la forêt » (p. 16-17), par exemple, se construit comme un récit ; il narre un voyage, un passage dans le temps et l’espace : le poète « glisse tranquillement » d’un monde terrestre où tout est limité vers un autre, céleste, où l’amour et l’harmonie dominent. Il s’agit d’une traversée imaginaire dont le support fondamental est la métaphore filée de la mer qui symbolise le voyage mais aussi la rencontre avec l’idéal tant recherché : « on part en voyage sur la mer du cœur », « pardonne tout et traverse sur les rides de la mer ». Il est donc clair qu’en recourant à des métaphores filées, Atsuko Ogane cherche moins à effacer le réel qu’à le doubler afin de faire surgir les lignes, les couleurs, les formes et les mouvements qui le constituent. La poétesse va encore plus loin dans « Invitation » (p. 24-25). Le voyage prend, dans ce poème, la forme du récit d’une errance représentée à travers deux métaphores frappantes : « c’est une impatience bleuâtre » et « le frissonnement glorieux / d’une métempsychose inconnue ». Les éléments évoqués apparaissent ainsi plus colorés, plus saisissants, parce qu’ils sont peints non pas à travers d’autres éléments du réel mais à travers un irréel inconnu et inaccessible.

Cependant, ce voyage se métamorphose en une errance cosmique dans « La Nuit sur la terre primitive » (p. 28-29). Il se fait dans l’espace grandiose de l’univers. Atsuko Ogane éprouve une ivresse inouïe en quittant l’univers étroit de la terre et en accomplissant un voyage nocturne dans « le ciel immense » étant invitée par la lune : « dans la nuit le rocher de la lune m’invite », et si la poétesse éprouve un plaisir si intense c’est que cette errance lui permet de surmonter toutes les formes de distance et de franchir les frontières tant géographiques que culturelles. Elle est investie d’une dimension esthétique et devient le support de l’élaboration de sa poétique. Le but de ce « voyage-errance » est de retrouver l’être idéal ou plutôt l’idéal qui est sans lien avec les êtres humains. Il est « seul debout » et il incarne la beauté et l’impassibilité : « Tellement rigide / Tellement beau » et cette impersonnalité, cette neutralisation de tout jugement préalable, cette impassibilité sont symbolisées par la rigidité du « rocher rouge », de « la pierre irisée », « la pierre », « le rocher de la lune ».

Une telle esthétique esquissée dans « La Nuit sur la terre primitive » (p. 28-29) est flaubertienne. Il est donc évident que nous pouvons établir un jeu d’échos intertextuel entre la deuxième strophe de ce poème et le point de vue de Gustave Flaubert sur la création de l’œuvre littéraire :

« Flottant dans le cosmos

La pierre sur rien,

Indépendante » (« La Nuit sur la terre primitive », p. 28-29)

 

« Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait en lui-même par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l’air, un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les œuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matière… » (lettre à Louise Colet, 16 janvier 1852).

En conclusion, nous pensons que Atsuko Ogane a pu échapper à son statut de simple traductrice en inventant une œuvre hybride qui répond à l’horizon culturel et poétique français et japonais. L’un alimente l’autre et permet son déploiement. Dans son recueil Le Murmure de la forêt, Atsuko Ogane chante les splendeurs du monde et appelle à une harmonie permanente entre l’homme et le cosmos. Sa poésie est également un véritable espace de réflexion sur la création littéraire et une source inépuisable qui permet aux lecteurs de se lire en lisant et de se découvrir et de se construire au fil de sa lecture du Murmure de la forêt.

 

 

(1) C. Fromilhague et A. Sancier, Introduction à l’analyse stylistique, Bordas, 1991, p. 90.

(2) Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, édition de Daniel Boulagnon en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi, 1982, p. 168.

