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connus et inconnus, venus des cinq continents.





Librairie - photo Michel Ostertag


Présentation 

de la SÉLECTION

des auteurs

DÉCEMBRE
2012

préparée

par

Dana Shishmanian



LES AUTEURS SÉLECTIONNÉS DÉCEMBRE 2012

Les cinq auteurs de cette dernière sélection de l’année 2012 viennent d’horizons différents et sont porteurs de projets d’écriture très divers, qui se reflètent dans des esthétiques bien éloignées les unes des autres, ce qui explique sans doute la diversité, la subjectivité même de la réception.

Kamal Zerdoumi, homme de lettres et poète de longue date, est parvenu en toute discrétion, comme dans une lente macération intérieure, loin de la scène publique, à une écriture de grande densité qui fait coïncider la simplicité et la profondeur, la beauté et la précision, l’intensité et la retenue d’une émotion transformée en matière poétique ; une « matière » qui se tient toujours sur le pont subtil d’où elle pourrait basculer dans l’insignifiance, si l’esprit aguerri du poète lâchait prise, en cessant de l’irriguer de son attention exigeante. Cette grâce, cette « insoutenable légèreté » s’obtiennent, peu le savent (mais Kamal le sait), au prix d’une grande force. Cela touche et convainc immédiatement, et les votes unanimes des membres du comité de lecture en témoignent (même si avec de degrés différents d’adhésion).

Marie-Louise Diouf-Sall pratique une poésie-rituel, dont la force vient du langage codé des voyants et des prophètes : un parcours initiatique à travers des événements tout contemporains, une recherche des sources du sens, comme en quête de salut dans un monde de désastres. D’où une impression parfois déroutante comme d’un caléidoscope où les images sont hachées, télescopées, on sent une tension plus forte qui tire au-delà d’elles-mêmes. Suivre ces sentiers escarpés n’est pas facile, mais en vaut bien la peine : des éclats de beauté surgissent aux détours. Il suffit de se laisser porter, amener par la voix saccadée du diseur, les récompenses sont ailleurs…

Mattia Scarpulla mène un projet encore plus radical dans l’effet sur d’expression poétique : un hachage syncopé et haletant des « traces » du vécu dont l’écriture tire ses fils, telle une toile bariolé sur un métier de tissage. On devine derrière cela des histoires fortes, violentes, qui traversent la chair et l’esprit, ça vous arrache la peau… ça racle, c’est une poésie narrative et dramatique mais faite toute en évocation, en ruptures de plans, en angles coupés et en interstices secrets qui cachent des trésors de rythmes et de silences entremêlés. Le verbe du poète gagne en assurance et en force, son style se précise et se singularise (voir ses précédents poèmes publiés ici même au moins de juin).

Adrien Grandamy porte un projet qui unit, on dirait, la grâce apparemment naïve d’une contemplation innocente du monde, à une secrète colère effleurant de l’intérieur la surface de ses poèmes : son dessein est en fait de corriger le monde… de substituer à ses laideurs, un regard neuf, resurgi, réformé, salvifique par ce qu’il donne ou redonne à voir à l’esprit. Ne nous méprenons pas : ce n’est pas de la facilité, c’est du lourd… Encore lui faut-il gagner en transparence, densifier sa vision jusqu’à ce qu’elle devienne aussi légère que remplie de la substantifique moelle du sens, celui de l’accomplissement. Il y travaille… humblement mais avec persévérance (un recueil intitulé Urgence de la patience est en cours d’élaboration).

Hélène Révay est une toute jeune poète, qui éblouit par l’audace de ses sauts par-dessus le vide, par la maturité de son ressenti face au monde, par son refus du mode de vie de nos sociétés mégalopoles : une rébellion à peine retenue qui se perçoit au premier contact avec son écriture mais ne s’impose pas au lecteur, la poète reste intériorisée dans son univers en se refusant toute évasion. Elle vit en poésie, complètement immergée, avec une passion ultime et intransigeante, un oiseau rare de nos jours dont il faudra sans doute guetter les envols futurs. 

NOTA BENE Comme à l’accoutumée, les lectures, les votes et les commentaires sont faits « à l’aveugle », l’identité des auteurs n’étant dévoilée qu’après coup aux membres du comité de lecture, que je remercie tout particulièrement pour leur réception sensible et leur investissement attentif à découvrir ces paysages contrastés.

