Francis Candelier, sélection
mars 2015
il se présente
à vous.
Cinq textes ont été retenus
1. DIRE ET DORMIR
La seule chose que je
veuille,
C’est dire
La fraîche fierté de quelques rameaux d’un arbre en fleurs,
Droits et candides, respirant
Le commencement éternel
En contrebas des balustrades.
Et je n’ai pas su dire, et leur délicieuse blancheur
Me nargue
De sa souriante énigme.
Il m’endort, j’ai dit le possible,
Un rameau tremble de bonheur et laisse trois pétales au silence.
**
2. (sans titre)
Un
déluge de signes a surpris ma lente montée
À
l’alpe du silence
L’eau des paroles auparavant
Irriguait en bas la vigne humaine
Elle ravine maintenant avec furie
La terre des têtes
La trombe verbale et boueuse
M’arrache
A ma frêle tour de berger
Et j’accroche mes ongles aux strophes du poème
Comme aux branches du seul
Arbrisseau du
précipice
***
3. BLANCHEURS
Le mur
blanc
Lisse, rebelle aux mots
Refusant prise aux yeux, se moquant des oreilles
N’acceptant de parler qu’aux doigts
Et par grognements laconiques
Exécrable mur
Le
nuage blanc
Plus prolixe
Empli de discours bourgeonnants, d’enflure
De phrases de pluie longues puis
De dissipation silencieuse
Mais que dit-il
Par ces formations dispersions continuelles de vapeur
Il ne donne pas ses raisons
Royal
Agaçant nuage
Le papier blanc
Ne se tait pas comme les murs
Ne bavarde pas comme les nuages
Il ne fait que me recueillir
Refléter mes mots indigents
Miroir consternant provoquant au meurtre je vais
Me briser avec lui
Décevantes blancheurs
Les nuits blanches
Les anges
Me poussent au noir
****
4. Marchez tant que vous avez la lumière :
J’avais la
lumière
Alors
Sur un pont le soir une femme
Avançait la main, ouvrait la paume
Pour dire
A quelqu’un, à son cœur, aux anges
Quelque chose que je pariais proche d’un fruit.
Lumière du très simple,
Eaux un temps miroitantes.
Mais déjà
L’obscur revient je ne sais plus rien du monde
Gesticulant, criant et muet,
La lampe des mots vacille,
Mes lèvres se ferment
Sur le jour mort.
*****
5. Sans titre
Poèmes
de mots-fleurs, de phrases-lianes et pages-forêts,
Poèmes de perdition maritime aux signes couverts de sel,
Poèmes cisterciens de la simplicité folle,
Poèmes-duvet, poèmes-cristal de rire,
Elégies : linceuls de parole sur la mort.
Epopées, prodigieux manteaux
De lumière sur l’énergie noire des conquérants.
Poèmes d’abandon et de laisser-venir, impériaux
Par leur humble liberté.
Poème, encore, pour fêter qu’il n’y a plus de grande chose
à dire.
Poème sur les lieux immenses du poème
Et silence lisible aux justes oreilles.
Poème
Du noyau de brume.
Je vous aime,
Sources où j’ai bu,
Femmes que j’ai prises,
Maisons
Sonores-intelligibles
Et si variées : villas,
Fermes-auberges, tentes,
Façades rimées comme des pignons à redents de
places flamandes,
Cathédrales, camping-cars,
Cabanes de mots secs juxtaposés sans ciment,
Eglises futuristes,
Huttes pygmées,
Strophes
A pans de bois
Si différentes, mais toujours
A cloisons poreuses
Je vous habite en vous lisant
Vous m’habitez quand je vous crie
Je suis un grand propriétaire de la langue
Le bâtisseur d’une ville de parole
Avec sa ponctuation de jardins
** textes commentés
par le Comité de lecture
auteur suivant : Agnès
Adda
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