 

Arselène Ben Farhat

Maître-assistant et membre de LARIDIAME à l’Université de Gabès et de Sfax (Tunisie). Il a publié : La structure de l'enchâssement dans les contes et nouvelles de Guy de Maupassant (Imprimerie Reliure d’Art, 2006), « Du métalinguistique au métadiscours : une esthétique en élaboration chez Maupassant » (dans Le métadiscours, sous la direction d’A. Ben Farhat, Mohamed Ali Editions, 2020), « Réécrire les œuvres de Gustave Flaubert pour les jeunes arabes » (dans D’après Flaubert, sous la direction d’Eric Dayre et Florence Godeau, Kimé, 2021).

 

Lire le « Murmure de la forêt » d’Atsuko Ogane

C’est l’histoire d’une amitié de quinze ans, qui a commencé en Normandie, dans un château et sur une plage, sous le signe de Flaubert, et qui s’est poursuivie à Paris, au Japon, en Bourgogne. Une amitié qui va au-delà des sympathies littéraires et académiques. Une amitié qui a aussi une dimension poétique.

J’ai pris conscience de cette facette cachée, secrète, d’Atsuko, le jour où elle m’a offert la calligraphie qu’elle avait faite elle-même de quelques vers de son poème « Murmure de la forêt ». On peut voir une photographie de cette calligraphie dans la livraison de Francopolis de juin 2017.

En me l’offrant, l’auteure m’avait patiemment expliqué comment il fallait la « lire » : de droite à gauche bien sûr, colonne de signes après colonne de signes, et en partant du bas pour monter vers le haut de la colonne. La chose se complique du fait que l’ordre des mots est souvent inversé et bousculé : quand on arrive au groupe central de la calligraphie, l’impression pour la lectrice occidentale, c’est qu’il faut construire la phrase en reculant. Certes, l’auteure me traduisait en français ces signes si mystérieux, mais – ainsi pratiquée in situ – la traduction ne pouvait aboutir qu’à un texte français déconcertant. Un texte français qui ne sonnait plus très français.

Je dois donc à Atsuko une expérience intellectuelle unique en son genre. Essayer de « lire » cette calligraphie reste pour moi une véritable expérience d’étrangeté, d’estrangement. Bien sûr, la thématique de ce poème – comme aussi des autres poèmes qu’elle a traduits pour Francopolis – y contribue. On sait que dans une traduction de poème, ce qui passe, ce qui persiste à coup sûr du texte original, c’est la thématique. La sienne est une thématique existentielle, qui marie la matérialité sensorielle du monde à une ouverture plus philosophique sur le cosmos. Atsuko Ogane écrit une poésie de fragments, elle aligne des évocations disjointes. C’est pourquoi l’impression générale est floue. Quelques fleurs, des instruments de musique, une ou deux couleurs, la lune, les ciels, des paysages de forêt, de mer, de neige, le désert, les îles grecques… « On embrasse le rien de l’existence. » L’estrangement vient également du contexte culturel, qui ne peut que nous échapper en grande partie. Toutes ces composantes de l’opacité font le charme de ce genre de poésie.

Mais ma laborieuse « lecture » de la calligraphie de « Murmure de la forêt » me rappelle aussi que l’Occident nous réserve parfois des expériences semblables. Je pense à la « lecture » que demande le vitrail médiéval, lorsqu’il propose au spectateur une narration constituée d’images successives : ne dirait-on pas que le vitrail nous propose un texte « japonais » ? Je pense encore à la lecture, tout aussi perturbante, que Mallarmé a imposée aux lecteurs de son poème « Jamais un coup de dés n’abolira le hasard ». Ceci pour dire qu’il y a toujours, pour la poésie, des chemins de traverse, et des rencontres.

 

Jeanne Bem

professeure honoraire de l’Université de la Sarre

Jeanne Bem a édité Madame Bovary dans le tome III de l'édition des Œuvres complètes de Flaubert, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2013. Elle a publié récemment deux essais : Flaubert, un regard contemporain, Éditions Universitaires de Dijon, 2016 (traduit en japonais par Kayoko Kashiwagi, Tokyo, Editions Rose des vents-Suiseisha, 2017), et Flaubert aux prises avec le "genre". De la famille queer à "la Nouvelle femme", EUD, 2021.