Quant aux auteurs, qu’ils soient tous remerciés d’avoir accepté de se faire ainsi connaître aux membres de Francopolis et à nos lecteurs.

Dana Shishmanian

Bonne lecture et Belle découverte !


Textes commentés par le Comité de lecture.  -
( Michel Ostertag - Gertrude Millaire - Laurent Philibert-Caillat
  André Chenet et Aurore Delrieu )

*

KAMAL ZERDOUMI


Casablancais de naissance et de cœur,
poète marocain d’expression française vit actuellement à Paris.


Commentaires sur l'ensemble de ses textes :

Les cinq textes ont été retenus à l'unanimité  des membres du comité de lecture, avec des commentaires mettant en évidence l’alliage subtil de simplicité, profondeur et grâce de cette belle écriture. (Dana)

Michel : Cet auteur est empli d’une réelle émotion qui affleure à chacun de ses poèmes. Je vote Oui pour tout, sans hésiter. Dans un style travaillé, il sait donner à sa poésie une dimension exceptionnelle. 

Gertrude : Très belle vision toute imprégnée de couleur d’arc-en-ciel. Une écriture lumineuse comme une fenêtre ouverte sur la vie. Donner tant à voir en si peu de mots, un exploit. Quel beau livre où l’écriture se transforme en illustrations. Mon coup de cœur. 

Laurent : Oui à tous les textes de l'auteur qui, en quelques vers simples, beaux et délicatement ciselés, aborde l'enfance, la paternité, et enfin la vieillesse et le cycle de la vie, sans la mièvrerie que les sujets pouvaient laisser craindre.

tu poursuis au square
un corbeau
gaucherie de l'énigme
dans le silence de l'herbe

Aurore : Oui à tous les textes. Une fluidité extrêmement puissante. Les images sont claires, dégagées, universelles. De l'enchantement de la vie ou de la vieillesse, tout est là pour que l'on puisse se reconnaître parfois dans ces touchants aveux emplis d'émotion. On pourrait y voir de la simplicité au premier abord mais la profondeur est délicatement amenée, c'est une écriture très intelligente !

André : Oui à l'ensemble, en dépit de certaines platitudes et d'une écriture manquant de relief et de ferveur, oui à tous les poèmes de cet auteur adepte de Charles Péguy, pour leur émouvante simplicité, et leur pouvoir d'émerveillement.
La deuxième strophe du deuxième poème m'a enchanté, tandis que la suivante m'a dégrisé lorsque je suis "tombé" sur :

idolâtre
de ton silence

*
Commentaires : T 1. Abandon
Texte retenu à l’unanimité.

Michel : Très beau poème. Grand style ! « Les destins contraires » quelle belle image ! 

Gertrude : Oui. Une poésie pleine de fébrilité et touchante. J’aime bien ce passage : 

Tes paupières closes
tiennent en respect
les destins contraires

[Laurent : Oui.]

[Aurore : Oui.]

[André : Oui.]

** 
Commentaires : T . 2  Amal
Texte retenu à l’unanimité.

Michel : Oui

Gertrude : Oui. Quelle belle poésie dans ce regard et cet amour de l’enfant ! Et d’une belle originalité et sensibilité !  Une écriture à couper le souffle comme un beau livre d’images.

Je deviens père
aux ailes de papillon
fragile
comme ton petit front ridé
par l’effort
de tes yeux venus de l’Inconnu
clair de ton être
fixant mon chaos d’adulte

[Laurent : Oui.]

[Aurore : Oui.]

[André : Oui.]

***
Commentaires : T. 3 Avènement
Texte retenu à l’unanimité.


Michel : Oui

Gertrude : Oui. Toujours dans la même sensibilité et émerveillement ! 
Quel talent d’écriture ! Tout est dit en si peu de mots… On reste figé d’émerveillement.

Dans le creuset viscéral
où croît peu à peu
l’émerveillement
une ébauche d’Homme
écoute la voix de ses parents
tissée de rêverie et d’appréhension

[Laurent : Oui.]

[Aurore : Oui.]

[André : Oui.]

