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elle se présente à vous
La vieille dame trébucha sur un obstacle, s'écroula comme une bûche, la
tête la première sur l'angle de la marche en granit. Un cloc sec. Son crâne
s'ouvrit étonnamment, à la manière d'un oeuf à la coque trop cuit. . Kévin, son petit-fils âgé de huit ans, s'est agenouillé. Pose son pouce
sur la carotide, geste qu'il a appris à l'école avec la grosse dame poilue de
la Croix-Rouge. Le coeur ne bat plus. Le cerveau se trémousse un peu, frémit
sous le flot de sang épais qui se répand sur le tapis de coco. L'enfant tente
de remettre le morceau de crâne sur la tête de sa grand-mère comme une pièce de
puzzle. Une grosse bosse noirâtre empêche la fermeture. Avec la canne-épée de
Pépé, il perce la boule. - Kévin !!! Mon Dieu !!! Kévin !!! Qu'est-il arrivé à ta grand-mère !?
Qu'est-ce que tu fais avec cette épée ?! ... Maman ! Maman ?!! - Elle est morte. - Comment le sais-tu ? Il faut appeler le Samu ! Vite ! Antoineette !!! Antoineeette !!! - Oui oui ! J'arrive ! Pendant que Madame Paulin cherche fébrilement d'une main dans son sac le
téléphone portable qu'elle tient dans l'autre main, la dame de compagnie
descend les deux étages en trombe, s'arrête net et, effarée, contemple la
grand-mère, puis Kévin, la canne épée encore à la main. - Ma Doué béniguett ! * Ma Doué !... Ma Doué !... Madame Paulin surprit son regard et ordonna à Kévin de ranger
immédiatement la canne. - C'est un accident ! - Ma Doué béniguett !... - Vous ne savez rien dire d'autre ?! - Qu'est-ce qu'il a fait ?!... - Il n'a rien fait ! Je vous dis que c'est un accident ! N'est-ce pas,
Kévin ! Dis-moi ce qui s'est passé ! - Mamie a trébuché, elle est tombée et sa tête s'est ouverte alors j'ai
voulu remettre le couvercle mais... bouhouhouh... - Pleure pas mon chéri. Dring ! - Allez ouvrir, Bécass... ( zut ! elle a failli le dire) Antoinette ! Le médecin du Samu n'a plus qu'à constater le décès. - Que s'est-il passé ? demande-t-il en regardant Kévin qui remet la
canne dans le porte-parapluie. - Mon fils n'a rien à voir là-dedans ! Ma mère a
trébuché et elle est tombée. Ce n'est pas la première fois que ça lui arrive ! - ... Je vais devoir faire un rapport au commissariat. C'est la
procédure habituelle... - Mais oui, faites donc ce que vous avez à faire ! Viens, mon bébé...
Viens dans mes bras. Nous savons tous que tu n'as rien fait. - Ma Doué ! - Mon Dieu ! mais vous avez fini avec vos "Ma Doué" ! Montez
dans votre chambre et n'en sortez que lorsque je vous le demanderai ! - Et bien... dit le médecin, ce serait mieux que cette dame reste avec
nous, son témoignage sera nécessaire. - Elle n'a rien vu de l'accident ! - Quand je suis descendue, j'ai vu votre fils avec... Ma Doué... - !!! Je viens de perdre ma mère et elle accuse mon fils d'en être
responsable ?! Cette fille est un monstre ! - Calmez-vous, Madame ! Puisque vous dites que c'est un accident, les
choses seront vite réglées. L'inspecteur Lamotte se gratta la tête après avoir
recueilli les différents témoignages. Quelque chose ne collait pas. L'hématome
à l'avant de la cheville ? À moins qu'elle ne se soit fait un croc en jambe
toute seule ? Ca arrive chez les personnes âgées. La violence de la chute ?...
Pour que le crâne s'ouvre en deux... Et puis, ce lardon, occupé à pleurnicher
dans le giron de sa mère, il le sentait pas. Sûr que s'il avait pu le laisser
rissoler en garde à vue, il aurait fini par lui faire avouer. Il se contenta
d'embarquer tout ce petit monde au commissariat. Pour signer une déposition. On
verrait bien si la deuxième version des faits serait la même. Annie Paulin appela son mari qui lui-même appela un avocat de ses
connaissances. - J'étais à côté de ma Mémé quand elle est tombée. - Tout à l'heure, tu m'as dit que tu étais derrière. - Je sais plus uhuhuh... Le commissaire Beuvron entrouvrit la porte du bureau. - Et bien ! Que se passe-t-il ici ? Lamotte, un peu de délicatesse, je
vous prie ! Madame Paulin prit son fils dans ses bras. - Pleure pas mon petit bichon. Puis, conformément à ce qu'elle avait entendu dans les séries télé : - Nous ne parlerons plus qu'en présence de notre avocat. Et, se
retournant enfin vers Antoinette Duluche : - Tout ça, c'est de votre faute !