 

Les poèmes d’Atsuko Ogane

Les poèmes d’Atsuko Ogane sont classiques. Ou il serait peut-être plus exact de dire qu’ils dépassent le temps. En effet, la robe que porte chaque époque est toujours éphémère, et le style d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui. Aussi construit-elle ses poèmes, comme s’il lui semblait bon d’abandonner robe et habit dès le début, en choisissant un minimum de termes impérissables et en établissant des expressions simples et intemporelles, pour faire s’envoler son imagination dans l’espace transparent et tranquille, à l’époque où Sapho vécut par exemple.

Eh non, ce pourrait être dans le futur plus lointain que notre époque. Le désert, les vestiges, le champ de neige… les paysages que choisit Ogane, ils représentent tous un spectacle de « Tabula rasa » : tout y afflue, y converge et s’achève, mais tout pourrait aussi commencer à partir de là.

« Le soleil couchant/ incandescent sur l’horizon, /le Crépuscule des Dieux commence./ Personne n’a vu le spectacle/ qui remplit l’air d’une dimension inconnue. » (« Le Crépuscule des Dieux »)

Ou alors,

« Seule la nostalgie nous enveloppe/ Doucement dans cette vallée sauvage,/ Nous qui cherchions la terre promise,/À cette question lancinante,/Le soleil ardent ne nous répond pas. » (« Le Rêve du Kugo »)

L’image doit se fonder sur L’Ancien Testament, mais puisque « la nostalgie » se lie avec « sauvage » et inexploré, c’est plus significatif que l’évocation de « la terre promise ».

« Prions./  Pour ressusciter,/ Pour rencontrer un jour le souvenir de cette existence » (« Sapho »)

Visiter Sapho pour ressusciter « le souvenir de cette existence » vécu « un jour » dans le futur. Grammaticalement parlant, il s’agit justement du futur antérieur, d’une perspective désirée, qu’on aurait souhaité avoir.

Madame Ogane est une des chercheuses spécialistes de Flaubert, en même temps qu’elle continue à faire des recherches sur la formation du mythe et de la légende de Salomé-Hérodias. Dans la littérature, ce sujet a fait s’épanouir des fleurs inquiétantes du romanesque, mais il s’en dégage aussi un enjeu mallarméen : une aspiration vers un espace de la langue pure, vers l’épuration qui ressemble à « la dignité froide de la femme stérile » (Baudelaire).

Les poèmes d’Atsuko Ogane se balancent en équilibre merveilleusement, entre l’inclination vers le romanesque et l’intentionnalité poétique. Oui,

« Dans son cahier ouvert/ sur ses genoux/ des lettres blanches / dansent /éternellement. » (« Sur la colline »)

comme ces lettres qui dansent.

 

Kiwao Nomura

Poète et critique littéraire, il a reçu de nombreux prix littéraires au Japon pour ses recueils de poèmes, ainsi que le prix « Best translated Book Aword in Poetry » (USA) pour son recueil Spectacle & Pigsty (2012).

Site personnel : http://www.kiwao.com/index2.htm (en japonais, jusqu’à 2010)

 

À propos de « Rêve du Kugo » d’Atsuko Ogane

Bien que je sois Japonais, je ne connaissais pas l’instrument de musique appelé Kugo, auquel l’auteure elle-même donne l’explication brièvement en astérisque [Francopolis de mai-juin 2021].

Mais je ne serais pas une exception, en ignorant cet instrument. Selon un dictionnaire japonais, Kugo a disparu à la fin du Japon ancien (IXe siècle de notre ère).

Ce poème dont le sujet est un instrument de musique déjà disparu m’a rappelé diverses descriptions d’instruments de musique dans l’Ancient Testament. Par exemple, le tambourin, la lyre (tous les deux: Genèse, 31.27), la harpe (Psaumes, 81.3), le cor (ibid., 81.4) le luth, la lyre et les cymbales (1 Chroniques, 16.5). On peut seulement imaginer ces instruments tels qu’ils étaient à cette époque, bien que leurs noms ne soient pas étrangers pour nous, puisque tous ont disparus, juste comme le Kugo.