****
Commentaires : T. 4 L'innocence
texte retenu à l'unanimité
.

Michel : Oui

Gertrude : Oui. Je suis encore sous le choc du déroulement de cette scène sous mes yeux. Une simplicité qui capte le moment présent où l’écriture se transforme en film. Je ne vois plus les mots, je suis dans le visuel de la scène. Et une fin à couper le souffle.


instant où partout reverdissen
les pages de ce monde

Laurent : Oui, et souligne ce passage :

tu poursuis au square
un corbeau
gaucherie de l'énigme
dans le silence de l'herbe

[Aurore : Oui.]

[André : Oui.]

*****
Commentaires : T . 5  Printemps
texte retenu à l'unanimité

Michel :
Oui

Gertrude : Oui. Ici on change de créneau… le temps a passé mais l’écriture est restée tout aussi concise et l’image reste figé sur l’écran tout en contraste.

Derrière les vitres
des yeux regardent
la nature renaissante

[Laurent : Oui.]

[Aurore : Oui.]

André : Oui. Le cinquième poème est celui que je préfère. Concis, sensible et bien construit.


* *

MARIE DIOUF-SALL


Docteur en philosophie, Marie-Louise Diouf-Sall a été maître assistante
à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)


Commentaires sur l'ensemble de ses textes :

Cinq textes ont été retenus, avec des appréciations et des choix différents selon les membres du comité de lecture. Une certaine difficulté est ressentie, comme pour déchiffrer un langage codé où les images ne sont pas prisées pour elles-mêmes, s’agissant plutôt d’un parcours initiatique. (Dana)

Gertrude : Ici l’auteur me déroute, m’entraîne dans des paysage inconnus… la route est longue, beaucoup de détours, je me sens un peu perdue… Je voyage dans un autre univers où les paysages et l’histoire me déroutent quelque peu… trop de mots, pas assez d’arrêt sur images.

André : Les majuscules au commencement de chaque vers et dans les poèmes 3, 4 et 5 leur découpage se réduisant à un ou deux ou trois mots entravent et rendent fastidieuse la lecture contrairement au premier qui emporte le lecteur dans une narration épique. Pourtant ce(te) auteur(e) a du talent et du souffle, mais il serait nécessaire qu'il remette en forme le corps de ses créations, remette sur le métier les fils de son écriture.

 *

Commentaires : T 1. Retour des pays natals
texte retenu à l'unanimité

Michel : Poème descriptif. Poésie de qualité. Certains passages atteignent au sublime comme :

« Ici étaient,
Fichés comme des totems,
Des ossements graciés par le temps
Dans la tendresse seule de l’azur
Offerte par la pitié de l’éternité »

 J’avoue que j’ai eu du mal à entrer dans l’œuvre de ce poéte, mais à la relecture, j’ai aimé. OUI sans hésiter.

Gertie : Oui. Une longue promenade où l’auteur nous emmène par la main dans sa réflexion dessinée au son de son pas. Quelques belles images nous accrochent au passage. Le temps s’arrête.

« Fichés comme des totems,
Des ossements graciés par le temps
Dans la tendresse seule de l’azur
Offerte par la pitié de l’éternité »

Laurent : Oui. Belles images naturelles, tantôt âpres et gracieuses, minérales, symboliques…

Aurore : Oui, Assez dépaysant, fleuri et « chaud ».

André : Oui. Un fort morceau de poésie épique même les premiers vers peinent à nous y faire entrer. Et puis dans cet extrait :

Alors comme un tumulte inapaisé
Je me suis réveillée
Dans la violence vague du ressentiment

Le vers « Alors comme un tumulte inapaisé » me semble inapproprié dans le sens où il double plutôt gauchement et affaiblit la portée de : « Dans la violence vague du ressentiment ».
Les deux derniers vers, je les ai trouvés décevants et sans intérêt :

Je ne fais pas partie de la chasse
Et persiste dans la passion.

Pourquoi ne pas finir sur :

...qui ne voulait fuir le combat.


L'ensemble s'en trouverait me semble-t-il renforcé et mettrait en valeur le combat engagé.
Et pourquoi ne pas laisser respirer le poème en le présentant (juste une suggestion) de la façon suivante :

J’ai voulu parer les braises refroidies

par l’éclat vermeil des soleils oubliés

 

Je me suis réveillée

dans la violence vague du ressentiment

et j’ai pris le chemin du haut pays

par les routes desséchées

    où l’oiseau ne chante plus  (…)

 **
Commentaires : T 2. Sahel
Texte retenu à l’unanimité.

Michel : Oui.