Avec vos insinuations ! Je vous savais pas très dégourdie, mais en plus vous
êtes malveillante !... - Ca suffit, Madame ! Je ne tiens pas compte des insinuations, mais des
faits ! s'emporta l'inspecteur. Quand Maître Verbec apparut derrière la porte vitrée, Lamotte sentit un
frisson glacé lui parcourir le dos. Il détestait cet homme froid et cynique.
L'homme du barreau lui emprunta sa chaise, s'assit devant ses clients et, après
avoir échangé quelques phrases avec Madame Paulin et son fils, décréta : - L'affaire est simple. Je ne vois pas ce que vous allez chercher comme
complication ! Puis plus bas, à l'oreille du fonctionnaire de police : - Je crains fort que vous ne vous laissiez brouiller la raison par un
épisode douloureux de votre enfance. !!! Une violente bouffée de chaleur
remonta le long du torse de l'inspecteur et se figea sur son visage
congestionné. Comment osait-il ?! Comment savait-il ?! Qui lui avait dit... ?!
Il bafouilla : - Je je ne vois pas de quoi vous
voulez parler !... Quel rapport entre ma vie et l'agression de cette vieille
dame ?! - L'agression ! Comme vous y allez ! ...Respirez ! De rouge vif, l'inspecteur était passé à un violacé morbide. Il
s'étouffait. - Voulez-vous que j'appelle le Samu ? Non ? Prenez au moins votre
ventoline. Voulez-vous que je prévienne le commissaire que vous n'êtes pas en
état d'assurer le suivi de cette affaire ? Beuvron fit accompagner Lamotte
aux urgences et remplaça son subalterne. Il lut attentivement les dépositions
puis fixa le jeune Kévin qui, d'un air totalement ambigu, murmurait : - Elle est morte Mamie. Le responsable de la brigade scientifique envoyé sur les lieux de l'accident
téléphona pour livrer les conclusions de ses investigations : nul indice ne
permettait de soupçonner un homicide. Pourtant, le commissaire éprouvait un
étrange malaise. - Vous pouvez rentrer chez vous. - Et voilà, Madame Paulin, l'affaire est réglée, se rengorgea Maître
Verbec. - Je n'ai plus de chez moi... chez moi, c'était chez... Madame... Ma
Doué... se mit à sangloter Mademoiselle Duluche. - Vous
n'avez pas de famille par ici ? - Non onh onh... - Madame Paulin... Ne pouvez-vous accueillir cette dame ? - Comment ?! Après ce qu'elle vient de nous faire ?! - Cette dame ne vous a rien fait. Elle a juste dit ce qu'elle avait vu,
soupira le commissaire. - Madame Paulin, je suis désolée de vous avoir causé tout ce souci...
Qu'est-ce que je vais devenir, maintenant ? - Et bien, vous chercherez un autre emploi, ma fille ! - C'est qu'à mon âge... - Si vous aviez fait votre travail, nous n'en serions pas là ! - Mais j'étais en congé, Madame ! - En congé, en congé ! Est-ce qu'on prend des congés quand la vie des
autres est en danger ?! - ... Vous avez raison, Madame. Déjà, l'année dernière, quand votre père
s'est tué en descendant les escaliers, j'étais aussi en congé. Et j'ai tout vu.
- Tout vu quoi ? - Tout, insista Antoinette en se retournant vers le gamin qui faisait
semblant de dormir à l'arrière de la voiture. Mais je ne dirai rien si vous me
prenez à votre service. Madame Paulin, stupéfaite ne sut que répondre. Dieu que cette bonne
était perverse !!! Le petit Kévin, en suçant son pouce, compose dans sa tête
une chanson rigolote : Il est mort Papy, elle est morte Mamie et bientôt
Bécassine aussi.
Texte commenté par le Comité Francopolis
<---------- Ulrich (2005) |
Créé le 1 mars 2002
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