Ce qui est intéressant pour moi, c’est que le prophète Amos dit, en critiquant les peuples qui pratiquent superficiellement les rites pour le Seigneur : « Ils (i.e., les peuples d’Israël) improvisent (hâsubû en hébreu) au son de la harpe, chantant comme David leurs propres cadences » (Amos, 6.5 ; j’utilise la TOB, c.-à-d. Traduction Œcuménique de la Bible). Véritablement l’homme est un animal qui invente une extrême variété d’instruments de musique, chargeant et en même temps demandant beaucoup de signes à une mélodie, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours.

Le vers du poème d’Atsuko : « La mélodie qui invite ne nous demande rien », est une expression très paradoxale pour moi. Parce qu’elle montre un peu d’ironie par rapport à un aspect de l’histoire humaine qui a connu infiniment d’expériences et de tragédies, « des luttes et des combats ». Je pense réellement à l’Afghanistan où divers genres d’instruments de musique s’entendaient pendant plus de deux millénaires, puisqu’elle est la région la plus importante pour la rencontre des civilisations de l’Occident et de l’Orient, et qui est « la terre, où les gens se lassent des luttes et des combats » depuis une quarantaine d’années.

J’ai utilisé le mot « s’entendaient ». Dans ce poème, par le verbe pronominal « s’entend », il n’y a aucune allusion au personnage qui joue, faisant s’entendre « le timbre des vingt-trois corde du Kugo laqué, incrusté de nacre ». Qui est le joueur (la joueuse)? Ou bien ce timbre s’entend-il automatiquement grâce à l’Intelligence artificielle (IA) ?

Peut-être les instruments de musique sont eux-mêmes le produit du rêve humain.

 

Junichiro Foujita

Professeur à l'Université Kanto Gakuin, Junichiro Foujita a comme principaux centres intérêt l’histoire de la philosophie, la théologie, l’histoire de la pensée politique. Ouvrages (en japonais) :

La politique et l’éthique. À la recherche de leurs significations au regard de l’histoire intellectuelle européenne.

L’existence et l’ordre. Réflexion philosophique et théologique sur l’homme au regard de l’histoire intellectuelle européenne.

 

(*)

 

Ces notes de lecture concernent le recueil Le murmure de la forêt d’Atsuko Ogane, paru à Tokio en version bilingue japonais/français en 2007 – que nous avons présenté à cette même rubrique dans notre revue de juin 2017, avec la reproduction de 5 poèmes en édition bilingue japonais / français (Le murmure de la Forêt, La lune à Caracalla, La Création, Un conte du crépuscule, Invitation) – ainsi que ses poèmes publiés dans Francopolis, en édition bilingue japonais/français, dans la traduction de l’auteure (aux numéros de juin 2017, mai-juin 2020, mai-juin 2021).

Voir aussi à cette même rubrique :

Les recherches flaubertiennes d’Atsuko Ogane : partie I

Suite des notes de lecture sur ses poèmes : partie III.

Les notes rédigées en japonais sont traduites par Atsuko. Les textes originaux en japonais sont fournis dans un fichier séparé en format .pdf accessible sur le lien suivant :

Atsuko Ogane-Textes en japonais–Francopolis Sept.oct.2021

 

Dans le contexte du bicentenaire Flaubert, mais aussi des tristes nouvelles concernant le sort des arts et des artistes dans certaines parties du monde (voir dans cette même rubrique notre groupage sur la poésie afghane), ces réflexions nous touchent et mettent en avant, une fois de plus, la valeur de l’engagement poétique.

D.S.

 


Notes de lecture sur Atsuko Ogane (II)

(voir partie I,

partie III)

 

      Francopolis septembre-octobre 2021 
recherche Dana Shishmanian 



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Créé le 1 mars 2002