Gertrude
 : Oui. Bien que de ma fenêtre enneigée, j’y vois se défiler  ce mélange de culture, de religion et de nostalgie, il me manque la force d’une écriture plus imagée pour bien en saisir l’émotion. Texte peut-être un peu trop fermé, plus un récit qu’une poésie.  Il faudrait élaguer pour me permettre de voir au loin.

Et pourquoi
Comme des bâtons de Moïse
Plantés en marques de
Tombes
Les champs du Niger
S’évident de l’eau.

Laurent : Oui. Étonnant texte qui sait évoquer l'horreur et la dégradation avec un faux détachement d'autant plus émouvant, un rythme taillé à la hache qui pourtant semble couler de source.

Elle,
Elle est visage interdit
Au jour,
Source du péché
Elle revêt la crainte
Pour atours
Et n'a plus que l'arrière
Cours pour servir
Les vautours.

Aurore : Oui. On peut se sentir parfois à l'aise avec ce rythme « d'ailleurs ». Un peu long parfois et la dynamique est lourde de temps en temps mais ça passe.

André : Oui en dépit d'un début difficile, quelque peu poussif  et des longueurs malheureuses .... La première strophe du poème 2 m'incite à le refuser ne serait-ce qu'à cause de :

Il est des fois en transe qui nées

D’oublis,

Assimilent

Arias des champs.

***
Commentaires :
T. 3 Miroir phosphorescent

Michel : Cela m’échappe ! Je ne vote pas. Je ne sais pas quoi dire ni penser.

Gertrude : Non. Je n’arrive pas à saisir la poésie dans ce texte… il me manque une trame bien serré pour voir le canevas.

Laurent : Oui.

Aurore : Oui. J'aime bien ce rythme, ces tournures de phrases, courtes, simples et directes.

André : Non, très pénible, ces vers hachés, mal ficelés, du genre :

Dire la transparence
Est, le mouvement
Des signes, comme
Les feuilles voltigent
De l’arbre graciées en
Apesanteur
Des origines inaudibles.

Comment lire ? La respiration bute sur les arêtes artificielles que forment des ruptures artificielles entre chaque vers. La diction s'en trouve compromise. Et il y a des choses comme :

L’automne,
L’hiver,
Le Printemps

Était.

...que je ne peux laisser passer car ça tue toute poésie.

****
Commentaires :  T. 4 Conte Soufi

Michel : Oui.

Gertrude : Oui. Bien que de style très différent, je perçois ce texte plus comme un brouillon, ça manque de finition. On y sent bien ses coups de crayons mais cette esquisse d’oiseau perd d’autres plumes dans ce jet d’écriture  décousue et la forme d’un mot par ligne déconcentre le lecteur. Je sens ce texte comme un enfant qui apprend à marcher… alors je lui donne sa chance.

Laurent : Oui. J'aime beaucoup la construction de ce poème, les phrases brèves, enchevêtrées, précipitées…

Aurore : Non. Ça me parle moins, je ne rentre pas dedans... trop « simpliste » parfois...

André : Non aux poèmes 4 et 5 pour leur découpage se réduisant à un ou deux ou trois mots entravent et rendent fastidieuse la lecture


*****
Commentaires :  T . 5  Or, l’or

Michel : Oui, mais, il y a des débuts de phrases qui promettent mais restent sans suite réelle et tombent dans des formulations incompréhensibles comme :

J’ai fait l’X

Avec le « jet »

Lors je disais,

Re-essai et RR

Tous deux sommes

De passage.

Le Landlord

A la chair

De la musique.

Gertrude : Oui. Le moins que je puisse dire est qu’on s’y promène dans ce poème-voyage… mais comme un voyage sur place… On ne sort pas de sa ville, c’est le monde qui nous visite et nous impose le rythme. La disposition du poème n’aide pas à suivre le parcours, j’ai l’impression de sauter d’une béquille à l’autre mais le grain est semé… temps et travail fera germer sa poésie. Un beau tableau s’y dessine ici : 

Au Village
Ceinture d’asphalte
Allant de Beyrouth
Au Maryland.

Et j’ai pu
Mettre mes chaussons de
Cordoue
Sans craindre de blesser
Le cuir
Sur les rues de Damas. 

Laurent : Oui. La juxtaposition de noms de lieu, de mots décalés, d'images nettes, donne l'impression d'un voyage initiatique instantané au sens obscur.

Aurore : Non.

André : Non aux poèmes 4 et 5 pour raison de découpage.


* * *


MATTIA  SCARPULLA


Chercheur en danse et écrivain, docteur en Arts, spécialité Danse, Mattia Scarpulla s’est formé en France,
Italie et Belgique. Il vit au Havre.



Commentaires sur l'ensemble de ses textes.

C’est l’auteur le plus controversé de la fournée. Michel n’y adhère pas (un « petit oui » pour le deuxième texte seulement) ; les autres membres du comité de lecture sont entre étonnement admiratif, voire un enthousiasme total (André) et effort d’accommodement à cet univers poétique angulaire, laconique, qui ne mise pas sur l’agréable… On sent pondre dans cette expression syncopée, télescopée entre deux langues, un tumulte de sentiments extrêmes. Les 5 textes sont finalement tous retenus. (Dana)

Gertrude : Le moins que je puisse dire de cet auteur est qu’il me force à faire toute une enjambée pour le rejoindre dans cet ailleurs si lointain. Un monde à découvrir. Ceux qui trouvent longs ces textes…(?) me donnent à réfléchir, peut-être marchons-nous trop à petit pas, les pieds par en dedans. Mon coup de cœur du dépaysement.

Laurent : Oui à tous les textes de cet auteur, qui manifestement se suivent… Que dire ? L'ensemble est très hermétique, mais sait aussi créer une atmosphère violente, charnelle, parfois confuse, parfois pleine de réflexion, chaotique… Ces poèmes ne laissent pas indifférents, bien qu'il soit très difficile de les interpréter – on ne peut que les ressentir ?

Aurore : J'ai eu un peu de difficulté parfois avec cette écriture assez déstabilisante, « tourmentée ». Il y a des choses inaccessibles et d'autres qui auraient mérité d'être un peu plus travaillées...

André : Oui aux 5 poèmes. Du grand art ! et une précision décapante s'ordonnant dans la confusion d'un quotidien morcelé et modelé par la technicité de notre monde contemporain. Une recherche du réel à travers les pièges de la langue, les surprises stylistiques et les interstices de la perception. Le champ est miné et pourtant en prononçant, en articulant ou en "édictant" des tranches de vie, cet auteur parvient à nous perdre dans les méandres de son histoire intime. Les libertés qu'il prend avec la grammaire et la ponctuation, posent les énigmes d'une poésie "à hauteur d'homme". Dire qu'aux deux ou trois premières lectures je refusais tout en bloc pour excès de zèle avant-gardiste... Cet auteur m'a réellement forcé à apprendre à le lire et ça n'est pas pour me déplaire. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans "son langage" mais une fois que le déclic s'est produit, j'avoue avoir été séduit par son approche tâtonnante de la réalité. Pas de rêve. Une exploration à corps perdu.

*
Commentaires : T. 1 Bar Insomnia

Gertrude : Oui. « chiudi gli occhi » me voilà en déroute. Un air de chanson me traverse et me transporte ailleurs. J’aime ce dépaysement et ouvre grand les yeux et les oreilles. Je sens bien que l’auteur vient d’ailleurs, son parfum le trahit… mais j’aime l’odeur et cette audace de poétiser dans ma langue. Je me laisse guider non par la vue mais l’odorat.

Laurent : Réflexion sur l'écriture ? La mémoire ?

je trace en épelant le
tout déjà dit
apri gli occhi. seul l'orgueil reste

Aurore : Oui. J'aime bien le rythme et toutes les images qui en découlent. On est interpellés forcément par ce souffle très novateur.

André : Oui. Je retiens des chocs, des frottements, de mouvements et de forces contraires :

Elle dit : chaque mot a sa place de sang, creuse l’orgueil la revanche. chaque mot n’oublie pas, extirpe la langue par une seule unique trace. je suis la trace avec mes doigts arrachant les masques

**

Commentaires : T. 2 Romania

Michel : Ponctuation à revoir. Texte à améliorer, à mon avis. Petit Oui.

Gertrude : Oui. Un texte où son souffle me pénètre… au-delà des mots, on y découvre des sentiments entremêlés. Des contrastes qui se déchaînent… et nous dévoilent cette solitude du déracinement. Un beau texte comme une leçon d’histoire… ça nous sort de notre douillet quotidien. Défi réussi.

Laurent : Impression d'isolement, de calfeutrement, de solitude avec souvenirs… très réussi.

Aurore : Non. J'aime moins les images... un récit, une histoire mais je n'arrive pas à m'immerger dans cette ambiance.

André : Oui. Ce deuxième poème me paraît moins consistant, indécis, confus.

***

Commentaires : T. 3  3 heures du matin

Michel : Confus. Non

Gertrude : Oui. Oh ! mais quel film ! Je suis la scène à petits pas dans ce dépaysement… et cette soif me rattrape dans mon quotidien. La finale de ce poème est majestueuse !

… et la femme me court après avec toutes ses mains pleines de bouteilles de siècles de mots

Laurent : Atmosphère de panique totale, superbement retranscrite, un traumatisme sous-jacent ? Le passé, simplement ?

je descends vite et la femme de l'accueil raconte toujours et encore la même histoire sur un corps qui explose sur une place sculptée sur mon front

Aurore : Oui. Il y a des mots très forts, très touchants, c'est assez violent aussi.

André : Oui. Je retiens toujours des chocs, des frottements, de mouvements et de forces contraires :

la femme brûle et raconte que je cours et je brûle et la femme me court après
avec toutes ses mains pleines de bouteilles de siècles de mots

****
Commentaires : T. 4 la tête dans le sentiment

Michel : Je n’adhère pas ! Trop long. Obscur. Redondant. Non

Gertrude : Oui. Un texte tout en enchaînement qui donne une force au mouvement. De très beaux contrastes s’enchaînent et donne de l’oxygène au rythme.

l’œil dans le sentiment les pieds s’aèrent en
l’œil par le sentiment les mains se tendent comme air 

le corps a chaque muscle calmement en mouvement
la mer a chaque muscle calmement en cri 

Laurent : Superbe litanie/mélopée, les vers se calquent, s'enchaînent sans heurts, se bouleversent dans la violence et le chaos.

le corps a chaque muscle calmement en mouvement
la mer a chaque muscle calmement en cri
le mouvement a les muscles et les os en lutte dans le vent

Aurore : Non.

André : Oui. Oui. Je retiens... des frottements, des mouvements et des forces contraires :

le corps a chaque muscle calmement en mouvement

la mer a chaque muscle calmement en cri

le mouvement a les muscles et les os en lutte dans le vent

*****
Commentaires : T. 5  que ton corps explose

Michel : Je n’adhère pas ! Trop long. Obscur. Redondant. Non

Gertrude : Oui. Quelle énergie et quelle explosion dans ce poème. Un cri qui retentit jusqu’aux confins de mes paysages… la terre tremble sous mes pieds… trop bien enracinés dans son aisance. Quelle force et quelle détresse ! Quel cri dans ce poème, un aimant qui affole mes battements cardiaques !

… que la lettre soit le corps
que toute ta lettre trace des aventures inouïes
que toute ta lettre soit une géographie éternelle.. 
… que la lettre arrête d’arracher la distance entre ton mon corps
que mon corps explose avant de lire la lettre…
… les souvenirs reviennent comme au marché
pourrions-nous vivre sans aimer encore ?
comme une cacophonie de questions d’une dernière vente adolescente… 

Laurent : Sans doute le texte le plus hermétique et le plus fort de la série… un déferlement d'images, de regrets, d'espoirs…

Aurore : Non. Je trouve ça un peu long, les jeux avec les mots, les phrases et leur sens ne me parlent pas. J'ai « décroché » parfois. 

André : Oui. Ce poème m'a parfaitement ébranlé et pris aux tripes. En poésie, j'aime ces tentatives houleuses de déborder les limites dans "la solitude du miroir de l'écrire".

si je me lève la lettre est lue

si la lettre parle alors je crie

si je crie alors tu existes

comme une lettre âgée

alors le monde est immense


* * * *

ADRIEN  GRANDAMY


 est professeur de lettres dans le 94 et membre de l’association de poètes Hélices.
Il a contribué à l’anthologie Poètes pour Haïti (L’Harmattan, 2010)


Poèmes sans titre

T1. (arbre) - T2. (questionnement) - T3. (reflet) - T4. (marche)

Commentaires sur l'ensemble de ses textes.

Cet auteur gagne partiellement... le cœur des membres du comité de lecture par la grâce naïve de son écriture ; il faut pourtant s’en méfier… ce style est peut-être à prendre au deuxième degré ! Quoi qu’il en soit, cet auteur est en période de mûrissement, d’apprentissage de soi, de quête du sens à travers la parole poétique… nous sommes en attente des futures étapes de son chemin. Quatre des cinq textes ont été retenus. (Dana)

Gertrude : Une poésie légère, presqu’enfantine... le moins que je puisse dire est que cet auteur a gardé son cœur d’enfant… peut-être un peu trop comme un peu trop de facilité dans cette écriture.

André : Trop de jeux de mots douteux, d'assonances faciles du genre :

 "Un chant près de l'écluse
M'est venu grâce à la ruse
D'une pie qu'un vent amuse dans le ciel décomposé."

Malgré tout et en désespoir de cause, je ne retiens que le poème 5, surtout à cause de ce qui suit et qui aurait fait un poème en soi complet :

" J'ai longtemps marché vers le ciel bleuissant
avant l'aube dispersant
la nuit et la grisaille et les nuées rougeâtres.

Trois ponts de chemin de fer
font entendre la traversée de la rivière
par deux trains de voyageurs et un train de marchandises.

Je regarde frétiller un poisson
sous le reflet d'une mouette:
je vois bien qu'il reste un mensonge à nettoyer
au fond de mon âme."

*
Commentaires :
T .1
(arbre)

Michel : Cette façon de parler de la nature est plaisante. Oui. 

Gertrude : Oui. Bof! Ce n’est pas le poème du siècle… mais un peu de légèreté dans ce monde pervers, pourquoi pas ! Il a ce regard de l’enfant trop souvent oublié des grands.

l'azur bat des cils
par les ailes
des oiseaux 

Laurent : Oui. Petit oui ; là encore, une certaine légèreté, mais l'image est assez réussie.

Aurore : Petit oui.

[André : Non.]

**

Commentaires : T .2 (questionnement)

Michel : Cette façon de parler de la nature est plaisante. Oui. 

Gertrude : Oui. C’est léger et rafraîchissant… cette observation !

L'espoir calligraphie un secret sous la cendre. 

Et le ciel a lui-même rajusté son écharpe
Au-dessus
De la grue.
Blancheur. Nue. 

Laurent : Oui. Ici, le jeu des sons et des images est plus abouti.

Aurore : Non.

[André : Non.]

***
Commentaires : T .3 (reflet)

Michel : Réussi ! Oui

Gertrude : Oui, mais seulement pour cette observation, le reste est inutile.

Le reflet du soleil
sur un côté des feuilles
Fait d'elles des recueils
De poésie céleste 

Laurent : Oui.

Aurore : Oui. C'est court mais l'essentiel est là.

[André : Non.]

****
Commentaires : T .4 (marche)

Michel : Dans la foulée des poèmes précédents. Oui

Gertrude : Oui. Toujours dans sa bulle observatrice… il a l’œil de la beauté gratuite qui sait voir l’infini petit qui nous accompagne.

une toile pour attraper et exposer
au petit matin
les perles de la rosée

Laurent : Non. J'aime bien la fin, mais il y a un peu trop d'images convenues, une ambiance un peu trop bucolique (même nuancée).

Aurore : Non. 

[André : Oui.]

* * * * *

HELENE  REVAY


est née à Paris en 1987. Elle a obtenu une licence de philosophie à la Sorbonne
et est actuellement en Master 2 de Lettres à Paris 7. 

Poèmes sans titre

T1 (amour) - T2. (la route) - T3. (silence)
T4. (marche) - T5. (sans passé)

Commentaires sur l'ensemble de ses textes.

Cette auteure laisse voir une sensibilité extrême qui s’exprime amplement, touchant tels des cordes au-dessus du vide, des sujets humains fondamentaux…  Ce qui provoque des réactions différentes chez le lecteur. Entre concentration et extension, c’est sans doute une voix à suivre, au travers de ses éclaircissements et approfondissements futurs. Tous les textes sont retenus.  (Dana)

Gertrude : Ah! Quand la nostalgie s’empare de l’homme… que d’encre versée !

Laurent : … cet auteur (…) semble plus à l'aise lorsqu'il prend l'espace nécessaire pour développer.
Entre concentration et extension, c’est sans doute une voix à suivre, au travers de ses éclaircissements et approfondissements futurs.

André : À cet auteure,  je fais un reproche similaire à celui que j'ai émis à propos de l'auteur(e) 2. Des vers qui s'enchaînent chaotiquement et rendent le cheminement pénible. Si encore il s'agissait de l'expression d'une souffrance, je pourrais comprendre le délitement des vers. Puis il y a des formulations laissant à désirer, des boitements du sens.
Le poème 5, devient interminablement
. Oui très modéré aux poèmes 3 et 4.

*
Commentaires : T .1 (amour)

Michel : Beau poème que j’aime. Oui. La fin est réussie

Gertrude : Oui un peu par générosité… Et pour sa finale.

Et sur le parvis calciné

de nos adorations,

brusquement,

le ciel abdique

Laurent : Petit oui, intéressant, quelques beaux vers :

Et sur le parvis calciné

de nos adorations,

brusquement,

le ciel abdique

Aurore : Oui. 

[André : Non.]

**
Commentaires : T .2 (la route)

Michel : De même. Oui.

Gertrude : Oui … pour sa mise en route… il est en mouvement.

Laurent : Non. Sans doute un texte un brin trop lyrique pour mes goûts, mais c'est personnel…

Aurore : Oui, les images vivent un peu sous nos yeux. J'ai quand même un peu de mal à être sensible à l'écriture. 

[André : Non.]

***
Commentaires : T .3 (silence)
Texte retenu à l’unanimité.

Michel : Oui.

Gertrude : Oui. Je me laisse toujours séduire par une faille ici et là, donc pour sa finale.

Car dans la faille

qui s’épanouit

au fur et à mesure

que grossit le ciel,

             sous son regard,

nous trébuchons

Laurent : Oui. Ici les images accrochent le lecteur ; on ressent un non-dit, l'imminence de quelque chose…

Aurore : Oui. 

[André : Oui.]

****
Commentaires : T. 4 (marche)

Michel : J’aime bien cette répétition : « où marcher ailleurs » Cela donne de l’élan à tout le texte. OUI

Gertrude : Oui. Quand le poète se met en marche, je le suis… c’est instinctif.
Laurent : Oui. Petit oui ; intéressant, des images maîtrisées, sans plus.

Aurore : Non. Il me manque l'émotion, je ne suis pas transportée.

[André : Oui.]

*****
Commentaires : T .5 (sans passé)

Michel : Beau et long poème, à facettes multiples. Maîtrisé parfaitement. OUI.

Gertrude : Non. Un poème à 4 longues strophes… je n’y vois pas l’utilité… ni vraiment de suite. Il y a bien ici et là quelques brides de poésie attirantes  mais pas au point qu’on m’oblige à prendre le tout. Comme lecteur, je me sens leurré… par ce journal intime camouflé en quatre poèmes pour le prix d’un.

Laurent : Oui. Mon texte préféré de cet auteur, qui semble plus à l'aise lorsqu'il prend l'espace nécessaire pour développer ; en revanche, certains vers gagneraient à être regroupés pour éviter « l'étirement sur la page », l'ensemble à être un peu « resserré ». Il en reste néanmoins une belle errance, douce-amère, entre rêve et veille. Très réussi.

Je désire à l'horizon rendre
la verticale pour mieux
atteindre le ciel

Aurore : Oui. Je trouve que l'auteur arrive à nous faire évader avec lui dans ce songe. Subtil mélange d'obscurité et de lumière, à mi-chemin entre la réalité et l'onirisme. Est-ce un rêve, un repli sur soi ou bien y a t-il un événement qui a provoqué ces sombres pensées ? Un constat est fait avec une écriture posée, qui nous amène là où l'auteur veut. J'aime bien...

[André : Non.]

 Nous vous invitons à présent au Salon de lecture,

nous recevons Luc-André Rey, présenté par  Dana Shishmanian

et visiter notre Revue Décembre


***


Dana Shishmanian pour Francopolis, décembre 2012
et les membres de Francopolis.

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Créé le 1 mars 2002